fq-equipe:recherche_sur_les_polemiques_litteraires
Différences
Ci-dessous, les différences entre deux révisions de la page.
Les deux révisions précédentesRévision précédenteProchaine révision | Révision précédente | ||
fq-equipe:recherche_sur_les_polemiques_litteraires [2015/11/16 17:13] – [1985 : Affaire Muir] manon | fq-equipe:recherche_sur_les_polemiques_litteraires [2018/02/15 13:57] (Version actuelle) – modification externe 127.0.0.1 | ||
---|---|---|---|
Ligne 4: | Ligne 4: | ||
**Par Daniel Letendre et Jean-François Thériault** (dépôt: novembre 2015) | **Par Daniel Letendre et Jean-François Thériault** (dépôt: novembre 2015) | ||
+ | |||
+ | Version word du document: {{: | ||
===== Présentation ===== | ===== Présentation ===== | ||
Ligne 46: | Ligne 48: | ||
Notons au passage qu’une sous-polémique a éclaté suite aux articles de Réginald Martel au sujet de la censure de Thériault et de Renaud. Ce dernier, ainsi que Jean-Paul Le Bournis (tous deux dans la page « Tribune libre » de La Presse, édition du 22 février 1983) ont reproché à Martel d’avoir l’indignation sélective lorsqu’il est question de censure. Le Bournis affirme que le critique de La Presse aurait volontairement écarté de sa liste de lecture le roman Les Masques de Gilbert Larocque, pourtant récipiendaire de nombreux prix, sous prétexte que son auteur aurait confronté Martel lors d’un événement public. Renaud, quant à lui, affirme que Martel a refusé de rendre compte de ses trois derniers romans, sous prétexte d’une querelle personnelle (voir entre autres une réaction de Renaud à la critique de Martel du roman de Josette Labbé Jean-Pierre, | Notons au passage qu’une sous-polémique a éclaté suite aux articles de Réginald Martel au sujet de la censure de Thériault et de Renaud. Ce dernier, ainsi que Jean-Paul Le Bournis (tous deux dans la page « Tribune libre » de La Presse, édition du 22 février 1983) ont reproché à Martel d’avoir l’indignation sélective lorsqu’il est question de censure. Le Bournis affirme que le critique de La Presse aurait volontairement écarté de sa liste de lecture le roman Les Masques de Gilbert Larocque, pourtant récipiendaire de nombreux prix, sous prétexte que son auteur aurait confronté Martel lors d’un événement public. Renaud, quant à lui, affirme que Martel a refusé de rendre compte de ses trois derniers romans, sous prétexte d’une querelle personnelle (voir entre autres une réaction de Renaud à la critique de Martel du roman de Josette Labbé Jean-Pierre, | ||
- | * [[1985 : Affaire | + | ===== 1985 : Affaire Muir ===== |
+ | |||
+ | |||
+ | [[1985]] | ||
+ | |||
+ | ==== A) Description ==== | ||
+ | |||
+ | Michel Muir publie en 1985 aux éditions Louise Courteau un essai pamphlétaire intitulé Poètes ou imposteurs?, | ||
+ | |||
+ | ==== B) À la défense de Muir ==== | ||
+ | |||
+ | Plusieurs personnalités sont venues à la défense de Muir, la plupart du temps non pas pour appuyer la thèse spirituelle de celui-ci (que la majorité s’entend pour qualifier de maladroite et de dépassée), | ||
+ | |||
+ | Chez Moebius (« Comment se faire des amis : quatrième tranche », nº26, 1985, p. 97-100), Patrick Coppens reproche à la critique d’avoir joué les vierges offensées devant l’essai de Muir, lui qui aurait osé s’attaquer aux nouvelles « idoles » de la scène littéraire. Pour Coppens, « Muir a écrit un livre injuste, pas trop bien centré […] mais, d’une certaine façon, nécessaire. Dans la mesure où il réagit à des excès, démarque une modernité bébelleuse (prix et médailles), | ||
+ | |||
+ | Pour Adrien Thério (« De l’origine des êtres et des choses ou relation concernant les livres intéressants, | ||
+ | |||
+ | ==== C) Contre Muir ==== | ||
+ | |||
+ | Dans sa critique de l’essai de Muir paru dans les pages du Devoir (« Une poésie à l’eau bénite », 10 août 1985), Gérald Gaudet dira qu’ « on n’arrive pas à comprendre comment ce livre a pu être possible après L’avalée des avalés, L’âge de la parole ou L’échappée des discours de l’œil », n’hésitant pas à comparer le polémiste à « Duplessis pourchassant les pollueurs de l’esprit, tenant à brûler les déchets qui souillent la littérature québécoise ». | ||
+ | |||
+ | Francine Bordeleau, dans les pages de Nuit blanche (nº19, 1985, p. 16-17), « hésite à mourir de rire devant l’ineptie qui consiste à écrire tout un essai sur le postulat de l’écriture poétique comme étant d’essence divine ». Si elle admet que la production des Herbes rouges est loin d’être sans faille, elle s’en prend au « délire paranoïaque » d’un Muir « qui voudrait nettoyer le Québec de cette engeance satanique que sont les Herbes Rouges ». Elle accuse également Muir de sectarisme, affirmant que, pour lui, la seule littérature qui se valle serait celle des « WASPS ». | ||
+ | |||
+ | Pierre Milot (« Les livres parlent : de l’imposture et des imposteurs », Voix et Images, vol. 11, n° 1, 1985, p. 108-113) voit dans le pamphlet de Muir une tentative marchande pour se situer, à la fois lui et son éditrice, dans le champ littéraire québécois. S’il n’est pas particulièrement dur à l’égard de l’essai (il dénonce toutefois « le risque d’obscurantisme généré par ce genre d’entreprise quand, en plus, la compétence technique fait défaut »), Milot voit là une entreprise de marketing assez habile pour se placer en situation d’outsider, | ||
+ | |||
+ | André Brochu (« De Gilles Hénault à King Kong », Voix et Images, vol. 11, nº1, 1985, p. 134) soutient que Michel Muir, en publiant son essai « d’une bêtise phénoménale », a rendu un fier service aux Herbes rouges, leur évitant un examen de conscience « propre à relancer le débat sur la nature et sur les fins de la poésie », débat qui n’aura finalement pas lieu lui selon lui, puisque Muir a monopolisé toute la parole. | ||
