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Recherche sur les polémiques littéraires

Les polémiques littéraires au Québec (1980-2015)

Par Daniel Letendre et Jean-François Thériault (dépôt: novembre 2015)

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Présentation

Le travail qui suit est le résultat d’un travail en archives qui vise à reconstituer le fil des événements qui a donné lieu aux diverses polémiques littéraires qui ont occupé un certain espace médiatique depuis 1980, afin d’en offrir de brefs panoramas. Il s’agit ici de voir de quelle façon la littérature peut être un élément déclencheur à des débats qui l’englobent mais la transcendent. On notera que de nombreux travaux sur le polémique comme espace de parole ont vu le jour au cours des dernières années (voir, entre autres, les travaux de Dominique Garand ). Peut-être que ces années, qui ont vu leur lot d’agitation sociale, étaient particulièrement propices pour revisiter les différentes querelles qui ont jailli dans la sphère sociale québécoise dans l’histoire de la province. Le débat, la querelle et, parfois, l’injure et l’attaque ad hominem font partie, sans aucun doute, de la façon qu’a une société de se réfléchir et de tenter de se cerner.

Certaines polémiques étant si vastes et étendues, il a été impossible, dans un cadre comme celui-ci, d’en couvrir toute la surface. Il a donc fallu faire des choix, exclure certains textes, certaines réactions voire, à l’occasion, certaines polémiques. Il va sans dire, en ce sens, que ce travail est un constant chantier. Les cas Richler et Delisle, par exemple, ont suscité une quantité astronomique de réactions, souvent davantage du côté politique que littéraire. J’ai pris la décision, dans ces cas, de me concentrer sur ce dernier volet. Des polémiques, je l’ai dit, ont également dû être écartées, et ce, pour diverses raisons. C’est le cas d’une querelle qui aurait eu lieu en 1984 entre Les Herbes rouges et La Nouvelle barre du jour sur la nature de Dieu. Impossible, dans ce cas, de trouver – du moins, pour l’instant – de la documentation suffisante pour en tirer un portrait juste. Même chose en ce qui concerne la polémique entre René-Daniel Dubois et Andrée Ferretti, jugée comme plus politique que littéraire . La querelle autour des Versets sataniques de Salman Rushdie, bien qu’elle ait suscitée de nombreuses réactions ici, a été jugée trop touffue et, d’un même souffle, trop éloignée du champ littéraire québécois. Elle mériterait, en cela, une attention toute particulière.

Chaque polémique dont il est question ici a appelé une approche et un modèle particuliers, c’est pourquoi les sections, bien qu’elles soient généralement organisées selon le schéma [a) Description b) Pour c) Contre], ne sont pas nécessairement uniformes. Certaines « affaires » n’ont pas eu de grande résonnance, ce qui explique que l’on ne s’y soit pas trop attardé, en nous contentant de signaler certaines lectures qui pourraient être pertinentes. La plupart des querelles sont d’abord et avant tout des débats médiatiques qui nécessitent de la part des intervenants de prendre une position claire, bref, de choisir son camp. Peu de place ici, on le comprend, pour les positions nuancées, ce qui explique la division entre « pour » et « contre » qui reste, bien entendu, artificielle. Certains textes avec des biais moins tranchés ont été difficiles à classer. On excusera, je l’espère, cette tendance dichotomique qui ne rend probablement pas justice à la réalité des débats.

- Jean-François Thériault

1982-1983 : Affaire Crête

1982-1983 : Affaire Crête

A) Description

En décembre 1982, un professeur du Cégep de Shawinigan, Jean-Pierre Crête, est suspendu parce qu’il a mis au programme Le Cassé de Jacques Renaud et le conte érotique « L’œuvre de chair » d’Yves Thériault. Cette suspension survient suite à un article qui paraît dans Le Nouvelliste de Trois-Rivières (8 décembre 1982) qui mentionne une pétition signée par une trentaine de parents d’étudiants et quelques associations (dont le Cercle des fermières de Lac-aux-Sables) qui se plaignent du caractère « sexuellement explicite » de ces textes.

Le 6 juin 1983, on apprend sous la plume de Réginald Martel (La Presse, « Des écrivains québécois à Paris ») que M. Crête se serait fait offrir une année et neuf mois de salaire payé, en échange de sa démission, offre que le professeur aurait refusée.

Jacques Renaud, auteur du Cassé, signe un texte dans Moebius (nº17, 1983, p. 5-23) qui revient sur l’affaire. Il contient notamment des extraits de tout ce qui s’est publié sur la polémique à partir de dossiers qui lui ont été remis par le professeur concerné, Jean-Pierre Crête, et par Michel Cloutier, journaliste au Nouvelliste. Ce texte constitue la principale source d’informations sur l’affaire toujours disponible, et, sauf indication contraire, la grande majorité des réactions compilées ici proviendront de celui-ci.

B) Contre Crête

La Cégep de Shawinigan s’en prend d’abord à son professeur dans une lettre signée de la main de son directeur, Jean-Guy Farrier, adressée à Crête, qui est citée en partie par Renaud dans son article. On y fait mention d’ « une grossière erreur de jugement […] compte tenu de l’âge des étudiants et de l’interdit que le collège […] avait servi en regard de l’un de ces textes [qui aurait causé] un préjudice grave aux étudiants, au collège ainsi qu’au personnel ». La lettre se termine par l’annonce de la suspension provisoire du professeur pour l’année 1982-1983, nouvelle qui sera relayée par le Nouvelliste le lendemain.

Toujours dans le Nouvelliste (9 décembre 1982), le groupe Parents Vigilants affirme qu’il ne veut pas voir la réputation du Cégep entachée par le manque de jugement d’un professeur. Quelques jours plus tard (le 21 décembre 1982), suite à une lettre ouverte de Jean-Pierre Crête qui dénonçait ce qu’il considérait être de la censure, la direction du Cégep annonce par communiqué la suspension sans salaire du professeur, tout en ajoutant qu’il ne s’agit pas ici d’un cas de censure, mais bien d’une suspension suite à une série de comportements inappropriés répétés de la part du professeur.

Gaston Tessier, dans son éditorial de L’hebdo du Saint-Maurice intitulé « Quand des parents décident de prendre leurs responsabilités » (5 janvier 1983) se réjouit de la décision du collège, martelant le fait que la pornographie est immorale « parce qu’elle rapetisse la réalité la plus intime de l’Amour », associant ainsi les textes au cœur de la polémique à des textes pornographiques. En se basant sur de grands principes chrétiens, il condamne vertement le choix du professeur et prône un enseignement plus moral de ce qu’il désigne comme « l’Amour ».

C) À la défense de Crête

L’Union des écrivains québécois a dénoncé, via un communiqué, l’affaire, en insistant sur le fait que « les élèves du niveau collégial doivent pouvoir suivre des cours de littérature qui donnent une vision juste et la plus complète possible de ce que les écrivains québécois publient ». L’UNEQ réaffirme également le droit qu’a la littérature d’explorer tous les recoins de ce qu’elle appelle « la réalité ».

Réginald Martel, critique littéraire à La Presse, réagit à l’annonce de la suspension de Jean-Pierre Crête dans quelques textes. Le 25 janvier d’abord (« Des classiques au pilori », La Presse), Martel dénonce une attaque à la « liberté académique » de Crête, qui rappelle selon lui l’époque de l’Index de l’abbé Bethléem. Il rappelle d’ailleurs que « les textes proposés aux cégépiens par le professeur Crête avaient été approuvés en mai 1982 par la direction des services pédagogiques du cégep de Shawinigan », et déplore le fait que ce soit des organisations extérieures au Cégep qui aient le fin mot de l’histoire. Dans un article, titré « La censure en liberté » (7 février 1983), il dénonce avant tout le fait que personne, dans le milieu littéraire, outre l’Union des écrivains québécois, ne semble vouloir réagir à ce cas de censure. Dans son article « La liberté conditionnelle » (La Presse, 21 mars 1983), Martel revient sur l’affaire en citant un communiqué que la direction du Cégep a émis afin de clarifier certains points, dont le litige entourant la liberté académique, affirmant que celle-ci n’a jamais été violée dans le cas du professeur Crête. Martel émet des doutes quant à cette affirmation.

Martel fait également mention (« Un salon du livre dynamique », La Presse, 28 février 1983) d’un communiqué émis par le Regroupement des auteurs-éditeurs autonomes (RAÉA) qui condamne durement l’attitude du collège de Shawinigan, qui se termine par une note assassine : « Le RAÉA serait plus heureux encore, est-il permis de croire, si le cégep de Shawinigan, plutôt que de pirater quelques contes de M. Thériault, avait acheté quelques exemplaires de son livre, de façon qu’il touche les droits d’auteur qui sont, n’est-ce pas?, son gagne-pain », soulevant ainsi des doutes quant à l’honnêteté de l’institution.

Dans la « Tribune libre » du journal La Presse (4 mars 1983), Louise Proteau, étudiante à l’UQTR, s’étonne du fait que certaines associations (les Optimistes, les Aféas, Les Cercles de Fermières et les Chevaliers de Colomb) aient plus de poids en ce qui concerne l’enseignement de la littérature que les professeurs eux-mêmes. Elle appelle d’ailleurs au congédiement des responsables de la suspension infligée à M. Crête. Elle ne voit rien de choquant dans les œuvres de Renaud et de Thériault.

Notons au passage qu’une sous-polémique a éclaté suite aux articles de Réginald Martel au sujet de la censure de Thériault et de Renaud. Ce dernier, ainsi que Jean-Paul Le Bournis (tous deux dans la page « Tribune libre » de La Presse, édition du 22 février 1983) ont reproché à Martel d’avoir l’indignation sélective lorsqu’il est question de censure. Le Bournis affirme que le critique de La Presse aurait volontairement écarté de sa liste de lecture le roman Les Masques de Gilbert Larocque, pourtant récipiendaire de nombreux prix, sous prétexte que son auteur aurait confronté Martel lors d’un événement public. Renaud, quant à lui, affirme que Martel a refusé de rendre compte de ses trois derniers romans, sous prétexte d’une querelle personnelle (voir entre autres une réaction de Renaud à la critique de Martel du roman de Josette Labbé Jean-Pierre, mon homme, ma mère dans « Un injuste éreintage », La Presse, 14 mars 1984). Ce cas sera brièvement commenté par le critique lui-même dans un aparté à son texte « Nos revues culturelles : Un bulletin de santé » (La Presse, 14 février 1983) en disant qu’il n’y avait rien de personnel dans son choix de ne pas parler de ces textes, puisqu’il était impossible de toute façon de couvrir l’ensemble de la production littéraire québécoise. Plusieurs commentateurs ont d’ailleurs reproché à Le Bournis et à Renaud cette sortie (voir entre autres le texte de Louise Proteau).

1985 : Affaire Muir

A) Description

Michel Muir publie en 1985 aux éditions Louise Courteau un essai pamphlétaire intitulé Poètes ou imposteurs?, texte qui s’en prend directement au mouvement poétique contre-culturel québécois des années ‘70 et ‘80. Muir vise particulièrement les poètes affiliés à la maison d’édition Les herbes rouges (André Roy, France Théoret, Claude Beausoleil, Lucien Francoeur, etc.), les accusant de ne publier que des plaquettes sans queue ni tête et, de surcroit, de renier les origines mystiques de la poésie au profit de textes volontairement incompréhensibles qui ne servent au final qu’à garnir leur bibliographie personnelle et augmenter leur chance d’obtenir des subventions, subventions qui leurs sont d’ailleurs, selon Muir, accordées la plupart du temps. Le polémiste se réclame d’une vision spirituelle de la poésie, voire même catholique, promouvant le Beau, le Bien et le Vrai. Pour Muir, la poésie des Herbes rouges relève ni plus ni moins du satanisme.

