Collectif, Optique de la description et statut du personnage, Paris, Quai Voltaire, coll. « Quai Voltaire, revue littéraire n° 8 », 1993, 127 p.
Collectif peu intéressant pour notre propos; surtout des créations.
Deux articles à noter :
1. Claude Burgelin, « Perec ou Comment écrire après », p. 6-15. Le critique s'intéresse entre autres à la question du personnage dans La Vie mode d'emploi de Perec. Le « écrire après » signifie dans ce cas-ci après les Nouveaux romanciers qui ont voulu vider la notion de personnage; écrire aussi après Auschwitz.
(Excès de) présence des choses, ectoplasmie des êtres; insistance de la description, inventaire, perte de substance du personnage. (Robbe-Grillet : trop-plein de fantasmes dans les descriptions, chez Perec, un vide, un doute, une question) Comme chez Modiano : les personnages y souffrent sans paraître en souffrir d'identités flottantes et de vies désaxées. Les relations aux pères et aux enracinements relèvent de l'énigme ou du mythe. Mémoire et imagination sont encombrées de signes effilochés d'un passé brillant et ruiné. L'adhésion au présent n'est qu'intermittente. Trop-plein de noms propres, autant de coquilles vides.
Autour des personnages réifiés que semblent être tous ces objets, il paraît difficile de créer des personnages auxquels le lecteur prête chair et nerfs; des anti-personnages, des pions, des artefacts littéraires (Bartlebooth); un pion d'échiquier n'est pas un support d'affects ou de projections.
2. Belinda Cannonne, « Éléments d'une poétique du roman au XXe siècle », p. 60-76. Le roman se caractérise par trois choses : fiction; narration et focalisation; au moins un personnage. « Pas de roman sans personnage » Pers. au XIXe siècle : tradition réaliste, Balzac, Zola, personnages non « individués » : éléments d'un organisme social auquel ils doivent être adaptés pour survire ou se dissout sous la pression de déterminations externes. Remise en question, théorie de la psyché.
XXe s. : Woolf, Sarraute. Woolf ne trace plus l'histoire des personnages, mais leur existence, saisir la vie intérieure. Clarissa Dalloway n'est pas, elle devient sans cesse. Ce n'est pas la personnalité qui est atomisée mais la perception que nous pouvons avoir du monde. Je insaisissable. Remise en cause du personnage comme noyau dur inaltérable encore plus radicale 50-60, chez Sarraute.
« Toute transformation profonde dans l'art du roman ne provient-elle pas d'abord d'une conception renouvelée du personnage qui entraîne, par suite, une conception nouvelle de la narration ? », p. 72. Une hypothèse expliquant le lien qui semble nécessaire , insécable entre narration et personnage, à partir des travaux sur les pronoms de Benveniste. Comme le Je (linguistique) l'instance de la narration (signe vide) n'appartient en et ne renvoie qu'à un roman donné et à lui seul, quelle que soit la forme de cette narration. Comme si l'instance narrative ne pouvait contribuer à constituer le roman comme unité que par le renvoi à un tu, à un autre, le personnage.
Conclusion : une frange de la littérature du XXIe s. n'est pas prête de renouer avec l'intrigue, pour des motifs de réalisme; début/milieu/fin fruit d'une métaphysique particulière qui postulait que le réel était comme la vie humaine, muni d'un sens : naissance, maturité, mort.