+ | |||
+ | Robert Giroux, dans Moebius (« Yeux fertiles », nº26, 1985, p. 107-112), est peut-être celui qui va le plus loin dans sa charge contre les propos de Muir, n’hésitant pas à les qualifier de « néo-fascisme qu[‘il] ne saurait tolérer ». Si Giroux donne raison à Muir quant à « l’effet de clique » et à l’intérêt mitigé qu’ont suscité chez lui certaines parutions des Herbes rouges, il lui reproche de ne pas connaître le milieu qu’il dénonce en ne participant pas à la vie littéraire. Surtout, Giroux dénonce la vision morale et théologique, | ||
+ | |||
+ | [Manquent à ce tableau deux texte de Jean Royer parus dans Le Devoir (1 juin et 2 novembre 1985) qu’il n’a pas été possible de retracer pour l’instant] | ||
+ | |||
+ | ===== 1991-1993 : Affaire Richler ===== | ||
+ | |||
+ | [[1991]]-[[1992]]- [[1993]] | ||
+ | |||
+ | *Note : Cette polémique, comme celles concernant Esther Delisle, Jean Larose et Jacques Pelletier et Monique LaRue, a largement été commentée dans le livre de Dominique Garand, Laurence Daigneault Desrosiers et Philippe Archambault Un Québec polémique. Éthique de la discussion dans les débats publics (Montréal, Hurtubise, coll. « Communications et littérature. Cahiers du Québec », 2014, 451 p.). Ces sections emprunteront donc grandement à leurs réflexions, | ||
+ | |||
+ | Dans le cas de l’affaire Richler, voir : Laurence Daigneault Desrosiers, « L’affaire Mordecai Richler : discours collectifs et parole dissidente, dans Un Québec polémique. Éthique de la discussion dans les débats publics (Montréal, Hurtubise, coll. « Communications et littérature. Cahiers du Québec », 2014, p. 217-266). Je me concentrerai toutefois ici sur l’aspect « littéraire » de la polémique, à ce qui a touché directement le travail d’écrivain de Richler. | ||
+ | |||
+ | ==== A) Description ==== | ||
+ | |||
+ | Cette polémique débute lors de la publication par le magazine The New Yorker d’un long essai de Mordicai Richler intitulé « Inside/ | ||
+ | |||
+ | Selon Laurence Daigneault Desrosiers, dès la première semaine de la sortie de l’article, | ||
+ | |||
+ | L’affaire ne s’arrête toutefois pas là, puisque Richler annonce la sortie d’un essai, baptisé Oh Canada ! Oh Quebec ! Requiem for a Divided Country, dans lequel il reprend et étaye l’essentiel de ses thèses de « Inside/ | ||
+ | |||
+ | Toujours selon Daigneault Desrosiers, l’affaire « inépuisable » durera près d’une année, suscitant autour de 200 articles divers qui réagissent aux propos de Richler. C’est sur le volet identitaire, | ||
+ | |||
+ | ==== B) À la défense de Richler ==== | ||
+ | |||
+ | Daigneault Desrosiers écrit que « rares sont les voix qui se sont élevées pour défendre Richler intégralement […] Il n’y a pas de clan pro-Richler en tant que tel […] l’écrivain faisant ici cavalier seul » (p. 220). Il y a bien quelques textes ça et là qui prennent la défense de l’écrivain, | ||
+ | |||
+ | Norman Webster (« Keeping the pot boiling », The Gazette, 21 septembre 1991) et William Jonhson (« Telling tales out of school », The Gazette, 21 septembre 1991) font partie des rares commentateurs qui défendent sur le coup les propos de Richler. | ||
+ | |||
+ | Nadia Khouri a écrit un livre complet sur l’affaire, | ||
+ | |||
+ | Selon Peter Desbarats, doyen du département de journalisme de l’Université Western Ontario (« Le Devoir, Der Strümer et les autres… », 25 mars 1992), les réactions de l’intelligentsia littéraire et politique anglo-canadienne ont tardé à venir étant donné le statut de Richler : « on peut expliquer cette réticence [parce que] Richler est un romancier, un essayiste et un pamphlétaire de génie. Dans tous les champs de la culture, noble ou populaire, les sociétés ont des critères permissifs pour les gens de talent. » « Il existe une tradition de respect envers la liberté d’expression ; personne ne veut transformer Richler en un Salman Rushdie canadien », écrit-il, en plus d’accuser Richler d’entretenir la polémique pour faire monter ses cachets à verser pour les entrevues et ses droits d’auteurs. L’article de Desbarats est confus sous plusieurs aspects, lui qui essaie visiblement, | ||
+ | |||
+ | ==== C) Contre Richler ==== | ||
+ | |||
+ | La réaction de Michel Bélanger est peut-être la plus souvent citée quant à l’affaire Richler. Elle a placé de nombreux commentateurs dans un entre-deux argumentatif, | ||
+ | |||
+ | Betty Cohen, qui se présente d’entrée de jeu comme étant de la même « famille » que Richler (Juive de Montréal), attaque l’écrivain sur ce qu’elle juge être des attaques faciles (à René Levesque entre autres) et lui reproche de ne pas être, en cela, un bon écrivain. « Un vrai philosophe se bat pour ou contre des idées, non des hommes. Si vous avez des idées, M. Richler, faites-les valoir avec preuves à l’appui et n’insultez personne. Ou taisez-vous ! » (« En seize ans à Montréal, je n’ai jamais été confrontée à un comportement antisémite ! », La Presse, 20 mars 1992). | ||
+ | |||
+ | Un article du Devoir daté du 18 mars 1992 fait état d’une demande que la députée du Bloc Québécois Pierrette Venne a fait à la Chambre des communes, demande visant à ce que le pays resserre ses lois entourant la propagande haineuse, dans le but avoué d’empêcher la sortie de l’essai Oh Canada ! Oh Quebec !. Le même article fait état d’un malaise ressenti de la part du chef du parti en cause, Lucien Bouchard, quant à l’éventuelle censure du texte. « Le fait que ce soit M. Richler qui dise ces choses est très grave. C’est un homme qui a une crédibilité internationale. C’est un homme intelligent et talentueux. C’est un grand écrivain. Je suis troublé par tout cela. Je ne suis pas sûr que ce soit à la hauteur de ses travaux antérieurs mais c’est aux gens d’en juger », dira Bouchard (« Le jugement sur le livre de Mordecai Richler doit émaner du public, dit Lucien Bouchard », Le Devoir, 18 mars 1992). | ||
