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Table des matières
FICHE DE LECTURE
I- MÉTADONNÉES ET PARATEXTE
Auteur : Serena, Jacques
Titre : Musaraignes
Éditeur : Publie.net
Collection : Temps réel
Année : 2013
Éditions ultérieures : -
Désignation générique : -
Quatrième de couverture :
“Jacques Serena est probablement le seul, depuis bientôt 20 ans pour ce qui concerne son oeuvre aux éditions de Minuit, à explorer sans jamais cesser la nuit de la ville contemporaine. Les quartiers délaissés, les rues aux graffits, les bars semi-déserts et les équipées en voiture avec on ne sait trop qui.
Et bien sûr ces chambres où on se réveille le matin sans trop savoir, et ces silhouettes fragiles, à la fois dures et évanescentes, les corps prêts à se joindre et les aventures – ou la vie même – prêtes à tout instant à se disloquer à jamais.
Mais Serena depuis toujours traite cela comme un chant. Les silhouettes comme un ballet, une danse qui rejoint à peine le sol: il est trop crade, trop lesté de nos mésaventures du jour. Et les paroles: enrouées, rauques, incomplètes, voire même des personnages dont on ne saura rien, silnon trois gestes. Mais qui ont la présence d'un Giacometti, le son d'un Bashung – attention: sur une cassette usée d'avoir passé et repassé sur l'autoradio de la bagnole déglinguée qui vous emmène.
Serena a payé de lui-même : des études aux Beaux-Arts, puis la revente de posters achetés à prix de gros en Italie et convoyés par la frontière, ou les bracelets gravés de cuir sur les marchés du Sud.
De son chant, des êtres qu'il nous fait vivre dans ses singulières lumières, nous sommes nous-mêmes en quête, parce que nous les connaissons tous. C'est notre propre fragilité qu'ils disent.
La beauté est beaucoup plus là que dans le monde policé de la littérature pour rentrée littéraire. A cela qu'on vous invite.
FB”
II- CONTENU GÉNÉRAL
Résumé de l’œuvre :
Peu de choses à dire. Un homme vit d'abord avec une femme. Celle-ci travaille et vit de façon normale, comme tout le monde, pendant que lui passe ses journées à déambuler dans la maison en attendant qu'elle revienne du boulot. Un jour, elle en a marre et lui ordonne de ficher le camp, ce qu'il finit par faire sans vraiment s'obstiner, comme indifférent. Il échoue chez deux sœurs qui, pour une raison inconnue (on sait seulement que ce n'est pas la première fois), acceptent de l'héberger dans une chambre vacante. Le personnage principal passe alors le plus clair de ses journées - à l'exception de brefs séjours au cabinet - à se reposer dans son lit, à réfléchir et à se plaindre du traitement pourtant impeccable qu'il reçoit des sœurs.
Thème(s) : Pauvreté, paresse, indifférence, folie.
III – JUSTIFICATION DE LA SÉLECTION
Explication (intuitive mais argumentée) du choix : Il est rare que les oeuvres brèves (nouvelles, notamment) soient pertinentes pour le projet Personnage. Heureusement, le roman/nouvelle/novella (60 pages, actions réduites, peu de personnages) de Jacques Serena présente et surtout détaille un personnage à peu près complètement inactif et dont les facultés d'interprétation sont pour le moins problématiques. En fait, le personnage principal de Musaraignes est tantôt indifférent, tantôt paranoïaque. Bref, soit il ne fait ni ne s'intéresse à rien, soit, lorsqu'il s'intéresse enfin à ce qui passe autour de lui, il comprend tout de travers.
Appréciation globale : À la fois drôle et pathétique, ça rappelle un peu Beckett par moments.
IV – TYPE DE RUPTURE
Validation du cas au point de vue de la rupture
a) actionnelle : Remise en question de l’intention (et éventuellement de la motivation); logiques cognitives/rationnelles ou sensibles; présence ou absence d’un nœud d’intrigue et d’une résolution; difficulté/incapacité à s’imaginer transformer le monde (à s’imaginer le monde transformable), etc.
b) interprétative : Difficulté/incapacité à donner sens au monde (à une partie du monde) de façon cohérente et/ou conforme à certaines normes interprétatives; énigmaticité et/ou illisibilité du monde; caducité ou excentricité interprétative; etc.
V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES
Fiabilité du narrateur
Évidemment, la paranoïa dont est de temps à autre atteint le narrateur et personnage principal suggère que l'on serait en présence d'un narrateur non fiable. Pourtant, il est juste assez fiable pour que l'on comprenne qu'il est non fiable. Pas clair ? Comment dire… Dans sa manière de raconter transparaît à la fois sa paranoïa (par exemple, il décrit les soeurs qui l'agressent en déplaçant son lit) et ce qui se passe “en réalité” (les soeurs déplacent le lit pour passer l'aspirateur derrière).
Langage particulier
J'ignore si c'est une caractéristique récurrente de l'auteur, mais, dans Musaraignes, le langage est un peu malmené. Les phrases sont parfois interminables ou bien extrêmement courtes, mais toujours assez elliptiques. Le dernier paragraphe de l'oeuvre est probablement l'endroit où c'est le plus flagrant, au point de miner la compréhension : “Mais ça, tout ça. Je ne le quitterai pas, je le sens bien. C'est ça qui me quittera. Quand ça voudra. Ce sera sans lutte. Ça m'a du reste déjà pas mal quitté. Me voilà dans le reflet de la vitre, cheveux en vrac. Quelque chose par contre dans ce visage. Le long nez, aux longues narines, ou la bouche. Non. Jamais autant vu. Rien à faire pour m'y croire encore. Finies, mes tentatives de tentations. Tentations de tentatives. Ça ne prend plus à présent. À présent. Vu sa semelle avant qu'il lève le pied, dixit qui, déjà. Où, à quelle occasion. L'évocation des choses plus forte que les choses. Le passé revu et corrigé pour tenir encore un peu au présent, et se traîner jusqu'à un futur moins moche. Ce que je disais. Faisais même. Mais quand plus d'avenir, le passé pourquoi et comment le présent.”
Enfin, le côté numérique de l'oeuvre n'est absolument pas exploité. On est en face d'un texte divisé en paragraphes, présenté sur une seule page que l'on fait défiler du début à la fin.