B) À la défense de Muir

Plusieurs personnalités sont venues à la défense de Muir, la plupart du temps non pas pour appuyer la thèse spirituelle de celui-ci (que la majorité s’entend pour qualifier de maladroite et de dépassée), mais plutôt pour applaudir ce coup de gueule envers un effet de mode – la poésie jugée trop hermétique de la contre-culture – dont plusieurs trouvent la réputation surfaite. C’est le cas de Suzanne Robert qui, dans son article « Fascinant Muir » (Liberté, vol. 27, nº5, 1985, p. 156-160) se réjouit du fait que Muir dénonce la « fumisterie des poètes herbes-rougistes » (qu’elle qualifie de « purée de mots à la mode ») mais se désole de la volonté de ce dernier de vouloir « une réinsertion de la poésie dans le contexte religieux d’où elle tire, affirme [Muir], ses origines divines », position qu’elle juge d’un autre temps et qui ouvre la porte, selon elle, à une régression sociale et littéraire. Un peu plus tard, le 12 novembre 1985 dans les pages du Devoir (« Coincée entre le censeur et l’encenseur »), Suzanne Robert adresse une lettre à Jean Royer, lui reprochant un certain à-plat-ventrisme devant ce qu’elle appelle « le pouvoir réel » du « gigantesque paravent herbe-rougiste » qui empêche tout autre type de poésie de se trouver véritablement un lectorat au Québec. Elle termine sa lettre en demandant désormais d’être exclue de ce qu’elle appelle le « conflit Muir-Royer ». Juste sous la lettre, Royer répond. Pour lui, il n’y a jamais eu de conflit « Muir-Royer », mais bien une polémique centrée autour d’un essai provocateur.

Chez Moebius (« Comment se faire des amis : quatrième tranche », nº26, 1985, p. 97-100), Patrick Coppens reproche à la critique d’avoir joué les vierges offensées devant l’essai de Muir, lui qui aurait osé s’attaquer aux nouvelles « idoles » de la scène littéraire. Pour Coppens, « Muir a écrit un livre injuste, pas trop bien centré […] mais, d’une certaine façon, nécessaire. Dans la mesure où il réagit à des excès, démarque une modernité bébelleuse (prix et médailles), avide de pouvoir symbolique ou non, monopolistique. » Ici encore, on reproche à la thèse de Muir son côté théologique.

Pour Adrien Thério (« De l’origine des êtres et des choses ou relation concernant les livres intéressants, curieux, édifiants et même méchants que j’ai lus au cours de l’été », Lettres québécoises, nº 39, 1985, p. 16-20), l’audace de Muir est à saluer. Son idée de ce que doit être la poésie est très claire et abondamment détaillée, et « il est difficile sinon impossible de vouloir s’en prendre à une définition aussi lucide ». Même s’il avoue un malaise face à la chrétienté de l’essayiste, Thério passe outre la polémique autour des Herbes rouges et choisit de lire la proposition de Muir comme un art poétique en bonne et due forme.

C) Contre Muir

Dans sa critique de l’essai de Muir paru dans les pages du Devoir (« Une poésie à l’eau bénite », 10 août 1985), Gérald Gaudet dira qu’ « on n’arrive pas à comprendre comment ce livre a pu être possible après L’avalée des avalés, L’âge de la parole ou L’échappée des discours de l’œil », n’hésitant pas à comparer le polémiste à « Duplessis pourchassant les pollueurs de l’esprit, tenant à brûler les déchets qui souillent la littérature québécoise ».

Francine Bordeleau, dans les pages de Nuit blanche (nº19, 1985, p. 16-17), « hésite à mourir de rire devant l’ineptie qui consiste à écrire tout un essai sur le postulat de l’écriture poétique comme étant d’essence divine ». Si elle admet que la production des Herbes rouges est loin d’être sans faille, elle s’en prend au « délire paranoïaque » d’un Muir « qui voudrait nettoyer le Québec de cette engeance satanique que sont les Herbes Rouges ». Elle accuse également Muir de sectarisme, affirmant que, pour lui, la seule littérature qui se valle serait celle des « WASPS ».

Pierre Milot (« Les livres parlent : de l’imposture et des imposteurs », Voix et Images, vol. 11, n° 1, 1985, p. 108-113) voit dans le pamphlet de Muir une tentative marchande pour se situer, à la fois lui et son éditrice, dans le champ littéraire québécois. S’il n’est pas particulièrement dur à l’égard de l’essai (il dénonce toutefois « le risque d’obscurantisme généré par ce genre d’entreprise quand, en plus, la compétence technique fait défaut »), Milot voit là une entreprise de marketing assez habile pour se placer en situation d’outsider, rappelant que l’éditrice Louise Courteau avait acheté, le 22 juin 1985, un espace publicitaire dans Le Devoir (p. 35) pour dénoncer la « censure » jugée idéologique qu’imposait Jean Royer, alors responsable de la critique littéraire au même journal, au texte de Muir.

André Brochu (« De Gilles Hénault à King Kong », Voix et Images, vol. 11, nº1, 1985, p. 134) soutient que Michel Muir, en publiant son essai « d’une bêtise phénoménale », a rendu un fier service aux Herbes rouges, leur évitant un examen de conscience « propre à relancer le débat sur la nature et sur les fins de la poésie », débat qui n’aura finalement pas lieu lui selon lui, puisque Muir a monopolisé toute la parole.

Robert Giroux, dans Moebius (« Yeux fertiles », nº26, 1985, p. 107-112), est peut-être celui qui va le plus loin dans sa charge contre les propos de Muir, n’hésitant pas à les qualifier de « néo-fascisme qu[‘il] ne saurait tolérer ». Si Giroux donne raison à Muir quant à « l’effet de clique » et à l’intérêt mitigé qu’ont suscité chez lui certaines parutions des Herbes rouges, il lui reproche de ne pas connaître le milieu qu’il dénonce en ne participant pas à la vie littéraire. Surtout, Giroux dénonce la vision morale et théologique, voire téléologique qu’a Muir de la poésie de l’époque.

[Manquent à ce tableau deux texte de Jean Royer parus dans Le Devoir (1 juin et 2 novembre 1985) qu’il n’a pas été possible de retracer pour l’instant]

1991-1993 : Affaire Richler

1991-1992- 1993

*Note : Cette polémique, comme celles concernant Esther Delisle, Jean Larose et Jacques Pelletier et Monique LaRue, a largement été commentée dans le livre de Dominique Garand, Laurence Daigneault Desrosiers et Philippe Archambault Un Québec polémique. Éthique de la discussion dans les débats publics (Montréal, Hurtubise, coll. « Communications et littérature. Cahiers du Québec », 2014, 451 p.). Ces sections emprunteront donc grandement à leurs réflexions, ainsi qu’aux bibliographies qu’ils ont réalisées sur ces polémiques.

Dans le cas de l’affaire Richler, voir : Laurence Daigneault Desrosiers, « L’affaire Mordecai Richler : discours collectifs et parole dissidente, dans Un Québec polémique. Éthique de la discussion dans les débats publics (Montréal, Hurtubise, coll. « Communications et littérature. Cahiers du Québec », 2014, p. 217-266). Je me concentrerai toutefois ici sur l’aspect « littéraire » de la polémique, à ce qui a touché directement le travail d’écrivain de Richler.

A) Description

Cette polémique débute lors de la publication par le magazine The New Yorker d’un long essai de Mordicai Richler intitulé « Inside/Outside » le 23 septembre 1991, dans lequel l’écrivain déplore, sous un ton faussement journalistique, les lois linguistiques en vigueur dans la province à travers différentes anecdotes de son histoire. Un passage choque particulièrement : Richler écrit, au cœur de son article, que les femmes canadiennes-françaises auraient été, à un moment de l’Histoire, considérées comme des « truies », simplement bonnes à enfanter la descendance. À d’autres moments, l’écrivain rappelle le passé antisémite d’une certaine élite québécoise. On se choque, dans la presse québécoise, d’abord des propos de Richler, que certains accusent de tronquer l’Histoire et de la faire parler comme bon lui semble, mais surtout, que cette critique infligée à la société québécoise se fasse de l’autre côté de la frontière, chez les Américains.

Selon Laurence Daigneault Desrosiers, dès la première semaine de la sortie de l’article, pas moins de 25 réactions sont publiées dans la presse québécoise, marquant le début de ce que Lysiane Gagnon a baptisé, le 21 septembre 1991 dans La Presse, comme « L’affaire Richler ».

L’affaire ne s’arrête toutefois pas là, puisque Richler annonce la sortie d’un essai, baptisé Oh Canada ! Oh Quebec ! Requiem for a Divided Country, dans lequel il reprend et étaye l’essentiel de ses thèses de « Inside/Outside ». La querelle reprend dès lors de plus belle, alors que Richler n’hésite pas à réapparaître sporadiquement publiquement afin de réaffirmer voire d’amplifier ses thèses, comparant, entre autres, lors d’une intervention à la radio le journal Le Devoir à Der Strümer, une publication nazie sous le régime d’Hitler.

Toujours selon Daigneault Desrosiers, l’affaire « inépuisable » durera près d’une année, suscitant autour de 200 articles divers qui réagissent aux propos de Richler. C’est sur le volet identitaire, comme le démontre Daigneault Desrosiers, que le cœur de l’affaire se jouera. « Tous les intervenants insistent sur leur appartenance à un groupe culturel, se servant de celle-ci soit pour justifier leur entrée dans le débat, soir pour donner une autorité à leur prise de position. » (p. 224). Je me concentrerai ici sur les prises de position qui concernent, assez largement, la littérature.

B) À la défense de Richler

Daigneault Desrosiers écrit que « rares sont les voix qui se sont élevées pour défendre Richler intégralement […] Il n’y a pas de clan pro-Richler en tant que tel […] l’écrivain faisant ici cavalier seul » (p. 220). Il y a bien quelques textes ça et là qui prennent la défense de l’écrivain, mais ce sont davantage des réactions aux attaques que celui-ci subit que des appuis en bonne et due forme.

Norman Webster (« Keeping the pot boiling », The Gazette, 21 septembre 1991) et William Jonhson (« Telling tales out of school », The Gazette, 21 septembre 1991) font partie des rares commentateurs qui défendent sur le coup les propos de Richler.

Nadia Khouri a écrit un livre complet sur l’affaire, intitulé Qui a peur de Mordecai Richler?, Montréal, Éditions Balzac, coll. « Le vif du sujet, 1995, 159 p.) qui est une défense en règle des thèses et du personnage de Richler.

Selon Peter Desbarats, doyen du département de journalisme de l’Université Western Ontario (« Le Devoir, Der Strümer et les autres… », 25 mars 1992), les réactions de l’intelligentsia littéraire et politique anglo-canadienne ont tardé à venir étant donné le statut de Richler : « on peut expliquer cette réticence [parce que] Richler est un romancier, un essayiste et un pamphlétaire de génie. Dans tous les champs de la culture, noble ou populaire, les sociétés ont des critères permissifs pour les gens de talent. » « Il existe une tradition de respect envers la liberté d’expression ; personne ne veut transformer Richler en un Salman Rushdie canadien », écrit-il, en plus d’accuser Richler d’entretenir la polémique pour faire monter ses cachets à verser pour les entrevues et ses droits d’auteurs. L’article de Desbarats est confus sous plusieurs aspects, lui qui essaie visiblement, en tant qu’Anglo-Québécois, de réparer quelques pots cassés. D’un côté, Desbarats fustige les thèses richlériennes, mais de l’autre, il demande aux commentateurs de les lire en gardant en tête le côté satiriste de leur auteur. Lui, comme d’autres, soulève ainsi le problème du « genre » de « Inside/Outside » : une satire, dit-il, mais publiée dans une colonne habituellement réservée aux reportages internationaux.

