I- MÉTADONNÉES ET PARATEXTE
Auteur : Anne Godard
Titre : L'inconsolable
Éditeur : Minuit
Collection :
Année : 2006
Éditions ultérieures :
Désignation générique : Roman
Cote : 2
Quatrième de couverture :
“Tu n'aurais jamais cru que tu survivrais, mais tu vis pourtant, tu continues, de date en date, et depuis si longtemps. Tu vis contre son absence, contre la vie qui l'a permise, contre les autres, parce qu'ils oublient, et contre toi, qui ne peux rien effacer. Malgré toi, tu restes en attente d'autre chose, mais quoi ?”
II- CONTENU GÉNÉRAL
Résumé de l’œuvre :
L'inconsolable, c'est une femme dont le fils s'est suicidé. Complètement refermée sur elle-même et sur son chagrin, ne pouvant ni oublier ni accepter cette mort, elle vit entièrement tournée vers le passé, au point de se couper de tous ceux qui l'entourent, y compris son mari, y compris ses autres enfants qui vivent encore.
Thèmes :
La mort, l'absence, le chagrin, la solitude, l’égoïsme…
III – JUSTIFICATION DE LA SÉLECTION
Explication (intuitive mais argumentée) du choix :
En étant entièrement refermée sur elle-même et tournée vers son passé, ce personnage se déconnecte du monde présent dans lequel elle vit. J'ai rarement rencontré un personnage aussi égocentrique et égoïste que cette femme. Son action et son interprétation sont constamment biaisées par le drame qu'elle vit et le chagrin qui en découle.
Appréciation globale :
Quoiqu'il ne soit pas très joyeux, j'ai apprécié ce roman et j'ai trouvé (en raison de son intériorité) son personnage intéressant. J'ai d'ailleurs aimé le rythme avec lequel on apprend sur la vie du personnage : le narrateur donne des détails au lecteur petit à petit, sans non plus en dire trop, trop vite, afin de conserver son intérêt.
IV – TYPE DE RUPTURE
Validation du cas au point de vue de la rupture :
a) actionnelle : remise en question de l’intention (et éventuellement de la motivation); logiques cognitives/rationnelles ou sensibles; présence ou absence d’un nœud d’intrigue et d’une résolution; difficulté/incapacité à s’imaginer transformer le monde (à s’imaginer le monde transformable), etc.
b) interprétative : difficulté/incapacité à donner sens au monde (à une partie du monde) de façon cohérente et/ou conforme à certaines normes interprétatives; énigmaticité et/ou illisibilité du monde; caducité ou excentricité interprétative; etc.
a) Du début à la fin, le personnage ne montre aucune volonté de changer les choses: elle est et restera jusqu'à sa mort l'inconsolable. Elle se complaît dans se rôle. Par pur égoïsme, elle semble même préférer que son fils soit mort plutôt qu'en vie : “Tu as aimé sa mort tout de suite, tu t'y est sentie bien, comme si c'était enfin ta place, enfin le rôle qui t'attendait. TU as aimé sa mort qui te le donnait tout entier, plus que tu n'aurais jamais pu aimer sa vie. […] il devait mourir pour que toi, sa mère, tu puisses le pleurer toujours.” (p. 134)
Aussi, elle se préoccupe peu du présent ou de l'avenir; toute son attention est tournée vers le passé. Constamment, elle ressasse les souvenirs qu'elle conserve de son fils et de sa relation avec lui, se préoccupant peu des vivants qui l'entourent. Ainsi, la seule chose qu'elle projette et qu'elle attend encore du monde dans lequel elle vit est sa propre mort. Il n'y a qu'à ce sujet qu'elle démontre certaines intentions. en fait, la perte du fils favori aveugle cette mère au point qu'elle souhaite voir souffrir ses autres enfants, leur faire mal de façon durable à travers sa mort et ce qu'elle leur laissera, comme pour leur montrer qu'ils ne sont pas supérieurs à elle. Bref, le comportement de cette femme, aux yeux d'un lecteur objectif, est tout à fait incongru.
b) Pour le personnage de ce récit, tout prend sens en fonction du suicide de son fils et de la douleur qu'il cause. Toutes ses perceptions et ses pensées sont déformées par son chagrin personnel : toujours, elle interprète les gestes et les paroles d'autrui en se rapportant à son drame : est-il au courant ou non et par conséquent, est-il son allier ou son ennemi? A-t-il oublié ce qui s'est passé? Se soucie-t-il suffisamment de sa douleur? À côté de ce qu'elle vit, tout ce que vit les autres lui semble insignifiant, peu digne d'intérêt. À son sens, personne ne lui témoigne suffisamment de considération, tout le monde oublie trop vite. En sommes, c'est comme si elle ne voyait plus le monde qu'à travers l'écran que devient pour elle le suicide de son fils.
De surcroît, son égoïsme et son égocentrisme viennent accentué cette tendance à tout interpréter à travers son propre chagrin, en fonction de son unique personne. Par exemple, si ses autres enfants ne font pas d'enfant, c'est seulement pour ne pas lui faire connaître la joie d'être grand-mère. Le comportement de ses enfants (ou des autres) en général est, de toute façon, analysé sans aucune objectivité, sans aucune pensée pour ce qu'ils peuvent eux-même ressentir.
V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES
Validation du cas au point de vue narratif/poétique (voix, fiabilité du narrateur, registres fictionnels, temporels, type de configuration narrative, etc.)
Tout au long du récit, la narration s'effectue à la deuxième personne du singulier. De ce fait, nous n'avons pas directement accès aux pensées du personnage principal et on ne sait pas qui raconte le récit : est-ce le personnage qui parle d'elle-même à la deuxième personne ou est-ce un narrateur inconnu et extérieur au récit?
Le récit est faiblement configuré : il n'y a pas de noeud d'intrigue, ni de résolution finale.