FICHE DE LECTURE
INFORMATIONS PARATEXTUELLES
Auteur : Philippe Sollers Titre : Studio Lieu : Paris Édition : Gallimard Collection : aucune Année : 1997 Pages : 208 p. Cote : UQAM : PQ2679O4S78.1997 Désignation générique : roman
Bibliographie de l’auteur : Chez Gallimard : Femmes, Portrait du joueur, Théorie des exceptions, Paradis 2, le Cœur absolu, les Surprises de Fragonard, Rodin, dessins érotiques, les Folies françaises, le Lys d’or, la Fête à Venise, Improvisations, le Rire de Rome, le Secret, la Guerre du goût, le Paradis de Cézanne, les Passions de Francis Bacon, Sade contre l’être suprême, précédé de Sade dans le temps; Aux Éditions Cercle d’Art : Picasso, le héros; Chez Plon : Carnet de nuit, le Cavalier du Louvre, vivant Denon; Aux Éditions de La Différence : De Kooning, vite (et ainsi de suite…)
Biographé : Rimbaud et Hölderlin
Quatrième de couverture : extrait
Préface : aucune
Rabats : aucun
Autres (note, épigraphe, photographie, etc.) :
LES RELATIONS (INSTANCES EXTRA ET INTRATEXTUELLES) :
Auteur/narrateur : Je crois qu’on n’apprend jamais le nom du narrateur au long du roman. Ce n’est sûrement pas Sollers, quoique peut-être.
Narrateur/personnage : Le narrateur est homodiégétique. Il raconte au je, mais aussi parfois au vous (p.61, 70) ou au tu (p.71).
Biographe/biographé : Si le narrateur est une sorte de biographe – on ne sait ce qu’il écrit, mais il parle tellement de Rimbaud et d’Hölderlin que peut-être les biographie-t-il – sa relation à Rimbaud semble en partie être de l’ordre de la projection. Lui-même agent secret, au sens propre et figuré («humble romancier espion de l’histoire» – p.124), il s’imagine que Rimbaud a été un agent secret britannique (!) : « ⎯ Quoi? Vous insinuez que Rimbaud, le grand poète maudit, aurait été recruté par les Services britanniques lors de ses séjours à Londres? Qu’il aurait eu, à travers ses relations avec des exilés de la Commune de Paris, quelques dîners confidentiels avec Marx? Qu’il aurait travaillé ensuite pour Sa Majesté en Abyssinie? ⎯ Mais non, mais non… Quoique s’agissant de Rimbaud, ce ne serait là qu’une variante à tous les délires qu’il a suscités. Pourtant, à Brême, quand il veut s’enrôler dans la marine américaine… Son passage dans le Légion étrangère de Hollande jusqu’à Batavia… Stockholm, où il passe pour marin… Copenhague… Norvège… Gênes, Milan, Alexandrie… Chypre… Et l’Égypte, l’Arabie, l’Éthiopie… Banale activité commerciale? Simple trafic d’armes? Allons, allons…» (p.111-112) Même Hölderlin devient un agent secret particulier : «Tels sont les messages rythmés et chiffrés de Hölderlin, agent secret des dieux en ce monde, sous le masque vrai de la folie. » (p.131)
Autres relations :
L’ORGANISATION TEXTUELLE
Synopsis : Un homme – le narrateur – occupe un studio à Paris. Il écrit dieu sait quoi. Il est assez seul mais reçoit quelque invités : Arnaud, fils d’un ami écrivain mort, Vincent, fils de son ex-femme et Nina, sa maîtresse. Il voit aussi Stein quelques fois, pour son métier d’agent secret semble-t-il. Il parle à Marion, qui est en mission à New York et avec qui il entretient une relation amoureuse ambiguë. Mais en fait, cette diégèse n’est que la toile de fond des réflexions du narrateur qui remplissent le roman. C’est un roman réflexif, voilà.
Ancrage référentiel : Les rares éléments biographiques qu’amène Sollers semblent vrais. Par exemple : «On connaît la suite, la mauvaise humeur de Rimbaud qui en a plus qu’assez de son pitoyable frère au songe de chagrin idiot, de ce con toujours ouvert de vierge folle; le départ soudain de Verlaine avec chantage au suicide, ce qui lui vaut une lettre sarcastique de Rimbaud […] et une autre lettre fabuleuse de madame Rimbaud mère […]; le rendez-vous de Bruxelles, le coup de revolver de Verlaine contre l’Époux Infernal; le séjour d’une semaine de Rimbaud, blessé au poignet, à l’Hôpital Saint-Jean (c’est moi qui souligne [N.D.A]); l’écriture redoublée d’Une saison en enfer, sa publication, son oubli immédiat par l’auteur, qui a compris que, dans cette affaire de tous les diables métaphysiques et apparemment physiques, il avait le monde entier contre lui, mères, amis, révolutionnaires en carton, prêtes, magistrats, militaires, poètes, artistes, esprits bornés du temps, confusion du cul et du con, grimaces, conformisme, clans, fric, bavardages, flics, bestialité subie, asphyxie. » (p.176-177) Je pense qu’en ce qui concerne Rimbaud, cet extrait est le plus biographique du roman (pour Hölderlin, voir p.119-122); le reste du temps, le narrateur médite sur l’œuvre et quelques éléments de la vie de Rimbaud et Hölderlin. Dans le passage cité, on voit bien que le narrateur résume une époque de la vie de Rimbaud et que les faits sont respectés.