C) Contre Richler

La réaction de Michel Bélanger est peut-être la plus souvent citée quant à l’affaire Richler. Elle a placé de nombreux commentateurs dans un entre-deux argumentatif, ne voulant ni défendre Richler, ni approuver les propos de Bélanger. Il écrit : « On ne peut pas vraiment le dire étranger, je pense que l’expression exacte est qu’il n’est pas des nôtres… il ne connaît pas le Québec. Je n’ai pas lu l’article mais d’après ce que j’ai lu avant de Richler, il connaît Montréal, les Cantons de l’Est et les Laurentides. Si vous pensez que c’est connaître le Québec, vous vous trompez . » Cette affirmation a donné lieu à tout un débat identitaire qui a occupé l’immense majorité des réactions aux propos de Richler.

Betty Cohen, qui se présente d’entrée de jeu comme étant de la même « famille » que Richler (Juive de Montréal), attaque l’écrivain sur ce qu’elle juge être des attaques faciles (à René Levesque entre autres) et lui reproche de ne pas être, en cela, un bon écrivain. « Un vrai philosophe se bat pour ou contre des idées, non des hommes. Si vous avez des idées, M. Richler, faites-les valoir avec preuves à l’appui et n’insultez personne. Ou taisez-vous ! » (« En seize ans à Montréal, je n’ai jamais été confrontée à un comportement antisémite ! », La Presse, 20 mars 1992).

Un article du Devoir daté du 18 mars 1992 fait état d’une demande que la députée du Bloc Québécois Pierrette Venne a fait à la Chambre des communes, demande visant à ce que le pays resserre ses lois entourant la propagande haineuse, dans le but avoué d’empêcher la sortie de l’essai Oh Canada ! Oh Quebec !. Le même article fait état d’un malaise ressenti de la part du chef du parti en cause, Lucien Bouchard, quant à l’éventuelle censure du texte. « Le fait que ce soit M. Richler qui dise ces choses est très grave. C’est un homme qui a une crédibilité internationale. C’est un homme intelligent et talentueux. C’est un grand écrivain. Je suis troublé par tout cela. Je ne suis pas sûr que ce soit à la hauteur de ses travaux antérieurs mais c’est aux gens d’en juger », dira Bouchard (« Le jugement sur le livre de Mordecai Richler doit émaner du public, dit Lucien Bouchard », Le Devoir, 18 mars 1992).

Pour Nancy Neamtan, Richler « se sert de sa notoriété [d’écrivain] pour attiser le mépris et la haine. » (« L’intelligentsia juive et anglophone doit réagir », La Presse, 20 mars 1992).

Le 3 avril 1992, Richler est désavouée par ce que l’on pourrait qualifier de sa « famille » intellectuelle. En effet, une lettre cosignée par 25 intellectuels et écrivains anglo-canadiens sous l’impulsion de Patricia Smart dénonce l’entièreté des propos de Richler, tout en disant « respect[er] le droit des artistes de critiquer la société. » ([S.A], « 25 intellectuels se dissocient des propos de Richler », Le Devoir, 3 avril 1992.)

Jacques Folch-Ribas, dans La Presse (« Nous sommes tous des Québécois », 28 avril 1992) interpelle directement Richler et l’accuse de « généralisations racistes » tout en refusant de lui accorder le statut d’écrivain valable. Folch-Ribas est très dur :

  • “On me dit que vous êtes un bon écrivain. Je ne peux juger de votre style, ne pouvant pas le lire dans votre langue. Mais je doute de ses qualités, car si “le style est l’homme même’’ vos déclarations publiques ne plaident guère en sa faveur. Dans ce monde où de minables faiseurs d’opinions crient au génie devant les borborygmes de n’importe quel écrivaillon, si vous étiez un bon écrivain cela se saurait et je ne le sais pas, et les écrivains du monde entier, ceux que je connais, ne le savent pas non plus.”

Dans La souveraineté rampante, Jean Larose consacre un chapitre (« En miroir », La souveraineté rampante, Montréal, Boréal, 1994, p. 25-36.) à l’affaire Richler. Selon lui, Richler peut bien s’époumoner autant qu’il le désire, mais, là où le bât blesse, c’est lorsqu’il utilise le terme « antisémitisme ». Surtout, Larose accuse Richler d’être un « mauvais lecteur », de ne trouver que ce qu’il cherche.

Depuis la polémique, chaque fois que le nom de Richler a refait surface dans le discours médiatique, il est associé à celle-ci. Richler est devenu, depuis 1991, une sorte d’inclassable : à la fois qualifié de romancier de génie et de polémiste maladroit mais diablement efficace. À la mort de l’écrivain en 2001, les différents hommages qui lui sont rendus dans la presse tendent à séparer encore davantage ces deux facettes de l’homme. « Il faisait l’unanimité. Sur deux points : la grandeur de son œuvre et le fait qu’il était un polémiste redoutable », dira Bruno Roy, auteur et président, à cette époque, de l’Union des écrivains du Québec (Stéphanie Bérubé, « L’auteur par qui est arrivée la controverse », La Presse, 4 juillet 2001). Même analyse du côté de Mario Roy, pour qui « l’œuvre véritable – qui, dans le cas de Richler est immense – devient secondaire et déserte la place publique quand se pointent la polémique, la bagarre, la politique. » (« La version de Mordecai », La Presse, 4 juillet 2001 ». Idem pour Gérald Leblanc qui, dans le même journal, signe un article intitulé « Remarquable romancier et féroce mange franco-québécois. »

Nathalie Petrowski, presque deux ans après tout le tapage entourant la parution d’« Inside/Outside », dresse le portrait de l’écrivain de cette façon : « Visiblement, l’homme que ses amis ont décrit comme un pingre, un soûlon, un mauvais journaliste et un désastre vestimentaire est tout cela, mais il est surtout un grand écrivain et, à l’occasion, un monsieur respectable qui ne roule pas systématiquement sous les tables et n’injurie pas par principe tous ceux qu’il ne connaît pas personnellement, sauf peut-être Bernard Landry. » Elle termine d’ailleurs sont article en lançant : « Mordecai Richler est une sorte d’oxymoron québécois. » (non sans avoir avant tout précisé qu’elle croyait, jusqu’alors, que le mot « oxymoron » était la version allongée de son suffixe) (« St-Mordecai-Bar-B-Q », 11 mai 1993.)

La tendance a donc été, autant pendant qu’après la polémique, de faire de Richler un homme bicéphale : polémiste et romancier, en prenant bien soin de les séparer l’un de l’autre. Pour certains, on ne peut absolument pas garder ces deux entités séparées. C’est le cas de Victor-Lévy Beaulieu qui, après avoir été invité à participer à une table ronde sur Richler, signe dans le journal Le Couac un article particulièrement dévastateur intitulé – tout en nuances – « Merdecaï de Montréal » (Le Couac, vol. 5, nº 8, mais 2002). Beaulieu accuse non seulement l’écrivain de xénophobie envers les Québécois francophones (qu’il explique en affirmant que Richler a été « élevé dans un quartier juif de Montréal, battu par son père qui voulait lui entrer de force dans la tête les préceptes d’une religion faisant du juif la seule race élue par Dieu »), mais le relègue au rend de mauvais romancier. « Richler est loin d’être un grand écrivain comme Philip Roth. Ses romans ne disent pas grand-chose de plus que ce que des dizaines d’écrivains juifs ont écrit avant lui sur la difficulté d’être xénophobe tout en le niant presque désespérément. Ce n’est pas non plus d’une écriture transcendante, surtout quand Richler fait dialoguer ses personnages, dans des répliques longuettes et banales comme celles qui font la gloire des mauvais téléromanciers. »

Voir aussi :

  • BEATON, Balinda, « Quand on ne voit que le pire dans ses semblables… », La Presse, 28 avril 1992.
  • BISONNETTE, Lise, « Vu du Woody’s Pub », Le Devoir, 18 septembre 1991.
  • GRAHAM, Ron, « Less requiem than rant », Globe and Mail, 28 mars 1991.
  • LATOUCHE, Daniel, « Le grand silence », Le Devoir, 28 mars 1992.

1991-1992: Affaire Delisle

1991 - 1992

*Voir Philippe Archambault, « Qui se souvient d’Esther Delisle ? », Un Québec polémique. Éthique de la discussion dans les débats publics, Montréal, Hurtubise, coll. « Communications et littérature. Cahiers du Québec », 2014, p. 159-215.)

A) Description

Le 15 juin 1991 (Luc Chartrand, « Le chanoine au pilori »), L’Actualité rend compte des travaux d’une chercheuse de l’Université Laval, Esther Delisle, qui s’apprête à ce moment à déposer sa thèse sur l’antisémitisme au Québec dans les années ’30, et plus spécifiquement sur Lionel Groulx, figure marquante de l’histoire de la pensée au Québec et particulièrement sollicitée chez les penseurs du nationalisme dans la province. La thèse rencontrera de nombreux opposants, dont les membres de son jury ([S.A] « Qui à peur d’Esther Delisle ? », L’Actualité, vol. 16, nº 20, 15 décembre 1991), qui lui reprochent tous une lecture subjective de l’histoire, une lecture qui vise d’abord à entacher le mouvement nationaliste québécois plutôt qu’à fournir une vision juste de la société canadienne-française de l’époque. L’affaire commence à prendre de l’ampleur, et un éditeur (L’étincelle) décide de publier la thèse en 1992 sous le titre Le Traitre et le Juif. Lionel Groulx, Le Devoir, et le délire du nationalisme d’extrême droite dans la province de Québec (1929-1939). L’affaire reprend alors de plus belle. Les thèses de Delisle déclencheront une polémique particulièrement féroce, qui prendra rapidement des dimensions identitaires et qui, encore dans les dernières années, refait surface périodiquement.

B) Contre Delisle

Si l’affaire ne relève pas directement d’un cas littéraire, elle a en revanche tout à voir avec la lecture. C’est du moins ce que Philippe Archambault soutient dans son texte, en suggérant que la polémique autour de la thèse de Delisle est d’abord et avant tout une affaire de lecteurs, « d’abord les lecteurs de L’Actualité et de La Presse, puis des lecteurs d’essais, d’études historiques ; ce dernier lectorat est principalement constitué d’universitaires et de critiques littéraires. » (p. 161). « Les apparences initiales de la controverse sont celles d’un débat d’idées influencé, teinté par les discours de l’heure, mais qui a trait à la lecture du passé. L’expression est métaphorique, car nul ne peut lire le passé. Il s’agit toujours de traces, de données partielles, qui témoignent d’un passé (d’un passage, d’une pensée, d’un événement, etc.) ; un passé que le lecteur se représente, en y reconnaissant une valeur, en y attribuant un sens. » (p. 164), toujours selon Archambault. La polémique est donc centrée autour de deux lectures du passé du Québec des années ’30, chacun des camps accusant l’autre de lire de façon tronquée, bref, d’être de mauvais lecteurs.

Pour ce qui est des réactions à cette polémique, on comprend rapidement, à la lecture de ce corpus, que ce qui fait défaut ici, c’est justement l’absence flagrante de véritables lecteurs. Comme c’était le cas chez Richler, personne ne semble véritablement avoir lu soit la thèse originale de Delisle, soit Le Traître et le Juif. La majorité commente quelques citations, choisies comme étant les plus frappantes, qu’on se renvoie de réaction en réaction, sans rarement proposer un véritable compte rendu analytique des travaux de la chercheuse, et encore moins des écrits de Lionel Groulx. Certains, comme Benoît Melançon (« Le Juif imaginaire », Spirale nº 124, mai 1993, p. 17), y parviennent, et en arrivent ainsi à proposer un regard nouveau sur la polémique. Melançon explique d’abord, ce que peu ont pris le temps de faire, le titre de l’ouvrage de Delisle, en pointant ce qu’elle en entend. Il poursuit en précisant que, toujours selon Delisle, la mouvance nationaliste telle que promue par Groulx n’était pas un mouvement majoritaire dans les années ’30, détail que bien des articles qui ont porté sur la polémique ont complètement occulté. Pour Melançon cependant, le travail de Delisle est loin d’être sans failles. Il reproche d’abord un manque de soin apporté à la méthodologie de recherche, puis finalement un manque de sens critique de la part de la chercheuse, elle qui se contente, selon lui, de lire les textes, mais d’oublier complètement de les analyser, citant au passage des travaux récents exécutés sur l’extrême droite québécoise et française (Pierre Popovic, Marc Angenot, Pierre Anctil, etc).

