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ranx:ravel_paris_les_editions_de_minuit_2006

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   * ''« Quant au paquebot France, deuxième de ce nom, à bord duquel Ravel va s’en aller vers l’Amérique, il a encore neuf ans d’activité devant lui avant d’être vendu aux Japonais pour démolition. Navire amiral de la flotte qui assure la traversée transatlantique, c’est une masse d’acier riveté coiffée de quatre cheminées dont une décorative, bloc long de deux cent vingt mètres et large de vingt-trois, sorti voici vingt-cinq ans des Ateliers de Saint-Nazaire-Penhoët. De la première à la quatrième classe, ce bâtiment peut transporter quelque deux mille passagers en plus des cinq cents hommes d’équipage et de l’état-major. Fort de ses vingt-deux mille cinq cents tonneaux, propulsé à une vitesse moyenne de vingt-trois nœuds par quatre groupes de turbines Parsons qu’alimentent trente-deux chaudières Prudhon-Capus développant quarante mille chevaux, six jours lui suffiront pour traverser l’Atlantique en douceur alors que, moins puissamment poussés, les autres paquebots de la flotte s’époumonent à en mettre neuf » (19-20).''    * ''« Quant au paquebot France, deuxième de ce nom, à bord duquel Ravel va s’en aller vers l’Amérique, il a encore neuf ans d’activité devant lui avant d’être vendu aux Japonais pour démolition. Navire amiral de la flotte qui assure la traversée transatlantique, c’est une masse d’acier riveté coiffée de quatre cheminées dont une décorative, bloc long de deux cent vingt mètres et large de vingt-trois, sorti voici vingt-cinq ans des Ateliers de Saint-Nazaire-Penhoët. De la première à la quatrième classe, ce bâtiment peut transporter quelque deux mille passagers en plus des cinq cents hommes d’équipage et de l’état-major. Fort de ses vingt-deux mille cinq cents tonneaux, propulsé à une vitesse moyenne de vingt-trois nœuds par quatre groupes de turbines Parsons qu’alimentent trente-deux chaudières Prudhon-Capus développant quarante mille chevaux, six jours lui suffiront pour traverser l’Atlantique en douceur alors que, moins puissamment poussés, les autres paquebots de la flotte s’époumonent à en mettre neuf » (19-20).'' 
  
-En contrepartie, des événements a priori plus significatifs sont rapidement expédiés. La contribution de Ravel à l’histoire de la musique et ses ambitions (101) occupent par exemple moins de place que son intérêt pour la graphologie (46-48). En fait, lorsqu’à l’occasion le narrateur s’arrête à des événements plus significatifs, comme la genèse du Boléro, il tend à les dénigrer, à banaliser leur importance – encore qu’il s’agit généralement plus du point de vue du compositeur que du narrateur : +En contrepartie, des événements a priori plus significatifs sont rapidement expédiés. La contribution de Ravel à l’histoire de la musique et ses ambitions (101) occupent par exemple moins de place que son intérêt pour la graphologie (46-48). En fait, lorsqu’à l’occasion le narrateur s’arrête à des événements plus significatifs, comme la genèse du //Boléro//, il tend à les dénigrer, à banaliser leur importance – encore qu’il s’agit généralement plus du point de vue du compositeur que du narrateur : 
  
-  * ''« Il est vrai qu’à la fin d’une des premières exécutions [du Boléro], une vieille dame dans la salle crie au fou, mais Ravel hoche la tête : En voilà au moins une qui a compris, dit-il juste à son frère. De cette réussite, il finirait par s’inquiéter. Qu’un projet si pessimiste recueille un accueil populaire, bientôt universel et pour longtemps, au point de devenir un des refrains du monde, il y a de quoi se poser des questions, mais surtout de mettre les choses au point. À ceux qui s’aventurent à lui demander ce qu’il tient pour son chef-d’œuvre : C’est le Boléro, voyons, répond-il aussitôt, malheureusement il est vide de musique » (80).''+  * ''« Il est vrai qu’à la fin d’une des premières exécutions [du //Boléro//], une vieille dame dans la salle crie au fou, mais Ravel hoche la tête : En voilà au moins une qui a compris, dit-il juste à son frère. De cette réussite, il finirait par s’inquiéter. Qu’un projet si pessimiste recueille un accueil populaire, bientôt universel et pour longtemps, au point de devenir un des refrains du monde, il y a de quoi se poser des questions, mais surtout de mettre les choses au point. À ceux qui s’aventurent à lui demander ce qu’il tient pour son chef-d’œuvre : C’est le //Boléro//, voyons, répond-il aussitôt, malheureusement il est vide de musique » (80).''
  
