FICHE DE LECTURE COLLECTION « L’UN ET L’AUTRE »
INFORMATIONS PARATEXTUELLES
Auteur : Jean-Michel Delacomptée
Titre : Je ne serai peintre que pour elle
Lieu : Paris
Édition : Gallimard
Collection : « L’un et l’autre »
Année : 2003
Pages : 170
Cote : 923. 244 M922d 2003 (BAnQ)
Désignation générique : Aucune
Préface : Aucune.
Rabats : Deux rabats : extrait du livre et programme de la collection.
Image de la couverture : Détail d’un portrait anonyme d’Anne d’Autriche.
Autres (note, épigraphe, etc.) : Épigraphe de Michel Pernot, tirée de l’édition de la Bibliothèque de la Pléiade des Mémoires du cardinal de Retz : « Elle se lia avec Mme de Sévigné et Mme de La Fayette et écrivit des Mémoires pour servir à l’histoire d’Anne d’Autriche, qui ne parurent qu’en 1723 mais constituent une source de premier ordre pour l’histoire politique du XVIIe siècle. »
INFORMATIONS SUR LE BIOGRAPHE :
Pays d’origine : France
Profession : Écrivain et maître de conférences en Littérature française classique à l’Université Paris 8.
Bibliographie : Delacomptée a publié plusieurs essais sur la littérature classique, ainsi qu’un roman. Il a contribué à la collection « L’un et l’autre » à des nombreuses reprises : Madame la Cour la Mort, Et qu’un seul soit l’ami. La Boétie, Le roi miniature et, après Je ne serai peintre que pour elle, il a fait paraître La main savante. Ambroise Paré et Langue morte. Bossuet. Chacun de ces livres traite de personnalités de l’Ancien Régime.
Autres informations :
INFORMATIONS SUR LE BIOGRAPHÉ :
Identification du biographé : Madame de Motteville (née Françoise Bertaut) (1621-1689), femme de chambre de la reine Anne d’Autriche et auteur de Mémoires.
Brève biographie du biographé : Mme de Motteville fut présentée pour la première fois à la Anne d’Autriche alors qu’elle n’avait que sept ans, grâce à sa mère espagnole qui était liée avec la reine. Celle-ci se prit d’affection pour la fillette, mais la mère et la fille furent disgraciées peu après par Richelieu (qui voulait couper la reine des liens qui la rattachaient à son pays d’origine) et retournèrent chez elles, en Normandie. À l’âge de dix-huit ans, la jeune fille épousa Monsieur de Motteville, un vieillard de quatre-vingts ans qui mourut deux ans plus tard. Lorsque la reine apprit la mort de M. de Motteville, elle appela Mme de Motteville auprès d’elle et en fit, jusqu’à sa mort, sa femme de chambre et confidente intime. Dès son arrivée à la cour, Mme de Motteville entreprit d’écrire des Mémoires sur Anne d’Autriche, qui relatent principalement les événements de la Fronde. Après la mort de la reine, en 1666, Mme de Motteville arrêta d’écrire et se retira du monde.
Époque du biographé : Le XVIIe siècle.
Pays d’origine : France. Mme de Motteville était toutefois à moitié espagnole par sa mère.
Autres informations : Le livre traite beaucoup des événements et des gens qui ont participé à la Fronde, notamment la reine elle-même, le cardinal de Mazarin et la famille de Condé.
LES RELATIONS (INSTANCES EXTRA ET INTRATEXTUELLES) :
Auteur/narrateur : L’auteur correspond au narrateur. Il s’exprime à plusieurs reprises en son nom propre, évoquant le travail de réédition qu’il a fait des Mémoires de Mme de Motteville ainsi que le premier livre qu’il a fait paraître dans la collection « L’un et l’autre », Madame La Cour La Mort (2003 : 19), ou encore traitant des analyses qui ont été faites de cette œuvre.
Narrateur/personnage : Le narrateur ne se met jamais en scène lui-même. Par contre, il évoque à plusieurs reprises son point de vue personnel sur Mme de Motteville ou encore il traite de la réception que l’œuvre de celle-ci a connue au fil des siècles.
Biographe/biographé : Le biographe éprouve beaucoup d’admiration pour Mme de Motteville, particulièrement en raison de son dévouement envers sa maîtresse. Il écrit « Mais ces qualités ne pouvaient suffire pour que d’annotateur je devienne peintre à mon tour. Une brave femme, fût-elle l’amie des reines, fait un modèle mineur. La raison se trouve autre part : dans sa dévotion envers Anne d’Autriche, un amour librement consenti, dans cet oubli de soi qu’elle a voulu. Elle s’est donnée sans calcul, sans flatteries non plus. » (2003 : 155) L’auteur est donc motivé par le désir de rendre hommage à Mme de Motteville, mais son travail est également fondé par la volonté de sauver la mémorialiste de l’oubli injuste où elle a sombré depuis la fin du XIXe siècle.
