Demeurant relativement passif face à son destin, ce personnage privilégie sa propre réflexion quant à sa situation plutôt que le passage à l’acte qui pourrait mettre fin à une situation problématique. Cela se traduit généralement par un vaste monologue intérieur où les différents scénarios possibles sont examinés (de façon paranoïaque ou méthodique), les frustrations quotidiennes sont ressassées et toutes les actions des gens qui entourent le personnage-narrateur sont questionnées. Cela crée souvent des relations problématiques avec son entourage et avec les autres en général qui n’ont pas accès à ce flux perpétuel de préoccupations. Cette supplantation de la vie active par la pensée personnelle amène le personnage à se replier sur lui-même, voire à se complaire dans la solitude. Cette situation n’est pas nécessairement intrinsèque à la personnalité du personnage (bien qu’elle le soit en de nombreux cas), mais peut découler d’un événement de coupure – rupture, tentative de suicide, rencontre inopportune, par exemple – qui l’a poussé à cette période de remise en question.
Des exemples notables :
Mon cœur à l'étroit – Marie NDiaye ;
Nadia et son mari, Ange, sont professeurs dans une école primaire d’une petite communauté. Très soudainement, le regard que leur entourage porte sur eux change drastiquement. Tout à coup, on les insulte et les rejette. L’orgueil et l’infidélité de Nadia leur amèneront, à elle et son mari, les persécutions de l’entourage. Le personnage de Nadia choisit de se poser des questions, mais ses raisonnements ne trouvent ni écho, ni réponse positive dans son entourage. Elle est en proie à un désarroi et un déséquilibre mental. Le monde lui devient complètement illisible, ce qui l’empêche de poser des actions concrètes et cohérentes.
Faire l'amour – Jean-Philippe Toussaint ;
Le personnage narrateur, dans on errance liée à la rupture amoureuse qu’il vit, fait part de ses idées, sans les mettre en pratique. Une certaine confusion intérieure, ou une incertitude quant à la décision de rupture, est aussi à noter dans le fait qu’il est inactif : « J’aurais pu boire cette larme à même sa joue, me laisser tomber sur son visage et ses tempes, arracher ses lunettes de tissu […] Mais je n’ai rien fait, je ne l’ai pas embrassée, je ne l’ai pas embrassée une fois cette nuit-là, je n’ai jamais su exprimer mes sentiments. J’ai regardé la larme se dissiper sur sa joue, et j’ai fermé les yeux – en pensant que peut-être, en effet, je ne l’aimais plus. » (p. 31-32) Cette confusion est souvent démontrée dans le roman : « Marie […) approchait ses lèvres très près de ma bouche et me demandait en tremblant pourquoi je ne voulais pas l’embrasser, et, la gardant dans mes bras, je répondais à voix basse en lui caressant les épaules et les cheveux pour l’apaiser que je n’avais jamais dit que je ne voulais pas l’embrasser, que je n’avais jamais dit ça […] Mais je ne l’embrassais pas, je ne me penchais pas vers elle pour l’embrasser, pour la caresser, la calmer et l’empêcher de pleurer […] Mais pourquoi tu ne m’embrasses pas alors? Et je ne répondis pas, je ne savais que répondre, je me souvenais très bien de la réponse que je lui avais faite alors, mais je ne pouvais pas lui dire maintenant que je ne voulais ni l’embrasser ni ne pas l’embrasser après les instants dramatiques que nous venions de vivre […] Et pourtant Dieu sait combien j’avais envie de l’embrasser maintenant… » (p. 88-89)
Univers, univers – Régis Jauffret ;
L’imagination de la femme dont il est question la mène vers un enfermement mental. Tout ce qui arrive entre la situation initiale et la situation finale est le fruit de son imagination. En effet, la narratrice ne passe jamais à l’acte, elle regarde simplement cuire son gigot, dans le four, et se laisse aller à la rêverie. Tout le fil narratif ne repose que sur des souvenirs et des extrapolations intérieures du personnage. À part regarder son gigot, rien qui ne découlerait pas de son imagination ne se produit réellement. Le roman est en quelque sorte, une immense réflexion, une exploration intérieure.
