fq-equipe:tremblay_michel_1990_les_vues_animees
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Différents styles d’écriture sont également mis de l’avant, notamment le réalisme magique, le minimalisme, | Différents styles d’écriture sont également mis de l’avant, notamment le réalisme magique, le minimalisme, | ||
- | - Porosité entre le réel et la fiction (entorses aux codes de l’écriture autobiographique par certaines fabulations de l’auteur ou du narrateur). | + | **- Porosité entre le réel et la fiction (entorses aux codes de l’écriture autobiographique par certaines fabulations de l’auteur ou du narrateur).** |
- | La fiction est présentée comme interférant avec la représentation qu’a le jeune personnage de son monde réel et le monde concret dans lequel il gravite teinte également sa perception des films qu’il visionne. Par différents procédés figuratifs, comme la transposition décrite | + | La fiction est présentée comme interférant avec la représentation qu’a le jeune personnage de son monde réel et le monde concret dans lequel il gravite teinte également sa perception des films qu’il visionne. Par différents procédés figuratifs, comme la transposition décrite |
- | - Porosité des langues (francophone, | + | **- Porosité des langues (francophone, |
- | Dans une moindre mesure sont mélangées les langues francophone et anglophone, puisque certaines œuvres abordées par Michel Tremblay ont été visionnées en version originale anglaise. Par exemple, dans « The King and I », le narrateur refuse de s’adresser à la vendeuse du Eaton en anglais, se portant fier défenseur de sa langue française. Pourtant, il lui demande d’écouter des comédies musicales anglophones. Séduit par la trame sonore de la comédie musicale The King and I, c’est en chantant en anglais l’un des extraits, qui suggère la bravoure, qu’il décide d’affronter la femme à la billetterie du cinéma pour aller voir une représentation du film, alors qu’il n’a pas encore l’âge permis pour ce faire : | + | Dans une moindre mesure sont mélangées les langues francophone et anglophone, puisque certaines œuvres abordées par Michel Tremblay ont été visionnées en version originale anglaise. Par exemple, dans « The King and I », le narrateur refuse de s’adresser à la vendeuse du Eaton en anglais, se portant fier défenseur de sa langue française. Pourtant, il lui demande d’écouter des comédies musicales anglophones. Séduit par la trame sonore de la comédie musicale |
- | Whenever I fell afraid | + | Whenever I fell afraid |
- | I hold myself errect | + | I hold myself errect |
- | And whistle a happy tune | + | And whistle a happy tune / |
- | So no one will suspect | + | So no one will suspect |
- | I’m afraid. (p. 142) | + | I’m afraid. (p. 142) |
Le personnage, tout en résistant à la domination culturelle de la langue anglaise dans le Montréal des années cinquante, laisse entrer en lui le sens des œuvres écrites en anglais et les met même en scène dans sa vie quotidienne. | Le personnage, tout en résistant à la domination culturelle de la langue anglaise dans le Montréal des années cinquante, laisse entrer en lui le sens des œuvres écrites en anglais et les met même en scène dans sa vie quotidienne. | ||
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De la porosité existe aussi dans les registres de langue qui composent le roman. Non seulement les dialogues miment le langage parlé de la classe populaire dont Michel est issu, mais aussi, se côtoient un langage qui imite celui de l’enfant ou de l’adolescent, | De la porosité existe aussi dans les registres de langue qui composent le roman. Non seulement les dialogues miment le langage parlé de la classe populaire dont Michel est issu, mais aussi, se côtoient un langage qui imite celui de l’enfant ou de l’adolescent, | ||
- | - Porosité du populaire et du savant. | + | **- Porosité du populaire et du savant.** |