+ | |||
+ | Pour Nancy Neamtan, Richler « se sert de sa notoriété [d’écrivain] pour attiser le mépris et la haine. » (« L’intelligentsia juive et anglophone doit réagir », La Presse, 20 mars 1992). | ||
+ | |||
+ | Le 3 avril 1992, Richler est désavouée par ce que l’on pourrait qualifier de sa « famille » intellectuelle. En effet, une lettre cosignée par 25 intellectuels et écrivains anglo-canadiens sous l’impulsion de Patricia Smart dénonce l’entièreté des propos de Richler, tout en disant « respect[er] le droit des artistes de critiquer la société. » ([S.A], « 25 intellectuels se dissocient des propos de Richler », Le Devoir, 3 avril 1992.) | ||
+ | |||
+ | Jacques Folch-Ribas, | ||
+ | |||
+ | * "On me dit que vous êtes un bon écrivain. Je ne peux juger de votre style, ne pouvant pas le lire dans votre langue. Mais je doute de ses qualités, car si “le style est l’homme même’’ vos déclarations publiques ne plaident guère en sa faveur. Dans ce monde où de minables faiseurs d’opinions crient au génie devant les borborygmes de n’importe quel écrivaillon, | ||
+ | |||
+ | Dans La souveraineté rampante, Jean Larose consacre un chapitre (« En miroir », La souveraineté rampante, Montréal, Boréal, 1994, p. 25-36.) à l’affaire Richler. Selon lui, Richler peut bien s’époumoner autant qu’il le désire, mais, là où le bât blesse, c’est lorsqu’il utilise le terme « antisémitisme ». Surtout, Larose accuse Richler d’être un « mauvais lecteur », de ne trouver que ce qu’il cherche. | ||
+ | |||
+ | Depuis la polémique, chaque fois que le nom de Richler a refait surface dans le discours médiatique, | ||
+ | |||
+ | Nathalie Petrowski, presque deux ans après tout le tapage entourant la parution d’« Inside/ | ||
+ | |||
+ | La tendance a donc été, autant pendant qu’après la polémique, de faire de Richler un homme bicéphale : polémiste et romancier, en prenant bien soin de les séparer l’un de l’autre. Pour certains, on ne peut absolument pas garder ces deux entités séparées. C’est le cas de Victor-Lévy Beaulieu qui, après avoir été invité à participer à une table ronde sur Richler, signe dans le journal Le Couac un article particulièrement dévastateur intitulé – tout en nuances – « Merdecaï de Montréal » (Le Couac, vol. 5, nº 8, mais 2002). Beaulieu accuse non seulement l’écrivain de xénophobie envers les Québécois francophones (qu’il explique en affirmant que Richler a été « élevé dans un quartier juif de Montréal, battu par son père qui voulait lui entrer de force dans la tête les préceptes d’une religion faisant du juif la seule race élue par Dieu »), mais le relègue au rend de mauvais romancier. « Richler est loin d’être un grand écrivain comme Philip Roth. Ses romans ne disent pas grand-chose de plus que ce que des dizaines d’écrivains juifs ont écrit avant lui sur la difficulté d’être xénophobe tout en le niant presque désespérément. Ce n’est pas non plus d’une écriture transcendante, | ||
+ | |||
+ | Voir aussi : | ||
+ | * BEATON, Balinda, « Quand on ne voit que le pire dans ses semblables… », La Presse, 28 avril 1992. | ||
+ | * BISONNETTE, Lise, « Vu du Woody’s Pub », Le Devoir, 18 septembre 1991. | ||
+ | * GRAHAM, Ron, « Less requiem than rant », Globe and Mail, 28 mars 1991. | ||
+ | * LATOUCHE, Daniel, « Le grand silence », Le Devoir, 28 mars 1992. | ||
+ | |||
+ | ===== 1991-1992: Affaire Delisle ===== | ||
+ | [[1991]] - [[1992]] | ||
+ | |||
+ | *Voir Philippe Archambault, | ||
+ | |||
+ | ==== A) Description ==== | ||
+ | |||
+ | Le 15 juin 1991 (Luc Chartrand, « Le chanoine au pilori »), L’Actualité rend compte des travaux d’une chercheuse de l’Université Laval, Esther Delisle, qui s’apprête à ce moment à déposer sa thèse sur l’antisémitisme au Québec dans les années ’30, et plus spécifiquement sur Lionel Groulx, figure marquante de l’histoire de la pensée au Québec et particulièrement sollicitée chez les penseurs du nationalisme dans la province. La thèse rencontrera de nombreux opposants, dont les membres de son jury ([S.A] « Qui à peur d’Esther Delisle ? », L’Actualité, | ||
+ | |||
+ | ==== B) Contre Delisle ==== | ||
+ | |||
+ | Si l’affaire ne relève pas directement d’un cas littéraire, | ||
+ | |||
+ | Pour ce qui est des réactions à cette polémique, on comprend rapidement, à la lecture de ce corpus, que ce qui fait défaut ici, c’est justement l’absence flagrante de véritables lecteurs. Comme c’était le cas chez Richler, personne ne semble véritablement avoir lu soit la thèse originale de Delisle, soit Le Traître et le Juif. La majorité commente quelques citations, choisies comme étant les plus frappantes, qu’on se renvoie de réaction en réaction, sans rarement proposer un véritable compte rendu analytique des travaux de la chercheuse, et encore moins des écrits de Lionel Groulx. Certains, comme Benoît Melançon (« Le Juif imaginaire », Spirale nº 124, mai 1993, p. 17), y parviennent, | ||
+ | |||
+ | Comme dans le cas de l’affaire Richler, c’est le statut du texte de Delisle qui se trouve au cœur de la polémique. Présenté comme une thèse de doctorat, donc devant obéir à certaines règles d’éthique scientifique, | ||
+ | |||
