Version Word (avec mise en page et couvertures)
[Consommateurs à problèmes familiaux]
Famille, drogue et rock’n’roll
Consommation excessive de drogues, d’alcool ou de médicaments doublée de relations familiales tendues composent la trame de l’existence de [consommateur à problèmes familiaux]. Si sa dépendance ne contribue pas à atténuer les tensions, l’origine des problèmes familiaux – relation malsaine, de domination, d’affrontement ou encore de rejet – ne se trouve pas nécessairement dans celle-ci. Les deux composantes sont toutefois généralement complémentaires dans son mal-être et dans la trajectoire malheureuse que prend souvent son histoire. [Consommateur à problèmes familiaux]se considère parfois ses difficultés inévitables étant donné la fatalité de sa filiation, de son hérédité.
La coexistence de ces deux composantes ne me semble plus suffisante pour être une catégorie en soi et je propose ici plutôt un type où le problème tire son origine de la filiation ou du moins de la famille. Le lien me paraît plus significatif. Un astérisque (*) suit les œuvres qui seraient retirées de ce nouveau type et un symbole de degré (°) suit celles qui ne seraient que dans ce dernier. Qu’importe le cas choisi, il me semble qu’on devra étoffer le corpus.
Misérable héréditaire
Un malheur transmis de génération en génération
Les liens de sang de Misérable Héréditaire sont la cause de nombreux malheurs dans sa vie. Son histoire familiale est difficile à ignorer puisqu’elle interfère constamment dans le cours de son existence. Misérable Héréditaire cherche souvent à apaiser l’inconfort étouffant lié à sa famille par la fuite, dans les diverses substances et expériences qui le permettent. Son inscription dans cette filiation inévitable et indésirée prédestinent pourtant ses gestes et sa fin.
Des exemples notables :
Antoine dans Poids léger d’Olivier Adam ; Antoine est un boxeur et un grand consommateur d’alcool, ce qui a un effet néfaste pour le sport qu’il pratique. Sa consommation est pour lui une forme de fuite. Sa sœur va se marier avec un homme que le personnage connait à peine, mais qu’il désapprouve, vu son amour excessif pour celle-ci. Il est complètement rejeté par la famille de la femme qu’il a mise enceinte et le force à ne plus s’approcher d’elle.
Olivier Adam, Poids Léger, Paris, Éditions de l’Olivier, 2002, 160 p.
Charlotte et Sacha dans Charlotte before Christ d’Alexandre Soublière ; Sacha est issu d’une famille fortunée qui le gâte, mais le dégoûte. Charlotte vit quant à elle seule avec sa mère dans des conditions modestes après que son père les ait abandonnées. Les deux personnages sont tous deux habités par une rage et un mal-être qu’ils fuient dans la drogue, l’alcool et les expériences extrêmes. Ils se coupent tous deux de leurs familles respectives, s’en dissocient, dégoûtés.
Alexandre Soublière, Charlotte before Christ, Montréal, Boréal, 2012, 224 p.
Fiche Orion
Ann [et Hope°] dans Tarmac de Nicolas Dickner ;
Ann combine des problèmes d’alcool et de santé mentale. Lorsqu'elle n'est pas affectée par sa maladie, elle est ivre. Cela lui semble un bon moyen de tempérer son déséquilibre. Cette alternance la coupe du réel, la plongeant dans une indifférence inébranlable. Celle-ci affecte sa relation avec sa fille qui devient pratiquement inexistante ; elle ne s'aperçoit pas que sa fille a quitté la ville depuis quatre mois.
°Hope est issue d'une famille à la santé mentale chambranlante. Chacun de ses membresfleur est assailli par des visions de la fin du monde et tente de découvrir la date exacte de l'Apocalypse. Un jour, Hope décide de trouver sa propre date de la fin du monde : dix-sept juillet 2001. Sa quête la mène à Tokyo où elle vit encore en date du décès de sa mère et de son apocalypse prédite. Elle n’aura ses règles qu’à ce moment, presque âgée de trente ans.
Nicolas Dickner, Tarmac, Québec, Alto, 2009, 280 p.
Fiche Orion
Documentation critique
Flore Forget dans Fleurs de crachat de Catherine Mavrikakis ; Habitée par une rage violente qu’elle endort avec des somnifères, Flore Un jour, Florent, frère aîné, surnommé L’Fêlé, qu’elle n'a pas vu depuis trente ans, lui rend visite parce qu'il a senti que leur mère était au bord du trépas, ce qui s'avère exact : elle a un cancer du sein qui l'emportera deux mois plus tard. Flore se lance alors dans une chronique familiale pour replacer son existence (et ses travers) en contexte et peut-être, à travers ses aïeux européens, son enfance aux États-Unis, expliquer les démons qui la rongent de l'intérieur. Son frère fait un kamikaze de lui dans le consulat d'Allemagne, emportant avec lui le poids du passé, ce qui la délivrera de ses tourments familiaux.
Catherine Mavrikakis, Fleurs de crachat, Montréal, Leméac, 2005, 200 p.
