Table des matières
Impression 3D
Définition de la notion
L’impression 3D consiste en une série de développements techniques combinant design informatique et production automatisée, et qui permettent la duplication d’un objet tridimensionnel après son acquisition et son analyse par logiciel. L’objet est ainsi obtenu par fabrication additive (autre appellation usuelle de l’impression 3D). S’opposant aux méthodes de fabrication traditionnelles dites « soustractives » (pensons par exemple à toute forme de sculpture classique, rendue par l’extraction d’un corps fin d’un corps grossier duquel on élimine la matière superflue), ces développements techniques permettent l’obtention d’un objet par dépôt de couches successives de matière qui, par la suite, sont progressivement solidifiées à l’aide d’une source d’énergie. Ces procédés permettent la création de formes complexes tout n’utilisant que la stricte quantité nécessaire de matériau, laissant ainsi présager des changements radicaux : certes, l’impression 3D ne manque pas d’arguments en sa faveur (faible coût de production, optimisation de la matière première dans le mesure où elle n’est déposée que là où elle est nécessaire, personnalisation, etc.), mais elle vient également interroger le schéma des industries manufacturières, la façon de concevoir la propriété intellectuelle et les relations entre les divers producteurs, entre autres. Bien qu’elle ne soit présentement visible qu’à petite échelle, dans des ateliers et communautés d’adeptes, on prédit que l’impression 3D se montrera bientôt incontournable, entre autres dans les secteurs de la santé, de l’aéronautique, de l’alimentaire et de la bijouterie, ne serait-ce que grâce à toutes les potentialités qu’elle laisse entrevoir, et suscite d’ors et déjà l’intérêt des industriels, des technophiles et des académiques.
Mise en perspective
Les concepteurs oubliés de l’imprimerie 3D
En 1984, l’Américain Charles W. Hull dépose un brevet sur le procédé de stéréolithographie et passe à l’Histoire comme l’inventeur de l’imprimerie tridimensionnelle. Relevant tout d’abord d’œuvres de science-fiction, cette nouvelle innovation ne crée pas de grands remous dans la sphère publique avant le début des années 2000, son utilisation demeurant limitée et très dispendieuse. L’imprimante 3D, dont le terme apparaît en 1996, entre dans la vie quotidienne en 2005 grâce à l’arrivée des Fablabs. Depuis son invention, plusieurs nouvelles percées ont permis l’évolution de cette technologie, passant de la technique d’impression par dépôt de matière fondue en 1988 au modelage à jets multiples en 19931). L’histoire de l’imprimerie tridimensionnelle est encore jeune et ne s’échelonne que sur trente-cinq ans. Toutefois, trois noms importants semblent déjà se faire oublier au fil des ans.
L’imprimante 3D, qui permet désormais l’impression d’organes humains, remonte, non pas à Hull, mais plutôt à ses concepteurs originaux, concepteurs qui précèdent l’invention de la stéréolithographie. En effet, en 1983, Alain Le Méhauté et Olivier de Witte réfléchissent sur un moyen de créer des objets fractals* et discutent de l’idée de créer une imprimante qui pourrait imprimer des objets en trois dimensions. Jean-Claude André se joint rapidement à eux pour améliorer leur premier modèle. Les trois Français déposent un brevet le 16 juillet 1984, soit trois semaines avant Charles W. Hull. Plusieurs tests et prototypes sont mis sur pied, mais les résultats ne sont pas concluants. Leurs investisseurs, cherchant un moyen d’économiser sur leur portefeuille, laissent rapidement tomber le projet en prétendant que les perspectives commerciales sont trop limitées. Le brevet est abandonné, laissant alors à Hull la voie libre pour passer à l’Histoire2).
* Un objet fractal est un objet dont les propriétés locales sont équivalentes à ses propriétés globales, par exemple un gros cube composé de petits cubes (voir l’explication d’Alain le Méhauté dans Eric Le Braz, « On a retrouvé les vrais inventeurs de l’imprimante 3D »).
