Table des matières
Fais-le toi-même / Do It Yourself, créations numériques
Définition de la notion
Le fais-le toi-même, ou « do it yourself » (DIY) en anglais, est un mouvement alternatif par lequel les individus fabriquent eux-mêmes des produits avec des moyens artisanaux1).
Le DIY peut être considéré comme une activité de « prosommation », c'est-à-dire une consommation active qui implique d'être aussi producteur2). Les adeptes du mouvement privilégient la production alternative, artisanale, à peu de moyens et favorisant la récupération, en opposition à l'hyperconsommation3). Le DIY est d'autant plus populaire à l'ère de la culture numérique qui favorise le bricolage et la participation, menant même certains à parler d'une nouvelle « citoyenneté DIY »4). Les connaissances requises pour pratiquer le DIY ont effectivement été démocratisées par Internet, permettant à n'importe qui de devenir producteur5). De plus, le mouvement exploite les possibilités de la société numérique en réseau, tissant des interactions complexes entre les activités DIY en ligne et hors ligne6), comme le démontre la populaire plateforme Oui Are Makers7) qui combine tutoriels et évènements locaux.
Mise en contexte
C'est au XXe siècle, en Amérique, que voit le jour le concept du « do it yourself ». C'est grâce à des tutoriels que le phénomène se fait connaître, et ce, depuis ses débuts. Avec ceux-ci, on souhaitait que les gens soient le plus autonomes possible. Nous pouvions observer des activités plus techniques et importantes, comme la réalisation de travaux, mais le DIY comme loisir était également possible8).
Durant les années 70, le mouvement DIY prend de l'ampleur. Les gens veulent acheter le moins de choses possible, alors ils les fabriquent grâce à différents bricolages appris dans des tutoriels. Il y a une sorte de retour en arrière, mais on veut également partager nos connaissances avec les gens qui nous entourent. Les gens aiment faire des projets DIY : d'abord, parce qu'ils peuvent récupérer des objets qui seraient peut-être atteris dans les poubelles sinon, mais aussi parce que ça leur permet de faire créations uniques. Plus le DIY prend de place dans notre société et plus l'activité se développe. Autant les débutants que les experts peuvent en profiter : du contenu est accessible pour tous9).
On sait que la technologie prend de plus en plus de place dans la société contemporaine. L'engouement pour le DIY engouement prouve que le travail artisanal est toujours autant d'actualité. Les gens sont encore capables de travailler pour eux-mêmes. L'objet qui résulte de cette activité est unique, surtout quand on le compare à ce que l'on peut trouver dans les magasins à grande surface. Les gens qui le souhaient peuvent donc être perçus comme des êtres autonomes, en créant ce qu'ils vont porter ou utiliser dans la vie de tous les jours10).
Aspects
- Cinéma
Pour le médium du cinéma, la pratique culturelle du DIY a longtemps fait référence au cinéma indépendant. Ce sont majoritairement des étudiants universitaires qui usent de techniques de bricolage pour la réalisation de leurs films, ce qui leur permet de débuter leur carrière à petit budget. Ces expériences peuvent les amener à gravir les échelons et à obtenir la reconnaissance du milieu cinématographique11).
Depuis plusieurs années, les progrès technologiques permettent à des amateurs sans formation ni matériel spécialisé de réaliser leurs propres films. Il est facile de louer de l’équipement professionnel12), ou même d’utiliser un téléphone intelligent, dont la qualité d’image et de son ne cesse de s’améliorer. Plusieurs artistes musicaux tournent leurs vidéoclips de cette manière, comme Olivia Rodrigo qui a tourné le vidéoclip de sa chanson Get him back13) à l'aide d'un iPhone 15 Pro. De nombreux logiciels de montage sont disponibles gratuitement et peuvent être installés sur PC ou sur ordinateur portable, accompagnés de tutoriels pour en simplifier l’utilisation.
- Musique
Dans le domaine de la musique à l’ère du numérique, la philosophie DIY est de plus en plus partie intégrante de la pratique. Pour se libérer des grandes compagnies de disques et des contrats contraignants, les musiciens doivent et peuvent acquérir une panoplie de compétences autrefois réservées aux professionnels de l’industrie, comme la promotion14), la mise en marché, ou encore la réalisation technique. Avec l’apparition des «DAWs» 15), un studio d’enregistrement presque complet est mis à la disposition de chaque téléphone intelligent, ordinateur16), tablette, et n’importe qui peut produire un contenu de qualité professionnelle. De plus, le partage des connaissances via Internet permet aux musiciens amateurs de produire du contenu toujours de meilleure qualité, s’approchant des standards de l’industrie.