Indices de fiction : Toutefois, l’interprétation qu’il en donne est d’ordre plutôt fictionnelle : le «con de vierge folle» et «l’Époux infernal», par exemple, participent d’une mystification de Rimbaud. Aussi, l’écrivain fictif que Sollers invente, Guillaume, écrit dans un de ses carnets : «Imaginons Hölderlin et Rimbaud respirant, marchant, dormant, se levant, se lavant. Le premier est allongé au bord de la Garonne ou dans le petit jardin au pied de la tour du menuisier Zimmer, en face du Neckar. Le second flâne un matin de février aux environs de Londres […] » (p.48) Ici, paradoxalement, l’imagination sert à se faire une idée du quotidien, du terre-à-terre.
Rapports vie-œuvre : Souvent, vie et œuvre se confondent. L’œuvre est une part très importante de la vie. Par exemple : «On ne sait rien, ou presque, de ce séjour de Hölderlin à Bordeaux. Sauf ce grand poème, Souvenir, un des plus beaux qu’il ait écrits, et quelques brèves allusions dans des esquisses […]» (p.120) La poésie apporte un savoir sur la vie, qu’elle documente d’une certaine façon.
Thématisation de l’écriture et de la lecture : Écriture : La fin du romancier : «Comment les vrais agents sont-ils recrutés? À l’écoute. Le meilleur joueur n’est pas forcément le plus technique, que ce soit en musique ou dans le renseignement diagonal. S’il y a encore des romanciers dans l’avenir, ils viendront de là. Vous voulez dire qu’il n’y en a plus? Probable, et, de toute façon, même s’il n’en reste que deux ou trois, on vous dira qu’ils ne racontent rien de sérieux ni de vrai, et que, finalement, ils n’existent pas. » (p.20) L’écriture hâtive : «Dans les livres, je cherche de préférence les passages dont je peux imaginer qu’ils ont été écrits à toute extrémité, griffonnés à la hâte, feu et vision brûlée, intérieur du rythme. » (p.62)
Thématisation de la biographie : À part «Arnaud [qui] s’est mis à lire une biographie de Rimbaud. » (p.91), la biographie n’est presque pas thématisée. Encore que l’enquête (au sens propre) que le narrateur mène sur Rimbaud est bien d’ordre biographique :
⎯ Commissaire, nous avons une description du suspect Rimbaud par son ancien amant. ⎯ Ce doit être gratiné. ⎯ Voici : ‘Lèvres sensuelles’, ‘narines hardies’, ‘beau menton’, ‘superbe tignasse’, ‘ange en exil’, ‘miraculeuse puberté’, ‘un Casanova gosse mais bien plus expert en aventures’, ‘gamin simple comme une forêt vierge et beau comme un tigre’, ‘jambes sans rivales’… ⎯ Quelle taille? ⎯ Un mètre soixante-dix-neuf. ⎯ Amenez-le-moi. ⎯ Il est reparti. ⎯ Bande d’incapables! ⎯ On ne savait pas que vous vous intéressiez à la poésie, chef. ⎯ Mais je n’aime que ça! Vous savez bien qu’on rééduque maintenant les prisonniers avec la philosophie morale et la poésie! Ce beau gamin plein de vers! Le laisser filer! Minables! (p.84)
Les enquêteurs sont bien des biographes, à leur façon.
Topoï : Le topos de la méditation est très important. C’est Madelénat lui-même qui disait que Studio est une méditation sur la vie de Rimbaud et de Hölderlin. Non seulement Sollers et son narrateur méditent-ils sur la vie et l’œuvre de ces deux poètes, mais en plus, ils thématisent la méditation : «La poésie est un roman dont l’histoire ne demande qu’à se raconter. C’est une expérience, une méditation, un acte […]» (p.90); «C’est le cas de la plupart : ils sentent le trou, ils tournent autour en inventant des rapports entre l’événement A et l’événement G, en ne tenant aucun compte qu’entre A et G, B, C, D, E et F ont déjà multiplié les accumulations latérales.» (p.95) Sollers oppose donc la méditation et la liste (Sollers en dresse plein dans Studio – voir p.52) à la concaténation et la cohérence illusoire. Transposée à la biographie, cette distinction peut être significative. Certaines biographies méditent sur les biographèmes plutôt que de les ordonner. Topos des vies multiples : «Votre sommeil, surtout, est suspect, comme si vous étiez né pour avoir plusieurs vies. Rimbaud : ‘À chaque être, plusieurs autres vies me semblaient dues. […]’ » (p.49). Autres topoï : méditation, agonie et mort (d’Hölderlin – p.138, de Rimbaud – p.140), écriture, poésie, lecture, rêverie, etc.
Hybridation : Poésie : le style de Sollers, les citations poétiques, l’atmosphère teintée des poètes biographiés. Roman : c’est ce dont il s’agit avant tout, d’où la désignation générique. Roman policier : c’est l’histoire d’un agent et cette thématique est bien exploitée. Méditation : si c’est un genre, voilà ce qu’est Studio!
Différenciation : Studio se différencie du roman en remplaçant action et description par rêverie et méditation. Il se différencie de la biographie traditionnelle de la même manière.
Transposition :
Autres remarques :
LA LECTURE
Pacte de lecture :
Attitude de lecture :
Lecteur/lectrice : Mahigan Lepage