Les murs – Olivia Tapiero ;
La narratrice est en proie à des pulsions suicidaires qui la mènent à un isolement physique relevant de l’hospitalisation. Son absence d’instinct de survie reste incompréhensible et est liée à sa grande passivité. Elle ne peut rien faire, et elle ne veut rien faire. Son seul désir est de mourir, mais elle ne passera pas à l’action, attendant patiemment de se laisser dépérir.
Rita tout court – Maxime Olivier Moutier ;
Sur douze jours, Rita (obèse, fin quarantaine), assise dans son fauteuil au milieu de ses « dizaine de toutous » ou nettoyant, fait le lent monologue de sa vie, se rappelant et partageant au lecteur ses douloureux souvenirs comme ils se présentent à son esprit, en modifiant parfois sa version. La volonté d’agir est présente, mais un certain blocage vaguement expliqué l’empêche de passer à l’action, même dans les plus simples des gestes : « J'ai des idées… comme aller prendre une marche, me faire un chocolat chaud. Mais j'pas capable de passer à l'action. » (p.21)
Certainement pas (Séraphine) – Chloé Delaume ;
Le docteur Lenoir, dans une enquête inspirée du jeu de Clue, tente de démontrer qu'il a été assassiné par six personnes avec six armes différentes. Les personnages sont alors tour à tour présentés. Il n'y a pas vraiment d'intrigue, puisque la narration est complètement décalée. Le livre se contente, en quelque sorte, de présenter six êtres. La vie du personnage de Séraphine est une constante répétition de son quotidien. Elle est passive dans sa routine. Elle agit, en quelque sorte, mais comme un robot. Ce qu’elle fait, elle le fait mécaniquement. Elle trouve le monde extérieur hostile, ce qui l’empêche de sortir de son environnement et d’opérer un changement. Elle se complait dans son oisiveté : « Le corps de Séraphine pilotait en automatique le long de ce trajet depuis six ans trois semaines et cinq jours. Deux fois par semaine, cinquante-sept pas […]. » (p.250) On peut lire aussi que « [Séraphine] sortait peu. Elle restait alanguie au creux du canapé […], elle s'adonnait au câble, passant d'une chaîne à l'autre avec l'avidité d'une femme à l'abandon qui erre de bras en bras sans jamais du plaisir découvrir le repos. » (p.250-251).
Tarmac (mère) – Nicolas Dickner ;
Le roman retrace l’histoire de Michel Bauermann, seize ans, qui fait la rencontre de Hope Randall, nouvellement arrivée à Rivière-du-Loup, un après-midi de canicule de 1989, en compagnie de sa mère. Cette dernière, prénommée Ann, a des problèmes de santé mentale et une superstition qui occupe une telle place dans sa vie qu’elle occasionne un total manque d’agissements ou de communication verbale avec l’entourage. L’inactivité du personnage réside dans sa solitude et son isolement.