+ | La polémique refait surface, l’espace de quelque temps, 10 ans plus tard, en 2003, alors que Gerard Bouchard publie aux éditions du Boréal un livre sur Lionel Groulx intitulé Les deux chanoines – Contradiction et ambivalence dans la pensée de Lionel Groulx. Le 11 avril 2003, Esther Delisle envoie une lettre ouverte au Devoir qui reproche à Bouchard d’avoir complètement occulté de ses recherches ses propres travaux. Le 1 mai 2003, Bouchard répond, toujours dans les pages du Devoir, que, comme il l’a indiqué en introduction de son livre, il a écarté les thèses de Delisle parce que la méthodologie de celles-ci laissait à désirer. Il cite un « nombre étonnant d’erreurs » dans les références, | ||
+ | |||
+ | ==== C) À la défense de Delisle ==== | ||
+ | |||
+ | La presse anglophone montréalaise a majoritairement salué les travaux de Delisle et leur façon de remettre en cause les bonnes intentions du nationalisme québécois. | ||
+ | |||
+ | Lysiane Gagnon se range du côté des défenseurs de Delisle, saluant le courage qu’elle a eu de s’attaquer à un « tabou » de l’histoire du Québec (« Sujet tabou », La Presse, 18 février 1993), mais pointe du doigt son éditeur, auquel elle attribue les nombreuses erreurs (entre autres, des citations sans date) qui viennent affaiblir le propos de l’essayiste. | ||
+ | |||
+ | ===== 1993 : Affaire Nancy Huston ===== | ||
+ | [[1993]] | ||
+ | [À compléter] | ||
+ | Réactions après qu' | ||
+ | |||
+ | ===== 1994 : Robert Yergeau, À tout prix : les prix littéraires au Québec ===== | ||
+ | |||
+ | Et : Art, argent, arrangement. Le mécénat d’État (2004) | ||
+ | Charge contre l' | ||
+ | [À compléter] | ||
+ | |||
+ | ===== 1994 : Affaire Pelletier / Larose ===== | ||
+ | [[1994]] | ||
+ | |||
+ | |||
+ | *Note : Cette section s’inspire très fortement d’un article de Jonathan Livernois, « L’ironie contre la sagesse de la petite servante thrace : analyse d’un débat entre Jean Larose et Jacques Pelletier » (Mens, vol. 9, n° 1, 2008, p. 7-34.), entièrement consacré à cette polémique. Je ferai toutefois occasionnellement référence à des écrits satellites, qui ne sont pas toujours cités directement chez Livernois, bien que l’article offre un vaste panorama de l’affaire et une analyse très complète des positions respectives. Pour leur part, Garand, Daigneault Desrosiers et Archambault offrent dans leur ouvrage une analyse rhétorique particulièrement élaborée de la polémique (« Jacques Pelletier et Jean Larose : débattre ou combattre ? », dans Un Québec polémique, op.cit., p. 267-313.) qui a grandement servi à l’élaboration du bref panorama ci-dessous. | ||
+ | |||
+ | ==== a. Description ==== | ||
+ | |||
+ | En 1994, Jacques Pelletier, professeur de littérature à l’UQAM, fait paraître un essai aux éditions VLB intitulé Les habits neufs de la droite culturelle, dans lequel il accuse une poignée d’intellectuels québécois, | ||
+ | Bien peu des accusés de Pelletier tentent de lui répondre. Il faudra Jean Larose, qui n’en est pas à son premier (ni à son dernier) affrontement dans le champ littéraire québécois, | ||
+ | |||
+ | Aussi Pelletier n’a-t-il eu qu’à inventer, puis à répéter que j’étais un nostalgique du cours classique, même si en réalité j’avais écrit le contraire, pour qu’en soient aussitôt persuadés les journalistes et chroniqueurs dont je suis devenu la tête de Turc ! Mon Dieu, m’ont-ils vraiment lu ? N’auraient-ils lu que Pelletier, sans aller vérifier au texte ? Et lui, il s’est peut-être contenté de lire les journalistes avant d’écrire que je suis pour le cours classique ? Mais où donc a-t-elle commencé, cette erreur de lecture ? Nulle part… Il faut croire qu’elle arrangeait tout le monde. | ||
+ | Livernois confirme dans son article (2008) la présence de ce qu’il qualifie de « sophismes d' | ||
+ | |||
+ | On aperçoit poindre, derrière les différentes salves que les belligérants s’envoient par la tête, les traits d’une vague guerre de clochers qui oppose les deux universités francophones de Montréal, l’UQAM (pour laquelle enseigne Pelletier) et l’Université de Montréal (pour laquelle enseigne Larose), et plus spécifiquement leurs départements de littérature respectifs. « À l’Université de Montréal, en tout cas, sur cette '' | ||
+ | |||
+ | Les propos de Larose resteront sans réponse de la part du principal intéressé jusqu’à ce que, trois ans plus tard, Pelletier publie un nouvel essai, intitulé Situation de l’intellectuel critique. La leçon de Broch, à l’intérieur duquel il consacre un chapitre à cette polémique qui, selon lui, n’a pas eu lieu (« Le débat impossible ? », Montréal, XYZ, coll. « Documents », 1997). Larose a usé, selon Pelletier, d’une « rhétorique de la diffamation, | ||
+ | |||
+ | Si les livres de Pelletier et de Larose ont connu une réception critique enviable (spécialement en raison des réactions de leurs auteurs), personne n’osa, dans la presse écrite, sauter directement dans l’arène, laissant les deux adversaires débattre entre eux à ciel ouvert. | ||
+ | |||
+ | ===== 1996-1997 : Affaire LaRue ===== | ||
+ | |||
+ | [[1996]]-[[1997]] | ||
+ | |||
+ | ==== a) Description : ==== | ||
+ | |||
+ | En mars 1996, Monique LaRue a été invitée à donner une conférence au Cétuq de l’Université de Montréal. Intitulée L’arpenteur et le navigateur (titre sous lequel cette conférence a été publiée chez Fides la même année), sa conférence avait pour objet la remise en question de la définition de la « littérature québécoise » devant l’importance grandissante prise par les écrivains migrants, écrivains qui, pour certains commentateurs, | ||
+ | |||
+ | Comme le remarque Dominique Garand_ dans Spirale (n° 228, septembre-octobre 2009), alors que LaRue désirait faire réagir les écrivains québécois « de souche » dont elle démolissait l’argumentaire dans sa conférence, | ||
