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FICHE DE LECTURE « Les postures du biographe »

INFORMATIONS PARATEXTUELLES

Auteur : REYES, Alina Titre : Nus devant les fantômes. Franz Kafka et Milena Jesenská Lieu : Paris Édition : J’ai lu Collection : Année : 2000 Pages : 190 Cote BNQ: R4573n

Biographé : Franz Kafka et Milena Jesenská

Pays du biographe : France. Le nom véritable de l’auteur est Aline Patricia Nardone, née à Bruges en 1956. Son nom de plume lui vient d’une nouvelle de Julio Cortazar!

Pays du biographé : Allemagne / Tchécoslovaquie

Désignation générique : roman

Quatrième de couverture ou rabats : Un extrait du livre qui présente des paroles de Milena adressées à Kafka. Puis, mise en situation : « 1944. Camp de Ravensbrück. Milena Jesenska, à l’orée de la mort, se rappelle la vie « d’avant ». Prague, la « petite mère », et le parfum de Bohème de l’entre-deux-guerres. La jeunesse libre, l’engagement artistique, politique, mais surtout le grand amour platonique avec Franz Kafka, dont elle est la traductrice tchèque. Amour incomplet dans lequel les amants entravés se débattent, comme ils le font face au cours de l’histoire, avec la même impuissance que les personnages kafkaïens devant l’absurdité totalitaire. » Enfin, très brève présentation de Reyes: « Elle est l’auteur d’une douzaine de romans, parmi lesquels Le boucher, Quand tu aimes, il faut partir, Corps de femme ou encore Poupée, anale nationale. »

Préface : non

Autres informations : Une dédicace : « À Ottla » La sœur la plus proche de Kafka? Deux exergues : « Pour ma part, je suis certain qu’il n’y a plus rien à espérer de l’humain (…) Le fantôme est découvert! » ALFRED KUBIN, Ma vie « Comprendre une mécanique qui vous écrase, démonter mentalement ses ressorts, envisager dans tous ses détails une situation apparemment désespérée, c’est une puissante source de sang-froid, de sérénité et de force d’âme. Rien n’est plus effrayant que l’absurde. En faisant la chasse aux fantômes, j’avais conscience d’aider un peu, moralement, les meilleurs d’entre nous. » GERMAINE TILLON, Ravensbrück Un AVERTISSEMENT : « Ce récit, librement inspiré de la vie de Franz Kafka et Milena Jesenska, comporte un certain nombre de citations extraites de leurs écrits et présentés au lecteur en italique. »

Textes critiques sur l’auteur : Très peu sur ce livre particulier, mais ces publications plus romanesques alimentent beaucoup la critique, l’auteur se trouvant dans la lignée subversif des Annie Ernaux et Catherine Millet de ce monde (cf. article analytique qui met les trois écrivaines en parallèles)

SYNOPSIS

Résumé ou structure de l’œuvre : Les quinze premières pages donnent un point de vue omniscient sur la situation de Milena : son amour platonique pour Franz Kafka, sa détention à Ravensbrück, les horreurs sans nom du camp. Milena vient de se faire enlever un rein malade par un des médecins du camp; une des rares à recevoir de véritables soins dans cet hôpital qui prend la nuit des allures de centre de détention pour sujets vivants… Alitée et enfermée, Milena tente de passe le temps comme elle le peu : « Comme il lui est interdit d’écrire ici, elle [Milena] décide d’écrire quand même, chaque jour, chaque nuit, depuis son misérable lit, à Franz Kafka, une longue lettre qui n’aura pas de corps mais qu’il recevra peut-être, pour lui dire, maintenant qu’elle est presque aussi morte que lui, ce qu’elle n’a pas pu dire, avant. » (21) La plus grande part de l’œuvre est ainsi un monologue intérieur énoncé par Milena. Les chapitres sont très inégaux, suivant le fil de la pensée décousue du personnage principal, Milena. C’est surtout elle qui est au centre du récit, mais sa relation avec Kafka ne cesse de refaire surface. Milena passe en revue sa jeunesse, sa rencontre avec Kafka, leurs amours impossibles, faisant quelques détours dans l’œuvre de celui-ci et dans la sienne même. Le dernier chapitre, trois pages, est une lettre (fictive) de Kafka à Milena pour l’encourager à ne pas s’affoler et à accueillir la mort avec courage, un genre de fantasme de la mourante, ou un mirage qu’elle perçoit à travers la brume de l’agonie.