Vu d'ici – Mathieu Arsenault ;
Mathieu, le plus souvent affalé devant sa télé, dans une maison de banlieue, dévoile ses pensées vitrioliques. Le roman est séparé en cinq sections: nouvelles internationales, continentales, nationales, régionales et locales et plusieurs des réflexions décousues de Mathieu proviennent de près ou de loin de ce qu'il contemple à l'écran, comme en témoigne l'abondance de références télévisuelles. Son aliénation semble venir de cette fascination qu’il a pour l’analyse du monde, qu’il fait devant son téléviseur. Perdant tranquillement espoir pour le monde, la volonté d’agir du personnage, déjà très peu présente, s’estompe de plus en plus : « Il ne se passe rien il n'y a pas d'intrigue pas de salut et ce qui est horrible c'est qu'on apprend plus rapidement à fréquenter les atrocités en changeant de chaîne ou en fixant le vide qu’a douter de tout devant le spectacle de l'effondrement du monde j'aime les sushis le beau temps l'odeur de l'herbe fraîchement coupée l'odeur de l'essence lâcher au bon moment la gâchette de la pompe à essence pour que ça fasse un chiffre exact et pourtant qu'est-ce que cette sourde et minuscule angoisse […] » (Quatrième de couverture)
Juste avant la frontière – Julien Bouissoux ;
Sam Elliot travaille dans une ville inconnue de l'Est depuis quatre ans. Incapable malgré ses efforts d'apprendre la langue locale, il est resté un étranger puisqu'il ne peut se rapprocher que de ceux qui parlent français. On le suit durant les quelques heures précédant son départ alors qu'il termine ses préparatifs et se remémore ses rencontres, particulièrement ses rencontres avec les femmes. Le fil narratif réside la plupart du temps dans le souvenir du personnage. Son manque d’enthousiasme est flagrant. Son seul but étant de prendre l’avion, le roman prendra fin sur cette seule activité concrète : « La proximité ne m'a pas toujours dérangé. Peut-être est-ce le départ. L'anesthésie du dernier jour. Je suis comme un corps mort descendant le fleuve. Comme une éponge, encore, décrochée du fond de l'eau. » (p.14)
L'excavatrice – Boris Schreber ;
Dans un journal intime - son “petit journal chéri” -, un misanthrope s'efforce de ne rien dire ou, en tout cas, d'en dire le moins possible. L’écriture étant la seule action concrète que pose le personnage, son attitude face à cette activité nous mène à penser que même cet effort lui est insupportable. Il souhaite « ne rien dire par l’écriture ». Non seulement son inactivité est flagrante, mais son refus de communiquer de l’information met en lumière ce défaitisme face aux actions et aux pensées qui les régissent.
Adam Haberberg – Yasmina Reza ;
À l'approche de la cinquantaine, Adam Haberberg vit avec deux enfants et sa femme qui ne l'aime plus et le méprise ouvertement. De plus, on lui apprend qu'il souffre d'un grave trouble oculaire qui pourrait lui faire perdre la vue. Cet écrivain en panne d’inspiration s’apitoie constamment sur son sort. Quand une tierce personne s’approche de lui, il lui en veut d’essayer de le sortir de sa résignation et de sa torpeur. Il fait une longue introspection, ignorant les tentatives des autres d’entrer en communication avec lui.
La mort de Blaise – Luc Mercure ;
Un musicien particulièrement sensible, amateur de chats et collectionneur de musique populaire française des années soixante, jamais parvenu à percer dans le milieu musical, devient professeur de piano. Il s'attache particulièrement à un de ses élèves, Alexandre, dont l'innocence enfantine permet au professeur de garder un lien avec le monde ou, plutôt, avec les humains. Mais la mort de Blaise, un chat du musicien, bouleverse celui-ci. Le personnage narrateur considère son existence futile. Il n’a aucun contact durable avec son entourage. Son inactivité est pratiquement maladive, ayant presque une phobie de l’agissement, comme quand il tentera de passer la porte de son ami Thierry.
Villa Bunker (fils) – Sébastien Brébel.
Le père et la mère du narrateur emménagent dans une villa située au sommet d'une falaise au bord de la mer, elle est en bien mauvais état et il est impossible d'en faire le tour puisqu'elle semble prendre sans cesse de l'expansion tout étant labyrinthique. La mère tente infructueusement de communiquer avec son fils (il ne lit pas ses lettres). Le lieu physique des évènements, c’est à dire la villa, est changeant, donnant aux personnages des espaces indépendants, ou ils se retrouvent seuls. L’inactivité du fils est attribuable d’une part à l’isolement, mais aussi à une réflexion profonde sur une éventuelle thèse sur Foucault qui ne verra jamais le jour. Répondre aux lettres de sa mère est également inconcevable. Son introspection est de toute évidence symptomatique d’une angoisse insurmontable.
