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fq-equipe:proust_kafka_et_joyce_par_nabokov

FICHE DE LECTURE

INFORMATIONS PARATEXTUELLES

Auteur : NABOKOV, Vladimir Titre : Proust, Kafka, Joyce Édition : Stock Collection : La bibliothèque cosmopolite Année : 1999©1980 Cote UQAM : PN3499N3314.1999 Désignation générique : aucune

Bibliographie de l’auteur : Nombreux romans, nouvelles, essais. Autres publications de ses cours à la Bibliothèque cosmopolite : - Gogol, Tourguéniev, Dostoïevski - Tolstoï, Tchekhov, Gorki - Austen, Dickens, Flaubert, Stevenson

Biographé : Marcel PROUST, Franz KAFKA et James JOYCE

Quatrième de couverture : Citation de Nabokov, expliquant sa manière de jouir d’un bon roman : « Il me semble qu’un bon critère pour juger de la qualité d’un roman serait, en fin de compte, que l’on y décèle, étroitement mêlées, la précision du poète et l’intuition de l’homme de science. S’il entend réellement baigner dans la magie d’un livre de génie, le lecteur avisé le lira, non pas avec son cœur, non pas avec son esprit, mais avec sa moelle épinière : c’est là que se produit le frisson révélateur, même s’il nous faut, en lisant, conserver un rien de recul, un rien de détachement. Alors, avec un plaisir tout à la fois sensuel et intellectuel, nous regarderons l’artiste bâtir son château de cartes, et regarderons le château de cartes devenir château de verre et d’acier étincelant. » Aussi, brève biographie de Nabokov, non du créateur et critique littéraire, mais de l’homme.

Introduction : (Par John Updike) Cette partie est très importante pour situer le texte et sa construction : on y replace le texte dans le contexte d’enseignement dans le but duquel il avait été rédigé par Nabokov. On y relève plusieurs modifications qu’on a fait subir au texte dans le but de publication, modifications toujours faites avec l’accord de la famille de Nabokov, dont certaines citations ou renvois devenus nécessaires dans la version écrite. Updike prend également soin de noter au passage quelques éléments de la vie de Nabokov expliquant son amour pour la littérature ainsi que les influences qu’il a subi dans sa manière d’envisager une bonne œuvre littéraire.

Illustration de couverture : illustration de collection (sans importance)

Rabats : aucun

Autres (note, épigraphe, photographie, etc.) : Le texte contient quelques documents reproduits qui sont des extraits des œuvres étudiées par Nabokov, parsemés de ses propres annotations, commentaires et réflexion sur les écrits, la traduction, etc. Par exemple, croquis de ce à quoi devait ressembler Gregor Samsa après sa métamorphose (p. 131). LES RELATIONS (INSTANCES EXTRA ET INTRATEXTUELLES) :

Auteur/narrateur : (Même chose pour Proust, Kafka et Joyce) Aucune confusion possible puisque le texte est d’abord écrit par Nabokov pour être présenté oralement à ses étudiants. Cela limite grandement les possibilités de jeu narratifs, puisque le discours se veut avant tout pédagogique.

Narrateur/personnage : (Même chose pour Proust, Kafka et Joyce) Le point de vue de Nabokov est extérieur à son sujet, et les commentaires qu’il porte au sujet des principaux personnages sont essentiellement analytiques, servant davantage à saisir le rôle de chacun dans le cadre de la totalité de l’œuvre littéraire.