 Il reste que le narrateur ne cherche pas – vraiment pas – à encenser son personnage, à souligner le génie ou le talent du musicien :  Il reste que le narrateur ne cherche pas – vraiment pas – à encenser son personnage, à souligner le génie ou le talent du musicien : 
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 ===== Arrimage entre ligne biographique et ligne narrative ===== ===== Arrimage entre ligne biographique et ligne narrative =====
  
-Il me semble donc, à la lumière de ce qui précède, que la ligne biographique tend à se perdre dans une ligne narrative qui, dans l’ensemble, s’offre comme la chronique d’une époque – certes parcellaire et superficielle. On perd ainsi parfois de vue le récit de la vie de Ravel parmi tous les faits relatés ou, lorsqu’il est question de banalités sur le compositeur, on en perd parfois la pertinence dans l’économie du roman. À ce titre, deux exemples m’apparaissent particulièrement éloquents de ce qui est à l’œuvre dans Ravel. +Il me semble donc, à la lumière de ce qui précède, que la ligne biographique tend à se perdre dans une ligne narrative qui, dans l’ensemble, s’offre comme la chronique d’une époque – certes parcellaire et superficielle. On perd ainsi parfois de vue le récit de la vie de Ravel parmi tous les faits relatés ou, lorsqu’il est question de banalités sur le compositeur, on en perd parfois la pertinence dans l’économie du roman. À ce titre, deux exemples m’apparaissent particulièrement éloquents de ce qui est à l’œuvre dans //Ravel//
  
-  - 1) Après avoir révélé les insomnies du compositeur, le narrateur précise que celui-ci a inventé quelques techniques pour favoriser le sommeil, mais il n’en indique d’abord qu’une seule : « Technique n° 1 » (67), suivie d’une « Objection » (68) à cette technique. Le récit reprend ensuite son cours, jusqu’au chapitre suivant, qui débute abruptement sur la « Technique n° 2 », suivie elle aussi d’une « Objection » (83). La « Technique n° 3 » et son « Objection » interviennent encore plus abruptement, au milieu de l’autre chapitre (113-114). De même, enfin, pour la « Technique n° 4 » (119-120). Bref, ces éléments biographiques de la vie de Ravel se trouvent éparpillés au fil de la trame narrative, au point où, lorsque survient la seconde technique (et même les deux suivantes, inopinément), on avait oublié que le narrateur en avait annoncé l’énumération. Il est même possible que, lors d’une première lecture, le lecteur ait à revenir sur ses pas pour comprendre à quoi cette « Technique n° 2 » fait allusion. +  - Après avoir révélé les insomnies du compositeur, le narrateur précise que celui-ci a inventé quelques techniques pour favoriser le sommeil, mais il n’en indique d’abord qu’une seule : « Technique n° 1 » (67), suivie d’une « Objection » (68) à cette technique. Le récit reprend ensuite son cours, jusqu’au chapitre suivant, qui débute abruptement sur la « Technique n° 2 », suivie elle aussi d’une « Objection » (83). La « Technique n° 3 » et son « Objection » interviennent encore plus abruptement, au milieu de l’autre chapitre (113-114). De même, enfin, pour la « Technique n° 4 » (119-120). Bref, ces éléments biographiques de la vie de Ravel se trouvent éparpillés au fil de la trame narrative, au point où, lorsque survient la seconde technique (et même les deux suivantes, inopinément), on avait oublié que le narrateur en avait annoncé l’énumération. Il est même possible que, lors d’une première lecture, le lecteur ait à revenir sur ses pas pour comprendre à quoi cette « Technique n° 2 » fait allusion. 
- +  - À l’inverse, au détour d’une description qui a peu à voir avec Ravel sinon indirectement (la description du bateau sur lequel il se trouve, par exemple), voilà qu’un détail biographique est livré par le narrateur. Il me semble, dans ce type de cas, que la description devient le prétexte pour introduire une information sur Ravel :
-  - 2) À l’inverse, au détour d’une description qui a peu à voir avec Ravel sinon indirectement (la description du bateau sur lequel il se trouve, par exemple), voilà qu’un détail biographique est livré par le narrateur. Il me semble, dans ce type de cas, que la description devient le prétexte pour introduire une information sur Ravel :+
  