+ | |||
+ | Garand note que « l’affaire LaRue » est composée de 38 textes (parus dans des revues, journaux, etc.) | ||
+ | |||
+ | La polémique a véritablement été créée lorsque Ghila Sroka, écrivaine juive, a publié un éditorial dans le magazine Tribune juive de mars 1997 où elle accuse LaRue de xénophobie voire de fasciste (voir plus bas). Tribune juive a ensuite consacré son numéro suivant (mai 1997) exclusivement à « l’affaire LaRue », en intitulant cette édition de la revue « Non au Québec xénophobe ». Différents intervenants, | ||
+ | |||
+ | Sroka se place d’emblée dans ce numéro comme la victime d’une « cabale orchestrée par la petite corporation littéraire québécoise pure laine » qu’elle oppose aux « vrais intellectuels de la belle province », et son magazine comme « l’unique média indépendant et libre. » Il n’est jamais question de littérature dans ses textes, ni de ce qui pourrait définir la littérature québécoise. Dans le numéro précédent de Tribune juive, elle a d’ailleurs affirmé qu’une « littérature nationale » était impossible ici puisqu’il n’y a pas de nation à proprement parler qui pourrait justifier une telle expression. | ||
+ | |||
+ | Selon elle, tous les défenseurs de LaRue sont des disciples du chanoine Groulx et lui font un procès stalinien, l’accusant sans preuve de tous les torts. Son article intitulé « La seule grossièreté que je connaisse est la lâcheté » (mai 1997) fait la chronologie, | ||
+ | |||
+ | Ce numéro de mai 1997 est important puisqu’on y trouve à la fois l’histoire de « l’affaire », des textes contre LaRue et sa « réponse » par les tribunaux (Andrée Yanacopoulo), | ||
+ | |||
+ | Le numéro 5 de Tribune juive (juin-juillet 1997) comporte également des textes en lien avec l’affaire LaRue (en fait toute une section du numéro porte ce titre). Marc Angenot réfléchit au lien littérature et nationalisme, | ||
+ | Point de vue intéressant d’Angenot qui montre que tout lien entre idéologie nationaliste et littérature empêche à la fois cette littérature et la société qu’elle dépeint d’être modernes. Il profite de cette lettre pour pourfendre la littérature québécoise, | ||
+ | |||
+ | Monique LaRue a elle-même fait paraître des textes dans les journaux où elle défend sa position, explique son argumentaire, | ||
+ | |||
+ | En août 1997, LaRue, ayant laissé retomber la poussière, écrit un nouveau texte paru dans Le Devoir (13 août 1997, section « Idées ») pour, écrit-elle, | ||
+ | Des extraits de ce texte ont été reproduits dans Tribune juive, vol. 14, n° 6, octobre-novembre 1997, p. 35. | ||
+ | |||
+ | ==== b) Défendeurs de LaRue : ==== | ||
+ | |||
+ | Réginald Martel, La Presse, 15 avril 1997 : fait état de la polémique installée entre Sroka et LaRue et se rapporte à l’argument principal de cette dernière : Sroka a mal lu. | ||
+ | |||
+ | Robert Saletti, Le Devoir, 19 avril 1997 : En faisant le compte rendu de la plaquette de LaRue, Saletti mentionne au passage l’attaque dont l’auteure est victime et écrit la comprendre comme une mauvaise lecture faite avec ou sans mauvaise foi. | ||
+ | |||
+ | Pierre Nepveu, Le Devoir, 26 avril 1997, section « Idées » : Nepveu se présente dans cette lettre comme le directeur du CETUQ (où LaRue a donné sa conférence en mars 1996) et porte-parole de son comité de direction. Encore une fois, c’est la « lecture à l’envers » de Sroka qui est dénoncée comme une « injure à la personne même de Monique LaRue ». | ||
+ | |||
+ | 9-10 juin 1997, « Idées », deux textes : On sort ici tranquillement du débat portant spécifiquement sur le texte de LaRue. Si la polémique qui a suivi la publication est bien à l’origine de la réflexion proposée par Nepveu, c’est davantage à une analyse du « pluriel » et de la difficulté toute québécoise de la conjuguer que s’adonne l’intellectuel. | ||
+ | |||
+ | François Hébert, Le Devoir, 21 mai 1997, section « Idées » : réaction à la lettre de De Sève. Cette lettre est selon lui la preuve d’une dispersion de la censure dans l’ensemble de la société, où tout le monde est taxé d’emblée de mauvaises intentions. Or Hébert montre que l’entreprise de LaRue est précisément de comprendre la censure plutôt que de la réactiver. | ||
+ | |||
+ | Claude Lévesque, Le Devoir, 3 juillet 1997, « Idées » : Lévesque corrige certaines affirmations faites par Sroka au sujet d’une conversation qu’ils ont eu avant la publication du numéro de mars où elle s’attaque à LaRue. Lévesque aurait tenté de persuader Sorka de ne pas publier l’éditorial où elle pourfend l’écrivaine. Il admet du même geste la parenté idéologique qu’il partage avec LaRue. | ||
+ | |||
+ | Claude Jasmin, Le Devoir, 15 juillet 1997, « Idées » : Jasmin revient sur la critique de Nepveu faite par Gary Klang (voir plus bas son argumentaire). Il est intéressant de lire que Jasmin, dès le deuxième paragraphe de son texte, s’inclut comme sujet d’une critique pourtant adressée par Klang à Nepveu. Jasmin écrit : « D’abord, il reproche à Nepveu de ne pas donner le nom de ceux qui nous accusent de “nazisme”. » Ce « nous » fait évidemment référence aux écrivains québécois « de souche » attaqués par les détracteurs de LaRue. En somme, Jasmin retourne les arguments de Klang en montrant qu’il a une vision du Québec qui n’est pas si différente de celle défendue par le personnage d’ami-écrivain mis en scène pas La Rue. | ||
+ | |||