Biographe/biographé : PROUST : Nabokov ne présente aucun intérêt pour la vie réelle de Proust, considérant que tout ce que contient La recherche…n’est que pure invention de la part de Proust, comme le démontre cette indication qu’il fait à ses étudiants au tout début de son étude : « Il y a une chose dont vos esprits doivent bien se pénétrer : l’œuvre n’est pas autobiographique, le narrateur n’est pas Proust en tant qu’individu, et les personnages n’ont jamais existé ailleurs que dans l’esprit de l’auteur. Inutile, par conséquent, de nous attarder sur la vie de l’auteur. Cela est sans importance dans le cas présent et ne ferait qu’embrouiller la question, d’autant que le narrateur et l’auteur ont plus d’un point en commun et évoluent dans des milieux très semblables. » p. 48. KAFKA : Nabokov fait preuve d’une admiration certaine à l’égard de Kafka : « C’est le plus grand écrivain allemand de notre époque. » p. 124 Cela ne l’empêche pas d’accorder très peu d’importance aux éléments biographique, sauf en quelques rares occasions, qui ne vont servir qu’à approfondir l’interprétation de La Métamorphose. JOYCE : Encore une fois, Nabokov exprime clairement son opinion à l’égard de l’œuvre de Joyce : « Quel merveilleux écrivain que Joyce! » p. 212 Ce respect mêlé d’admiration l’empêche manifestement de s’approcher de plus près du grand homme.

L’ORGANISATION TEXTUELLE

Synopsis : PROUST : Nabokov construit son cours sur Proust en prenant à témoin les sept tomes de la Recherche, et en voguant de l’un à l’autre, en y tirant de nombreux exemples représentatifs du style (procédés employés) et de la méthode de l’écrivain. Il démontre ainsi la perfection de la démarche de Proust, qui guide doucement mais inéluctablement le lecteur vers une conception artistique de la sensibilité, suivant pas à pas la même démarche que Marcel personnage, qui emploiera son temps pour finalement saisir cette unique vérité. KAFKA : Nabokov se sert du texte le plus connu de Kafka, La Métamorphose, afin de démontrer toute l’ampleur du génie créatif de l’écrivain. Il compare d’abord le texte de Kafka d’autres textes aux contenus fantastiques : Dr. Jekyll et Mr. Hyde de Stevenson et Le carrick de Gogol. Il peut ainsi démontrer comment la subjectivité du récit de Kafka en fait un texte à part, capable de produire ce tragique absurde que nul autre n’a égalé. Nabokov mettra l’accent sur le fait que c’est moins la thématique présentée dans La Métamorphose que la manière dont Kafka structure son récit qui lui donne toute son importance littéraire. JOYCE : Nabokov fait rien de moins qu’un travail de moine en décortiquant l’Ulysse de Joyce afin de le rendre intelligible. Après une courte introduction sur la vie de Joyce, certaines influences possibles ainsi que ses styles de prédilection (Ulysse en étant une collection hétéroclite), Nabokov va reprendre chacune des parties et chacun des chapitres du roman afin d’en faire ressortir la logique interne. Pour chaque division, il va repérer l’heure, le lieu, les personnages impliqués ainsi que les actions rencontrées. Régulièrement , il va aussi spécifié le style narratif emprunté par Joyce et les effets littéraires ou sonores que cela produit.

NOTE : Exposé de Nabokov et exemples proposés toujours très schématiques, autant chez les trois biographés.

Ancrage référentiel : PROUST : Nabokov situe l’œuvre de Proust dans le temps et dans son contexte socio-historique de naissance. Il nomme également quelques influences subies par Proust dans l’écriture de la Recherche : « Dans sa jeunesse, Proust a étudié la philosophie d’Henri Bergson. Les idées fondamentales de Proust concernant le temps qui passe portent sur la constante évolution de la personnalité en terme de durée, les richesses insoupçonnées de la frange subliminales de notre esprit, ce que nous ne pouvons retrouver que par le biais actif de l’intuition, de la mémoire et des rapprochements involontaires; ce à quoi il faut ajouter la subordination de la simple raison au génie de l’inspiration, et le fait de considérer l’art comme la seule réalité au monde : ces idées proustiennes sont des éditions en couleurs de la pensée bergsonienne. » p.48. KAFKA : Nabokov intègre une citation d’un commentateur de Kafka, Paul L. Landsberg (The Kafka Problem, Ed. Angel Flores, 1946), à propos de la banalité de la réaction première du personnage face à sa propre métamorphose: « lorsque nous allons nous coucher dans un environnement qui ne nous est pas familier, il peut fort bien nous arriver de connaître au réveil une moment de désorientation, une soudaine sensation d’irréalité, et cette expérience doit se produire très souvent dans l’existence d’un voyageur de commerce, dont le mode de vie rend impossible tout sentiment de continuité. » p.132 JOYCE : À propos de l’appartement des Bloom, Nabokov précise que celui-ci était bien vide au moment où Joyce situe son récit (le jeudi 16 juin 1904) puisque Joyce en avait été informé par sa tante Joséphine : « Lorsqu’un certain M. Finneran vint occuper la maison en 1905, il fut sans doute (dit mon informatrice, Patricia Hutchins, qui a écrit un charmant livre sur le Dublin de James Joyce [1950]) loin d’imaginer les fantômes littéraires qui attendaient encore d’habiter sa maison. » p.208 Nabokov mentionne également quelques commentateurs de Joyce, se permettant de juger positivement ou négativement leurs vues sur Ulysse. « “ La platitude étudiée du chapitre précédent est à présent ramenée au ton rigoureusement impersonnel de questions formulées de manière scientifique et assorties de réponses toutes aussi glaciales.” (Kain.) » p.300

