Axe de recherche Poétique et esthétique (résumé)
Cet axe s’attachera pour sa part à l’étude des œuvres littéraires elles-mêmes et aux tendances dans lesquelles elles s’inscrivent. Son objectif premier est de mettre à l’épreuve notre hypothèse, envisagée cette fois dans une perspective textualiste, c’est-à-dire en tant que principe d’organisation et de signification des œuvres.
Le travail sera mené à partir d’un inventaire de pratiques narratives représentatives de la production contemporaine, en partie constitué par les différents projets réunis par cette programmation, qu’il s’agisse de romans fragmentés ou minimalistes, de romans biographiques, de romans à narration problématique, de fictions d’auteur, de récits du lieu, de récits de soi, etc. Si l’on considérait souvent, en littérature moderne, le roman comme genre total, pouvant absorber les autres pratiques et les mimer, la situation générique paraît différente aujourd’hui : les œuvres ne se réclament pas volontiers du roman, elles s’inventent des étiquettes génériques et déjouent les attentes associées aux genres. Ce sont donc les mouvances (discursives, narratives, esthétiques) discernables dans ces œuvres qui seront interrogées.
Plus concrètement, il s’agira d’identifier les principaux modes de manifestation d’un processus de porosité dans les textes. Si nous en avons déjà signalé certains exemples, l’inventaire devra être raffiné et conduire surtout à dégager des modèles de systématisation basés sur les éléments mis en contact (genres, médias, modes de référentialité, discours, niveaux narratifs, savoirs, esthétiques, etc.) ou sur les types de relation et d’échange instaurés. Ainsi, si la porosité s’oppose, dans le cadre de notre hypothèse, au pur relativisme et désigne un processus structurant, comment plus précisément opère-t-elle?
Il importera, enfin, de définir les effets et les enjeux esthétiques de cette porosité, aussi bien au sein d’œuvres singulières que de différents ensembles constitués. Si d’aucuns voient dans ce phénomène le signe de la dispersion de la littérature contemporaine, de sa dilution dans un milieu médiatique en pleine expansion, il paraît pertinent d’en observer plus finement les possibilités et les usages. En regard du roman total, qui se donne comme une vaste et complexe unité organique, qu’ont à offrir ces œuvres narratives qui cherchent plutôt à exhiber une hétérogénéité et une perméabilité constitutives? Quelle vision du réel et du rôle du récit ce repositionnement du narratif vient-il sanctionner? Si, au sortir de la modernité, la littérature québécoise contemporaine était surtout vue comme la fin du récit collectif et identitaire, qu’ont à proposer les pratiques narratives fondées sur la porosité?