+ | Sur la même page, on trouve un texte de LaRue, qui désire faire le point sur la controverse causée par la publication de sa plaquette. Elle affirme avoir voulu interroger le malaise ressenti après le référendum de 1995 et la déclaration de Parizeau, certains commentaires entendus, une xénophobie larvée et souvent inconsciente d’elle-même. Loin de vouloir imposer à ce personnage écrivain ses propres vues, elle a plutôt tenté de monter un argumentaire visant à le convaincre de sa faute, dans une sorte de dialogue socratique où le point de vue de l’opposant est adopté pour en montrer la fausseté. | ||
+ | |||
+ | Voir aussi : | ||
+ | |||
+ | Demers et le Pen Club | ||
+ | Bulletin de l’UNEQ où LaRue s’exprime. | ||
+ | Texte de Lison Macklovitc dans la Voix Sépharade | ||
+ | Lise Bissonnette, | ||
+ | |||
+ | ==== c) Attaquants de LaRue : ==== | ||
+ | |||
+ | Ghila Sroka, « De LaRue à la poubelle », Tribune juive, vol. 14, n° 3, mars 1997 : Dans cet éditorial, Mme Sroka réagit à la parution de L’arpenteur et le navigateur, conférence qu’elle juge d’entrée de jeu comme « estampillée par la haine, la jalousie et le ressentiment », représentative de la « verve haineuse de l’intelligentsia scribouillarde » québécoise, | ||
+ | Cet éditorial a mis le feu aux poudres des intellectuels, | ||
+ | |||
+ | Micheline De Sève, Le Devoir, 5 mai 1997, cahier « Idées » : Mme De Sève prend ici la défense de « [s]on amie Ghila », qui ne faisait, selon elle, que contester un texte rempli d’ambiguïtés. L’auteure en profite pour faire une rapide analyse de ce qu’elle considère comme des fautes argumentatives dans le texte de LaRue, notamment l’utilisation des pronoms « ils » et « nous », qui expose l’exclusion des immigrants qu’elle affirme pourtant défendre. | ||
+ | |||
+ | Gary Klang, Le Devoir, 3 juillet 1997, « Idées » : Klang réagit aux deux textes de Nepveu en critiquant leur argumentaire. Plus loin, il revient sur l’absence de justification de LaRue lorsqu’elle affirme à la page 10, après avoir rapporté les paroles de son ami-écrivain, | ||
+ | Il défend ensuite le ton adopté par Mme Sroka en rappelant celui utilisé dans par Sartre, Camus, Revel et d’autres dans des écrits participant également d’une polémique. | ||
+ | Je note que M. Klang est un collaborateur régulier de Tribune juive. | ||
+ | |||
+ | ===== 1998 : Affaire Turgeon/ | ||
+ | [[1998]] | ||
+ | |||
+ | *Note : l’ensemble de la polémique est résumé dans un texte de Louise Loiselle, éditrice de Flammarion-Québec, | ||
+ | |||
+ | Conflit opposant l’auteur Pierre Turgeon et Pierre Michaud, représentant de Réno-Dépôt, | ||
+ | |||
+ | Le juge Georges Audet de la Cour supérieure du Québec a débouté M. Turgeon, tout comme la Cour d’appel du Québec. Dans La Presse du vendredi 27 mars 1998, A4 : Affaire Réno-Dépôt: | ||
+ | |||
+ | L’auteur a déclaré au moment du jugement de la Cour d’appel (en mai 2003) qu’il porterait la cause devant la Cour suprême. Rien n’a été trouvé dans les journaux en référence à cette nouvelle tentative de Turgeon de faire invalider la décision. | ||
+ | |||
+ | Pendant toute cette saga, Turgeon a bien sûr eu l’appui de l’ensemble du milieu de l’édition, | ||
+ | |||
+ | Cette polémique pose la question du mécénat à l’époque contemporaine et de ses conséquences sur le droit de propriété intellectuelle. | ||
+ | |||
+ | Voir : | ||
+ | |||
+ | BOIVERT, Yves, «Le PDG de Réno-Dépôt veut un procès secret», La Presse, 17 décembre 1996, p. A9. | ||
+ | _____________, | ||
+ | _____________, | ||
+ | _____________, | ||
+ | CARDWELL, Mark, «The biography blues», Maclean’s, | ||
+ | CHARTIER, Jean, «Biographier d’un des bailleurs de fonds de Duplessis: injonction contre P.-H. le Magnifique», | ||
+ | MONTPETIT, Caroline, «Une biographie litigieuse», | ||
+ | |||
+ | ===== 2004 : L’Affaire VLB ===== | ||
+ | |||
+ | [[2004]] | ||
+ | |||
+ | ==== A) Description ==== | ||
+ | |||
+ | Dans un article proposé à La Presse (« Nos jeunes sont si seuls au monde », 29 février 2004), Victor Lévy-Beaulieu réfléchit à la vigueur de la littérature québécoise en adoptant pour objet la « relève », les jeunes romanciers contemporains. Il met la production de ces jeunes auteurs en perspective avec celle des écrivains des années 1970, qui parcouraient non seulement le territoire québécois, | ||
+ | |||
+ | VLB constate qu’au personnage du grand-père, | ||
+ | |||
+ | Autre transformation « parentale » : le père. Les romans contemporains en font un personnage sinon absent, du moins haï, mauvais, égoïste, un père qui ne remplit jamais son rôle à la fois autoritaire et aimant. L’absence du père laisse une place démesurée à la mère. Il ne faut pas croire, selon lui, que la relation à la mère est plus pure ; la mère est étouffante, | ||
+ | |||
+ | Associant cette « affectivité atrophiée » au lieu, au territoire, les personnages représentant les jeunes refusent de connaître le Québec en voyageant énormément le plus loin possible de la Belle province. Les lieux d’ici sont indéfinis, restent innomés au point où les villes décrites pourraient être ici et nulle part. Le pays, son peuple, sa société sont absents de ces romans de la relève. | ||
+ | |||
+ | VLB remarque que cet aveuglement sur tout ce qui touche le pays se manifeste également dans les références intertextuelles que mettent de l’avant ces jeunes personnages. Et il termine sur cette question : « Un tel enfermement, | ||
+ | |||
+ | Le 25 avril de la même année, VLB répond, toujours dans les pages de La Presse (« Quand souffle le Mistral ») à ceux qui ont réagi à sa lettre, la plupart du temps de jeunes romanciers ou de jeunes éditeurs, tout en martelant les arguments de son brûlot de départ. Le ton y est, difficile d’éviter de le mentionner, fortement paternaliste. Mistral est « trop vieux, mais trop jeune », la « naïveté » des jeunes éditeurs « l’a charmé et amusé », lui qui n’hésite pas à leur conseiller la lecture des quelques ouvrages sur l’édition québécoise. Les jeunes écrivains « apprendront entre autres que les problèmes dont ils parlent ont été vécus avant eux par les Édouard Garaud, les Albert Léversque, les Albert Pelletier et les Bernard Valiquette », écrit-il. | ||