Indices de fiction : PROUST : Vraiment très peu, vu le contexte didactique où veut s’ancrer l’exposé. On pourrait considérer quelques comparaisons entre Marcel-personnage et Proust-écrivain comme fictive, mais elles sont toujours faites avec retenue; elles ne forment en aucun cas les assises de l’analyse proposée par Nabokov. Celui-ci suggère à quelques occasions des rapprochements entre des personnages de La recherche… et des personnes ayant réellement côtoyé Proust, mais ces exemples demeurent isolés et ne sont pas du tout représentatif de la manière dont Nabokov aborde cette oeuvre : « Ce personnage [Bergotte] a quelques affinités avec Anatole France, mais, dans l’ensemble, Proust a créé de toutes pièces le personnage de Bergotte. » p. 84. KAFKA : Nabokov émet son opinion personnelle et très peu nuancée sur certains commentateurs de Kafka : « Notre sujet peut bien avoir quelque rapport avec les hannetons, il n’en a aucun avec les âneries, et je rejette totalement cette absurdité. » p.126 Autrement , le texte se veut le plus près possible de la réalité du récit de Kafka, toujours dans un soucis didactique. JOYCE : Nabokov suggère quelques explications quant à la personnalité le Léopold Bloom, qu’il rapproche de Joyce l’auteur : « En composant le personnage de Bloom, l’intention de Joyce était de placer au milieu d’endémiques Irlandais dans son Dublin natal, quelqu’un qui était aussi irlandais que lui, Joyce, mais qui était également un exilé, un mouton noir dans le bercail, comme lui, Joyce, l’était. Joyce conçut donc le projet rationnel de choisir, pour tenir le rôle de l’outsider, le type du juif errant, type même de l’exilé. » p.180-181 Pour faire suite à cette idée : « Tous deux [Bloom et Stephen Dedalus] sont des vagabonds et des exilés, et court finalement dans les veines de chacun d’eux le sang pétillant de James Joyce, leur créateur. » p.297.

Rapports vie-œuvre : PROUST : Très peu présent puisque le texte de Nabokov est principalement centré sur l’œuvre Proust, plutôt que sur les événements de sa vie. Nabokov énumère quelques préférences de Proust en ce qui concerne la représentation de la vie de ses personnages, mais très peu en ce qui concerne sa propre vie : « Marcel est très frappé par le fait que son auteur favori [Bergotte] serve de mentor à une petite fille [Gilberte] dans ses études : on trouve là une de ces projections, l’une de ces relations idéales que l’on retrouve si souvent chez Proust. » p.84. KAFKA : Comme chez Proust, Nabokov considère très peu l’influence existant entre la vie et l’œuvre de l’écrivain, réfutant même l’opinion de certains psychanalystes ayant relevé un parallèle entre la relation de Gregor et son père et celle de Kafka et son propre père(p. 125-126). Nabokov souligne l’importante influence littéraire de Flaubert. JOYCE : Nabokov ne relève pas tant des éléments de la vie Joyce ayant pu influencé son écriture que des lectures qui l’ont marqué et dont on peut retrouver les tracer dans Ulysse. Joyce fait mention des « coquilles St-Jacques », qui serait l’équivalent des madeleines de Proust. p.202 Il fait mention d’influences de la part de Tolstoï (approche philosophique et le rêve d’Anna Karénine). p.235 et 249 Comme l’aurait fait Shakespeare, Joyce s’intègre dans son récit dans le personnage secondaire et énigmatique de l’homme au mackintosh brun. p.237