Autres relations : Le livre de Delacomptée se penche de manière importante sur Anne d’Autriche ainsi que sur les événements de la Fronde, au point où Mme de Motteville se trouve souvent reléguée au second plan ou utilisée comme prétexte pour aborder d’autres questions.
L’ORGANISATION TEXTUELLE
Synopsis : Le texte s’ouvre sur un chapitre intitulé « À Fresne », très différent du reste de l’œuvre. L’auteur y décrit une scène à partir d’une lettre de Mme de Sévigné adressée au marquis de Pomponne. La scène se passe le 1er août 1667 et réunit plusieurs gens rassemblés à l’extérieur d’un château à Fresnes : Mme de Sévigné, bien sûr, Arnauld d’Andilly, Mme de La Fayette, Élisabeth du Plessis-Guénégaud, le marquis de Saissac, quelques jeunes filles et Mme de Motteville, dont Mme de Sévigné dit qu’elle rêveuse. Cette scène a lieu dix-huit mois après la mort d’Anne d’Autriche, alors que Mme de Motteville s’est retirée de la cour et a mis fin à ses Mémoires (bien qu’elle continua à retravailler le texte qu’elle avait déjà produit).
Le reste du texte est segmenté en onze chapitres dont je résume brièvement le contenu : « D’où l’on vient » : Ce chapitre se penche sur les origines familiales de Mme de Motteville ainsi que sur l’oubli dans lequel elle est tombée depuis un peu plus d’un siècle, malgré la popularité dont son œuvre a joui aux XVIIIe et XIXe siècles. « La beauté » : L’auteur traite de son propre travail de biographe puis s’intéresse à la question de la beauté chez Mme de Motteville. Il souligne que, si Mme de Motteville loue la beauté d’Anne d’Autriche, elle n’en conserve pas moins une infaillible franchise. « Nouvel ordre » : L’auteur décrit comment la mort d’Anne d’Autriche marque un changement d’ère dans l’histoire de la France. « Une femme curieuse » : Ce chapitre s’intéresse aux débuts de l’œuvre de Mme de Motteville et aux raisons qui l’ont poussée à entreprendre ce travail alors qu’elle n’avait que vingt ans et malgré son tempérament indolent et paresseux. Delacomptée évoque la grande curiosité de Mme de Motteville ainsi que son désir de sauver ses observations de l’oubli. « Nature humaine » : L’auteur note ici que, malgré que Mme de Motteville ait été la première femme issue de la petite noblesse à laisser des Mémoires, son œuvre n’a pas suscité d’exégèse. Il souligne que Sainte-Beuve admirait le caractère juste, clairvoyant, sagace de Mme de Motteville, qui avait une vision plutôt sombre de l’homme. Plusieurs événements (notamment l’exécution de Charles Ier d’Angleterre) l’ont convaincue que l’homme est cruel et mauvais s’il ne jouit pas du secours de la religion. Cette vision pessimiste mais réaliste est à contre-courant de la perspective offerte par les contemporains de Mme de Motteville, puisque le XVIIe siècle était une époque férue de nouveauté. « La peur » : Mme de Motteville se décrivait elle-même comme une poltronne et fut grandement marquée par les émeutes de la Fronde. L’auteur écrit que la représentation que Mme de Motteville fait de la reine se démarque par la double perspective qu’elle offre (perspective intime et vue d’ensemble du monde politique de l’époque) ainsi que par la bienséance et le respect dont elle fait preuve envers son modèle. « Questions de style » : Dans ce chapitre, l’auteur analyse le style littéraire de Mme de Motteville, notant que le genre auquel son œuvre appartient, celui des Mémoires, n’intéresse plus beaucoup désormais car il est trop poli. Il remarque que Mme de Motteville a deux styles distincts selon que les événements qu’elle dépeint se sont déroulés en temps de paix ou de guerre. Son écriture reste malgré tout caractérisée par l’emploi d’euphémismes, ainsi que par sa causticité et son humour. « L’indignée » : Ce chapitre est centré sur la mauvaise opinion que Mme de Motteville avait des politiciens, qu’elle considérait cruelle et impie. Elle jetait le blâme des événements de la Fronde sur les mauvais conseils que le cardinal de Mazarin donnait à Anne d’Autriche. « Hautes figures » : Ce chapitre présente les principaux protagonistes de la Fronde : la reine, le cardinal de Mazarin, les princes de Condé. « Le cardinal » : L’auteur s’intéresse ici à la représentation que Mme de Motteville donne du cardinal, qu’elle n’aimait pas (elle va jusqu’à le traiter de pervers dans ses Mémoires) mais qu’elle respectait néanmoins pour son refus de faire couler le sang. L’auteur se penche également sur les raisons qui l’ont incité à s’intéresser à Mme de Motteville. « Le ciel » : Dans le dernier chapitre, Delacomptée parle des femmes qui vécurent auprès de Mme de Motteville et que celle-ci aimait tendrement. Il conclut son ouvrage en traitant de l’obsession que Mme de Motteville, terrifiée par l’éventualité de son propre salut, avait pour la mort, et en relatant la mort d’Anne d’Autriche, qui met également un point final à l’œuvre de la mémorialiste.