Nue - Jean-Philippe Toussaint
Le narrateur revient de l’île d’Elbe où il vient de passer des vacances en compagnie de son ancienne copine, Marie, avec qui il a espoir que les choses s’arrangent, mais ils se séparent au final.Il attend pendant deux mois que celle-ci le contacte, mais n'envisage à aucun moment de le faire lui-même. Quand il est sans la femme qu'il aime, il se laisse aller à une angoissante oisiveté, ne prenant aucune décision ni aucune initiative. Jamais il n'accomplit seul une tâche concrète, ormis le déplacement. En effet, c'est par sa seule errance que le personnage agit, en quelque sorte. Lorsqu'il est en contact avec Marie, le narrateur est en soudaine adéquation avec le monde, devenant alors fonctionnel, mais toujours au crochet de Marie.
Kyoto Limited Express - Olivier Adam
Le personnage-narrateur est de retour à Kyoto, ville où il vécut heureux avec sa femme et sa fille. Or, sa femme et sa fille ne sont plus avec lui. Revivant le passé, ne pouvant s'en détacher, le personnage se contente maintenant d'errer d'un lieu à un autre afin de contempler la ville et son bonheur perdu. Le personnage se complait dans la contemplation de Kyoto. Nostalgique, on sent qu'un évènement dramatique est probablement arrivé à sa femme et sa fille pour qu'il les perde toutes les deux, mais cela n'est jamais nommé dans le récit. Son inaction s'articule aussi dans le fait qu'il n'entamera aucune relation amoureuse ou affective avec cette amie pour qui il ressent du désir.“Ses mains, sa bouche, son visage, tout en elle était d'une douceur insensée, tout aurait dû me rendre à moitié dingue, mais je n'étais plus assez vivant pour ça, j'avais encore une ombre mais c'était tout ce qu'il restait de moi. Je n'avais plus d'énergie que pour des éclats, des fragments épars, un baiser, un battement de coeur, une étreinte volée au néant.” (p. 116).
Je vole - Mathieu Belezi
Dans une ville au bord de la Méditerranée, un ancien comptable dans la quarantaine, asthmatique, divorcé qui peine à payer la pension alimentaire, chômeur qui n'aura bientôt plus droit à l'assurance-chômage et dépressif à temps presque plein, n'a droit qu'à quelques rares instants de bonheur lorsque, le dimanche, il peut passer quelques heures avec sa fille. Face à l'échec de sa vie, il s'ennuie. Il affirme qu'il voulait « exercer en paix mon métier de comptable, avec à mes côtés la femme que j’avais épousée et la fille que j’avais faite, dans l’hébétement salutaire de l’habitude, ceci afin que ma mémoire s’en tienne à un rôle strictement informatif » (p. 158) Puisque son dessein est de retrouver cet état, le lecteur serait en droit de s'attendre à ce qu'il tente de reconquérir sa femme, qu'il fasse des efforts pour se retrouver un emploi, mais puisqu'il est déprimé, il réfléchit à son enfance difficile (il accuse son éducation d'être la cause de ses maux) et ne répond pas au téléphone. Lorsqu'il décroche finalement un emploi, il cesse de s'y présenter et s'enfonce dans sa situation déplaisante.
