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Fiche de lecture

1. Degré d’intérêt général Pour le projet de quête et enquête : Quête, élevée. Pour le projet de diffraction : nul En général : Excellent roman. Minimaliste. Quête déportée, affaiblissement de l’intentionnalité. Réticence descriptive. Ironie

2. Informations paratextuelles 2.1 Auteur: Louis Gauthier 2.2 Titre : Le pont de Londres 2.3 Lieu d’édition : Montréal 2.4 Édition : BQ (édition originale : VLB 1988) 2.5 Collection : - 2.6 (Année [copyright]) : 2000 (1988) 2.7 Nombre de pages : 97 p. 2.8 Varia : -

3. Résumé du roman

Fourni sur le site de BQ :

De retour d’un bref voyage en Irlande et se préparant à poursuivre sa route vers l’Inde, le narrateur de ce court récit se voit contraint de passer le temps des Fêtes à Londres. Désemparé, il y restera une quinzaine de jours, vivant à la remorque de son ami Jim et observant d’un oeil ironique les gens et les événements qui l’entourent. Sur fond de désespoir, dans l’atmosphère légèrement trouble que font naître désir et jalousie, choses dites et choses tues, sa paranoïa, alimentée par la drogue et l’alcool, lui fait remettre en question l’amour, l’amitié et le sens de la vie.« M. Allister demanda de quel genre de livres il s’agissait. J’étais bien embêté. Ce n’étaient pas des poèmes en tout cas, pas des romans non plus, à vrai dire. J’essayai d’être drôle : c’étaient des livres, des livres avec des mots, assez de mots pour faire assez de pages pour mettre une couverture autour, et mon nom dessus. Je sentis que je n’étais pas très convaincant. »Le narrateur du Pont de Londres est écrivain, tout comme Louis Gauthier, et tout comme lui il s’intéresse aux rapports entre la littérature et la vie, le réel et l’imaginaire, la réalité et la fiction. Un récit plein des qualités que l’on trouvait déjà dans Voyage en Irlande avec un parapluie et qui rappelle, s’il en est encore besoin, que Louis Gauthier compte « parmi les meilleurs stylistes du Québec » (Réginald Martel)

4. Caractéristiques du récit et de la narration

Bien que l’édition BQ n’en fasse pas mention, l’édition originale portait la mention générique «récit». Formé de 5 courts chapitres eux-mêmes sous-divisés en 2 ou 3 «instantanés» ou courtes séquences (la sous division est à chaque fois marquée par une série d’astérisques)

Le roman est mené en narration autodiégétique à focalisation interne. (Narration non problématique)

5. Rapport avec la fiction

Réalisme. Minimalisme. Autoreprésentation (narrateur/écrivain) mais les ressort de la fiction ne sont pas exacerbés.

6. Intertextualité Une courte allusion à Jonathan Swift, Mark Twain et Oscar Wilde, aux Milles et unes nuits, à Aladin (PL : 85)

7. Élément marquant à retenir / extraits significatifs.

POUR LA QUÊTE (déportée, abandonnée)

-Dès l’incipit, la quête apparaît fortement déterminée, claire. Les moyens pour y parvenir sont bien établis. Le narrateur n’a pas l’intention de tergiverser :

« Je revins de l’Irlande à la mi-décembre avec l’intention de ne passer à Londres que deux ou trois jours, le temps de saluer Jim, d’établir un itinéraire et de trouver un moyen de transport bon marché vers l’Orient. Noël approchait, il fallait que je me dépêche. » (PL : 9)

-Le narrateur anticipe avec confiance les jalons de son «aventure» :

« Ravi, j’imaginais avec plaisir les événements des jours à venir : les retrouvailles avec Jim, les préparatifs de départ, la dernière promenade dans Londres, le Magic Bus pour Athènes, le soleil enfin et le climat plus chaud où j’entamerais la nouvelle année; dans ma tête, les séquences s’enchaînaient en un montage fluide qui ne laissait place à aucun temps mort. »

-Bien sûr, aucun de ses plans initiaux ne se réalise :

Jim n’est pas à son appartement au moment où le narrateur arrive. (PL :11)

Le narrateur ne réussit pas à rejoindre Jim au téléphone, lors de son voyage à Dublin (PL :12)

Pas de moyen de transport disponible (pour l’Inde) avant le mois de février :

« La déception ne fut pas longue à venir. Il n’y avait pas de Magic Bus avant février. D’autres transports à prix réduit? On ne savait pas. On me suggérait une autre agence; j’y allais, c’était fermé. Ou bien l’agence avait déménagé. N’existait plus.Je traversais et retraversais la ville avec des adresses inscrites sur des bouts de papier. Un autobus pour New Delhi? On me regardait comme une bête curieuse. Je faisais le tour des associations étudiantes : les départs de vacances pour la période des fêtes étaient réservées depuis longtemps. Ailleurs, on me disait que j’étais trop vieux. On me laissait sentir qu’à mon âge on avait les moyens de prendre l’avion, on réservait son hôtel à l’avance. Ou bien on restait chez soi. » (PL : 24)