Comme dans le cas de l’affaire Richler, c’est le statut du texte de Delisle qui se trouve au cœur de la polémique. Présenté comme une thèse de doctorat, donc devant obéir à certaines règles d’éthique scientifique, plusieurs ont vu dans ce travail davantage un pamphlet, genre plus libre, visant à dénoncer une certaine frange du nationalisme québécois (rappelons d’ailleurs que la polémique éclate quelques années seulement avant le référendum de 1995, et donc en pleine effervescence nationale) et une de ses figures de proue, le chanoine Groulx. À la sortie de Le Traître et le Juif, Robert Saletti, du Devoir, (« Dois ce que je fais », 26 septembre 1992) reproche à Delisle de vouloir faire passer certaines prises de position pour des faits historiques. « Les citations [choisies par Delisle] tombent comme des clous, pour ainsi dire, dans un effort évident pour river l’objet critique au tapis », écrit Saletti, qui reproche également à la doctorante de ne jamais questionner les sources qu’elle convoque. À La Presse, Pierre Vennat abonde dans le même sens : « le livre d’Esther Delisle tient davantage du pamphlet ou du texte polémique que de la thèse scientifique de doctorat ». Archambault remarque d’ailleurs qu’« il y a là une stratégie rhétorique. En rangeant Le Traître et le Juif sous le genre pamphlétaire, le journaliste n’a pas à le traiter en fonction des présupposés de la recherche scientifique. » (p. 176).

La polémique refait surface, l’espace de quelque temps, 10 ans plus tard, en 2003, alors que Gerard Bouchard publie aux éditions du Boréal un livre sur Lionel Groulx intitulé Les deux chanoines – Contradiction et ambivalence dans la pensée de Lionel Groulx. Le 11 avril 2003, Esther Delisle envoie une lettre ouverte au Devoir qui reproche à Bouchard d’avoir complètement occulté de ses recherches ses propres travaux. Le 1 mai 2003, Bouchard répond, toujours dans les pages du Devoir, que, comme il l’a indiqué en introduction de son livre, il a écarté les thèses de Delisle parce que la méthodologie de celles-ci laissait à désirer. Il cite un « nombre étonnant d’erreurs » dans les références, allant même jusqu’à démontrer que « sur 57 renvois à des textes de Groulx annoncés comme ayant paru dans l’Action nationale entre 1933 et 1939, 28 sont inexacts (dont 23 n’ont même pas pu être retrouvés dans la revue). »

C) À la défense de Delisle

La presse anglophone montréalaise a majoritairement salué les travaux de Delisle et leur façon de remettre en cause les bonnes intentions du nationalisme québécois.

Lysiane Gagnon se range du côté des défenseurs de Delisle, saluant le courage qu’elle a eu de s’attaquer à un « tabou » de l’histoire du Québec (« Sujet tabou », La Presse, 18 février 1993), mais pointe du doigt son éditeur, auquel elle attribue les nombreuses erreurs (entre autres, des citations sans date) qui viennent affaiblir le propos de l’essayiste.

1993 : Affaire Nancy Huston

1993 [À compléter] Réactions après qu'elle ait obtenu le prix du Gouverneur général francophone

1994 : Robert Yergeau, À tout prix : les prix littéraires au Québec

Et : Art, argent, arrangement. Le mécénat d’État (2004) Charge contre l'institution des prix littéraires. Je crois aussi qu’y sont abordés des querelles, comme celle d’Huston. [À compléter]

1994 : Affaire Pelletier / Larose

1994

*Note : Cette section s’inspire très fortement d’un article de Jonathan Livernois, « L’ironie contre la sagesse de la petite servante thrace : analyse d’un débat entre Jean Larose et Jacques Pelletier » (Mens, vol. 9, n° 1, 2008, p. 7-34.), entièrement consacré à cette polémique. Je ferai toutefois occasionnellement référence à des écrits satellites, qui ne sont pas toujours cités directement chez Livernois, bien que l’article offre un vaste panorama de l’affaire et une analyse très complète des positions respectives. Pour leur part, Garand, Daigneault Desrosiers et Archambault offrent dans leur ouvrage une analyse rhétorique particulièrement élaborée de la polémique (« Jacques Pelletier et Jean Larose : débattre ou combattre ? », dans Un Québec polémique, op.cit., p. 267-313.) qui a grandement servi à l’élaboration du bref panorama ci-dessous.

a. Description

En 1994, Jacques Pelletier, professeur de littérature à l’UQAM, fait paraître un essai aux éditions VLB intitulé Les habits neufs de la droite culturelle, dans lequel il accuse une poignée d’intellectuels québécois, dont font partie entre autres François Ricard, Jacques Godbout, Denise Bombardier et Jean Larose (tous centrés autour de la collection « Papiers collés » des éditions du Boréal et l’ancienne garde de la revue Liberté), d’avoir renié certains idéaux propres à l’esprit de la Révolution tranquille et d’être devenus, trente ans plus tard, les apôtres d’une culture élitiste, empreinte d’un mépris pour la culture populaire. Pire encore : ces intellectuels prôneraient implicitement, pour Pelletier, une sorte de retour à un « ancien régime » (d’où le sous-titre donné à son essai, « les néo-conservateurs et la nostalgie de la culture d’Ancien Régime »). Bref, Pelletier les accuse d’avoir changé leur fusil d’épaule et d’être passés, sans le dire tout haut, de la gauche vers la droite. Bien peu des accusés de Pelletier tentent de lui répondre. Il faudra Jean Larose, qui n’en est pas à son premier (ni à son dernier) affrontement dans le champ littéraire québécois, pour y aller d’une charge de front contre Pelletier, ce qui déclenchera une fois pour toutes la polémique. La même année donc, Larose répond à Pelletier dans un chapitre de son essai La souveraineté rampante (« Pelletier, Foglia et les pédagogues », Montréal, Boréal, 1994, p. 39-88.), avec la volonté de « remettre [Pelletier] à sa place, au sens civique du terme », en défendant ce qu’il appelle la « souveraineté littéraire ». Il s’interroge d’abord sur la pertinence d’établir une dichotomie entre gauche et droite et, surtout, de considérer ces deux termes comme deux catégories immuables, et de s’en servir comme autant d’étiquettes. François Ricard, également au banc des accusés de Pelletier, même s’il ne prend pas activement part à la polémique, abonde dans le même sens que Larose quant aux catégorisations à la va-vite (« Le grand humour », L’inconvénient, nº 5, 2001, p. 15-27). Puis, Larose accuse Pelletier de ne pas l’avoir bien lu, ou encore de ne pas l’avoir lu du tout lorsqu’il l’accuse de faire la promotion du retour au cours classique, étiquette qui suivra Larose une bonne partie de sa carrière. Larose écrit :

Aussi Pelletier n’a-t-il eu qu’à inventer, puis à répéter que j’étais un nostalgique du cours classique, même si en réalité j’avais écrit le contraire, pour qu’en soient aussitôt persuadés les journalistes et chroniqueurs dont je suis devenu la tête de Turc ! Mon Dieu, m’ont-ils vraiment lu ? N’auraient-ils lu que Pelletier, sans aller vérifier au texte ? Et lui, il s’est peut-être contenté de lire les journalistes avant d’écrire que je suis pour le cours classique ? Mais où donc a-t-elle commencé, cette erreur de lecture ? Nulle part… Il faut croire qu’elle arrangeait tout le monde. Livernois confirme dans son article (2008) la présence de ce qu’il qualifie de « sophismes d'inférence » dans le texte de Pelletier. « L'argumentation, qui se voulait objective, est viciée », écrit-il.

On aperçoit poindre, derrière les différentes salves que les belligérants s’envoient par la tête, les traits d’une vague guerre de clochers qui oppose les deux universités francophones de Montréal, l’UQAM (pour laquelle enseigne Pelletier) et l’Université de Montréal (pour laquelle enseigne Larose), et plus spécifiquement leurs départements de littérature respectifs. « À l’Université de Montréal, en tout cas, sur cette montagne dont le relief affole tellement la jalousie, nous enseignons à nos étudiants qu’il est essentiel, pour bien lire un texte, de relever avec précaution les nombreuses voix qui s’y font entendre. », écrit Larose. C’est donc deux visions de la littérature qui s’affrontent ici, comme le remarque Jonathan Livernois dans son article, évoquant au passage un retour au débat entre régionalistes et exotiques. « La littérature souveraine contre l'objectivité des faits, du concret, renforcée par la sagesse populaire de la petite servante thrace : autrement dit, une opposition entre un monde romanesque et un monde scientifique, entre le non-sérieux et le sérieux. Plus qu'une simple dichotomie gauche/droite, ce que révèle l'analyse des procédés rhétoriques de Pelletier et de Larose, c'est une coupure profonde qui condamne à un dialogue de sourds, chacun des protagonistes vivant sur sa planète culturelle », résume Livernois.

Les propos de Larose resteront sans réponse de la part du principal intéressé jusqu’à ce que, trois ans plus tard, Pelletier publie un nouvel essai, intitulé Situation de l’intellectuel critique. La leçon de Broch, à l’intérieur duquel il consacre un chapitre à cette polémique qui, selon lui, n’a pas eu lieu (« Le débat impossible ? », Montréal, XYZ, coll. « Documents », 1997). Larose a usé, selon Pelletier, d’une « rhétorique de la diffamation, à la limite du libelle et de la littérature haineuse » (p. 70), et ce dernier ne savait tout simplement pas quoi répondre à « un discours constitué pour l’essentiel d’insultes, d’injures et dépourvu, pour reprendre une expression de Pierre Milot, de toute rationalité argumentative. » (p. 72).

Si les livres de Pelletier et de Larose ont connu une réception critique enviable (spécialement en raison des réactions de leurs auteurs), personne n’osa, dans la presse écrite, sauter directement dans l’arène, laissant les deux adversaires débattre entre eux à ciel ouvert.

1996-1997 : Affaire LaRue

a) Description :

En mars 1996, Monique LaRue a été invitée à donner une conférence au Cétuq de l’Université de Montréal. Intitulée L’arpenteur et le navigateur (titre sous lequel cette conférence a été publiée chez Fides la même année), sa conférence avait pour objet la remise en question de la définition de la « littérature québécoise » devant l’importance grandissante prise par les écrivains migrants, écrivains qui, pour certains commentateurs, ne peuvent être considérés comme « québécois » parce qu’ils dérogent à tout ce qui caractérise cette appellation (une certaine utilisation du langage, l’inscription dans l’histoire et le développement poétique et esthétique de la littérature québécoise, un cadre de références communes, une recherche d’identité, etc.). LaRue, s’inscrivant en faux contre cette conception homogénéisante de la littérature québécoise, propose deux types de personnages, l’arpenteur et le navigateur, dont le dialogue est essentiel à la constitution d’une littérature « nationale ». Proposant une réflexion sur l’héritage, la mémoire et ses traces, sur l’identité nationale, LaRue a évidemment créé une forte polémique autour de ces questions ravivées par le référendum de 1995 et la déclaration de Parizeau lors de son discours de défaite, polémique qui repose pour l’essentiel sur la lecture de l’essai faite par Ghila Sroka dans Tribune juive (mars 1997), qui accuse LaRue de propager « la haine, la jalousie et le ressentiment » alors que l’argumentaire de LaRue se dirige efficacement vers la position inverse.