La nuit des morts-vivants - François Blais
À Grand-Mère, Pavel et Molie sont payés pour écrire leur quotidien, sans qu'ils ne sachent pourquoi. La vacuité de leurs existences de zombies modernes est traitée sur un ton dérisoire. Même s'ils sont allés à l'école secondaire ensemble, Pavel et Molie n'ont plus le moindre contact depuis cette époque, ce qui est étonnant étant donné leurs nombreux points communs. Cela constitue un des seuls ressorts de l'intrigue. Pavel vit et travaille la nuit, à l'entretien d'un centre commercial alors que Molie est essentiellement noctambule, mais n'a volontairement pas d'emploi. Pavel et Molie ne se rencontrent jamais, mais ils ont plusieurs interactions théoriques. L'absence d'ambition des personnages et leur désir de ne pas s'inscrire dans le monde est la cause de leur inactivité. Ils sont fans de jeux vidéos, parlent des mêmes sujets (la poutine théorique, l'âme soeur impossible, etc.), louent les mêmes films d'horreur, utilisent la même métaphore de Schopenhauer des porcs-épics frileux, lui pour décrire sa vie sentimentale peu satisfaisante, elle pour parler de sa vie sociale, car elle est, justement, asociale, voire sociopathe à l'occasion. Ces réflexions n'entraînent, à aucun moment, une action quelconque pour se reconnecter avec la société. Un contraste est évident entre les compétences intellectuelles des protagonistes et ce qu'ils se contentent de faire.
Le ciel antérieur - Mark Greene
Le roman est centré autour de trois personnages, mais le seul à être admissible dans cette catégorie est Pierre Orangel, petit éditeur parisien homosexuel et vieillissant qui a publié les deux autres personnages, Marc et Felicia. Les trois personnages ne se reverront pas durant six ans. Pendant ces années, Orangel repense au type étrange qu'était Marc Williams dont il a refusé de publier le troisième roman et il regrette à longueur de soirée n'avoir jamais pris le temps d'écrire lui aussi un livre.
Signes cliniques - Christine Jeanney
Une femme est atteinte d'une maladie qui touche “une femme sur sept”. Hospitalisée et très faible, elle regarde le monde par la fenêtre, elle tente de comprendre et d'interpréter la portion de réalité à laquelle elle a accès: “Chercher du sens, il faut chercher du sens.” Entre un aller-retour à la toilette, la visite d'une infirmière et sa préparation pour des examens médicaux qu'elle doit subir, il ne passe pas grand chose. Elle n'a plus accès physiquement au monde et ne peut donc pas y agir. De cet isolement découle une claustration mentale. Elle ne peut qu'interpréter les choses à partir de sa petite ouverture, sa fenêtre sur la ville. Elle est consciente que le monde continue, mais elle n'en fait plus partie.
Un lac immense et blanc - Michèle Lesbre
Une femme va attendre le train de 8h15 qui doit voir descendre l’Italien qu’elle croise chaque mercredi au café. Mais il n’est pas là. Elle marche dans la ville, se remémore sa jeunesse activiste, la naissance de son amitié avec un corbeau au Jardin des Plantes, sa relation avec Antoine, les villes où elle a marché. Voyages en train, en bus, à pied, c’est une marche solitaire dans la blancheur de la neige qui se rpête à l’évocation de fantômes du passé. La narratrice mène très peu d’actions à bien, renonce, doute de sa capacité à agir. Dans les cafés, elle observe et ne participe pas, attendant qu’un regard d’homme se pose sur elle sans rien faire pour le provoquer. Et lorsque c’est le cas, réagit-elle ? oui et non : elle fuit. « J’attendais qu’ils s’aperçoivent de ma présence, j’attendais jusqu’à ce qu’un regard se pose sur moi. Je le soutenais quelques secondes et je m’en allais. » (p.21)
L'herbe des nuits - Patrick Modiano
Le narrateur, grâce à un carnet noir dans lequel il a l’habitude de noter des noms, des lieux, ou des moments, retrace une période de sa vie pendant laquelle il était le copain de Dannie, une jeune femme aux drôles de fréquentations, qui des problèmes avec l'immigration. Il se rend compte que ses souvenirs sont imprécis et qu'il ne reste de ce temps que les notes hétéroclites de son carnet noir. Dans le temps réel, le narrateur subit et accepte son sort. Donc, ne s’oppose pas aux choses et croit qu’elles sont telles quelles, inchangeables. Agir est superflu. La seule chose que Jean fait vraiment, c’est peut-être de noter plein de mots hétéroclites dans son carnet noir pour avoir une emprise sur le temps et démêler tout cela un jour. On peut noter une répétition de la question : «À quoi bon?» dans le roman.
