Notice bibliographique : BIZOT, Véronique, Mon couronnement, Arles, Actes Sud, 2010, 108 p.
Résumé de l’œuvre :
Gilbert Kaplan est un vieil homme qui n'attend plus rien de la vie. Il vit seul dans un logement avec Mme Ambrunaz, une sorte de gouvernante, lorsqu'il apprend qu'il vient tout juste d'être décoré pour une importante découverte scientifique qu'il a faite et oubliée depuis longtemps. Sollicité de toutes parts par des journalistes, des amis ou des membres de la famille perdus de vue, d'anciens collègues de travail, etc., M. Kaplan voit sa vie paisible et routinière bousculée, revit certains épisodes de son passé et “explore sa solitude avec une impavide bien qu'inquiète curiosité” (4e de couverture), notamment en rendant visite à un ancien ami, en passant près de déclarer à Mme Ambrunaz qu'il l'aime et en partant au Touquet avec elle, quelques jours avant son couronnement (la remise de sa décoration), pour changer d'air, se ressourcer. De retour à l'appartement, Mme Ambrunaz meurt et, le lendemain, au moment de pénétrer dans la salle où doit avoir lieu le couronnement, M. Kaplan rebrousse chemin.
Narration : Autodiégétique
Explication : Honnêtement, rien de particulier… Gilbert Kaplan raconte quelques semaines de sa vie, de l'annonce de sa décoration à la cérémonie.
Personnage(s) en rupture : Gilbert Kaplan
A) Nature de la rupture : interprétative
Explication : Malgré qu'il vive toujours, M. Kaplan ne fait plus partie du monde. Il vit presque en ermite, avec Mme Ambrunaz, et semble indifférent à ce qui se passe autour de lui, sans qu'il sache vraiment si cet état provient du monde qui ne lui envoie plus rien ou de lui-même qui ne s'y intéresse plus : « Il semblerait que je ne m’intéresse plus qu’aux détails, aujourd’hui, il semblerait que les idées générales m’aient délaissé, en tout cas je dois me débrouiller avec ce qui se présente, et il ne se présente plus grand-chose, ou bien est-ce moi qui n’attends plus grand-chose. » (p. 18)
B) Origine de la rupture : Mondaine
Explication : La rupture que vit Gilbert Kaplan par rapport au monde social se manifeste principalement sur deux plans.
1. Relations ambiguës avec les membres de sa famille: il s'entend relativement bien avec son frère, écrivain renommé, même si celui-ci a déjà tenté de le tuer. Malgré que leurs conversations soient réduites au strict minimum, il demeure tout de même une certaine connivence silencieuse entre eux. M. Kaplan éprouve une très forte affection pour sa soeur Louise, dont il n'a pas eu la moindre nouvelle depuis qu'elle s'est sauvée avec l'évêque officiant à son mariage, quarante ans plus tôt, mais déteste cordialement son autre soeur Alice qu'il continue malheureusement à voir de temps à autres. C'est d'ailleurs pour échapper à sa visite qu'il se décide à partir pour Le Touquet. Son fils, enfin, ne lui a jamais pardonné d'avoir vendu la maison familiale où sa mère, la femme de M. Kaplan, s'était suicidée par défenestration. Lors d'une rencontre entre eux, le fils emmène le père s'acheter un costume en vue de la cérémonie, mais sitôt qu'ils sont séparés, M. Kaplan abandonne le costume offert par son fils dans la rue, de façon tout à fait naturelle, sans la moindre hésitation, révélant ainsi deux conceptions irréconciliables de la vie, comme quoi le temps n'arrange pas toujours les choses.
2. Indifférence par rapport au monde. En effet, Gilbert Kaplan ne critique ni ne louange la société, car il n'en fait simplement plus partie. Son couronnement tardif est d'ailleurs une bonne manière de constater cette rupture causée par le temps: « Est-ce que je me sens honoré ? Non, j’avoue que tout ça m’indiffère. Je m’apprête à quitter sans façon ce monde, et l’on entreprend soudain de m’y ramener à grand renfort de champagne, au motif de cette trouvaille de jeunesse dont on m’attribue la paternité » (p. 31)
C) Manifestations : Posture passive et parfois désorientée
Explication : M. Kaplan ne bouge que difficilement de son appartement et est enfoncé tellement profondément dans sa routine, ses habitudes, que tout sortie lui paraît très fastidieuse et compliquée. Il a également, semble-t-il, quelques pertes de mémoires et de la difficulté à saisir tout ce qui se passe autour de lui de même que les intentions de gens : « Le vent, toujours aussi fort, ne faisait qu’accentuer l’impression d’irréalité que me laissait ma présence au bas de cette tour, et j’ai fini par soupçonner un épisode de démence sénile qui m’aurait amené dans cet endroit » (53-54).
D) Objets : Portions du monde indéchiffrables
Explication : Comme je l'ai déjà mentionné, ce qui se produit à l'extérieur de son logement intéresse peu M. Kaplan. Il semble que ce soit à la fois volontairement (il n'attend plus rien) et involontairement (le monde extérieur ne lui envoie plus rien) que cette incompréhension mutuelle se développe.
E) Manifestations spatiales : ...
Lieux représentés : Surtout l'appartement de M. Kaplan, qui est comme une bulle dans laquelle il vit en marge du monde. Même si Mme Ambrunaz passe ses journées à préparer des plats de lentilles et à faire du ménage, il reste toujours aussi poussiéreux et bordélique.