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fq-equipe:fortier_dominique_2008_du_bon_usage_des_etoiles

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fq-equipe:fortier_dominique_2008_du_bon_usage_des_etoiles [2014/08/15 13:50] – [III- CARACTÉRISATION NARRATIVE ET FORMELLE] manonfq-equipe:fortier_dominique_2008_du_bon_usage_des_etoiles [2018/02/15 13:57] (Version actuelle) – modification externe 127.0.0.1
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 ==== IV- POROSITÉ ==== ==== IV- POROSITÉ ====
  
 +=== Phénomènes de porosité observés  : ===
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 +Porosités générique et discursive évidentes, diffraction textuelle; porosité du populaire et du savant (par la reproduction de documents de l’époque); porosité du réel et de la fiction (par la mise en scène de personnes réelles dans un cadre fictionnalisé); exhibition d’un savoir encyclopédique, etc.
 +
 +=== Description des phénomènes observés : === 
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 +**Porosité des genres =** récit d’aventures (mais avec fin tragique) et drame de mœurs sentimental (avec fin « ratée », échec du romantisme)
 +
 +**Porosité des formes discursives =** revendication des modèles du XIXe siècle (notamment dans l’écriture, qui n’est pas sans clin d’œil à Jane Austen) mais la trame de fond historique empêche le dénouement. N’empêche que le choix du sujet (un mythe fort puisqu’on n’a jamais retrouvé les navires et qui, de surcroit, occupe fort l’imaginaire canadien-anglais) laissait une grande liberté pour l’introspection et l’interprétation.
 +
 +**Voyage immobile/lecture :** « Il s’agit d’un voyage immobile où chacun tente de donner un sens à sa vie, pourchassant la transcendante vérité en soi et en l’Autre. » \ « Aussi, l’éclatement textuel et sa narrativité déroutante participent grandement de cette logique éclatée, où les individus représentés cherchent des points de repère. » / « L’opération à laquelle se livre Sophia n’est pas si différente de celle du lecteur qui explore Du bon usage des étoiles, ce dernier réorganisant les différents fragments de l’oeuvre afin de produire du sens. Après coup, cette œuvre n’est pas si déconcertante. Sur les cartes de Lady Jane Franklin, les «îles et péninsules réels ou imaginaires» (p. 340) se fondent finalement en un tout. Le lecteur, consentant, a participé au voyage qui lui était proposé, il l’a accepté en entier. Il a vogué sur les pages à la recherche de ses propres points de repère, où les éclats textuels incarnent autant de vagues. Il a découvert ce fil, qui a bien l’apparence d’une conclusion: Du bon usage des étoiles opère une valorisation de la fabulation comme outil probant dans la quête de soi et d’une paix intérieure. L’imagination et la poésie, en matière de navigation, ne se soldent pas par une catastrophe, mais nous entraînent ailleurs, un ailleurs plus près de soi et de l’Autre. »
 +
 +(Josée Marcotte, « L’imagination en matière de navigation », Salon Double, http://salondouble.contemporain.info/lecture/limagination-en-matiere-de-navigation)
 +
 +==== ANNEXE - Littérature et introspection = ====
 +
 +Une nouvelle formulation sur la quatrième de couverture de l’édition « Coda » me frappe particulièrement : « Tout à la fois histoire d’amour, récit d’exploration et tableau de mœurs victoriennes, Du bon usage des étoiles est d’abord un fabuleux voyage au pays de la littérature. » Ici, on s’éloigne de la valorisation de l’éclatement présentée dans la 4e de la première édition, mais on parle d’un « fabuleux voyage au pays de la littérature » ? Au cours de ma (re)lecture, j’ai tenté d’en déceler les traces, de mettre en relief les remarques et symboles qui traduisent une forme de commentaires sur la lecture, l’écriture et la littérature en général. Voici :
 +  * • « Les plus curieux ne connaissent l’Arctique, Dieu ait pitié de nous, que par ce qu’ils en ont lu dans les récits de Parry et de Franklin, dont ils récitent des passages avec la même ferveur que s’il s’agissait de versets de l’Évangile. Ils sont excités comme des écoliers qu’on amène au cirque. » ([2008] 2010 : 13-14)
 +  * • « La plupart nourrissent, comme DesVœux, une admiration sans borne pour sir John, le héros de l’Arctique, dont le récit des hauts faits a bercé leur enfance, l’homme qui a mangé ses souliers et, contre toute attente, réussi à survivre seul dans une nature sauvage et hostile. » (2010 : 15)