Fiche Orion
Documentation critique
Morvan Trépanier dans Trépanés de Patrick Brisebois* ; Morvan Trépanier est trépané dans sa jeunesse à la suite d'un accident de moto. Depuis, il a l'impression d'appartenir à un monde de noirceur et de déperdition. Le personnage souffre de délires provoqués par la drogue, perdant ainsi contact avec le réel. Il est au centre d’un triangle amoureux tumultueux avec sa fiancée et la sœur de celle-ci. Les deux femmes mourront ; l’une suicidée, l’autre tuée par Morvan après un combat. Cette violence illustre avec évidence les conséquences des tensions amoureuses et familiales.
Patrick Brisebois, Trépanés, Montréal, Éditions de L’effet pourpre, 2000, 197 p.
Réédition au Quartanier (Série QR), 2011, 194 p.
Fiche Orion
Antoinette Beauchamp dans Paradis clef en main de Nelly Arcan (*) ; Après être devenue paraplégique à la suite d’une tentative de suicide (suggérée par son oncle) ratée, Antoinette consomme de la vodka et des médicaments en quantité pour oublier sa condition. « C'est ça, être saoule. C'est ça, la drogue en général : échapper à soi-même en essorant son propre corps, faire voler en éclats sa barque alors même que l'on reste couché sur le dos, immobile, au fond du néant » (p. 36). Sa mère du personnage accepte mal cette attitude. Les relations sont tendues et la communication difficile. « Ma mère m'a toujours fait vivre […] Je n'ai rien fait de ma vie, sauf la rejeter » (p. 11). Antoinette refuse constamment son aide et se laisse dépérir.
Nelly Arcan, Paradis clef en main, Montréal, Coups de tête, 2009, 216 p.
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Victor dans Chambres noires de Nicolas Charrette* ; Victor est alcoolique et se drogue régulièrement ; il boit et consomme par habitude, sans réel but ni plaisir. Il s'ennuie de Nina, à qui il s'adresse en écrivant, mais avec qui il n’a aucun contact. Sa consommation le pousse à délaisser son travail de photographe et lui fait perdre le contrôle de ses actes. L'alcool et la drogue l’ont coupé de Nina et du monde.
Nicolas Charrette, Chambres noires, Montréal, Boréal, 2012, 151 p.
Fiche Orion
Dée dans Dée de Michaël Delisle* ; Mariée à un homme qu’elle n’aime pas et qui s’allie à sa mère pour la forcer à consulter après la découverte de son adultère, Dée est gavée de pilules par son docteur. Sa consommation de médicaments l'engluera dans le sommeil. Les relations qu’elle entretient avec les autres sont distantes et conflictuelles. Elle entretient même de la haine pour son propre bébé, motif de son mariage. « Meurs… Meurs… Meurs donc… » (p. 107), pense-t-elle de son nourrisson.
Michael Delisle, Dée, Montréal, Leméac, 2002, 124 p.
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Documentation critique
Simon Nardis dans Un soir au club de Christian Gailly* ; Simon Nardis, lors d’un voyage d’affaires qui ne devait pas durer, prend un verre de vodka qui le fait retomber dans le jazz et l’alcool. Sa femme l’attend, mais Simon s’éternise au loin, à boire, à jouer de la musique et à la tromper avec la patronne du club. Il manque train après train, reportant toujours son départ au suivant. Son épouse, folle d'un mélange d'inquiétude et de jalousie, meurt dans un accident de voiture en tentant de venir le chercher.
Christian Gailly, Un soir au club, Paris, Éditions de Minuit, 2002, 176 p.
Documentation critique
Fugue dans Sparadrap de Marie-Chantale Gariépy° ; Fugue est née en secret dans la buanderie d'un hôpital. Sa mère, qui avait caché à tous sa grossesse, ne survit pas à l'accouchement et la petite fille est placée dans un orphelinat. Le décès de sa mère a fait germer en Fugue un désir obsédant de mort : dès son enfance, Fugue tente de s'enlever la vie, mais est sauvée in extremis à chaque fois. La jeune fille se croit née sous le signe de la mort, prédestinée à un sort tragique qui motive toutes ses actions. « Quelqu'un, quelque chose, quelque part, tirait les ficelles de mon existence sans que j'aie à y redire » (p. 23).
Marie-Chantale Gariépy, Sparadrap, Montréal, Marchand de Feuilles, 2005, 143 p.
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Gésu Retard dans Gésu Retard d’André Carpentier° ; Gésu Retard a été abandonné enfant par sa mère, dans les poubelles des sœurs de la Charité de Québec. Il a grandi pour devenir un homme marginal et original. Le plus souvent, il erre à vélo sur le Plateau Mont-Royal avec un casque et des lunettes d'aviateur de la Première Guerre mondiale, ainsi qu'un gros sifflet de marin accroché au cou, afin de se faire reconnaître de son père - un matelot qu'il n'a jamais connu - au cas où il le croiserait. À la fin des péripéties du roman, il partira pour Québec, laissant entrevoir le début d’une réconciliation avec son passé familial tourmenté.
André Carpentier, Gésu Retard, Montréal, Boréal, 1999, 253 p.
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