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Éric Plamondon (2011), Hongrie-Hollywood Express

ORION + POROSITÉ

I- MÉTADONNÉES ET PARATEXTE

Auteur : Éric Plamondon

Titre : 1984 - volume I : Hongrie-Hollywood Express

Éditeur : Le Quartanier

Collection : Série QR

Année : 2011

Éditions ultérieures : Édition française chez Phoebus en 2013

Désignation générique : roman (couverture)

Quatrième de couverture : Quand Gabriel Rivages raconte la vie de Johnny Weissmuller (1904–1984), c’est tout le patchwork américain qui s’anime, des exploits sportifs à l’underground littéraire, de la gloire cinématographique aux déclins obscurs. Burroughs vend des taille-crayons, Einstein croise un chasseur d’écureuils, on joue au golf à Cuba, JFK est devenu un aéroport, le record du monde du 100 mètres nage libre est brisé, Tarzan sauve Jane, un comptable véreux s’enfuit avec la caisse, la Seconde Guerre mondiale fait des vagues sur le lac Michigan et un mythe vivant finit placier dans un restaurant de Las Vegas.

Hongrie-Hollywood Express est le premier roman de la trilogie 1984. Les deuxième et troisième volumes, Mayonnaise et Pomme S, mettront en scène l’écrivain Richard Brautigan et Steve Jobs, l’homme d’Apple.

Notice biographique de l’auteur : Aucune

II - CONTENU ET THÈMES

Résumé de l’œuvre : À l’instar des autres romans de la trilogie, ce roman est composé de 90 courts chapitres – ou tableaux ou vignettes – qui tournent autour de la figure de Johnny Weissmuller, champion olympique et premier interprète de Tarzan au cinéma parlant. Aujourd’hui plus ou moins tombé dans l’oubli – à l’exception de son légendaire cri – Weissmuller a connu une carrière impressionnante, remportant 5 médailles d’or olympique, brisant le record mondial du 100 mètres nage et étant une des vedettes de cinéma les mieux payés dans les années 1930-1940. Les vignettes tournent ainsi autour de sa gloire et de sa décadence et autour de divers éléments de sa vie (des biographèmes, si on veut), de sa naissance le 2 juin 1904 dans l’ancien empire Austro-Hongrois jusqu’à sa mort le 20 janvier 1984 à Acapulco au Mexique, en passant par sa jeunesse à Chicago, où il s’entraînait dans le lac Michigan. Cependant, la chronologie est éclatée, plusieurs chapitres formant des pièces de casse-tête que le lecteur assemble pour dégager le portrait de Weissmuller, et la narration alternant avec des épisodes ou des réflexions de la vie de Gabriel Rivages, le personnage fictif de la trilogie 1984. La trame narrative demeure minimal, puisqu’on tire bien peu d’informations de la vie de Rivages, si ce n’est qu’il est né le 13 février 1969, « le jour où le Front de libération du Québec a fait exploser une bombe à la Bourse de Montréal » (2011 : 19). Une autre vignette ajoute qu’« il neigeait sur Québec » et que « pendant les contractions finales, sa mère a beaucoup hésité entre l’accouchement et le suicide » (2011 : 23). Une troisième vignette y revient encore : « Gabriel Rivages est né le jour où le Front de libération du Québec fait sauter la Bourse de Montréal. C’était le 13 février 1969. Jean-Jacques Bertrand de l’Union nationale était premier ministre du Québec. Pierre Elliot Trudeau du Parti libéral était premier ministre du Canada. » (2011 : 129) À la vignette 62, on dit que le 14 février 2009, Rivages se projette volontairement sur un viaduc à une vitesse de 178 km/h, ce qui peut vouloir signifier son suicide, bien que le doute subsiste…

Thème principal : désillusion, crise existentielle. Ascension et ruine, chute du rêve américain.

