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FICHE DE LECTURE

INFORMATIONS PARATEXTUELLES

Auteur : Geneviève Brisac Titre : Loin du paradis, Flannery O’Connor Lieu : Paris Édition : Gallimard, collection «L’Un et l’Autre» Année : 1991 Pages : 149 p. Cote : PQ 2662 R5582 L65 1991 Désignation générique : Aucune, si ce n’est celle que l’on peut déduire par l’esthétique prisée par la collection et que l’on retrouve sur un des rabats.

Bibliographie de l’auteur : Les filles (1987) ; Madame Placard (1989) ; Petite (1994) ; Week-end de chasse à la mère (1996) ; Voir les jardins de Babylone (1999) ; Pour qui vous prenez-vous (2001) ; La marche du cavalier (2002) ; Les sœurs Délicata (2004) ; VW, le mélange des genres (2004).

Biographé : Flannery O’Connor

Quatrième de couverture : Vierge

Préface : Aucune

Rabats : Extrait de la biographie (p.40-41)

Autres (note, épigraphe, photographie, etc.) : Sur la couverture, autoportrait de Flannery O’Connor avec un de ses paons.

LES RELATIONS (INSTANCES EXTRA ET INTRATEXTUELLES) :

Auteur/narrateur : Puisque cette biographie se rapproche de la forme de l’essai, on peut aisément associer la figure du narrateur avec celle de l’auteur.

Narrateur/personnage : La narration oscille constamment entre le «il» et le «je», c’est-à-dire que les voix de la narratrice et celle du personnage s’entremêlent allégrement sans le secours des traditionnelles parenthèses pour introduire le discours du personnage. Il est difficile de savoir si ces paroles du personnage sont extraites de sources écrites ou si elles sont le fait de l’auteur. En fait, il arrive que la narratrice précise, quoique de manière assez vague, la source de ces paroles («écrit-elle», «note-t-elle dans une lettre», etc.) ou encore qu’elle les introduise par des formules encore plus imprécises («dit-elle», «raconte la voix nasillarde de Flannery O’Connor», etc.) ou qu’elle les juxtapose simplement à son propre discours. De plus, il arrive à trois reprises qu’une sorte de journal prenne place à l’intérieur du récit. Ce journal, composé de courtes entrées, offre des réflexions du personnage, par exemple, à propos de sa maladie et s’étend sur plusieurs années.

Biographe/biographé : Flannery O’Connor a une vision aiguë de son identité sudiste et son regard décapant ne ménage rien ni personne, surtout pas elle-même. Dépeignant ce personnage si antipathique, moqueur et porté à l’exagération, Brisac fait montre d’un attachement grandiloquent, tentant de percer sa carapace et de la mettre à nue pour le lecteur. Elle écrit : «Flannery O’Connor, depuis l’arrivée à Milledgeville, depuis la mort d’Ed, son père, depuis cette violente crise d’adolescence silencieuse, n’a cessé de se protéger, de toutes les manières, par le rire, et par les raisonnements, grâce à la religion, et à l’écriture aussi.» (p.141) Cet attachement pour la biographée se traduit donc sous une forme de plaidoyer. Mais sa fascination s’exerce bien davantage à travers l’œuvre de la biographée que de sa figure comme telle : «Les histoires de Flannery O’Connor sont des cristaux, formes brèves, coupantes, saisissantes, à facettes multiples. Ainsi naissent de nouvelles formes cristallisées devenue invulnérables.» (p.41-42) / «Cette première manière de Flannery O’Connor est éblouissante d’intelligence, de brio. Son sens de la comédie et du dialogue explose dans chaque nouvelle, et cette obsession : se situer à la frontière du réel et de l’imaginaire, être la plus réaliste, et trouver les failles par où s’engouffre le fantastique.» (p.54)

L’ORGANISATION TEXTUELLE

Synopsis : La vie de Flannery O’Connor sert d’ossature au récit, mais c’est l’œuvre (et le commentaire sur l’œuvre) qui vient y ajouter la chair ou, pour le dire mieux, quelques moments de la vie d’O’Connor servent de relais à l’appréhension de ses œuvres. Ayant vécue recluse à cause de la maladie, l’aspect factuel de sa vie est plutôt mince. Le premier chapitre rend compte de la passion d’O’Connor pour les paons, elle qui s’identifie à ces animaux désagréables puisqu’elle «a choisi depuis toute petite d’être très désagréable avec tout le monde» (p.15). La narratrice ajoute : «Et s’ils sont une métaphore de l’artiste et de l’écrivain, c’est d’abord parce qu’ils sont des monstres paisibles, destructeurs, indifférents.» (p.17) Le deuxième chapitre est consacré à l’enfance de la biographée et le troisième et le quatrième tente de saisir des aspects particuliers de la logique implacable d’O’Connor, respectivement à l’âge de 12 et de 13 ans. À 20 ans, elle part pour l’Université d’Iowa, fréquente un atelier littéraire et écrit ses premières nouvelles. Par la suite, elle se rend à Yaddo, une résidence pour jeunes écrivains où elle fait quelques rencontres significatives, dont Robert et Sally Fitzgerald chez qui elle ira habiter pendant quelques temps et d’où elle rédigera son premier roman. Un an plus tard, elle retourne chez sa mère en Géorgie parce qu’elle est frappée par la même maladie que son père, le lupus érythémateux. Après un séjour à l’hôpital et une visite à Lourdes que sa mère lui impose dans l’espoir de la guérir, Flannery est décidée à s’enfermer pour toujours sur la ferme maternelle. Dès lors, il n’y aura plus que l’écriture. Les autres chapitres portent donc sur divers aspects de sa vie, de sa personnalité, de son monde, de son esthétique (par exemple, un chapitre sur sa mère, un sur la bêtise, un sur l’arrivée d’immigrants à la ferme, etc. – et toutes les transpositions qui sont faites dans ses œuvres).