 +  * • Journal de Franklin commenté par le narrateur : « Satisfait, sir John relut ce qu’il venait d’écrire sans trop se soucier de l’orthographe ou de la grammaire, qui l’avaient toujours passablement ennuyé, mais en y allant de sa plus belle calligraphie. Cela lui semblait une entrée en matière tout à fait convenable, qui se comparait avantageusement à celles des récits de Parry, de Ross et de tous les autres explorateurs qui avaient – malheureusement – échoué là où il entendait bien réussir. Il regrettait certes un peu d’avoir si longtemps attendu avant de prendre la plume, mais il avait été par trop occupé, et puis, leur spectaculaire départ excepté, rien ne s’était encore produit qui méritât qu’on le consignât. Il avait longuement discuté avec sa femme de la teneur de ce journal de bord qui deviendrait vraisemblablement un document précieux pour les géographes, marins, commerçants, militaires et scientifiques contemporains aussi bien que pour la postérité. Il [24 :] était tombé d’accord avec lady Jane pour employer un style  concis et se contenter de livrer les informations factuelles les plus précises possible. Comme le lui avait judicieusement faire remarquer son épouse, mieux valait s’en tenir à l’essentiel, sans vouloir rechercher l’effet : les récits d’exploration étaient trop souvent enjolivés d’une poésie mal à propos qui, loin d’en enrichir le contenu, pouvait donner lieu à de multiples interprétations – ce qui, comme elle l’avait signalé, était susceptible en matière de navigation de se solder par une catastrophe. De toute manière, dès son retour, lady Jane reprendrait le texte pour le polir phrase par phrase, comme elle avait l’habitude de le faire pour les missives que rédigeait son mari et, avec l’accord de celui-ci, elle donnerait au document ce souffle et cette envergure auxquels on reconnaît les récits des grands découvreurs. Par ailleurs, elle avait recommandé à sir John d’encourager ses hommes  à tenir eux aussi des journaux de bord, et à recueillir ces derniers au retour de l’expédition afin  de s’en servir pour étayer le sien, technique qu’il avait déjà utilisé […] » (2010 : 23-24)
 +  * • « Fidèle à son habitude, lady Jane traînait partout avec elle un carnet où elle notait méthodiquement les conditions atmosphériques, la situation géographique du monument ou du phénomène naturel au menu de la journée, de même que les réflexions qui lui inspiraient sa visite. » (28) / « Une fois les monastères portugais inspectés – visite qui inspira à Lady Jane quelques pages bien senties sur les rapports qu’entretenait l’architecture gothique avec la lumière […] » (69)
 +  * • « […] qui lui permettait d’emprunter le trajet jadis parcouru par Alexander von Humboldt, lequel était un explorateur comme les aimait lady Jane : noble, lettré, prolixe, il livrait ses observations et ses hypothèses dans des récits d’une clarté absolue, mais d’une plume toujours vive et alerte. » (70)
 +  * • Pour se désennuyer, les hommes fouillent à travers les ouvrages des bibliothèques des navires. « Curieusement, c’étaient cependant les romans et les ouvrages de poésie qui remportaient le plus de succès. Ces hommes qui considéraient auparavant la fiction comme un passe-temps tout juste bon à délasser les femmes (quand il ne mettait pas des idées délétères dans la cervelle des jeunes filles) s’arrachaient Le Vicaire de Wakefield et méditaient sur les poèmes de Lord Tennyson – dont l’un des mérites, et non le moindre, consistait en ce qu’il était le neveu de sir John. » (79) Adam, un assistant-cuisinier qui se prend de passion pour le magnétisme, avoue à Crozier qu’il a tout lu les ouvrages de la bibliothèque et qu’il a particulièrement aimé les Sonnets de Shakespeare (84)
 +  * • « Le voyage dans la lune », pièce montée par les matelots au cours d’un hiver et qui est reproduite (87-93), est « adapté d’un vieil ouvrage français déniché dans la bibliothèque de l’Erebus, et qui, dit-on, a fait rire les hommes aux larmes. » (86)
 +  * • Lady Jane : « Ses premières rencontres avec le célèbre explorateur lui avaient laissé une impression si peu marquante qu’elle avait ressenti le besoin, peu avant son mariage, de consulter le journal qu’elle tenait à l’époque pour y biffer quelques commentaires par trop désinvoltes sur celui qui était destiné à devenir son époux et pour insérer, ailleurs, deux ou trois remarques volontairement floues qui pouvaient laisser croire qu’elle avait, dès le début, pressenti quel être extraordinaire il était et la place non moins extraordinaire qu’il allait occuper dans sa vie. À la vérité, elle avait été déçue par le héros de l’Arctique qui, revenu depuis quelques mois de son périple catastrophique au cours duquel quatre des hommes qui composaient son expédition avaient perdu la vie de façon assez obscure, venait à peine d’en publier un récit plutôt complaisant quand elle fit sa connaissance. » (104-105)
 +  * • « Chose certaine, il [Franklin] ne ressemblait en rien aux héros fiévreux qui peuplaient les romans dont se délectait Jane ni aux personnages éthérés que mettaient en scène les poèmes d’Eleanor. Celle-ci avait publié à l’âge de seize ans un formidable conte de 60 000 vers intitulé Les Voiles, lequel avait valu à la jeune prodige une reconnaissance instantanée et une élection au prestigieux Institut de France. Eleanor avait offert un exemplaire de son œuvre à Jane Griffin au début de leur amitié. Il s’agissait d’un objet curieux, une ode enflammée à la fois savante et baroque où l’exaltation romantique le disputait à la ferveur scientifique. C’est ce poème qui avait poussé Jane à rechercher l’amitié de la jeune femme qui, si elle lui était inférieure par la condition et les relations, se révélait du moins son égale sur le plan intellectuel. » (105-106) [Peut-on imaginer des échos intertextuels entre cette œuvre et celle de Fortier? Des clés de lecture dans sa description de Les Voiles?]