Sur la dune - Christian Oster
Paul projette de quitter Paris pour habiter Bordeaux. Entretemps, il doit prendre quelques jours de congé pour aider ses amis, Catherine et Jean, à désensabler leur maison au bord de la mer. Arrivé à Saint-Girons-Plage, il ne trouve pas ses amis. Ils ne sont ni à la maison ni à l'hôtel. À défaut d'avoir une autre activité, Le personnage décide de quand même procéder au “désensablage” de la maison. La volonté du personnage est plutôt étrange. De plus, il vit dans une attente presque perpétuelle : il laisse aux autres le soin de prendre les évènements en main. La principale caractéristique du personnage est son sens de l'analyse exacerbé. Il hésite constamment, surinterprète les moindres gestes de son interlocuteur. Les rapports aux autres passent par le silence : «Le silence, désormais, s'était installé entre nous comme le plus sûr moyen de dialogue.» (p.162)
Les mots des gorges (Nouvelle (Un renard à mains nues)) - Emmanuelle Pagano
Une jeune femme est seule au bord de la mer. Elle regarde les baigneurs et repense à une rupture récente. La vie se déroule devant elle, mais elle ne pense qu’à sa peine: « [J]e suis sortie de sa vie, de notre vie, de la vie tout court peut-être, je suis entrée dans une enluminure du Moyen Âge, tout est si minutieusement là, tout est si attentivement précisé, je n’ai pas l’impression d’exister.» (p.15)
Palladium - Boris Razon
Un homme hypocondriaque commence à ressentir de bizarres et douloureux symptômes; personne ne comprend ce qui lui arrive jusqu'à ce qu'un spécialiste le soupçonne d'être réellement atteint d'une maladie rare du système nerveux nommée syndrome de Guillain-Barré. Cette maladie paralyse le corps complètement pendant un certain temps. Tout au long de son hospitalisation, Boris ne peut qu'agir en pensée. Il entremêle rêves, hallucinations et réalité jusqu'à être complètement déconnecté du monde réel. Dans son esprit, il prend part à toutes sortes d'aventures durant lesquelles il meurt plusieurs fois et où apparaissent sporadiquement membres de la famille ou du corps infirmier.Dans ce récit on ne peut aucunement se fier au narrateur, car celui-ci entremêle souvenirs, rêves, hallucinations et réalité. Paralysé, il raconte les événements qui se déroulent dans son esprit et leur donne valeur d'événement réel. Ce monde intérieur qu'il s'est créé et dans lequel il se retrouve prisonnier et complètement seul est également qualifié de “petit camp de concentration” (p. 366).
Musaraignes - Jacques Serena
Un homme vit d'abord avec une femme. Celle-ci travaille et vit de façon normale, comme tout le monde, pendant que lui passe ses journées à déambuler dans la maison en attendant qu'elle revienne du boulot. Un jour, elle en a marre et lui ordonne de ficher le camp, ce qu'il finit par faire sans vraiment s'obstiner, comme indifférent. Il échoue chez deux sœurs qui, pour une raison inconnue, acceptent de l'héberger dans une chambre vacante. Le personnage principal passe alors le plus clair de ses journées à se reposer dans son lit, à réfléchir et à se plaindre du traitement pourtant impeccable qu'il reçoit des sœurs.Peu à peu, on comprend qu'il passe son temps à penser plutôt qu'à agir. Et qu'à force de penser, il comprend mal les choses, sans compter que lorsqu'il a fini de penser, il est souvent trop tard pour agir ou, le plus souvent, il ne peux ou veux pas agir.