Comme le remarque Dominique Garand_ dans Spirale (n° 228, septembre-octobre 2009), alors que LaRue désirait faire réagir les écrivains québécois « de souche » dont elle démolissait l’argumentaire dans sa conférence, ce sont plutôt les écrivains migrants qui ont pris LaRue en grippe en considérant « l’ami-écrivain », personnage qui tient des propos discutables sur les écrivains migrants, comme le porte-parole de la romancière. Garand décrit cette polémique comme « un désastre intellectuel à cause d[’une] polarisation nocive et abêtissante » (p. 33). Cette affaire révèle une « crise de la représentation au sein du monde littéraire », du « rapport de la littérature à la collectivité » (p. 34).

Garand note que « l’affaire LaRue » est composée de 38 textes (parus dans des revues, journaux, etc.)

La polémique a véritablement été créée lorsque Ghila Sroka, écrivaine juive, a publié un éditorial dans le magazine Tribune juive de mars 1997 où elle accuse LaRue de xénophobie voire de fasciste (voir plus bas). Tribune juive a ensuite consacré son numéro suivant (mai 1997) exclusivement à « l’affaire LaRue », en intitulant cette édition de la revue « Non au Québec xénophobe ». Différents intervenants, détracteurs de LaRue, y vont de leur interprétation de la plaquette et de la vision du Québec qui, selon eux, y apparaît. Sroka a cru bon d’insérer dans ce numéro une lettre adressée à Tribune juive par Pierre Nepveu qui fait, selon elle, « comme d’habitude dans la déraison ». De même, elle attaque Jeanne Demers, alors présidente du P.E.N Club, en disant qu’elle « fait dans le délire » dans une lettre qu’elle lui a envoyée, lettre que Sorka a décidé de ne pas reproduire pour « ne pas entacher la présente livraison de Tribune juive ». Je note que quelques paragraphes plus haut, la même Sroka militait pour le « droit à la parole, la liberté de presse, la liberté de penser ».

Sroka se place d’emblée dans ce numéro comme la victime d’une « cabale orchestrée par la petite corporation littéraire québécoise pure laine » qu’elle oppose aux « vrais intellectuels de la belle province », et son magazine comme « l’unique média indépendant et libre. » Il n’est jamais question de littérature dans ses textes, ni de ce qui pourrait définir la littérature québécoise. Dans le numéro précédent de Tribune juive, elle a d’ailleurs affirmé qu’une « littérature nationale » était impossible ici puisqu’il n’y a pas de nation à proprement parler qui pourrait justifier une telle expression.

Selon elle, tous les défenseurs de LaRue sont des disciples du chanoine Groulx et lui font un procès stalinien, l’accusant sans preuve de tous les torts. Son article intitulé « La seule grossièreté que je connaisse est la lâcheté » (mai 1997) fait la chronologie, de son point de vue, de l’affaire LaRue, chronologie où elle brise les uns après les autres les liens amicaux qui la liaient à ceux qui défendent LaRue. Elle dit avoir « démasqué » Claude Lévesque, qu’elle considérait pourtant comme un « intellectuel honnête » ; la lettre envoyée par Nepveu est, selon elle, « merdique » ; Monique LaRue est, dans la sphère littéraire québécoise et aux yeux du public, une inconnue, etc.

Ce numéro de mai 1997 est important puisqu’on y trouve à la fois l’histoire de « l’affaire », des textes contre LaRue et sa « réponse » par les tribunaux (Andrée Yanacopoulo), des apologies de Sroka comme « pionnière » (texte de Yves Alavo) et des textes « pro-LaRue ». Toutes les positions sont représentées dans ce numéro, ce qui en fait un condensé de la polémique en entier.

Le numéro 5 de Tribune juive (juin-juillet 1997) comporte également des textes en lien avec l’affaire LaRue (en fait toute une section du numéro porte ce titre). Marc Angenot réfléchit au lien littérature et nationalisme, trois lettres ouvertes (adressées à Nepveu, Demers et Émile Olliver) reprennent l’argumentation sur le texte de LaRue et son « racisme », et un texte de Yvonne-América Truque relate l’expérience de l’écrivaine « ethnique » face à l’institution littéraire québécoise et canadienne. Point de vue intéressant d’Angenot qui montre que tout lien entre idéologie nationaliste et littérature empêche à la fois cette littérature et la société qu’elle dépeint d’être modernes. Il profite de cette lettre pour pourfendre la littérature québécoise, qu’il dit médiocre, sauf en de rares exceptions (Ducharme). Le seul fait que la question se pose au Québec, qu’il y ait un « Nous autres » et un « Eux autres » est scandaleux selon lui, une aberration. Il montre le sentiment d’infériorité des Québécois, leur peur de l’autre qui dénote une incapacité à s’affirmer.

Monique LaRue a elle-même fait paraître des textes dans les journaux où elle défend sa position, explique son argumentaire, s’excuse des ambiguïtés que L’arpenteur et le navigateur a pu créer. (Voir Le Devoir, 15 juillet 1997)

En août 1997, LaRue, ayant laissé retomber la poussière, écrit un nouveau texte paru dans Le Devoir (13 août 1997, section « Idées ») pour, écrit-elle, « [s]'exprimer librement quant aux véritables enjeux, […] de la controverse créée autour de [s]on texte ». LaRue établit les faits de « l’affaire » portant son nom, puis se dit déçue que des universitaires aient appuyé la lecture de Sroka, une lecture où on lui impute des paroles et des idées qui ne sont pourtant pas de son fait. Elle compare cette imputation à un « rapt ». Ce texte est une réflexion générale sur la littérature, son fonctionnement, les idées qu’elle brasse et qui ne peuvent être liées directement à l’auteur sans leur faire subir une torsion qui les dénature. Des extraits de ce texte ont été reproduits dans Tribune juive, vol. 14, n° 6, octobre-novembre 1997, p. 35.

b) Défendeurs de LaRue :

Réginald Martel, La Presse, 15 avril 1997 : fait état de la polémique installée entre Sroka et LaRue et se rapporte à l’argument principal de cette dernière : Sroka a mal lu.

Robert Saletti, Le Devoir, 19 avril 1997 : En faisant le compte rendu de la plaquette de LaRue, Saletti mentionne au passage l’attaque dont l’auteure est victime et écrit la comprendre comme une mauvaise lecture faite avec ou sans mauvaise foi.

Pierre Nepveu, Le Devoir, 26 avril 1997, section « Idées » : Nepveu se présente dans cette lettre comme le directeur du CETUQ (où LaRue a donné sa conférence en mars 1996) et porte-parole de son comité de direction. Encore une fois, c’est la « lecture à l’envers » de Sroka qui est dénoncée comme une « injure à la personne même de Monique LaRue ».

9-10 juin 1997, « Idées », deux textes : On sort ici tranquillement du débat portant spécifiquement sur le texte de LaRue. Si la polémique qui a suivi la publication est bien à l’origine de la réflexion proposée par Nepveu, c’est davantage à une analyse du « pluriel » et de la difficulté toute québécoise de la conjuguer que s’adonne l’intellectuel.

François Hébert, Le Devoir, 21 mai 1997, section « Idées » : réaction à la lettre de De Sève. Cette lettre est selon lui la preuve d’une dispersion de la censure dans l’ensemble de la société, où tout le monde est taxé d’emblée de mauvaises intentions. Or Hébert montre que l’entreprise de LaRue est précisément de comprendre la censure plutôt que de la réactiver.

Claude Lévesque, Le Devoir, 3 juillet 1997, « Idées » : Lévesque corrige certaines affirmations faites par Sroka au sujet d’une conversation qu’ils ont eu avant la publication du numéro de mars où elle s’attaque à LaRue. Lévesque aurait tenté de persuader Sorka de ne pas publier l’éditorial où elle pourfend l’écrivaine. Il admet du même geste la parenté idéologique qu’il partage avec LaRue.

Claude Jasmin, Le Devoir, 15 juillet 1997, « Idées » : Jasmin revient sur la critique de Nepveu faite par Gary Klang (voir plus bas son argumentaire). Il est intéressant de lire que Jasmin, dès le deuxième paragraphe de son texte, s’inclut comme sujet d’une critique pourtant adressée par Klang à Nepveu. Jasmin écrit : « D’abord, il reproche à Nepveu de ne pas donner le nom de ceux qui nous accusent de “nazisme”. » Ce « nous » fait évidemment référence aux écrivains québécois « de souche » attaqués par les détracteurs de LaRue. En somme, Jasmin retourne les arguments de Klang en montrant qu’il a une vision du Québec qui n’est pas si différente de celle défendue par le personnage d’ami-écrivain mis en scène pas La Rue.

Sur la même page, on trouve un texte de LaRue, qui désire faire le point sur la controverse causée par la publication de sa plaquette. Elle affirme avoir voulu interroger le malaise ressenti après le référendum de 1995 et la déclaration de Parizeau, certains commentaires entendus, une xénophobie larvée et souvent inconsciente d’elle-même. Loin de vouloir imposer à ce personnage écrivain ses propres vues, elle a plutôt tenté de monter un argumentaire visant à le convaincre de sa faute, dans une sorte de dialogue socratique où le point de vue de l’opposant est adopté pour en montrer la fausseté.

Voir aussi :

Demers et le Pen Club Bulletin de l’UNEQ où LaRue s’exprime. Texte de Lison Macklovitc dans la Voix Sépharade Lise Bissonnette, Le Devoir, 26 avril 1997, cahier « Les Arts ».

c) Attaquants de LaRue :

Ghila Sroka, « De LaRue à la poubelle », Tribune juive, vol. 14, n° 3, mars 1997 : Dans cet éditorial, Mme Sroka réagit à la parution de L’arpenteur et le navigateur, conférence qu’elle juge d’entrée de jeu comme « estampillée par la haine, la jalousie et le ressentiment », représentative de la « verve haineuse de l’intelligentsia scribouillarde » québécoise, et que les 30 pages qui forment cette conférence « dans leur totalité sont à vomir ». On comprend rapidement que Mme Sroka en a contre tout discours anti-pluraliste, tout discours qui fait la promotion d’une essentialité québécoise (blanc-catholique-descendant de Canadiens français). Elle accuse LaRue de vouloir effectuer un « nettoyage ethnique », de faire la promotion « d’une idéologie du rejet de l’autre » et d’avoir Céline pour maître à penser. Les extraits du texte de LaRue repris par Sroka sont tous issus des pages 7 à 11, soit du tout début de l’argumentation où l’écrivaine expose le point de vue de l’ami-écrivain, opinion qu’elle démontera ensuite. Cet éditorial a mis le feu aux poudres des intellectuels, écrivains et universitaires nommés plus haut qui se sont immédiatement rangés du côté de LaRue.

Micheline De Sève, Le Devoir, 5 mai 1997, cahier « Idées » : Mme De Sève prend ici la défense de « [s]on amie Ghila », qui ne faisait, selon elle, que contester un texte rempli d’ambiguïtés. L’auteure en profite pour faire une rapide analyse de ce qu’elle considère comme des fautes argumentatives dans le texte de LaRue, notamment l’utilisation des pronoms « ils » et « nous », qui expose l’exclusion des immigrants qu’elle affirme pourtant défendre.

Gary Klang, Le Devoir, 3 juillet 1997, « Idées » : Klang réagit aux deux textes de Nepveu en critiquant leur argumentaire. Plus loin, il revient sur l’absence de justification de LaRue lorsqu’elle affirme à la page 10, après avoir rapporté les paroles de son ami-écrivain, « Si cette conversation a continué à me hanter, c'est cependant parce que j'étais incapable de nier que ce que cet écrivain disait restait, en un certain sens, exact. » Klang reproche à LaRue de ne pas s’expliquer et de laisse planer le doute sur sa réelle affiliation. Il défend ensuite le ton adopté par Mme Sroka en rappelant celui utilisé dans par Sartre, Camus, Revel et d’autres dans des écrits participant également d’une polémique. Je note que M. Klang est un collaborateur régulier de Tribune juive.