-Le narrateur entretient un rapport ambigu à sa quête; d’une part, il sent que quelque chose d’extérieur lui résiste :

«Malgré mes efforts méritoires pour conserver à ma vie une trajectoire précise, quelque chose d’extérieur à moi me résistait. J’écrivis à Kate une longue lettre, que je ne postai pas mais qui me fit du bien» (PL : 25)

-En même temps, le narrateur qualifie sa quête de « pèlerinage ». Il se refuse donc à céder à l’attrait de la facilité (se payer un vol direct pour l’Inde) :

«J’avais les moyens de prendre l’avion, c’était facile. On étalait son argent sur le comptoir, la fille en uniforme tapait quelque chose sur le clavier de son terminal et douze heures plus tard on débarquait à Bombay. Ce n’était pas l’idée que je me faisais d’un pèlerinage.» (PL :24)

-Parfois, l’objet de sa quête lui semble tout bonnement absurde. Ainsi, alors qu’il pense à Bob (le petit ami de l’amante de Jim), parti en Inde, il affirme : « Bob était un imbécile, avec sa Vérité, et moi aussi qui marchais sur les mêmes traces.» (PL : 34)

-Le narrateur se trouve pathétique : «voilà ce que j’étais en réalité : un pauvre minable, pas débrouillard pour deux sous, logé chichement dans un appartement dont personne ne voulait, à vingt kilomètres du centre de Londres, dans une banlieue plate, ne sachant quoi faire ni où aller, incapable surtout d’entrer en contact avec les gens et se réfugiant dans les livres faute de savoir vivre.» (PL : 35)

Soubresauts de la quête

À de rares occasions, le narrateur a des « soubresauts » de motivation, il ressent le besoin cuisant d’agir :

«Une envie folle, irrésistible, de sauter dans le prochain avion pour n’importe où s’empara de moi. […] n’importe quoi plutôt que de rester pris dans cette maison ordinaire, dans ce destin sans intérêt.» (PL : 36)

Son impulsion est toutefois rapidement gommée par l’alcool, la paresse, l’orgueil et l’hésitation; alors qu’il est au pub, il réalise qu’il est plus simple de ne pas bouger, de passer le temps des fêtes à Londres :

« Je ne pouvais pas retourner à Montréal […] Mon orgueil m’interdisait de rentrer. Retourner à Dublin […] ? C’était tentant, mais de toute évidence une erreur. On ne revient pas en arrière, la page était tournée […]. » (PL : 37)

Le vocabulaire de «l’intentionnalité relâchée» et de la passivité se fait omniprésent tout au long du récit :

« Je me mis à traîner dans l’appartement, laissant peu à peu le découragement m’envahir. » (PL : 26)

« Je me perdais facilement dans des analyses de ma relation avec Jim » (PL : 26)

« je parlais vaguement de me trouver une chambre à Londres » (PL : 27)

«je n’avais rien d’autre à faire que d’attendre.» (PL : 67)

«Le plus clair de mes énergies, je l’utilisais à ne pas sombrer dans le découragement» (PL : 68)

« l’enthousiasme m’abandonnait, je me retrouvais abattu » (PL : 74)

« Le soir, j’attendais qu’il se passe quelque chose. » (PL : 75)

« j’acceptais toujours ses invitations avec hésitation. » (PL : 75)

« cette passion qui me faisait défaut » (PL : 76)

Écriture empêchée

Le narrateur essaie d’écrire sans pour autant s’attacher à un projet précis:

« J’entrepris successivement un article sur l’Irlande, une chanson en anglais pour Jim, qui parlait d’une Gipsy Queen et d’un Crystal Palace, puis je commençai une nouvelle. » (PL : 69)

« Finalement, ni la nouvelle, ni l’article sur l’Irlande, ni la chanson pour Jim ne furent écrits » (PL : 70)

-Veut écrire le plus beau poème d’amour du monde (sans jamais y arriver) (PL : 70)

-Écrit des lettres à Angèle (qu’il ne lui envoie jamais) (PL :72)

-La seule chose qu’il arrive à rédiger, c’est l’inventaire des titres de la bibliothèque de Bob (PL : 71)

«Écrire, écrire, écrire… je me demandais si j’y parviendrais un jour. […] j’étais toujours aux prises avec la réalité la plus plate, que je ne voulais pas transfigurer, que je m’ingéniais à réduire à ses dimensions les plus banales, à ses détails triviaux, à l’ennui. » (PL : 87)

Le relativisme est exacerbé :

« Toutes les opinions se valaient, j’en étais là dans ma philosophie, incapable de m’accrocher à une certitude, à un amour, à une passion qui m’aurait permis de m’affirmer, de prendre position, de lutter, de crier, de taper du poing sur la table.» (PL : 42)

Surinvestissement du banal

Le narrateur est littéralement obnubilé par la clé qu’il possède. Il s’agit en fait de la clé de l’appartement de Jim, qu’il a choisi de ne pas lui rendre.