Description du thème principal : Il semble en effet qu’un des thèmes centraux de la trilogie soit les vies ratées… Ici, c’est en tout cas très frappant avec le personnage de Weissmuller, qui est une « légende vivante » mais qui finit « déboulonnée » (147). L’auteur-narrateur dit lui même : « Le mauvais coup du sort, la déchéance du héros me fascine. Le moment du basculement, cette façon qu’a la gloire de s’effacer et de tout reprendre. Le roi est nu. Peut-être que ma fascination pour Melville et Brautigan vient aussi de là. Deux auteurs qui atteignent des sommets et qui finissent l’un dans l’oubli, l’autre une balle dans la tête. Le paradis perdu s’incarne dans l’homme, irrémédiablement. » (2011 : 157-158) De même, le personnage de Rivages vit une crise existentielle, n’arrivant pas à trouver un sens à sa vie : « À quarante ans, Gabriel Rivages constate qu’il a raté sa vie. Après les femmes, les drogues, les voyages, les livres, les emplois divers et les enfants, il sent toujours en lui ce grand vide. Il y met tout ce qui lui tombe sous la main. » (2011 : 19)

Par ailleurs, le thème du suicide, central dans Mayonnaise, est ici aussi présent, notamment à travers le personnage de Lupe Vélez, la deuxième femme de Weissmuller, qui se suicide à l’âge de 36 ans, et par des « avant-goûts » sur celui de Brautigan : « Le matin du 4 octobre 1984, Richard Brautigan s’est levé en se disant : ‘‘Ça, c’est une journée à se tirer une balle dans la tête.’’ Et vous savez ce qu’il a fait? Il s’est tiré une balle dans la tête. » (2011 : 93) Une vignette est également consacrée au suicide d’une femme de Québec qui, enceinte, se jette par la fenêtre du haut du 5e étage (chap. 70, « Dernier plongeon »). C’est toutefois par l’écriture que le narrateur peut espérer une forme de soutien : « Quand j’ai un souci, quand on me prend la tête, quand ma vie est un brumeux et dégoulinant novembre, je prends un stylo, ça remplace pour moi le suicide. ‘‘Cela me tient lieu de balle et de pistolet.’’ » (2011 : 154)

Une critique amateur intéressante : http://lebruitdeslivres.blogspot.ca/2013/07/hongrie-hollywood-express.html

Thèmes secondaires : le cinéma, l’Amérique, la Côte Ouest, Hollywood, la natation, athlète olympique, mythe américain, etc.

III- CARACTÉRISATION NARRATIVE ET FORMELLE

Type de roman (ou de récit) : récit biographique diffracté

Commentaire à propos du type de roman : Tout comme pour les autres volumes de la trilogie, la dimension « récit » me semble s’imposer plus que celle de « roman » pour caractériser une trame narrative plutôt mince, où le minimalisme du récit côtoie le baroque du contenu qui apporte le caractère diffracté de l’œuvre. La dimension biographique va de soi…

Type de narration : multiple (problématique)

Commentaire à propos du type de narration : Mélange de narration autodiégétique pour Gabriel Rivages et hétérodiégétique pour ce qui concerne Weissmuller. Cependant, un narrateur hétérodiégétique prend aussi Rivages comme personnage, ce qui rend la narration légèrement problématique. Par exemple, qui est ce narrateur qui raconte la vie de Gabriel Rivages, ainsi que son suicide, si suicide il a réussi (chap. 62, « Morceaux »)? Qui est aussi ce narrateur du chapitre 79 qui demande : « Le Persée de Cellini, ça vous dit quelque chose à vous? Moi, la première fois que je l’ai rencontré, je me trouvais sur un baleinier dans l’océan indien. C’était un peu avant 1850. J’étais parti de Boston, alors au faîte de sa gloire : capitale intellectuelle de l’Amérique – puritaine. Ça a bien changé, Boston. La dernière fois que j’y suis passé, avant d’aller à Lowell voir la tombe de Kerouac, sur la rue principale, ou plutôt la Main, il ne restait plus que le squelette du vieux cinéma Royal sur l’écran duquel avaient pourtant défilé Bogart et Bacall, Marilyn et Clark, Weissmuller et O’Sullivan. » (2011 : 144)

