1. Notice bibliographique : MESSIER, William S., Épique, Montréal, Marchand de feuilles, 2010, 273 pages.
2. Résumé de l’œuvre :
Après avoir quitté soudainement son emploi dans un entrepôt de produits pharmaceutiques, Étienne se retrouve au Centre local d’emploi de Brome-Mississquoi. Charmé par les beaux yeux d’Élisabeth, la réceptionniste, il accepte un stage s’assistant équarisseur pigiste. Il passera donc l’été 2005 à ramasser des carcasses sur le bord de la route avec Jacques Prud’homme, la légende de la région. Apparemment doté du don d’ubiquité, Prud’homme fait l’objet de dizaines de récits dans tous les Cantons-de-l’Est. Selon les racontars, Jacques Prud’homme est capable de tous les exploits sportifs et agricoles imaginables : défricher une forêt à lui seul ou frapper cent-trente-huit balles d’une seule main, le tout simultanément aux quatre coins de la région. Or, quand des pluies incessantes menacent d’inonder la région et que les récoltes de charognes mettent en péril l’emploi des Charognards du coin, les récits sur Prud’homme se font de moins en moins élogieux. Certains avancent même que le déluge surnaturel est causé par lui. Emporté par la volonté inépuisable du géant, Étienne se joint aux efforts de la population pour endiguer l’inondation historique de juillet 2005. Tous les souvenirs de la communauté ayant été emportés par le déluge, son récit servira de fondation pour reconstruire le folklore de la région.
3. Narration : Homodiégétique, intradiégétique.
Explication : La narration est assurée par Étienne; on n’a donc pas accès aux pensées des autres personnages. À trois reprises, on retrouve la transcription d’une émission de radio qu’il écoute; la parole est en quelque sorte cédée à l’animateur, Rainier Hamilton. Ces passages sont un peu en-dehors du récit, bien qu’ils commentent l’état de la situation lors du déluge.
4. Personnage(s) en rupture : Jacques Prud’homme, Étienne
A) Nature de la rupture: Actionnelle (Jacques Prud’homme) et actionnelle/interprétative (Étienne)
Explication :
Jacques Prud’homme : Actionnelle : Personnage légendaire dans sa région, Prud’homme possède une multitude de doubles créés par les racontars de la communauté. L’homme « réel » est en rupture avec le personnage folklorique qu’il est devenu. Or, quand les gens avilissent ses exploits lors du déluge, Prud’homme perd le contrôle de son image. La rupture est donc double : sans être aussi héroïque que son personnage « positif », il n’est pas non plus responsable de tous les drames que lui attribuent les récits « négatifs ».
Étienne : Actionnelle : Le personnage d’Étienne est relativement passif : les actions qui ont le moindre impact (comme conduire un camion) l’angoissent. Il décrit tout travail physique comme une suite de gestes mécaniques (voir le chapitre intitulé « Balaie identifie ramasse dompe »). Ces suites étant récurrentes dans le roman, il donne l’impression de vivre de façon mécanique, de se laisser emporter dans des engrenages sans vraiment le vouloir. De plus, il a tendance à s’échapper dans des pensées hypothétiques (quoi choisir entre voler et être invisible, que faire s’il se fait attaquer chez lui) ou particulièrement complexes (selon Einstein, temps et espace sont relatifs : aller plus vite ralentirait donc le temps, aller moins vite l’accélère. Mais pourquoi accélérer le temps? Etc.) Cette attitude s’estompe toutefois au fil du roman.
Interprétative : En quittant son premier emploi, Étienne a volé un lecteur optique destiné à lui indiquer quel produit aller chercher dans l’entrepôt. Or, cet appareil s’avère capable de scanner tout autour de lui. Le scanner affiche d’abord des produits aléatoires quand Étienne le braque sur des gens ou des objets, puis, il s’adapte en affichant pendant un temps le nom latin des choses. Bien que la lecture de la réalité par l’appareil n’a qu’un faible impact sur le personnage et sur le récit, elle constitue une sorte d’intermédiaire entre Étienne et le monde.
B) Origine de la rupture : Mondaine (Prud’homme), actorielle (?) (Étienne)
Explication :
Prud’homme : Le dédoublement du personnage et la rupture entre l’être réel et mythique qui en découle sont causés par le monde social. La perte de contrôle de Prud’homme, sa baisse de moral et ses actions, qui visent à aider les autres mais qui créent la rupture avec le reste de la communauté, sont aussi dues au monde qui l’entoure.
Étienne : la rupture entre le personnage et le monde était nécessaire pour que se produise sa rencontre avec Prud’homme.
C) Manifestations :
Explication :…
D) Objets : …
Explication :…
E) Manifestations spatiales :
Lieux représentés : Les villes des Cantons-de-l’Est (Brome-Missisquoi, Granby, etc.), les routes qui les relient, la campagne, les cantines et stations-services, la montagne.
Explication : Les lieux et les déplacements sont importants dans le récit : le folklore qui rend Prud’homme mythique est très vivace dans la région et unit les villages des cantons. Le roman souligne l’importance de ce folklore dans la mémoire collective, mémoire qui est attachée aux lieux et aux choses. Le déluge qui frappe la région, en plus d’être un évènement historique à petite échelle, symbolise une perte de cette mémoire et donne un dur coup au folklore en ternissant l’image de Prud’homme.
F) Citations pertinentes :
p. 186 : « En bon ou en mal, les citoyens semblaient plus occupés à diffuser les rumeurs à son sujet, à alimenter le mythe, à multiplier eux-mêmes Jacques Prud’homme à coups de cancans et de ouï-dire. »
p. 188 : « Moi, je fus toujours sceptique quant à la véracité des récits d’exploits; de toute façon, entre le Jacques Prud’homme du folklore et celui de mon quotidien, je voyais une sacrée différence. À l’inverse, je gagerais que Jacques, lui, n’avait pas l’impression de contrôler quoi que ce soit qui se produisait, autant dans l’environnement que dans ses supposées démultiplications. »