Le texte est donc structuré de manière relativement aléatoire, les chapitres englobant parfois des éléments un peu disparates.
Ancrage référentiel : Important. L’auteur situe de manière plutôt précise la plupart des événements qu’il rapporte, mentionnant quantité de détails dans sa narration.
Indices de fiction : Il ne semble pas y en avoir. Il n’y a que dans le premier chapitre qu’on assiste à une mise en scène à proprement parler, mais l’auteur s’inspire directement d’une lettre de Mme de Sévigné et il prend par ailleurs soin d’insister sur les éléments sur lesquels il ne dispose pas d’informations, décrivant ces éléments en usant de conjectures : « A-t-il plu ? C’est possible : il est tombé, cet été-là, de vrais déluges. […] [C]ette femme d’âge mûr perdue dans ses pensées, est-elle saisie de torpeur ou envahie de souvenirs ? Et sa voisine aux joues pleines, avec ses peintures et le pinceau dont elle bariole de petits dessins ? Ou cette autre, sans plus de détails ? » (2003 : 11)
Indices autobiographiques : L’auteur s’exprime à la première personne à de nombreuses reprises, mais il s’agit le plus souvent de commentaires dont la teneur ne peut pas réellement être considérée autobiographique. Je relève toutefois ce passage : « On retrouve chez elle cet absolu dédain des biens terrestres et cette conviction du néant humain qui rabaissent une couronne à de la fange, et qui expliquent pourquoi, m’adressant naguère aux Mémoires du temps pour dépeindre, dans Madame la Cour la Mort, Henriette d’Angleterre et la cour du Roi-Soleil au commencement du règne, le mécréant désolé que je suis s’est épris de Mme de Motteville, en tout cas de sa hauteur de vues […]. » (2003 : 19)
Rapports vie-œuvre (l’œuvre pose-t-elle un questionnement intéressant par rapport à cette question ?) : L’œuvre présente un certain intérêt relativement à cette question, puisque l’œuvre de Mme de Motteville raconte des événements dont elle a elle-même été témoin. Ainsi, même si la mémorialiste en dit très peu sur elle-même, le point de vue personnel de Mme de Motteville a néanmoins une influence directe sur la représentation qu’elle donne des événements. Delacomptée insiste sur la subjectivité du regard que pose Mme de Motteville sur le monde.
Si l’essentiel du rapport vie-œuvre tel qu’il est traité dans Je ne serai peintre que pour elle reste plutôt général, l’auteur mentionne un événement particulier de la vie de Mme de Motteville qui eut une influence durable sur sa manière d’envisager l’homme. Alors que, au tout début de la Fronde, elle tentait de fuir les émeutes parisiennes, elle fut attaquée par une foule enragée et crut qu’on allait l’assassiner. Ainsi, commentant cette phrase pessimiste de Mme de Motteville : « Il n’y a pas de bonté dans l’homme ; du moins est-elle rare », Delacomptée écrit, faisant référence à cet épisode terrifiant, qu’il s’agit d’un « constat qu’elle a éprouvé dans sa chair » (2003 : 83)
Thématisation de l’œuvre du biographé : Mme de Motteville est principalement envisagée à travers son œuvre. En effet, c’est surtout à travers ses Mémoires que l’auteur analyse la personnalité de la biographée, ne disposant en somme que de peu de sources d’informations extérieures sur elle.
Thématisation de l’œuvre elle-même (métadiscours à l’intérieur de l’œuvre): Voir le passage cité dans la section « Biographe/biographé ».
Rapport entre le texte et le programme de la collection : Le texte répond tout à fait aux attentes créées par le programme de la collection : l’auteur explicite son rapport à Mme de Motteville, la nature du lien qui l’unit à elle, et raconte son existence de manière subjective. De plus, l’objet de Delacomptée correspond aux « visages oubliés, noms effacés, profils perdus » évoqués par le programme de la collection.
Topoï : Écriture, la Fronde, pouvoir, féminité.
Hybridation : Essai critique, biographie, ouvrage historique.
Autres remarques :
LA LECTURE
Pacte de lecture : Le pacte de lecture est un peu ambigu, car l’auteur donne l’impression de changer constamment de registre. Par exemple, l’ouvrage s’ouvre sur un chapitre qui a très peu à voir avec le reste de l’œuvre et où Mme de Motteville n’apparaît que comme une figurante absorbée dans ses pensées. De plus, la biographée est fréquemment laissée de côté par l’auteur, qui raconte des épisodes de la Fronde qui n’ont parfois rien à voir avec Mme de Motteville (ce faisant, il effectue également d’incessants sauts temporels qui s’avèrent plutôt confondants). J’ai l’impression que l’ouvrage aurait gagné en lisibilité et aurait présenté d’avantage d’intérêt s’il avait été structuré de manière un peu plus traditionnelle.
Remarques générales sur la collection :
Lecteur/lectrice : Mariane Dalpé