+ | |||
+ | |||
+ | ==== B) Contre VLB ==== | ||
+ | |||
+ | Le texte de VLB a suscité de nombreuses réactions chez les jeunes écrivains dont il parle, la plupart étant recueillies dans un article publié la semaine suivante intitulé « Monsieur Beaulieu, dans quel monde vivez-vous ? » (La Presse, 7 mars 2004) ». Certains, à l’orgueil blessé, attaquent la personne de VLB plutôt que ses idées, tandis que d’autres proposent une réelle réflexion sur les transformations de la littérature et de la société québécoise. Anne-Marie Savoie oppose la bataille pour l’indépendance à celle, contemporaine, | ||
+ | |||
+ | La réponse la plus souvent citée à VLB est probablement celle que lui a faite Marie-Hélène Poitras (ciblée dans l’article de VLB) dans les pages du Voir, intitulée « Nous ne sommes pas si seuls ». Poitras affirme ne pas se reconnaître dans le portrait que dresse l’auteur de Race de monde, en mettant l’accent sur le fait que la production contemporaine est trop bigarrée pour permettre à quiconque de tirer des conclusions si générales sur son état. « Les auteurs que vous avez lus ont tous en commun au moins une chose que vous n’avez pas relevée : leur lucidité corrosive, plus ardue à repérer qu’un archétype récurrent, mais bien présente et précieuse, car elle nous fait et nous défait. Pour paraphraser Saint-Denys Garneau, je dirais que c’est là sans repos que nous prenons appui. », écrit Poitras. | ||
+ | |||
+ | Nelly Arcan, dans sa chronique mensuelle (La Presse, 18 mars 2004), revient sur la lettre de VLB en répondant à la question qu’il pose en clausule de sa lettre : l’imaginaire des jeunes écrivains est-il « la nouvelle vérité d’une société en train de s’effondrer ? » Arcan répond par l’affirmative : « Laissez-nous, | ||
+ | |||
+ | Catherine Paradis (« Si on écoutait les jeunes auteurs ? » Québec français, nº 136, 2005, p. 86-91) propose une lecture de la jeunesse littéraire contraire à celle de VLB, à partir des textes de Mathieu Arsenault (Album de finissant), Grégory Lemay (Le sourire des animaux) et Karoline Georges (Ataraxie). Elle écrit, à propos des jeunes auteurs : « Il faudrait d’abord éviter de les considérer comme un ensemble homogène, puisqu’ils offrent des textes extrêmement diversifiés, | ||
+ | |||
+ | |||
+ | ==== C) À la défense de VLB ==== | ||
+ | |||
+ | Toujours dans l’article « Monsieur Beaulieu, dans quel monde vivez-vous », Stéphane Dompierre, identifié par VLB comme un de ces auteurs de la relève, s’interroge sur la voix que portent les écrivains. Il soumet l’hypothèse que cette voix était auparavant collective alors qu’aujourd’hui elle est individuelle (ce qui, il faut l’admettre, | ||
+ | |||
+ | Philippe-Jean Poirier, écrivain également, ne donne ni tort ni raison à VLB, mais montre comment le premier roman de celui-ci, Race de monde, comprend de nombreuses caractéristiques du premier roman que dénonce l’écrivain de Trois-Pistoles dans son brûlot. | ||
+ | |||
+ | Christian Mistral explique, sur son blogue personnel (http:// | ||
+ | |||
+ | Mistral reproche d’abord à l’équipe de La Presse d’avoir incité VLB à publier son pamphlet et d’avoir, en somme, cherché le conflit. L’auteur de Vamp place Beaulieu en position de victime. Il écrit : « Tout ça pour quoi ? Tout ça pour ce texte de VLB qui une fois de plus s’est pensé plus fin que la presse. Ce génie tout en finesse, d’esprit et de cœur, est toujours aussi démuni devant les manœuvres des gazettes que le jour maudit où il accorda la fameuse entrevue à Nathalie Pétrowski [sic]. » Jocelyne Lepage démentira cette affirmation en disant que « ce n’est pas La Presse qui manipule Victor-Levy Beaulieu ; plutôt le contraire… ». Sur le fond des choses, Mistral répond non pas pour réfuter les dires de Beaulieu, mais pour faire l’hommage de l’écrivain et confirmer la solitude filiale des jeunes d’aujourd’hui pressentie par VLB. Tout en concédant que celui-ci « trempe […] dans un bain de nostalgie » (« Quel écrivain majeur ne macère pas dans ce jus-là ? », précise-t-il), | ||
+ | |||
+ | Le 4 avril 2004, Francine Allard écrit un texte (uniquement disponible en version électronique, | ||
+ | |||
+ | En 2009, dans les pages d’Études françaises, | ||
+ | |||
+ | Dans le numéro d’avril 2013 de la revue en ligne Temps zéro, Francis Langevin analyse la production récente des jeunes romanciers et remarque que « Victor-Lévy Beaulieu semble malgré tout avoir été entendu, ne serait-ce qu’en écho, car on ne compte plus les romans dont l’action se déroule en particulier dans des « parties » de territoire qu’on pourrait toutes appeler « régions » : Gaspésie, Bas-Saint-Laurent, | ||
+ | |||
+ | ===== 2006 : L’Affaire Homel ===== | ||
+ | |||
+ | [[2006]] | ||
+ | |||
+ | ==== A) Description ==== | ||
+ | |||
+ | Le 16 mars 2006, à l’occasion du Salon du livre de Paris qui se tenait, cette année-là, sous le thème de la francophonie, | ||
+ | |||
+ | [L]' | ||
+ | 1- « le Canada [étant] un pays très tranquille », sa littérature l'est aussi ; « Les écrivains québécois ne bénéficient pas de la vague postcoloniale », si bien que les Français s' | ||
+ | 2- « les livres québécois arrivent avec un net accent qui serait difficile à assimiler par la machine de l' | ||
+ | 3- « les grands thèmes de La littérature du Québec restent intimes : la famille et ses secrets, la quête de soi, l' | ||