La philosophie du DIY est apparue lentement au sein du milieu musical. À la fin des années 1970, certains musiciens amateurs sont contrariés avec le modèle de l’industrie, qui privilégie la production encadrée en studio professionnel. Des groupes, comme les Buzzcocks17), décident de se lancer dans la production amateure, mais à des fins professionnelles, et d’utiliser du matériel de moins grande qualité pour créer des enregistrements, alors réservés à ceux ayant des fonds disponibles pour du temps en studio. Ces amateurs créer des « studios maisons », convertissent certaines pièces de leurs logements, improvisent des cabines d’isolement dans des cabines de toilette, pour finalement, créer un produit fini sans passer par l’intervention d’un professionnel externe.
Grâce aux innovations technologiques, notamment à l’émergence du numérique, et à la démocratisation de l’accessibilité d’équipements de qualité semi-professionnelle et professionnelle, le musicien amateur peut atteindre des résultats qui s’approchent davantage d’œuvre professionnelle. La séparation entre les deux mondes est de plus en plus indicible. Un autre phénomène émerge de cette facilité à enregistrer des sons de haute qualité, soit le « sampling ». Il est plus simple que jamais de capturer un bruit provenant de presque n’importe quelle source, musicale ou non, et de laisser libre court à l’imagination de l’artiste pour l’inclure dans sa pièce. La pratique du DIY est essentielle pour le musicien moderne, surtout dans un contexte pro, pour être considéré comme un artiste à part entière.
- Zine
Un fanzine (contraction de l'anglais « fanatic magazine »), ou simplement zine, est une publication DIY compacte créée par des individus ou de petits groupes en dehors des réseaux commerciaux traditionnels pour transmettre leur art ou leurs idées. Le zine est un objet artisanal qui peut être produit par plusieurs techniques et avec des matériaux divers, par exemple conçu par un logiciel de mise en page, imprimé chez soi, puis cousu à la main18). Des plateformes comme Blurb19) ou Lulu20) en facilitent la diffusion en ligne.
De par leur place indépendante dans l'écosystème des publications, les zines sont souvent utilisés dans des cultures marginales ou dans un contexte de résistance. Ce fut le cas lors de la révolution américaine, puis dans le cadre du mouvement punk dans les années 1970-8021). Aujourd'hui, ceux-ci connaissent une nouvelle popularité dans le Sud global, comme c'est le cas des zines de la Brésilienne Fernanda Meireles qui mettent de l'avant des idées écoféministes22).
Notions corollaires
- Notion 1 : Atelier de fabrication collaboratif (Fab Lab)
- Notion 2 : Autonomie personnelle
- Notion 3 : Communauté de savoir numérique
- Notion 4 : Modding en jeu vidéo
Références critiques
- BOSSÉ, Mathieu (2019), « La réalisation audionumérique DIY de groupes rock au Québec: Pour une méthode de travail plus efficace », mémoie de maîtrise sur mesure en réalisation audionumérique, Québec, Université Laval, 122 f. https://corpus.ulaval.ca/server/api/core/bitstreams/eb950ecf-da9e-4b3b-be7d-02360b70d681/content
- DEUZE, Mark (2006), « Participation, Remediation, Bricolage: Considering Principal Components of a Digital Culture », The Information Society, vol. 22, no 2, p. 63-75. https://doi.org/10.1080/01972240600567170
- FRENNEAUX, Richard (2023), « The rise of independent artists and the paradox of democratisation in the digital age: Challenges faced by music artists in the new music industry », DIY Alternative Cultures & Society, vol. 1, no 2. https://doi-org.acces.bibl.ulaval.ca/10.1177/27538702231174200
- GUERRA, Paula (2023), « DIY, fanzines and ecofeminism in the Global South: ‘This city is my sister’ », DIY Alternative Cultures & Society, vol. 1, no 3. https://doi-org.acces.bibl.ulaval.ca/10.1177/27538702231211062
- PSALTIDIS, Nico (2024), « American indie cinema between DIY cultures and global Hollywood: Exploring the paradigm of Slacker », DIY Alternative Cultures & Society. https://doi-org.acces.bibl.ulaval.ca/10.1177/27538702241229379
- RAISON-LEGROS, Leïla (2019), « Le DIY ou Do-It-Yourself : Motivations, facilitateurs, freins et bénéfices pour la génération Y », mémoire de maîtrise en sciences de la gestion, Montréal, Université du Québec à Montréal, 191 f.
- ROUED-CUNLIFE, Henriette (2016), « The Digital Future of Humanities through the Lens of DIY Culture », Digital Humanities Quarterly, vol. 10, no 4. https://www.digitalhumanities.org/dhqdev/vol/10/4/000277/000277.html
Rédacteurs/rédactrices
Véronique Morency, Dominik Marchand, Emmanuelle Nicolas, Jean-Fernand Miville-Bougault