Personnes et/ou personnages mis en scène : mise en scène d’une personne réelle par le biais d’un personnage imaginaire. Dans une vignette intitulée « Note d’intention », l’auteur/narrateur s’explique sur sa démarche biographique : « Le 22 août 2004, sur Arte, il y avait un spécial Tarzan. On y passait deux films et un documentaire intitulé : Tarzan, le seul, le vrai. C’est ce documentaire qui m’a fasciné. Ce qui m’a vraiment marqué, c’a [sic] été d’apprendre que celui qui avait été l’acteur le mieux payé de Hollywood, celui qui avait gagné cinq médailles d’or olympiques et battu vingt-huit records du monde de natation, eh bien cet homme, cette légende, ce mythe, avait fini sa vie comme acteur dans de mauvaises pubs télé, comme amuseur public dans des talk-shows, un singe sur les genoux. Pire, à la toute fin, il était placier dans un restaurant de Las Vegas. […] Le mauvais coup du sort, la déchéance du héros me fascine. Le moment du basculement, cette façon qu’a la gloire de s’effacer et de tout reprendre. Le roi est nu. Peut-être que ma fascination pour Melville et Brautigan vient aussi de là. Deux auteurs qui atteignent des sommets et qui finissent l’un dans l’oubli, l’autre une balle dans la tête. Le paradis perdu s’incarne dans l’homme, irrémédiablement. C’est pourquoi j’ai eu envie de raconter la vie d’un homme qui arrive de nulle part. […] » (2011 : 157-158) Weissmuller, en effet, incarne à merveille le rêve américain : « Dans le Chicago des années vint, dominé par Al Capone, la mafia et le scandale des Black Sox, Weissmuller fait figure d’ange blanc. Il rachète les péchés de la ville aux yeux du monde. » (2011 : 102)

Le narrateur revient quelques fois sur Brautigan, dont le titre de l’actuel livre est inspiré d’un livre de Brautigan : « Moi, hier, j’ai lu un livre : Tokyo-Montana Express. Le gars qui l’a écrit, il s’appelait Richard Brautigan. Je dis s’appelait parce qu’en 1984, on l’a retrouvé mort dans sa maison en Californie avec, à côté de lui, un revolver. » (2011 : 27)

Lieu(x) mis en scène : Ellis Island, Chicago, Hollywood (Weissmuller); Montréal, New York (Rivages)

Types de lieux :

Date(s) ou époque(s) de l'histoire : années 1920-1930 – L’année 1984 constitue aussi le point focal de l’histoire (c’est l’année de la mort de Weissmuller à 79 ans et du suicide de Brautigan; pour Pomme S ce sera le lancement du premier MacIntosh). Est évoqué aussi la « catastrophe du Bhopal du 3 décembre 1984 » (2011 : 151). Époque contemporaine pour Rivages, soit 1969-2010.

Intergénérité et/ou intertextualité et/ou intermédialité : côté média, on a parfois l’impression que, malgré le savoir encyclopédique qui est valorisé, celui-ci demeure une forme de savoir populaire à la wikipedia. Il y est d’ailleurs fait explicitement référence : « […] Faudra que j’aille vérifier sur Wikipédia. C’est d’ailleurs là que mon voyage a vraiment commencé : http://www.wikipedia.org.fr.request_los_angeles.htm » (117) Bien sûr, le site n’existe pas…

Particularités stylistiques ou textuelles : déconstruction et diffraction, écriture en fragments, mise en avant d’une forme de savoir encyclopédique qui demeure anarchique mais rappelle le savoir d’aujourd’hui tel qu’on peut se l’approprier par les divers médias. En entrevue, Plamondon explique que « tous ces livres sont un hommage à Brautigan dans leur forme. » http://www.youtube.com/watch?v=i6X8jn1ql0M#t=152

IV- POROSITÉ

Phénomènes de porosité observés : porosité des genres (récit, biographèmes, poésie, etc.); porosité du minimalisme (intrigue) et du baroque (éclatement de la forme); porosité fiction et histoire.

Description des phénomènes observés : les phénomènes de porosité nommés ici sont assez évidents. Par contre, c’est le 2e volume que je lis de la trilogie et je retire dans un premier temps que celle-ci fait fortement travailler le lecteur. Outre le travail de recomposition de la figure du biographé à travers les fragments, l’auteur-narrateur dissémine plusieurs types d’indices à travers son œuvre. Un exemple relativement banal : la vignette 90 est intitulée « Post-scriptum en hommage à Richard Brautigan » comporte la seule phrase : « Je n’ai jamais réussi à faire une mayonnaise. » Le 2e volume de la trilogie affirmera justement le contraire… Il faut être attentif à nombre de petits détails qui finissent par tout brouiller et par nous inciter à revenir sur les autres volumes.

Auteur(e) de la fiche : Manon Auger

fq-equipe/plamondon_eric_2011_hongrie-hollywood-express.1407858740.txt.gz · Dernière modification : 2018/02/15 13:56 (modification externe)

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