+ | 4- les écrivains québécois « commencent avec un net désavantage » dans la mesure où 22,3 % de la population âgée de 16 ans et plus « ne sauraient pas lire» ; | ||
+ | 5- l' | ||
+ | (« Au-delà de la controverse : David Homel, écrivain-traducteur anglo-québécois » Spirale, nº 210, 2006, p. 33-36) | ||
+ | |||
+ | |||
+ | ==== B) Contre Homel ==== | ||
+ | |||
+ | |||
+ | La première salve contre les constats d’Homel (et la plus commentée, d’ailleurs) est venue de la part de Madeleine Gagnon qui, dans les pages du Devoir du 22 mars 2006, y est allée d’une charge à fond de train contre le texte d’Homel (selon elle « minable »), mais aussi sur sa personne et sur son statut, le qualifiant entre autres « d’écrivain mineur » et de « petit polémiste au parcours erratique ». Gagnon ira même jusqu’à fomenter l’idée d’une pétition pour la « défense et illustration de la littérature québécoise », pétition qui devrait rallier l’ensemble du milieu littéraire, | ||
+ | |||
+ | Plusieurs autres réactions ont suivi celle de Gagnon, la plupart étant en accord avec la première. Odile Tremblay (Le Devoir, 26 mars), Patrick Bourgeois (La tribune libre de Vigile, 29 mars), Yannick Gasquy-Resh (Le Monde, 31 mars) et Bernard Pozier (L’unique, | ||
+ | |||
+ | André Vanasse, dans Lettres Québécoises, | ||
+ | |||
+ | Aurélien Boivin quant à lui, en ouverture du numéro 142 de Québec Français en 2006, fera sensiblement les mêmes remarques que Vanasse, s’en prenant d’abord au manque de crédibilité d’Homel, le qualifiant de « peu connu » et de « marginal » (Québec Français, nº 142, 2006). Cet argumentaire sera renforcé par l’utilisation constante d’un « nous » (« nos écrivains », « notre littérature » reviennent à de très nombreuses reprises) duquel Homel serait, implicitement, | ||
+ | |||
+ | ==== C) À la défense d’Homel ==== | ||
+ | |||
+ | De nombreux autres penseurs et intellectuels sont intervenus dans le débat non pas pour appuyer directement les propos d’Homel (que la majorité d’entre eux juge comme étant regrettables), | ||
+ | |||
+ | Pierre Lefebvre, dans un texte publié la même année dans Liberté, est loin de se porter directement à la défense d’Homel. Il est, au contraire, très critique des positions de ce dernier, qu’il qualifie tour à tour de « bêtise » et de « niaiserie » (« Entre le signe et les choses », Liberté, nº4 (274), 2006, p. 4-24). Lefebvre ne verse cependant jamais dans la critique ad hominem, piège dans lequel selon lui les détracteurs d’Homel sont trop facilement tombés. Au contraire, il s’attarde à montrer le peu de fondement de certaines observations d’Homel, en argumentant, | ||
+ | |||
+ | Pour Gillian Lane-Mercier, | ||
+ | |||
+ | Les travaux sur la littérature anglo-montréalaise de Martine-Emmanuelle Lapointe abondent dans le même sens. Déjà en 2005 (un an avant le début de la polémique, donc), dans un article paru dans Voix et images intitulé « Les lieux de l’écrivain anglo-québécois », elle faisait remarquer le caractère « à part », d’outsider de David Homel, en plus de son penchant pour la polémique, le qualifiant de « franc-tireur », voire de « tireur d’élite » (Voix et images, vol. 30, nº 3, p. 91). Déjà, Lapointe remarquait certains traits chez Homel qui lui seront, un an plus tard, ouvertement reprochés (refus de l’intimisme, | ||
+ | |||
+ | ===== 2007 et 2011 : L’Affaire Arcan ===== | ||
+ | [[2007]] - [[2011]] | ||
+ | |||
+ | ==== A) Description ==== | ||
+ | |||
+ | En septembre 2007, l’auteure Nelly Arcan était invitée à la très populaire émission Tout le monde en parle, diffusée les dimanches soirs sur les ondes de Radio-Canada, | ||
+ | |||
+ | Il est à noter que, la polémique explosant à un moment où les médias sociaux et les blogues jouissent d’une immense popularité, | ||
+ | |||
+ | |||
+ | ==== B) À la défense d’Arcan ==== | ||
+ | |||
+ | Avant la publication de « La honte » (et donc, avant le déclenchement « officiel » de la polémique), | ||
+ | |||
+ | |||
+ | ==== C) À la défense de Lepage ==== | ||
+ | |||
+ | Guy A. Lepage n’a pas voulu commenter la polémique lors de son éclatement en 2011, préférant rendre disponible sur le site web de Tout le monde en parle l’extrait de l’émission, | ||
+ | |||
+ | Jocelyne Robert (« Si vulnérable », La Presse, 14 septembre 2011) avoue être « stupéfiée […] de lire les commentaires de Nancy Huston dans La Presse ». Pour elle, « [Arcan] vivait en enfer, grugée par le cancer du narcissisme maladif, obnubilée par son besoin insatiable de séduire et d' | ||
+ | |||
+ | Pour Nathalie Petrowski (« Nelly et les poux », La Presse, 14 septembre 2011), on a trop rapidement occulté la dimension fictionnelle de la nouvelle d’Arcan. Elle précise que jamais dans le texte, l’écrivaine ne nomme l’animateur ni son fou du Roi par leurs noms, et y voit un signe clair qu’il ne faut pas prendre la nouvelle comme un témoignage, | ||
+ | |||
+ | « Mais en même temps, on ne peut absolument rien reprocher à Guy A. Lepage. Guy A. Lepage n’a pas été haineux avec elle. Guy A. Lepage a fait son métier, ce soir-là, comme il le fait tous les dimanches. », écrit Stéphane Laporte (« Nelly, Guy A. et la honte », La Presse, 13 septembre 2011). Tout en admettant que les commentaires des animateurs et des invités sur l’apparence d’Arcan étaient « adolescents », voire carrément irrespectueux, | ||
+ | |||
+ | Fabien Loszach, qui a été responsable de rédiger quelques textes pour le site www.nellyarcan.com, | ||
fq-equipe/recherche_sur_les_polemiques_litteraires.1447711990.txt.gz · Dernière modification : 2018/02/15 13:56 (modification externe)