Topoï : amour, sensualité, mort, souffrance, guerre

Rapports auteur-narrateur-personnage : Du point du vue strictement textuel, l’auteur – Reyes – est tout à fait absente de son œuvre. C’est Milena Jesenska qui parle pour l’essentiel du récit. Pourtant, après avoir trouvé quelques informations sur Reyes, on découvre que les thèmes qu’elle aborde dans Nus devant les fantômes sont ses thèmes de prédilection pour ses écrits plus uniquement romanesque.

I. ASPECT INSTITUTIONNEL

Position de l’auteur dans l’institution littéraire : Romancière reconnue mais encore peu connue. Elle a publié plusieurs romans, des extraits de ses journaux intimes, et fait une « chronique d’humeur » depuis plusieurs années dans différents journaux, dont le Devoir (elle a déjà habité Montréal).

Position du biographé dans l’institution littéraire : Kafka, reconnu comme l’un des plus grands écrivains (sinon LE) de langue allemande depuis Goethe. Milena Jesenska est surtout connu pour son aventure avec l’écrivain, mais aussi pour sa traduction de l’œuvre de Kafka. Elle a aussi été journaliste et était engagée dans plusieurs causes concernant la culture.

Transfert de capital symbolique :

II. ASPECT GÉNÉRIQUE

Oeuvres non-biographiques affiliées de l’auteur : Elle écrit surtout des romans (voir citation de la quatrième de couverture)

Place de la biographie dans l’œuvre de l’auteur : Nus devant les fantômes est sa première et seule œuvre – à ce jour – essentiellement biographique. Ses autres textes sont la plupart du temps fictionnels ou auto-fictionnels.

Stratégies d’écriture et dynamiques génériques : Dans ses autres publications, il semble y avoir une hybridation récurrente entre autobiographie et fiction, mais cet aspect est pour le moins ténu dans l’œuvre qui m’occupe ici. Pour une fois, l’auteur semble s’être attaché à rendre compte de la vie d’autres, mais en passant tout de même ses idées personnelles par le biais des thèmes qui lui sont chers, à savoir l’érotisme et le refus de la chair, qui sieds très bien à la relation imaginée (c’est moi qui le suppose puisque aucun document n’atteste – évidemment - du passage de Milena Jesenska en camp de concentration à Ravensbruck) entre Kafka mort et Jesenska à l’agonie.

Thématisation de la biographie :

Rapports biographie/autobiographie : Peut-être sur le corps, « le refus de la chair » dont il est tellement question dans les autres œuvres de Reyes, mais aucun événement de la vie de la biographe n’est explicitement mentionné.

III. ASPECT ESTHÉTIQUE

Oeuvres non-biographiques affiliées du biographé : Plusieurs extraits des œuvres de deux biographés sont intégrés au récit (en italique), notamment des correspondances, mais aussi des journaux. Dans le cas de Milena, l’auteur se réfère aussi à son oeuvre essayistique, alors que certains extraits de l’œuvre littéraire de Kafka viennent enrichir le texte.

Échos stylistiques : Les – nombreux – emprunts aux œuvres des biographés sont facilement repérables par l’utilisation des italique, mais ceux-ci se fondent très bien au texte, ce qui porte à croire que la biographe à tout de même fourni un effort dans le but que son style littéraire s’approche le plus possible du ton des écrits de Milena Jesenska, qui est la narratrice pour la plus grande partie du récit.

Échos thématiques : non pas avec l’œuvre des biographés (Kafka et Jesenska), mais plutôt avec l’œuvre plus romanesque de la biographe. En regard de notre étude, cet aspect n’est donc pas pertinent .

IV. ASPECT INTERCULTUREL

Affiliation à une culture d’élection : La biographe et la biographé sont issues de deux cultures différentes (respectivement France et Allemagne), mais ce rapport est indiscernable dans la biographie et semble apparemment non signifiant en regard de notre projet.

Apports interculturels : Rien de notable, mais connaissant mal Jesenska et ses écrits, il est difficile de se prononcer. Si la biographie est plus fictive qu’elle ne le paraît et que les pensées de Milena sont inventées par la biographe, tout est alors différent. Milena s’y dit à l’avant-garde, notamment en matière de sexualité, par rapport aux gens de son époque et raconte – sans trop entrer dans les détails! - plusieurs de ses aventures de jeunesse. Pourrait-on entendre là l’écho de la voix de la biographe? Difficile à savoir…

Lecteur/lectrice : Catherine Dalpé

fq-equipe/kafka_et_jesenska_par_reyes.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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