1. Degré d’intérêt général
Malheureusement, je dois avouer que j'ai rarement lu un livre aussi mauvais, décousu, insignifiant. C'est à se demander comment il a fait pour être publié et, vice-versa, comment l'éditeur a osé publier un tel livre…!
2. Informations paratextuelles
2.1 Auteur : Patrick Poulin
2.2 Titre : Morts de Low Bat
2.3 Lieu d’édition : Montréal
2.4 Édition : Le Quartanier
2.5 Collection : -
2.6 (Année [copyright]) : 2006
2.7 Nombre de pages : 145
2.8 Varia : Patrick Leblanc est doctorant en littérature comparée. Il s'agit de son premier livre.
3. Résumé du roman (mais s'agit-il d'un roman?)
Ce livre est assez difficile à résumer puisqu'il contient d'innombrables fragments qui n'entretiennent aucun lien de causalité apparent. Les seuls éléments qui assurent une certaine cohérence au livre sont les personnages récurrents, par exemple Low Bat ainsi que le Bonhomme BBQ. C'est le pure délire ! L'espace et le temps sont traités sans souci de cohérence. On passe librement de New York à l'Amérique du Sud et les liens semblent être de simples prétextes à des envolées de prose poétique. À bien y penser, il s'agit sans doute davantage de voyages intérieurs que de véritables déplacements physiques, comme en témoigne cette citation où Low Batt parle d'un « chemin difficile et sauvage » :
« Low Bat murmure gourmé et testamental : «Jadis, si je me souviens bien, je quittai béatrice-Stéphanie - j’avais travaillé dix ans à la mettre nue - et descendis. Je descendis en apnée m’en allant et cognant la tête à des plafonds pourris. Des cloches sautaient furieusement. Et je m’enfonçai dans la nuit de Time comme si l’on m’avait percé la poitrine d’un coup de hache. J’entrai dans le chemin difficile et sauvage. » (p. 11)
4. Singularités formelles
On retrouve dans ce livre certaines singularités formelles récurrentes. Le style de l'auteur se caractérise par l'emploi fréquent d'anglicismes ainsi que par un goût marqué pour l'allitération : « Godspeed Bouc Moultfoule s'avance pour entonner stentor en trench, stase qui au stencil écrit strophes en pochade […] » (p. 9)
Outre ces traits de style, la subdivision de livre à de quoi rendre perplexe. D'abord, le livre est divisé en 13 parties, dont la douzième est intitulée « Le début du monde » et la dernière « Prologue ». tout ceci pourrait porter à croire que nous avons à faire à une temporalité inversée, mais il n'en est rien. En fait, il me semble impossible de restituer une quelconque chronologies des événements. Les aventures de Low Bat, ses nombreuses morts, sont pour ainsi dire atemporelle.
Une autre singularité qu'il vaut la peine de noter est la présence de deux chapitres (le chapitre 2 et le chapitre 6) qui sont des recueils de définitions de mots inventés (par exemple “Popette” à la page 21) ou encore empruntés à la langue orale (par exemple “Phantexte” à la page 25, qui est définit comme étant le « matériel synthétique utilisé dans la confection des pelotes pédestres. »). Ces définitions sont tous assez saugrenues et il est marquant de remarquer que ces mots reviennent ça et là dans la suite du livre. Il s'agit sans doute de pistes d'interprétations fournies par l'auteur, mais l'ensemble est si baroque qu'on s'y perd.
5. Caractéristiques de la narration
La narration est assurée par un narrateur hétérodiégétique omniscient. Visiblement en guerre contre les codes de la représentation, le narrateur passe du coq à l'âne, accumule les personnages difficilement identifiable et montre un goût indéniable pour l'absurde et les séquences qui ne répondent pas à une logique réaliste. Souvent, le narrateur donne un nom de ville où se situe l'action mais, par la suite, l'action qui est décrite semble complètement détachée du cadre préalablement défini. Je donne un exemple :
« Ce fut New York.Coucou madame DeMichigan passe avec chien et salade de chou en écharpe - hermine au cou - magnissime faguissime rossinante semi-lustrée ! - rosse suintante de cartes fidélités, déhanchée comme une botte gommeuse VIP avec sauce-bobette au toupette et sur les ongles, restes de repas chauds au botche et au litchi de maquereau. » (p. 48)
Bref, ce livre donne dans le délire bas de gamme. J'avoue ne pas trop savoir quoi en dire.
6. Narrativité (Typologie de Ryan)
6.1- Simple
6.2- Multiple
6.3- Complexe
6.4- Proliférante
6.5- Tramée (…)
6.6- Diluée
6.7- Embryonnaire
6.8- Implicite
6.9- Figurale
6.10- Anti-narrativité
6.11- Instrumentale
6.12- Suspendue
Justifiez
À lire ce livre, on croirait être plongé dans un Univers pas tout à fait formé. Les lieux sont toujours indéfinis, les relations entre les personnages sont incompréhensibles. Il n'y a pas de véritable début au récit, ni ne progression d'une intrigue quelconque et encore moins de dénouement. Il me semble que la combinaison “Embryonnaire, Anti-Narrativité et Suspendue” correspond assez bien à ce livre qui est le contraire de la limpidité.
7. Rapport à la fiction
L'univers de fiction est complètement débridé. Il y arrive des événements impossibles dans le monde réel. Par exemple, ces deux personnages qui disparaissent l'un dans l'autre : « Pipo a été arraché puis reconstitué parce que les aliments reconstitués cachent une crosse et que Pipo est un crosseur. Fripe et Fripon de lippe descendent un escalier et disparaissent l’un dans l’autre. » (p. 39) Pourtant, et cela contribue à l'effet d'étrangeté, de nombreux lieux réels sont nommés au fil du texte. Il y a là un décalage frappant entre l'évocation de lieux réels et la description de scènes impossibles.
8. Intertextualité
On remarque ça et là quelques allusions littéraires, par exemple une allusion à Rossinante, le cheval du Quichotte, à la page 39. L'éditeur, pour sa part, semble avoir retenu plusieurs traces intertextuelles et s'en sert pour décrire le livre : « Fiction et poésie tout ensemble, livre des transformations, Morts de Low Bat doit autant à Rabelais qu'au ugly art, à Lautréamont qu'à Bugs Bunny, à Novarina qu'aux jeux vidéo, à la Tentation de Saint-Antoine qu'aux fanzines les plus naïvement cheaps et déjantés. » (Consulté le 24 février 2009 sur Le site de la librairie Gallimard de Montréal. Peut-être suis-je un lecteur sensible, mais j'avoue être choqué que l'on ose comparer ce livre de Patrick Poulin à la production de Rabelais et de Lautréamont…! C'est ridicule.
9. Élément marquant à retenir
J'ai remarqué que la réception immédiate du livre est plutôt élogieuse. Voir Libr-critique et Le Libraire. Il y a un public pour tout !