   * ''« Comme on se retrouve vite en pleine mer, les passagers se sont aussi vite lassés du spectacle. L’un après l’autre ont déserté la baie vitrée pour aller s’émerveiller des somptueux aménagements du France, ses bronzes et ses bois de rose, ses damas et ses ors, ses candélabres et ses tapis. Ravel demeure, préfère considérer plus longtemps possible la surface verte et grise, sillonnée de blancheurs instantanées, dans l’idée d’en extraire une ligne mélodique, un rythme, un leitmotiv, pourquoi pas. Il sait bien que cela ne se passe jamais ainsi, que ça ne marche pas comme ça, que l’inspiration n’existe pas, qu’on ne compose que sur un clavier. » (24).''   * ''« Comme on se retrouve vite en pleine mer, les passagers se sont aussi vite lassés du spectacle. L’un après l’autre ont déserté la baie vitrée pour aller s’émerveiller des somptueux aménagements du France, ses bronzes et ses bois de rose, ses damas et ses ors, ses candélabres et ses tapis. Ravel demeure, préfère considérer plus longtemps possible la surface verte et grise, sillonnée de blancheurs instantanées, dans l’idée d’en extraire une ligne mélodique, un rythme, un leitmotiv, pourquoi pas. Il sait bien que cela ne se passe jamais ainsi, que ça ne marche pas comme ça, que l’inspiration n’existe pas, qu’on ne compose que sur un clavier. » (24).''
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   * ''« Il est aussi possible d’explorer le paquebot [il y a vraiment une fixation sur les bateaux!]. Bien que les passagers de première ne puissent pas entrer en contact avec ceux des classes inférieures, chez qui l’ambiance est plus relâchée, l’espace reste assez vaste pour qu’une telle visite occupe toute une journée. […] Ensuite il [Ravel] peut remonter vers les aménagements des superstructures, poursuivre sa lecture au café-terrasse, flâner près du gymnase ou jeter un coup d’œil au court de tennis sur le sun deck. Une seule fois, car //il est peu croyant//, il visite la chapelle qui, traditionnellement comme on le sait, est le premier espace aménagé sur un paquebot lors de construction puis le dernier à investir en cas de malheur » (42-43; je souligne).''   * ''« Il est aussi possible d’explorer le paquebot [il y a vraiment une fixation sur les bateaux!]. Bien que les passagers de première ne puissent pas entrer en contact avec ceux des classes inférieures, chez qui l’ambiance est plus relâchée, l’espace reste assez vaste pour qu’une telle visite occupe toute une journée. […] Ensuite il [Ravel] peut remonter vers les aménagements des superstructures, poursuivre sa lecture au café-terrasse, flâner près du gymnase ou jeter un coup d’œil au court de tennis sur le sun deck. Une seule fois, car //il est peu croyant//, il visite la chapelle qui, traditionnellement comme on le sait, est le premier espace aménagé sur un paquebot lors de construction puis le dernier à investir en cas de malheur » (42-43; je souligne).''
  
-Il n’en demeure pas moins que, au final, ce qui assure la progression et la cohésion de la ligne narrative, c’est la ligne biographique, de la tournée de Ravel en Amérique jusqu’à sa mort, en passant par la création du Boléro et l’apparition des symptômes de la maladie. Si on entend « récit » au sens strict – dont la progression ne s’embarrasse pas de descriptions –, ce sont donc et la ligne biographique et la ligne narrative que l’on perd de vue dans la profusion de détails.+Il n’en demeure pas moins que, au final, ce qui assure la progression et la cohésion de la ligne narrative, c’est la ligne biographique, de la tournée de Ravel en Amérique jusqu’à sa mort, en passant par la création du //Boléro// et l’apparition des symptômes de la maladie. Si on entend « récit » au sens strict – dont la progression ne s’embarrasse pas de descriptions –, ce sont donc et la ligne biographique et la ligne narrative que l’on perd de vue dans la profusion de détails.
  
  
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-Absent de l’histoire, mais pas absent du roman : le narrateur affiche parfois sa présence en s’adressant tantôt à son personnage (« Enfin bon, dit-il [Ravel] en se levant avant de retourner nager, des fois que ça marcherait comme La Madelon. Mais ça marchera beaucoup mieux, Maurice, ça va marcher cent mille fois mieux que La Madelon » [76]), tantôt au lecteur, selon toute apparence (« Outre Hélène, bien sûr, et Leyritz qui est un gentil garçon à la voix douce, un petit peu maniéré, il y a donc là pas mal de gens que vous ne devez pas connaître […] » [70]).+Absent de l’histoire, mais pas absent du roman : le narrateur affiche parfois sa présence en s’adressant tantôt à son personnage (« Enfin bon, dit-il [Ravel] en se levant avant de retourner nager, des fois que ça marcherait comme //La Madelon//. Mais ça marchera beaucoup mieux, Maurice, ça va marcher cent mille fois mieux que //La Madelon// » [76]), tantôt au lecteur, selon toute apparence (« Outre Hélène, bien sûr, et Leyritz qui est un gentil garçon à la voix douce, un petit peu maniéré, il y a donc là pas mal de gens que vous ne devez pas connaître […] » [70]).
  
 Le narrateur est également visible lorsqu’il intervient abruptement sur la façon dont il raconte le récit. Alors qu’il est à décrire le quotidien de Ravel sur le bateau qui le mène en Amérique, il coupe court : « Mais bon, tout cela va un moment et, comme tous ces jours se ressemblent, inutile de s’éterniser, passons sur les trois qui suivent » (43).  Le narrateur est également visible lorsqu’il intervient abruptement sur la façon dont il raconte le récit. Alors qu’il est à décrire le quotidien de Ravel sur le bateau qui le mène en Amérique, il coupe court : « Mais bon, tout cela va un moment et, comme tous ces jours se ressemblent, inutile de s’éterniser, passons sur les trois qui suivent » (43). 
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