La porosité du populaire et du savant s’observe notamment par la sélection des films sur lesquels nous entretient Michel Tremblay, allant du film d’animation pour enfant au cinéma d’auteur français, passant par les films d’horreur des années cinquante ou par les comédies musicales. Ces genres ne sont pas abordés pour en faire une hiérarchie, | La porosité du populaire et du savant s’observe notamment par la sélection des films sur lesquels nous entretient Michel Tremblay, allant du film d’animation pour enfant au cinéma d’auteur français, passant par les films d’horreur des années cinquante ou par les comédies musicales. Ces genres ne sont pas abordés pour en faire une hiérarchie, | ||
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Également, la porosité du populaire et du savant se reflète sur les lieux de diffusion du cinéma qui sont mis en scène : le salon familial, les différents cinémas des divers quartiers de Montréal et la salle communautaire. Encore une fois, le narrateur n’attribue pas une valeur plus grande aux expériences cinématographiques vécues dans les lieux culturellement valorisés, comme le cinéma d’Outremont. Il trouve en chaque lieu son avantage. | Également, la porosité du populaire et du savant se reflète sur les lieux de diffusion du cinéma qui sont mis en scène : le salon familial, les différents cinémas des divers quartiers de Montréal et la salle communautaire. Encore une fois, le narrateur n’attribue pas une valeur plus grande aux expériences cinématographiques vécues dans les lieux culturellement valorisés, comme le cinéma d’Outremont. Il trouve en chaque lieu son avantage. | ||
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Les récits de Michel Tremblay montrent aussi que la culture lui est donnée par divers médiums et agents et qu’il la transmet à son tour, soit à travers les comptes rendus de film qu’il fait à sa mère ou même par le récit qu’il donne à lire au lecteur. Il apprend aussi le cinéma par sa famille, avec laquelle il discute et débat librement. Les diverses influences s’amalgament et donnent le ton singulier de l’auteur. | Les récits de Michel Tremblay montrent aussi que la culture lui est donnée par divers médiums et agents et qu’il la transmet à son tour, soit à travers les comptes rendus de film qu’il fait à sa mère ou même par le récit qu’il donne à lire au lecteur. Il apprend aussi le cinéma par sa famille, avec laquelle il discute et débat librement. Les diverses influences s’amalgament et donnent le ton singulier de l’auteur. | ||
- | - Porosité des temps de l’histoire et du récit. | + | **- Porosité des temps de l’histoire et du récit.** |
- | Non seulement les récits ne se suivent pas dans un ordre chronologique et s’interpellent les uns les autres, mais dans un même chapitre, le narrateur adopte plusieurs points de vue sur l’histoire qu’il raconte, sans contrevenir au pacte autobiographique qui suggère l’identité entre le narrateur, le personnage et l’auteur. Pour ce faire, | + | Non seulement les récits ne se suivent pas dans un ordre chronologique et s’interpellent les uns les autres, mais dans un même chapitre, le narrateur adopte plusieurs points de vue sur l’histoire qu’il raconte, sans contrevenir au pacte autobiographique qui suggère l’identité entre le narrateur, le personnage et l’auteur. Pour ce faire, l’auteur |
- | - Porosité des différents textes, observée par le jeu intra-intertextuel. | + | **- Porosité des différents textes, observée par le jeu intra-intertextuel.** |
- | Les récits sont autonomes, mais les histoires s’interpellent les unes et les autres pour créer un tissu de signification qui n’existerait pas sans l’ensemble de l’œuvre, mais aussi sans l’ensemble du projet qui réunit trois œuvres : Les vues animées, Douze coups de théâtre et Un ange cornu avec des ailes de tôle. Par exemple, dans Les vues animées, Michel Tremblay raconte son visionnement de Mister Joe, premier film d’horreur auquel il a assisté alors qu’il n’avait que six ans. Mentionnant son effroi, puisqu’il prenait la représentation pour la réalité, il exprime qu’il n’est pas retourné de sitôt au cinéma. A posteriori, le narrateur se demande si sa passion pour les films d’épouvante viendrait de ce moment traumatique. Ce n’est donc pas