Thématisation de l’écriture et de la lecture : PROUST : Le texte est évidemment centré sur la méthode d’écriture de Proust, et propose plusieurs comparaisons très intéressantes et révélatrices, comme avec Joyce : « Proust, pour sa part, soutient qu’un personnage, une personnalité, n’est jamais connu de façon absolue, mais seulement comparative. Au lieu de le hacher menu [comme le fait Joyce], il nous montre tel personnage à travers l’idée que d’autres personnages se font de ce personnage. Et il espère, après avoir donné une série de ces prismes et de ces reflets, les combiner pour en faire une réalité artistique. » p.62-63. KAFKA : Nabokov relève les principales thématiques chères à Kafka, dont le nombre « 3 », la porte, et le bien-être des Samsa. Autrement, il fait très peu de commentaire sur sa position d’écrivain et sur sa philosophie littéraire, sauf en ce qui concerne l’influence de Flaubert. JOYCE : Nabokov s’intéresse particulièrement, non sans raison, aux différents styles d’écriture de Joyce, sans pourtant spéculer sur les raisons d’un tel emploi de la langue.

Thématisation de la biographie : Pas du tout. Nabokov met de côté toute notion biographique parce qu’il ne considère pas la Recherche comme une oeuvre autobiographique; il ne s’attarde donc pas à commenter le processus de l’écriture biographique, ni même sa propre démarche pour l’étude de l’œuvre de Proust, qu’il aborde sous un angle essentiellement didactique. Il procède de la même manière devant les œuvres de Kafka et de Joyce.

Topoï : PROUST : le génie universel de Proust, le travail de l’écrivain, thématiques présentes dans la Recherche : sensibilité nécessaire à l’écriture, reconnaissance du désir d’être écrivain, amour maternel, ainsi que plusieurs autres thèmes mineurs. KAFKA : La famille, la cruauté, l’humain-insecte vs l’insecte-humain, l’absurdité. JOYCE : Bloom et le destin, la synchronisation (aussi procédé) p.231-251

Hybridation, différenciation, transposition :

Autres remarques : Deux textes de Nabokov sont insérés à la fin : « L’art de la littérature et le bon sens » Nabokov veut montrer que le plus haut degré de conscience de l’humain vient de son intérêt pour les détails, même dans les moments où le péril est imminent. Ainsi, en littérature, c’est davantage l’attachement aux détails que la généralisation qui fait d’une œuvre un chef-d’œuvre. L’impulsion originale, qui donne un frisson créateur, ou ce qu’on nomme l’inspiration littéraire, n’a rien à voir avec le bon sens, le sens commun.

« L’envoi » Derniers mots de Nabokov concernant le contenu de son exposé. Conscient que le monde recèle des problèmes dont l’importance est incomparable à ceux posés en littérature, il espère seulement avoir formé des lecteurs moins naïfs, du moins pour ceux qui auront porté une attention soutenue à son propos.

LA LECTURE

Pacte de lecture : Ces textes sont d’abord rédigés dans le but d’être présenté oralement à des étudiants, alors le pacte de lecture est plutôt un pacte d’enseignement.

Attitude de lecture (par rapport à un corpus de « Biographie imaginaire ») : Il serait très difficile de considérer ce texte comme faisant partie d’un corpus de biographie imaginaire, puisque Nabokov s’attache à dépeindre avec le plus de logique possible les processus d’écriture de ses « biographés » (le mot est presque fort puisque la part biographique est vraiment minime) et leur signification intrinsèque.

Lectrice : Catherine Dalpé

fq-equipe/proust_kafka_et_joyce_par_nabokov.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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