 +  * • Crozier, après son sauvetage par les Esquimaux, est perclus de fatigue, mais disposé à écrire… (150)
 +  * • « Nous laisserons derrière nous une grève jonchée de détritus, seules traces de notre passage au milieu d’un désert immaculé, que viendra recouvrir la neige de l’automne. » (159) --- futilité de l’entreprise… d’expédition et de l’écriture, mais nécessité des traces.
 +  * • « Franklin soupira. Décidemment, il n’aimait guère écrire, avait l’impression de ne jamais trouver le ton juste. » (161)
 +  * • « Sophia était persuadée que lady Jane aurait fait elle-même un explorateur d’exception. Il n’était besoin pour s’en convaincre que de lire les journaux qu’elle tenait en voyage et dans lesquels elle consignait méthodiquement les distances parcourues, les accidents géographiques observés, les températures relevées, en plus de fournir des descriptions à la fois précises et inspirées des lieux visités et des populations rencontrées. Sophia avait même jadis entrepris de réunir les journaux rédigés par sa tante lors de ses périples en Égypte et en Tasmanie dans le but de les retranscrire pour les confier à un éditeur. Lady Jane avait protesté mollement, avant d’offrir à sa nièce de consulter aussi les missives qu’elle avait écrites lors de ces mêmes voyages et dont, prévoyante, elle avait conservé les brouillons. » (179)
 +  * • Adam et sa description poétique d’une plante : p. 219.
 +  * • « Quand elle n’était pas occupée à peindre ses cartes qui étaient comme autant de labyrinthes multicolores, lady Jane se replongeait dans la lecture des journaux de Scoresby, Ross et Parry, qui tous avaient essayé sans succès de découvrir ce passage à la conquête duquel son mari était parti depuis plus de deux ans. » (235)
 +  * • Le chapitre au Crozier se réfugie dans la bibliothèque pour réfléchir à une solution (277-280)
 +  * • Partition de musique « Das Wohltemperierte Klavier. Praeludium I » de Bach (300) – Sophia comprend la musique – et on y sent un écho de sa relation avec Crozier (et donc du roman) : « Tandis que se développaient les premières mesures, Sophia, fascinée, saisit obscurément que les deux lignes mélodiques qui en formaient le contrepoint ne se répondaient pas, mais, semblables et distinctes, s’ignoraient mutuellement, et que c’était au cœur de cette distance irréductible, jamais comblée, que venait se loger le clair mystère de la musique de Bach. Les deux mélodies se déployaient, isolées, droites parallèles dont le destin était de ne jamais se rencontrer mais de se révéler l’une l’autre par leur dissemblances, leurs écarts et leurs furtives résonances. » (299)
 +  * • « J’ai demandé à tous les hommes qui avaient rédigé des journaux, des lettres et des mémoires de me les apporter pour que nous les laissions, bien en vue, dans la cabine de sir John, qui me semble l’endroit où les secours sont le plus susceptibles de venir les chercher. Certains ont refusé farouchement et choisi de confier leurs écrits au feu du poêle de la cuisine. Qu’ont-ils pu noter de si terrible qu’ils préfèrent détruire de la sorte toute trace de leur passage, je l’ignore. Je les ai laissés faire. Qu’importe. / Il y avait cependant quelque chose d’infiniment triste à les voir faire la queue devant l’immense ogre de fonte, serrant dans leurs bras maigres un paquet de feuilles, des calepins, un cahier tendu de cuir qui produisaient un éclair de brève clarté avant de s’envoler en fumée. Pour être volontaire, cet autodafé n’en est pas moins détestable. / À ceux qui ont accepté de me confier leurs écrits, j’ai fait la promesse de ne point les lire, et j’ai respecté mon serment. Je me suis contenté de déposer sur le bureau et la couchette de sir John, inutilisés depuis sa mort, ces cahiers et ces liasses de feuillets […]. » (317) / « Quant à moi, je ne peux me résoudre à abandonner ni au froid des navires désertés ni au feu ce cahier qui est mon confident depuis notre départ et que me semble parfois être la seule raison qui explique que je n’aie point encore perdu la raison. Je l’emporterai avec moi, sous ma chemise, avec le daguerréotype de Sophia. » (318-319)
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 +Auteures de la fiche : Manon Auger et Josée Marcotte 
  
  
  
fq-equipe/fortier_dominique_2008_du_bon_usage_des_etoiles.1408125036.txt.gz · Dernière modification : 2018/02/15 13:56 (modification externe)

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