sans raison que le chapitre suivant est le seul de tout son recueil à aborder la fréquentation d’un genre cinématographique complet plutôt que des films singuliers : les films d’horreur des années cinquante. Le narrateur explique toutefois : « Je savais pourtant que ces films-là étaient la plupart du temps très mauvais. » (p. 129). Tout porte à croire que le chapitre qui précède ne sert qu’à amplifier la justification de sa passion coupable pour les films d’horreur. | + | Les récits sont autonomes, mais les histoires s’interpellent les unes et les autres pour créer un tissu de signification qui n’existerait pas sans l’ensemble de l’œuvre, mais aussi sans l’ensemble du projet qui réunit trois œuvres : //Les vues animées//, //Douze coups de théâtre// et //Un ange cornu avec des ailes de tôle//. Par exemple, dans //Les vues animées//, Michel Tremblay raconte son visionnement de Mister Joe, premier film d’horreur auquel il a assisté alors qu’il n’avait que six ans. Mentionnant son effroi, puisqu’il prenait la représentation pour la réalité, il exprime qu’il n’est pas retourné de sitôt au cinéma. A posteriori, le narrateur se demande si sa passion pour les films d’épouvante viendrait de ce moment traumatique. Ce n’est donc pas sans raison que le chapitre suivant est le seul de tout son recueil à aborder la fréquentation d’un genre cinématographique complet plutôt que des films singuliers : les films d’horreur des années cinquante. Le narrateur explique toutefois : « Je savais pourtant que ces films-là étaient la plupart du temps très mauvais. » (p. 129). Tout porte à croire que le chapitre qui précède ne sert qu’à amplifier la justification de sa passion coupable pour les films d’horreur. |
- | Un autre exemple, qui toucherait cette fois-ci à une intra-intertextualité dans l’ensemble du projet des récits autobiographiques et non seulement dans un de ses tomes serait celui de Blanche-Neige. Dans Les vues animées, « Blanche-Neige et les sept nains » est le récit de la déception que connaît Michel enfant lorsqu’il visionne ce film pour la première fois. Il connaissait déjà l’histoire dans sa vie réelle, à travers les versions qu’on lui racontait avant d’aller dormir ou à travers l’interprétation incarnée par sa cousine Lise qui jouait le rôle de la méchante sorcière et attribuait celui de Blanche-Neige à Michel. Il se trouve que l’enfant jugeait le récit de sa cousine supérieur à la mièvrerie de la version de Disney. Dans Un ange cornu avec des ailes de tôle, un autre chapitre porte le titre de « Blanche-Neige et les sept nains ». Nous y rencontrons un Michel un peu plus vieux, mais réellement marqué par la déception que lui a laissée l’histoire de Blanche-Neige réalisée par Disney. Il consulte alors boulimiquement toutes les versions du conte disponibles à la bibliothèque, | + | Un autre exemple, qui toucherait cette fois-ci à une intra-intertextualité dans l’ensemble du projet des récits autobiographiques et non seulement dans un de ses tomes serait celui de Blanche-Neige. Dans //Les vues animées//, « Blanche-Neige et les sept nains » est le récit de la déception que connaît Michel enfant lorsqu’il visionne ce film pour la première fois. Il connaissait déjà l’histoire dans sa vie réelle, à travers les versions qu’on lui racontait avant d’aller dormir ou à travers l’interprétation incarnée par sa cousine Lise qui jouait le rôle de la méchante sorcière et attribuait celui de Blanche-Neige à Michel. Il se trouve que l’enfant jugeait le récit de sa cousine supérieur à la mièvrerie de la version de Disney. Dans //Un ange cornu avec des ailes de tôle//, un autre chapitre porte le titre de « Blanche-Neige et les sept nains ». Nous y rencontrons un Michel un peu plus vieux, mais réellement marqué par la déception que lui a laissée l’histoire de Blanche-Neige réalisée par Disney. Il consulte alors boulimiquement toutes les versions du conte disponibles à la bibliothèque, |
- | Auteur(e) de la fiche : Karine Gendron | + | **Auteur(e) de la fiche :** Karine Gendron |
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