1998 : Affaire Turgeon/Michaud

1998

*Note : l’ensemble de la polémique est résumé dans un texte de Louise Loiselle, éditrice de Flammarion-Québec, disponible sur le site web de l’auteur Pierre Turgeon, à l’adresse http://pierreturgeon.net/laffaire-turgeon/ (page consultée le 6 novembre 2015).

Conflit opposant l’auteur Pierre Turgeon et Pierre Michaud, représentant de Réno-Dépôt, qui avait commandé à l’auteur une biographie du fondateur de l’entreprise Paul-Hervé Desrosiers. La biographie a déplu à M. Michaud. M. Turgeon l’a alors proposée à Jacques Lanctôt pour publication. Or M. Michaud prétend que les droits de cette biographie lui appartiennent puisqu’il a commandé l’œuvre et payé des avances à l’auteur.

Le juge Georges Audet de la Cour supérieure du Québec a débouté M. Turgeon, tout comme la Cour d’appel du Québec. Dans La Presse du vendredi 27 mars 1998, A4 : Affaire Réno-Dépôt: « Turgeon condamné au bâillon : La Cour supérieure estime que l’écrivain a cédé ses droits à la famille Michaud » (http://pierreturgeon.net/affaire-reno-depot-turgeon-condamne-au-baillon/ )

L’auteur a déclaré au moment du jugement de la Cour d’appel (en mai 2003) qu’il porterait la cause devant la Cour suprême. Rien n’a été trouvé dans les journaux en référence à cette nouvelle tentative de Turgeon de faire invalider la décision.

Pendant toute cette saga, Turgeon a bien sûr eu l’appui de l’ensemble du milieu de l’édition, mais également de la Ligue des droits et libertés, de la Fédération des journalistes du Québec, de l’Union des artistes, du PEN club, de la Société historique de Montréal et de la Société St-Jean-Baptiste.

Cette polémique pose la question du mécénat à l’époque contemporaine et de ses conséquences sur le droit de propriété intellectuelle.

Voir :

BOIVERT, Yves, «Le PDG de Réno-Dépôt veut un procès secret», La Presse, 17 décembre 1996, p. A9.
 _, «Le secret de Réno-Dépôt: le juge tranche ce matin», La Presse, 18 décembre 1996, p. A14. _, «Réno-Dépôt fait maintenir le bâillon pour un an», La Presse, 19 décembre 1996,
p. A12. _, «L’affaire Réno-Dépôt: réactions d’amère indignation», La Presse, 20 décembre 1996, p. A12. CARDWELL, Mark, «The biography blues», Maclean’s, 5 mai 1997, p. 63-64. CHARTIER, Jean, «Biographier d’un des bailleurs de fonds de Duplessis: injonction contre P.-H. le Magnifique», Le Devoir, 7 septembre 1996, p. A3. MONTPETIT, Caroline, «Une biographie litigieuse», Le Devoir, 13 décembre 1996, p. A2.
[S.A.], «L’UNEQ: gain de cause», La Presse, 29 mai 1997, p. A3.

2004 : L’Affaire VLB

A) Description

Dans un article proposé à La Presse (« Nos jeunes sont si seuls au monde », 29 février 2004), Victor Lévy-Beaulieu réfléchit à la vigueur de la littérature québécoise en adoptant pour objet la « relève », les jeunes romanciers contemporains. Il met la production de ces jeunes auteurs en perspective avec celle des écrivains des années 1970, qui parcouraient non seulement le territoire québécois, mais également celui de la langue et de la forme romanesque. Le constat de VLB est univoque : la nouvelle génération d’écrivains (l’écrivain cite Myriam Beaudoin, Katerine Caron, Stéphane Dompierre, Anick Fortin, Hélène Guy, Julie Hivon, Alexandre Laferrière, Jean-François Lanseigne, Geneviêve Lauzon, Grégory Lemay, Marie-Hélène Poitras et Anne-Marie Savoie), au milieu des années 2000, n’est pas à la hauteur de ce que l’on a jadis connu.

VLB constate qu’au personnage du grand-père, figure de « la pérennité de la société québécoise et sa sagesse » dans les romans des années 1970, s’est substituée la figure de la grand-mère, qui entretient un rapport plus trivial, quotidien avec les jeunes, veillant à la sustentation des petits-enfants, tant en nourriture qu’en argent. La grande différence entre ces deux « types » est qu’alors que le grand-père garantissait la transmission d’un héritage symbolique, culturel, « la grand-mère n’est qu’une passeuse de biens matériels ».

Autre transformation « parentale » : le père. Les romans contemporains en font un personnage sinon absent, du moins haï, mauvais, égoïste, un père qui ne remplit jamais son rôle à la fois autoritaire et aimant. L’absence du père laisse une place démesurée à la mère. Il ne faut pas croire, selon lui, que la relation à la mère est plus pure ; la mère est étouffante, mais tout de même aimante. « [O]n s’arrange donc pour [la] cannibaliser le plus longtemps possible avant de penser au meurtre propitiatoire. » La présence au monde des adultes issus de ces relations parentales blessantes est empreinte d’incertitude et d’ambivalence, autant dans la sphère intime que publique et sociale. Plus de verticalité (de regard vers l’ascendance) mais plutôt une horizontalité (regard vers les frères et sœurs) où le Même (la blessure reconnue chez l’autre) est célébré.

Associant cette « affectivité atrophiée » au lieu, au territoire, les personnages représentant les jeunes refusent de connaître le Québec en voyageant énormément le plus loin possible de la Belle province. Les lieux d’ici sont indéfinis, restent innomés au point où les villes décrites pourraient être ici et nulle part. Le pays, son peuple, sa société sont absents de ces romans de la relève.

VLB remarque que cet aveuglement sur tout ce qui touche le pays se manifeste également dans les références intertextuelles que mettent de l’avant ces jeunes personnages. Et il termine sur cette question : « Un tel enfermement, dans pareille réduction de l'espace-temps québécois, n'est-il qu'un épiphénomène de notre béance collective, grossi par la lunette de l'imaginaire, ou représente-t-il la nouvelle vérité d'une société en train de s'effondrer ? ». Dernier constat : les jeunes écrivains sont incapables d’expérimenter avec la langue, ils ont, en ce sens, un manque cruel d’inventivité. « Ne cherchez donc pas de véritables expérimentations langagières dans les premiers romans de la jeune littérature. Vous aurez plutôt l’impression d’un retour aux années 50 quand le romancier d’ici rêvait d’écrire un jour convenablement en français. », écrit Beaulieu.

Le 25 avril de la même année, VLB répond, toujours dans les pages de La Presse (« Quand souffle le Mistral ») à ceux qui ont réagi à sa lettre, la plupart du temps de jeunes romanciers ou de jeunes éditeurs, tout en martelant les arguments de son brûlot de départ. Le ton y est, difficile d’éviter de le mentionner, fortement paternaliste. Mistral est « trop vieux, mais trop jeune », la « naïveté » des jeunes éditeurs « l’a charmé et amusé », lui qui n’hésite pas à leur conseiller la lecture des quelques ouvrages sur l’édition québécoise. Les jeunes écrivains « apprendront entre autres que les problèmes dont ils parlent ont été vécus avant eux par les Édouard Garaud, les Albert Léversque, les Albert Pelletier et les Bernard Valiquette », écrit-il.

B) Contre VLB

Le texte de VLB a suscité de nombreuses réactions chez les jeunes écrivains dont il parle, la plupart étant recueillies dans un article publié la semaine suivante intitulé « Monsieur Beaulieu, dans quel monde vivez-vous ? » (La Presse, 7 mars 2004) ». Certains, à l’orgueil blessé, attaquent la personne de VLB plutôt que ses idées, tandis que d’autres proposent une réelle réflexion sur les transformations de la littérature et de la société québécoise. Anne-Marie Savoie oppose la bataille pour l’indépendance à celle, contemporaine, contre la mondialisation, en affirmant que le monde a bien changé depuis que M. Beaulieu a commencé son projet littéraire.

La réponse la plus souvent citée à VLB est probablement celle que lui a faite Marie-Hélène Poitras (ciblée dans l’article de VLB) dans les pages du Voir, intitulée « Nous ne sommes pas si seuls ». Poitras affirme ne pas se reconnaître dans le portrait que dresse l’auteur de Race de monde, en mettant l’accent sur le fait que la production contemporaine est trop bigarrée pour permettre à quiconque de tirer des conclusions si générales sur son état. « Les auteurs que vous avez lus ont tous en commun au moins une chose que vous n’avez pas relevée : leur lucidité corrosive, plus ardue à repérer qu’un archétype récurrent, mais bien présente et précieuse, car elle nous fait et nous défait. Pour paraphraser Saint-Denys Garneau, je dirais que c’est là sans repos que nous prenons appui. », écrit Poitras.

Nelly Arcan, dans sa chronique mensuelle (La Presse, 18 mars 2004), revient sur la lettre de VLB en répondant à la question qu’il pose en clausule de sa lettre : l’imaginaire des jeunes écrivains est-il « la nouvelle vérité d’une société en train de s’effondrer ? » Arcan répond par l’affirmative : « Laissez-nous, de grâce, nous effondrer, sans contribuer de vos poings à cet effondrement. » Ce faisant, elle accuse VLB de considérer sa génération comme la génération indépassable, où la littérature était à son sommet et que tout ce qui vient après ou qui en refuse l’héritage serait de facto « moins bon ».

Catherine Paradis (« Si on écoutait les jeunes auteurs ? » Québec français, nº 136, 2005, p. 86-91) propose une lecture de la jeunesse littéraire contraire à celle de VLB, à partir des textes de Mathieu Arsenault (Album de finissant), Grégory Lemay (Le sourire des animaux) et Karoline Georges (Ataraxie). Elle écrit, à propos des jeunes auteurs : « Il faudrait d’abord éviter de les considérer comme un ensemble homogène, puisqu’ils offrent des textes extrêmement diversifiés, à l’image de la production littéraire québécoise contemporaine qui ne se laisse pas ranger sous l’étiquette d’un seul mouvement ». Paradis prétend que d’imposer une grille de lecture des années ’60-70 à la littérature d’aujourd’hui amène nécessairement à un non-lieu intellectuel.

C) À la défense de VLB

Toujours dans l’article « Monsieur Beaulieu, dans quel monde vivez-vous », Stéphane Dompierre, identifié par VLB comme un de ces auteurs de la relève, s’interroge sur la voix que portent les écrivains. Il soumet l’hypothèse que cette voix était auparavant collective alors qu’aujourd’hui elle est individuelle (ce qui, il faut l’admettre, ne fait que corroborer les dires de VLB).

Philippe-Jean Poirier, écrivain également, ne donne ni tort ni raison à VLB, mais montre comment le premier roman de celui-ci, Race de monde, comprend de nombreuses caractéristiques du premier roman que dénonce l’écrivain de Trois-Pistoles dans son brûlot.

Christian Mistral explique, sur son blogue personnel (http://christianmistral.blogspot.ca/2004/03/dbat-dides.html, page consultée le 31 août 2015), qu’il a d’abord fait parvenir une réponse à VLB sous forme de courriel à quelques connaissances, en plus de l’adresser à l’auteur lui-même, qui l’a lui-même relayée à la journaliste Jocelyne Lepage, auteure de l’article « Monsieur Beaulieu, dans quel monde vivez-vous ? », qui en a dès lors publié quelques extraits et annoncé que Mistral était le grand gagnant du certificat cadeau de 200$ chez Renaud-Bray. Suite à cela, Mistral a rendu publique la totalité de sa réponse sur son site web.