Ancrage référentiel : Principalement les lieux et les dates comme dans la plupart des biographies du corpus, mais surtout, ici, les œuvres d’O’Connor.

Indices de fiction : Le dédoublement des voix, la focalisation interne, la présence d’un journal qui reprend une ou deux entrées par année.

Rapports vie-œuvre : La biographe établi de nombreux liens entre la vie et l’œuvre de la biographée, même si celle-ci, qui met souvent en scène des hommes, des vieillards et des gamins ne semble nullement autobiographique. En fait, la vie permet d’éclairer l’œuvre et l’œuvre la vie mais d’une lumière particulière, puisqu’il s’agit avant tout d’un travail de transposition des idées, des sentiments, des perceptions d’O’Connor qui fait la richesse de son œuvre : «La force inconsciente et consciente de Flannery O’Connor, c’est d’oser mettre ainsi en scène son mal, ses symptômes et laisser parler Asbury, qui n’est pas elle, qui dit laissez-moi tranquille, tout ce que je veux c’est qu’on me laisse tranquille, et peut-être que Flannery, rentrée à Andalusia, dans cette année 1951, aurait aimé crier des choses comme celles-là.» (p.62). Et O’Connor s’acharne sur ce double d’elle-même avec le même rire que devant l’absurde. La biographe affirme également que «dans ce qu’elle écrit on peut discerner une longue, lucide, et terrible lettre à sa mère.» (p.67)

Thématisation de l’écriture et de la lecture : La lecture n’est pas thématisée, mais l’écriture l’est très fortement – c’est même le moteur de la biographie, tout comme elle est le moteur de la vie d’O’Connor. Cette dernière ayant un rapport très particulier avec le monde (elle est cynique, austère, moqueuse), cette vision du monde se traduit dans ses écrits, dans ses histoires qui «ne sont pour personne» et qui la font se « tordre de rire » : «Elle aime les choses bizarres, les contrastes, les choses de très mauvais goût.» (p.40) Mais, surtout, O’Connor «écrit de l’intérieur de la maladie» (p.69) qui forme comme un rempart autour d’elle ; maladie, écriture et succès forment un tout. Mais Flannery, entêtée, se complaît toujours à écrire des «histoires qui ne sont pour personne» et si sa mère, l’énergique fermière, ne voit pas d’objection à ce qu’elle écrive, elle lui répète cependant «que c’est vraiment navrant de gâcher comme elle le fait les dons que Dieu lui a donnés, en refusant, par pur entêtement, d’écrire le genre de choses qu’un tas de gens aimeraient lire» (p.80), ce qui met Flannery au supplice mais ne l’empêche pas de continuer et de pousser son esthétique particulière jusqu’au sommet.

Thématisation de la biographie : Pas thématisée. L’assurance portée par les deux voix de la narratrice et du personnage est parfois ponctuée d’hypothèses, toute propre à l’entreprise biographique.

Topoï : La société étriquée et mourante du sud des Etats-Unis, l’appartenance à une communauté particulière, l’absurdité, la personnalité si singulière de la biographée, la maladie, la religion catholique, l’identité, la relation mère-fille, l’écriture, la transposition du vécu, etc.

Hybridation : Entre biographie et essai.

Différenciation : Se différencie de la biographie traditionnelle par l’éloignement des sources factuelles ayant présidé à la documentation et par la primauté accordée à l’œuvre sur la vie, mais demeure tout de même assez prêt du canevas classique.

Transposition : L’œuvre est abondamment transposée et occupe, de ce fait, la plus grosse part de la biographie. Les diverses nouvelles et les romans d’O’Connor sont résumés et décrits afin, sans doute, de familiariser le lecteur à celle-ci, mais surtout de communiquer la passion de la biographe pour cette figure un peu revêche qu’est Flanney O’Connor. Comme mentionné plus haut, la biographe part du présupposé que la biographée transpose ses sentiments (qu’elle n’exprime pas, par ailleurs, dans la réalité), ses idées, ses impressions et sa philosophie dans ses œuvres. Chaque chapitre, abordant un thème particulier de la vie d’O’Connor, se prolonge et trouve son aboutissement dans la présentation d’une de ses œuvres. Par exemple, le chapitre sur la mère se réoriente sur le pivot suivant : «Mais c’est dans des nouvelles qui mettent en scène une mère et son fils que les tensions s’expriment dans leur vraie violence meurtrière.» (p.83) Il en va de même pour certaines expériences qu’O’Connor transpose et transforme, comme l’arrivée d’immigrants qui provoque les réactions racistes de son entourage avant même leur venue (p.89-96).

LA LECTURE

Pacte de lecture : Malgré le mélange des voix, on soupçonne assez facilement que Brisac a peu inventé, que, paradoxalement, seules les contraintes esthétiques imposées par la collection lui ont fait prendre cette liberté et qu’elle aurait tout aussi bien pu écrire une biographie tout ce qu’il y a de plus conventionnel. Dans l’ensemble, donc, le pacte est référentiel mais permet une lecture très souple.

Attitude de lecture : Deux étranges personnages… Par la force de ses évocations, Brisac parvient à nous convaincre de l’intérêt que recèle cette personnalité peu commune (et ô combien peu romanesque !) qu’est O’Connor. La trame manque toutefois un peu d’élan et à trop vouloir intellectualiser son sujet, Brisac en éteint toute chaleur.

Lecteur/lectrice : Manon Auger

fq-equipe/o_connor_par_brisac.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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