L’impression 3D : à la fine pointe de la technologie
L’impression 3D est une technologie complexe pouvant fonctionner de plusieurs manières selon le type d’imprimante 3D utilisé. On pourrait résumer le fonctionnement global de cette technologie en affirmant qu’elle repose sur un principe de superposition de couches de matières par le biais d’une imprimante 3D et à partir d’indications précises transmises par un fichier 3D. Ensuite, selon le type d’imprimante choisi, il est possible de classer les procédés qui caractérisent l’impression 3D en trois catégories distinctes: le dépôt de matière, la solidification par la lumière et l’agglomération par le collage3). Ce qui différencie ces trois catégories, c’est la façon dont les différentes couches de matière seront disposées et traitées, ainsi que les matériaux utilisés. Toutefois, dans tous les procédés, l’utilisateur aura recours à une imprimante 3D, au consommable (la matière, souvent en filament ou en poudre), à un fichier 3D, à un logiciel dit « de slicing » qui assure la transmission des informations à l’imprimante, ainsi qu’à un ordinateur4).
En ce qui concerne plus particulièrement la technique d’impression par dépôt de matière, qui est la technique la plus utilisée, elle consiste à faire fondre des filaments de matière thermoplastique et à les déposer couche par couche. D’ailleurs, cette technique est aujourd’hui employée de manière graduelle par l’industrie agroalimentaire et la médecine pour imprimer des aliments et des cellules. Pour ce qui est de la technique de solidification par la lumière, il s’agit d’une solidification d’un liquide photosensible à l’aide d’un laser ultraviolet. Les imprimantes 3D qui utilisent cette technique se composent principalement d’un réservoir comprenant un liquide photopolymère, d’une plate-forme perforée placée dans le réservoir, d’un rayonnement ultraviolet ainsi que d’un ordinateur qui dirige la plate-forme et le laser5). Puis, pour ce qui est de l’agglomération par collage, cette technique consiste à étaler une mince couche de poudre de composite sur une plateforme. Ensuite, de petites gouttes de glue colorées sont déposées sur la poudre et cela permet d’obtenir une palette de couleurs variées. La plateforme s’abaisse petit à petit jusqu’à l’obtention du produit final. Ce type d’impression 3D est généralement moins cher, mais parfois la précision et la qualité d’impression sont inférieures aux techniques plus dispendieuses6).
Démocratisation de l'imprimante 3D : quels sont les risques?
L’imprimante en trois dimensions n’a plus à prouver son utilité et sa pertinence. Nous savons déjà, par exemple, que des imprimantes 3D sont utilisées afin de fabriquer des os humains pouvant réellement servir. Il est aussi possible de construire des maisons en 24 heures, et dans le cas où l’impression 3D serait démocratisée, celle-ci pourrait palier à la pénurie de logements, ou encore créer des logis rapidement lors de catastrophes naturelles.
La démocratisation de l’impression 3D aurait, il va sans dire, un énorme impact sur le commerce et l’économie tels que nous les connaissons à l’heure actuelle. Déjà, le temps entre la création d’un prototype et la mise en marché du produit pourrait être considérablement réduit. Certains experts vont même jusqu’à dire que le fait de pouvoir sauvegarder les modélisations de pièces et de produits permettrait d’en stabiliser les coûts puisque les articles pourraient être créés à la demande. Également, les prix de production seraient, la plupart du temps, inférieurs à ceux que nous connaissons actuellement.
Or, si les prix de production venaient à baisser, ce serait essentiellement dû à la diminution assez drastique de main d’œuvre7). Par exemple, la construction d’une maison de manière « traditionnelle » nécessiterait environ vingt-cinq travailleurs/travailleuses. Parallèlement, avec l’aide d’une imprimante 3D, la construction ne demanderait alors que trois employés. Si nous prenons cet exemple et que nous l’appliquons à l’ensemble des secteurs industriels (et même agricoles, puisque certains aliments peuvent être créés en impression 3D), le chômage risquerait de monter en flèche.
Par ailleurs, la démocratisation de l’impression 3D inquiète certaines grandes marques qui craignent que la contrefaçon de leurs marchandises grimpe en flèche, inquiétudes qui semblent moindres à côté de celles des États qui redoutent de voir augmenter la fabrication d’armes illégales8).