Mistral reproche d’abord à l’équipe de La Presse d’avoir incité VLB à publier son pamphlet et d’avoir, en somme, cherché le conflit. L’auteur de Vamp place Beaulieu en position de victime. Il écrit : « Tout ça pour quoi ? Tout ça pour ce texte de VLB qui une fois de plus s’est pensé plus fin que la presse. Ce génie tout en finesse, d’esprit et de cœur, est toujours aussi démuni devant les manœuvres des gazettes que le jour maudit où il accorda la fameuse entrevue à Nathalie Pétrowski [sic]. » Jocelyne Lepage démentira cette affirmation en disant que « ce n’est pas La Presse qui manipule Victor-Levy Beaulieu ; plutôt le contraire… ». Sur le fond des choses, Mistral répond non pas pour réfuter les dires de Beaulieu, mais pour faire l’hommage de l’écrivain et confirmer la solitude filiale des jeunes d’aujourd’hui pressentie par VLB. Tout en concédant que celui-ci « trempe […] dans un bain de nostalgie » (« Quel écrivain majeur ne macère pas dans ce jus-là ? », précise-t-il), le trentenaire refuse le qualificatif de « vieux schnock » qui a été accolé à l’auteur de Bouscotte. Le plus grand reproche que fera Mistral à VLB, c’est celui d’être trop modeste en ne s’incluant pas lui-même dans le panorama qu’il dresse de la littérature des années ’60-70. Or Mistral salue du même coup l’intense vie relationnelle que ces mêmes jeunes entretiennent entre eux par l’entremise d’Internet, ou encore lorsqu’ils s’assemblent pour défendre une cause qui leur tient à cœur (Mistral donne en exemples le Sommet des Amériques et le squat du centre Préfontaine), tout en reprochant à VLB d’avoir gommé de grands pans de l’histoire de la littérature québécoise à des fins rhétoriques.

Le 4 avril 2004, Francine Allard écrit un texte (uniquement disponible en version électronique, sur le site www.cyberpresse.ca) dans lequel elle donne parfaitement raison à Victor-Levy Beaulieu. S’appuyant sur son expérience de jury pour divers prix littéraires, elle dit : « le Québec, pour qui je me suis battue griffes et ongles, est remplacé [dans les premiers romans des jeunes auteurs] par le Maroc ou le Vietnam. » Elle termine en disant qu’« il n’est pas normal qu’un écrivain chevronné soit mis de côté par un éditeur pour en lieu et place publier un jeune auteur dont il faut réécrire le roman… »

En 2009, dans les pages d’Études françaises, Michel Biron revient sur la polémique dans un article qui brosse un tableau général de l’œuvre de Beaulieu (« VLB au pays des géants », Études françaises, vol. 45, nº 3, 2009, p. 25-40). Biron reproche aux jeunes écrivains qui ont répondu à Beaulieu de ne pas avoir lu l’œuvre de celui-ci, de ne pas s’être rendu compte que la « déstructuration du tissu familial, social, culturel et politique que dénonce VLB dans ces romans est au cœur de ses propres livres. »

Dans le numéro d’avril 2013 de la revue en ligne Temps zéro, Francis Langevin analyse la production récente des jeunes romanciers et remarque que « Victor-Lévy Beaulieu semble malgré tout avoir été entendu, ne serait-ce qu’en écho, car on ne compte plus les romans dont l’action se déroule en particulier dans des « parties » de territoire qu’on pourrait toutes appeler « régions » : Gaspésie, Bas-Saint-Laurent, Saguenay, quartiers de Montréal tels Saint-Henri, Griffintown ou HoMa, Abitibi ou Nord d’Ontario, quartiers de Québec ou de Shawinigan, Cantons-de-l’Est, etc. » (http://tempszero.contemporain.info/document936)

2006 : L’Affaire Homel

A) Description

Le 16 mars 2006, à l’occasion du Salon du livre de Paris qui se tenait, cette année-là, sous le thème de la francophonie, le journal Le Monde publia un texte, signé David Homel, écrivain et traducteur anglo-québécois d’origine américaine, intitulé « La littérature québécoise n’est pas un produit d’exportation ». Au centre de la réflexion d’Homel se trouve la quasi-absence de la littérature québécoise des rayons des librairies françaises. À partir de ce constat, l’écrivain proposera quelques pistes de réponses qui n’ont pas tardé à embraser le milieu littéraire québécois. Gillian Lane-Mercier a écrit un article sur l’affaire Homel dans un dossier spécial de la revue Spirale consacré aux écrivains anglo-québécois. Elle a résumé en cinq points succincts les propos et constats d’Homel. Je me permets ici de la citer :

[L]'article se construit autour d'un constat de départ, soit « les auteurs québécois sont quasiment absents des librairies françaises », suivi de cinq propositions explicatives qui s'enchaînent comme suit: 1- « le Canada [étant] un pays très tranquille », sa littérature l'est aussi ; « Les écrivains québécois ne bénéficient pas de la vague postcoloniale », si bien que les Français s'intéressent davantage aux auteurs « ressortissants d'un pays difficile » ou en voie de développement ; 2- « les livres québécois arrivent avec un net accent qui serait difficile à assimiler par la machine de l'édition française »; d'où le fait que les écrivains québécois « restent des « provinciaux », des « petits cousins d'Amérique » » ; 3- « les grands thèmes de La littérature du Québec restent intimes : la famille et ses secrets, la quête de soi, l'enfant qui peine à devenir adulte, comme dans les histoires de Réjean Ducharme ou de Marie-Claire Biais »; de plus, « c'est surtout une littérature féminine » en ce sens que « la grande majorité des lecteurs [au Québec] sont des lectrices » ; 4- les écrivains québécois « commencent avec un net désavantage » dans la mesure où 22,3 % de la population âgée de 16 ans et plus « ne sauraient pas lire» ; 5- l'émergence récente d'un nouveau genre, le conte, fondé sur la performance et inspiré des traditions orales canadiennes-françaises et autochtones, à la fois met « au défi le monde intime, un peu figé, de la littérature québécoise actuelle » et s'avère plus exportable que le livre. » (« Au-delà de la controverse : David Homel, écrivain-traducteur anglo-québécois » Spirale, nº 210, 2006, p. 33-36)

B) Contre Homel

La première salve contre les constats d’Homel (et la plus commentée, d’ailleurs) est venue de la part de Madeleine Gagnon qui, dans les pages du Devoir du 22 mars 2006, y est allée d’une charge à fond de train contre le texte d’Homel (selon elle « minable »), mais aussi sur sa personne et sur son statut, le qualifiant entre autres « d’écrivain mineur » et de « petit polémiste au parcours erratique ». Gagnon ira même jusqu’à fomenter l’idée d’une pétition pour la « défense et illustration de la littérature québécoise », pétition qui devrait rallier l’ensemble du milieu littéraire, professoral et culturel. Dans sa lettre, elle demande au Devoir de faire enquête à Paris, afin d’éclaircir le statut de la littérature québécoise en France, et au Monde d’emboiter le pas, afin que « cette histoire littéraire soit connue en France ».

Plusieurs autres réactions ont suivi celle de Gagnon, la plupart étant en accord avec la première. Odile Tremblay (Le Devoir, 26 mars), Patrick Bourgeois (La tribune libre de Vigile, 29 mars), Yannick Gasquy-Resh (Le Monde, 31 mars) et Bernard Pozier (L’unique, en juin de la même année) sont du nombre. Je réfèrerai ici à l’article de Gillian Lane-Mercier qui résume de façon admirable les positions respectives de ces intervenants.

André Vanasse, dans Lettres Québécoises, dira que le contexte de la publication de la lettre d’Homel (celui du Salon du livre de Paris, placé sous le thème de la « francophonie ») a eu une influence certaine sur sa réception. Déjà, plusieurs dénonçaient que ce Salon du livre de Paris se tienne sous l’étiquette « la francophonie », ce qui laissait entendre que Paris serait le centre, et tout le reste, en périphérie. Vanasse revient sur un incident mettant en scène Monique LaRue, qui se serait mise en colère après qu’on lui ait demandé pourquoi elle écrivait en français, alors qu’elle réside sur un continent à majorité anglophone. « C’est malpoli [de poser une telle question]. C'est nul et non avenu. Pour tout dire : terriblement parisianiste. Aussi bien demander à une femme : pourquoi portez-vous des mamelles et depuis quand? », aurait répondu LaRue (Vanasse, Lettres québécoises, nº 123, 2006). Le texte d’Homel aurait donc été « la goutte qui a fait déborder le vase ». Vanasse s’en prend d’abord à la crédibilité d’Homel pour traiter de l’état de la littérature au Québec, puisqu’il le considère d’abord comme un « spécialiste de littérature anglophone », et non de « littérature québécoise ». Vanasse s’insurge contre les constats d’Homel, qu’il démolit tour à tour, principalement celui qui touche la question de la littérature québécoise comme « une affaire de femmes », prenant en exemple les plus récentes publications de la maison XYZ, où il est éditeur. Trois romans écrits par des hommes (Sergios Kokis, Bertrand Gervais et George Szanto), tous trois se déroulant, en majorité, à l’extérieur des frontières québécoises. « Drames intimes, dans un pays sans histoire ? Allons donc ! », écrit Vanasse, qui termine son éditorial en affirmant « comprendre » la réaction de Madeleine Gagnon, qu’il juge justifiée en regard à la gravité de l’article de David Homel, à qui « l’on aurait jamais dû demander de le faire ».

Aurélien Boivin quant à lui, en ouverture du numéro 142 de Québec Français en 2006, fera sensiblement les mêmes remarques que Vanasse, s’en prenant d’abord au manque de crédibilité d’Homel, le qualifiant de « peu connu » et de « marginal » (Québec Français, nº 142, 2006). Cet argumentaire sera renforcé par l’utilisation constante d’un « nous » (« nos écrivains », « notre littérature » reviennent à de très nombreuses reprises) duquel Homel serait, implicitement, exclu. Boivin vante l’exotisme de la littérature québécoise (contrairement à ce que laissait entendre Homel) et félicite certaines associations et regroupements québécois et français qui mettent en place différents systèmes d’échange afin de promouvoir la littérature québécoise dans l’Hexagone.

C) À la défense d’Homel

De nombreux autres penseurs et intellectuels sont intervenus dans le débat non pas pour appuyer directement les propos d’Homel (que la majorité d’entre eux juge comme étant regrettables), mais bien pour dénoncer le traitement que ses critiques lui font subir. De ce nombre, on compte entre autres Philippe Navaro (Le Devoir, 28 mars 2006), Carl Bergeron (Le Devoir, 28 mars 2006), Marc Cassivi, (Le Devoir, 28 mars 2006), Jacques Desrosiers (Le Devoir, 31 mars 2006), Raymond Cloutier (Le Devoir, 21 mars 2006), Michel Lapierre (Le Devoir, 29 avril 2006), Ginette Pelland (Le Devoir, 7 avril), Charles Binamé (Le Devoir, 11 avril 2006), Michèle Côté (Le Devoir, 18 avril 2006) et Pierre Thibeault (Ici, 20 avril 2006), tous encore une fois référencés dans l’article de Gillian Lane-Mercier.

Pierre Lefebvre, dans un texte publié la même année dans Liberté, est loin de se porter directement à la défense d’Homel. Il est, au contraire, très critique des positions de ce dernier, qu’il qualifie tour à tour de « bêtise » et de « niaiserie » (« Entre le signe et les choses », Liberté, nº4 (274), 2006, p. 4-24). Lefebvre ne verse cependant jamais dans la critique ad hominem, piège dans lequel selon lui les détracteurs d’Homel sont trop facilement tombés. Au contraire, il s’attarde à montrer le peu de fondement de certaines observations d’Homel, en argumentant, mais sans attaquer. C’est Madeleine Gagnon qui subira ici la grande majorité des reproches. Si Lefebvre n’est pas en accord avec Homel, il répudie encore davantage la réaction de celle qui a signé sa lettre au Devoir comme « membre de l'Académie des lettres du Québec et de l'Union des écrivains québécois » (« ce n’est donc pas, attention, une simple écrivaine ou citoyenne qui nous parle, mais bien une académicienne », ironise à ce propos Lefebvre). Lefebvre associe les « moyens d’action » proposés par Gagnon à de la « vengeance », réaction, selon lui, complètement disproportionnée et qui laisse poindre un malaise plus grand, certains complexes non résolus.