«J’avais dans mes bagages un double de sa clef. J’hésitais pourtant à l’utiliser, parce qu’en réalité, cette clef, je n’aurais pas dû l’avoir. Cette histoire, pourtant simple, avait pris dans mon esprit de telles proportions que je ne parvenais plus à en faire une analyse correcte.» (PL : 12)

«cet incident était venu me tracasser à plusieurs reprises au cours de mon séjour en Irlande.» (PL : 12)

« Ce n’était plus un simple instrument de métal servant à faire fonctionner le mécanisme d’une serrure : c’était un symbole chargé de sens multiples, et je n’en avais pas fini avec lui.» (PL : 13)

«Je n’irais pas jusqu’à dire que tout au long de mon voyage cette clef fut au centre de mes préoccupations; simplement, elle était là, dans mes bagages et j’avais l’impression qu’un fil infiniment extensible y était rattaché, qui me reliait toujours à Londres. Lorsque je tombais sur elle en défaisant mon sac ou lorsque, par association d’idées, son existence me revenait à la mémoire, je ressentais toujours un malaise, que je m’efforçais de chasser le plus rapidement possible. » (PL : 14)

«je n’étais pas d’ailleurs sans imaginer les connotations sexuelles qui pouvaient se rattacher à un tel objet, et j’en étais troublé.» (PL : 15)

Banalisation des événements «graves»

La belle-mère de Jim «avait tenté de se suicider, le mois précédent. Elle me le dit comme ça, de but en blanc, comme elle m’aurait dit qu’elle avait eu la grippe.» (PL : 80)

«Jim laissa la petite phrase tragique et dérisoire couler comme un nageur qui se noierait dans l’indifférence générale.» (PL : 84) Ironie Le narrateur, qui n’arrive jamais à réaliser son voyage initiatique en Inde, est constamment confronté à des décors ou des situations imprégnés d’orientalisme :

«J’ai pris possession de ma chambre et commençai à déballer mes affaires. Ici, la décoration révélait une influence différente : photos de moines tibétains en robe orange, de temples suspendus au milieu des nuages, gravures indiennes représentant Krishna, le dieu bleu, ou Ganesha, le dieu à tête d’éléphant. Près du lit, sur une petite table recouverte d’un carré de soie mauve, un gros Bouddha souriant servait de brûle-encens. » (PL : 32-33)

Vacuité/ironie Lors du réveillon de Noël, le narrateur est invité dans une soirée où il rencontre plein d’adeptes de médiation, fascinés par un gourou dont ils écoutent les messages sur une cassette VHS. Là, une dame lui vante les beautés de l’Inde. Sa description est superficielle, bourrée de clichés. Exacerbant ainsi la vacuité de tout voyage initiatique.

«Un pays superbe, magnifique. Malgré la pauvreté, la mendicité, la misère, l’horreur quotidienne. Tout cela passait au second plan, il y avait autre chose, une autre dimension. On ne pouvait pas comprendre cela ici, en Occident. Il ne fallait pas juger avec nos mentalités d’Occidentaux. Il fallait y aller, je verrais, je comprendrais là-bas. Cela ne se décrivait pas avec des mots, cela s’insinuait en vous, s’emparait de vous, quelque chose d’insolite et qui en même temps semblait dormir là, au plus profond de vous, depuis toujours. Une sorte d’apaisement, une réconciliation.» (PL : 51)

Quête de signes

«J’étais moi-même assez curieux d’entendre enfin la voix d’un vrai gourou. Cela me parut un signe : à mi-chemin de mon voyage, la voix d’un vrai gourou; au terme le gourou tout entier.» (PL : 53)

Le narrateur est (paradoxalement) très ironique face à toute forme de quête spirituelle :

«[…] gravissant l’échelle des chakras jusqu’à l’espèce d’éjaculation lumineuse de l’énergie purement spirituelle.» (PL : 47)

Lorsque le gourou évoque l’expérience et le sens de la vie, le narrateur le trouve ennuyant « Il nous demanda si nous pensions qu’il y avait un but dans la vie et ce qui se passerait quand nous l’aurions atteint. Il nous laissa imaginer une possible transfiguration de l’existence. […] J’écoutais avec attention. Pourtant, malgré moi, je commençais bientôt à m’ennuyer.» (PL : 55)

Absence de conclusion : la quête reste en suspens

Emphase forte (gras)**

fq-equipe/louis_gauthier_le_pont_de_londres_montreal_bq_2000_1988_._marie-helene_voyer.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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