Notions corrélées
- Graphisme
- Impression
- Modélisation
Exemples et illustrations
Today Toca Prado ou l’art tactile
Le Musée Prado en Espagne a pris l’initiative de reproduire six de ses célèbres œuvres grâce à l’impression 3D dans le but de faciliter l’accès à l’art aux personnes souffrant de malvoyance. Les œuvres ont été présentées lors de la journée Touching the Prado en 2015.
Une lueur d'espoir pour les victimes d'amputation
Nicolas Huchet est un travailleur français qui a dû, suite d'un accident de travail, se faire amputer la main droite. En temps normal, les prothèses électroniques sont peu accessibles, car elles sont très coûteuses. Cependant, grâce à l’impression 3D ainsi qu'aux fablabs, qui rendent cette technologie accessible à tous, Nicolas a réussi à concevoir sa propre prothèse à un prix minime. Il tente aujourd’hui de partager ses connaissances pour améliorer la qualité de vie d’autres personnes qui seraient dans une situation semblable à la sienne.
Violon sur mesure
Un ingénieur de la ville de Québec souhaitant démocratiser l'accès à la musique a conçu un violon à l'aide d'une imprimante 3D. Le violon a fait ses preuves lors d'un concert de l'Orchestre Symphonique d'Ottawa le 4 novembre 2018.
Références critiques
- BARRAUD, Anthony, « Évaluation des nouvelles technologies de fabrication additive dans le développement d'implants orthopédiques », mémoire de maîtrise en génie de la production automatisée, Montréal, Université du Québec, 2015, 129 f.
- GUILLOUZOUIC-LE CORFF, Arthur, « L’impression tridimensionnelle, une technologie clé pour les usines du futur ? », dans Annales des Mines – Réalités Industrielles, vol. IV (novembre 2013), 88-97.
- PÊCHEUX, François, « IMPRESSION 3D », dans Encyclopædia Universalis, Universalis.fr, [en ligne], p.1. http://www.universalis.fr/encyclopedie/impression-3d/ [Texte consulté le 6 mars 2019].
Références
- AUTEUR INCONNU, « Impression 3D : Comment ça marche? », Primente 3D, [en ligne]. http://www.primante3d.com/principe/ [Texte consulté le 4 mars 2019].
- AUTEUR INCONNU, « Rencontre avec Alain Le Méhauté, l’un des pères de l’impression 3D ! », Primante 3D, [en ligne]. http://www.primante3d.com/inventeur/ [Texte consulté le 6 mars 2019].
- AUTEUR INCONNU, « Le fonctionnement de l’impression 3D », 3DFreeSculpt, [en ligne]. http://www.3dfreesculpt.fr/l-impression-3d.html [Texte consulté le 14 mars 2019].
- AUTEUR INCONNU, « Touching the Prado », dans Museo del Prado, [en ligne]. https://www.museodelprado.es/en/whats-on/exhibition/hoy-toca-el-prado/29c8c453-ac66-4102-88bd-e6e1d5036ffa [Texte consulté le 6 mars 2019].
- FRICAIN, Jean-Christophe, Hugo DE OLIVERA, Raphaël DEVILLARD, et al. « Impression 3D en médecine régénératrice et ingénierie tissulaire », Médecine/sciences, vol. XXXIII, no1 (2017), p. 52-59.
- LAUBACHER, Paul, « L'imprimante 3D, cette révolution industrielle qui approche », dans Nouvelobs, 22 octobre 2012, [En ligne].
- LE BRAZ, Eric, « On a retrouvé les vrais inventeurs de l’imprimante 3D », dans Groupe Prisma Media, Capital.fr, [en ligne]. https://www.capital.fr/economie-politique/on-a-retrouve-les-vrais-inventeurs-de-l-imprimante-3d-912430 [Texte consulté le 6 mars 2019].
- RUMPALA, Yannick, « L'impression tridimensionnelle comme vecteur de reconfiguration politique », Cites, no3 (2013), p. 139-162.
Rédacteurs/rédactrices
Béatrice St-Pierre, Emmy Lapointe, Anthony Bourdeau & Sébastien Emond