Pour Gillian Lane-Mercier, qui ne se prononce par directement sur le texte d’Homel mais bien sur le florilège de réactions qu’il a provoqué, le plus grand tort des commentateurs qui se sont exprimés sur l’affaire, c’est celui d’avoir entretenu un flou sur le statut de David Homel dans l’institution littéraire québécoise. Certains de ses détracteurs les plus virulents se sont servis de ses origines américaines pour le disqualifier d’emblée, ce qui a forcé les autres à tenter de le réhabiliter comme « véritable Québécois ». L’enjeu s’est donc déplacé du rôle de l’écrivain dans la littérature québécoise à la question de son origine ethnique, ce qui a donné lieu, selon Lane-Mercier, a une sorte de repli identitaire de la part des critiques d’Homel, qui ont brandi face à ses affirmations un « nous » collectif dont il serait exclu. Lane-Mercier dira qu’elle fut surprise de constater qu’aucun des commentateurs de l’affaire ne mentionnait le travail de traducteur d’Homel, lui qui « a traduit quelques-unes des œuvres québécoises et néo-québécoises contemporaines non seulement les plus marquantes, mais aussi les moins intimistes, voire les moins tranquilles » (Spirale, nº 210, 2006, p. 36). Cette omission caractérise pour elle une accentuation de la « faille » entre les écrivains francophones et anglophones au Québec, trope que l’on a trop souvent tendance à reconduire sans l’interroger, et « cache mal une méconnaissance réelle des liens, aussi fragiles soient-ils, tissés depuis une vingtaine d'années entre les communautés littéraires anglophone et francophone du Québec » (idem).

Les travaux sur la littérature anglo-montréalaise de Martine-Emmanuelle Lapointe abondent dans le même sens. Déjà en 2005 (un an avant le début de la polémique, donc), dans un article paru dans Voix et images intitulé « Les lieux de l’écrivain anglo-québécois », elle faisait remarquer le caractère « à part », d’outsider de David Homel, en plus de son penchant pour la polémique, le qualifiant de « franc-tireur », voire de « tireur d’élite » (Voix et images, vol. 30, nº 3, p. 91). Déjà, Lapointe remarquait certains traits chez Homel qui lui seront, un an plus tard, ouvertement reprochés (refus de l’intimisme, certaine méfiance face aux écrits féministes, etc.) Suite à la polémique engendrée par l’article du Monde, Martine-Emmanuelle Lapointe reviendra sur la réception des textes d’Homel au Québec dans le collectif Le Québec à l’aube du nouveau millénaire dirigé par Marie-Christine Weidmann Koop. Lapointe, en accord avec Gillian Lane-Mercier, dira que « le point de vue de Homel a surtout choqué parce qu’il ne provenait pas nécessairement d’un porte-parole digne de confiance, voire d’un ambassadeur crédible de la littérature québécoise en France » (« Entre le propre et l’étranger. La réception québécoise des œuvres de Ying Chen et de David Homel », Montréal, Presses de l’Université du Québec, 2008, p. 209-210).

2007 et 2011 : L’Affaire Arcan

A) Description

En septembre 2007, l’auteure Nelly Arcan était invitée à la très populaire émission Tout le monde en parle, diffusée les dimanches soirs sur les ondes de Radio-Canada, pour faire la promotion de son plus récent roman, À ciel ouvert. Dès le mot d’introduction de Guy A. Lepage, le ton de l’entrevue était donné. « Si l’on se fit à ses livres, elle ne manie pas que le verbe. Voici l’écrivaine Nelly Arcan », de dire l’animateur, alors qu’Arcan descend les marches du studio d’enregistrement au son de « Quand on se donne à une femme d’expérience ». Il sera donc question, dans les quelque 12 minutes que durera le montage final de l’entretien, bien davantage du passé de prostituée d’Arcan, de la sexualité omniprésente dans ses romans à caractère autobiographique et de la profondeur du décolleté de sa robe que de son nouveau texte. Le malaise d’Arcan, entourée uniquement d’hommes, est palpable. À sa diffusion, l’entrevue n’a cependant pas fait grand bruit. L’écrivaine est cependant revenue, dans un texte publié dans le journal ICI (« L’image », 20 septembre 2007), sur son passage à l’émission. Elle écrit : « Pourtant, dans l’intégralité de l’entrevue, où il y a eu, c’est vrai, des moments de malaise sous l’insistance de questions qui se ressemblaient toutes, qui rejetaient sur moi le blâme, questions martelées, acharnées (vous, qui avez un problème, comment osez-vous vous prononcez, puisque votre corps, votre robe, vous font mentir) mais aussi des moments intéressants… qui n’ont pas été retenus. » Ce n’est qu’après le décès de l’écrivaine, qui s’est donné la mort en 2009, que le segment refait surface. En 2011, le site internet www.nellyarcan.com, piloté, entre autres, par Jérôme Langevin, publie une nouvelle posthume de l’auteure, intitulé « La honte », dans laquelle Arcan revient sur – selon ce que le lecteur peut en déduire, car Arcan ne nomme jamais le nom de l’émission, ni ceux de ses animateurs – son passage à l’émission de Lepage et témoigne, à la troisième personne, de l’humiliation qu’elle a ressentie suite à la diffusion des images. À partir de ce moment, les images de l’entrevue ont refait surface sur Internet, et de très nombreux commentateurs ont réagi à l’affaire.

Il est à noter que, la polémique explosant à un moment où les médias sociaux et les blogues jouissent d’une immense popularité, il est impossible de faire la liste exhaustive de tout ce qui a été écrit à son sujet. Ce qui suit est donc une recension des principales réactions.

B) À la défense d’Arcan

Avant la publication de « La honte » (et donc, avant le déclenchement « officiel » de la polémique), plusieurs personnes avaient déjà commenté l’affaire. Dans son compte rendu d’À ciel ouvert, (Spirale, nº219, 2008, p. 49-50), Sandrina Joseph reproche à Lepage de s’être rincé l’œil plutôt que d’avoir discuté de littérature. À la publication de Burqa de chair, recueil posthume (qui comprend, entre autres « La honte ») dont elle signe la préface, Nancy Huston dira, dans une entrevue accordée à la journaliste Chantal Guy de La Presse parue le 12 septembre 2011 : « J'ai vu cette scène à Tout le monde en parle, et c'est totalement impardonnable la manière dont l'hôte l'a humiliée. Jamais on n'a vu un homme sexuellement humilié comme ça devant des millions de gens à la télévision. Je suis sûre qu'il ne se sent pas le moins du monde coupable, mais il l'est, qu'il le sache ou non, avec d'autres, qui n'ont pas su reconnaître l'intelligence de cette femme. » Suite à l’ampleur qu’a prise la polémique, Huston s’est toutefois rétracté en publiant un communiqué sur la page de Tout le monde en parle, précisant qu’elle n’avait, en vérité, jamais visionné l’extrait de l’émission en question, et que ses commentaires étaient plutôt adressés à la version française de l’émission, animée par Thierry Ardisson, à laquelle avait également, quelques années plus tôt, participé Arcan. Huston accuse également la journaliste Chantal Guy d’avoir trafiqué ses dires, et ne pas avoir respecté sa demande de garder ses propos en dehors de la publication de l’entrevue.

C) À la défense de Lepage

Guy A. Lepage n’a pas voulu commenter la polémique lors de son éclatement en 2011, préférant rendre disponible sur le site web de Tout le monde en parle l’extrait de l’émission, et laisser aux auditeurs le soin de juger. La majorité des commentaires qui ont suivi le déclenchement de la polémique s’entendent pour ne pas jeter le blâme sur l’animateur, préférant rappeler que Nelly Arcan incarnait bien souvent ce qu’elle dénonçait, en insistant sur le fait que l’écrivaine avait un rapport très trouble avec son image publique, et qu’elle avait beaucoup de difficulté à doser son désir de plaire et sa volonté de faire passer un message sur le sort des femmes dans la société contemporaine. Remarquons que la plupart des gens qui ont pris la parole dans ce débat ont eu tendance à diagnostiquer Nelly Arcan de plusieurs troubles et ce même si, de leur propre aveu, ils ne la connaissaient pas personnellement, ou alors que très peu.

Jocelyne Robert (« Si vulnérable », La Presse, 14 septembre 2011) avoue être « stupéfiée […] de lire les commentaires de Nancy Huston dans La Presse ». Pour elle, « [Arcan] vivait en enfer, grugée par le cancer du narcissisme maladif, obnubilée par son besoin insatiable de séduire et d'être la plus belle à tout prix. En même temps, elle se désagrégeait de détestation d'elle-même et s'indignait du sort des femmes condamnées à consommer et à être consommées », et « elle n'avait pas l'étoffe pour jouer à ce jeu dangereux de la confrontation publique. » Elle rappelle entre autres que si Lepage et Turcotte ont bel et bien été « baveux » avec l’écrivaine, plusieurs invités dans l’histoire de l’émission avaient subi bien pire sort. Pour Sophie Durocher (« Tout le monde parle de Nelly », Canoë, 14 septembre 2011), Guy A. Lepage a été respectueux, et a offert à l’écrivaine la chance de s’expliquer devant 2 millions de téléspectateurs, chose qu’elle n’a pas su faire.

Pour Nathalie Petrowski (« Nelly et les poux », La Presse, 14 septembre 2011), on a trop rapidement occulté la dimension fictionnelle de la nouvelle d’Arcan. Elle précise que jamais dans le texte, l’écrivaine ne nomme l’animateur ni son fou du Roi par leurs noms, et y voit un signe clair qu’il ne faut pas prendre la nouvelle comme un témoignage, mais bien comme une œuvre littéraire. « La question, c'est pourquoi, dans le cas précis de cette nouvelle, on ne voit que la réalité et pas la fiction? Pourquoi, en somme, on refuse à Nelly Arcan le statut d'écrivaine pour mieux la ranger dans le camp des victimes, des femmes humiliées ou des femmes sans tête? », écrit Petrowski. Même son de cloche chez Danielle Laurin (« Nelly, son corps, ses livres », Le Devoir, 17 septembre 2011). « Nous ne sommes pas dans la réalité, nous sommes dans l'écriture. Nous ne sommes pas au tribunal de la vérité, nous sommes dans la vérité de l'écriture. Dans la liberté de l'écriture. », écrit-elle.

« Mais en même temps, on ne peut absolument rien reprocher à Guy A. Lepage. Guy A. Lepage n’a pas été haineux avec elle. Guy A. Lepage a fait son métier, ce soir-là, comme il le fait tous les dimanches. », écrit Stéphane Laporte (« Nelly, Guy A. et la honte », La Presse, 13 septembre 2011). Tout en admettant que les commentaires des animateurs et des invités sur l’apparence d’Arcan étaient « adolescents », voire carrément irrespectueux, Laporte soutient que « Nelly Arcan n’aurait jamais dû aller à Tout le monde en parle. Ce n’était pas un endroit pour elle, dans son état de haute vulnérabilité. »

Fabien Loszach, qui a été responsable de rédiger quelques textes pour le site www.nellyarcan.com, cherche dans l’œuvre de l’auteure les sources des contradictions soulevées par les animateurs de Tout le monde en parle, faisant de son passage à l’émission un des maillons de son œuvre, qu’il qualifie d’ambiguë, qui « dénonçait les carcans de la féminité tout en les alimentant. » (Nelly Arcan : l’ambigüité et la contradiction », Le Devoir, 16 septembre 2011).

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