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Tiphaine Samoyault, Excès du roman, Paris, Maurice Nadeau, 1999, 200 p.
1. Terminologie pour désigner le pluriel
L'excès du roman ; le roman de l'excès ; «œuvres “excessives”» (7)
2. Explications et approches
Tiphaine Samoyault aborde le roman selon son propre sentiment, «une forme de folie du roman, celle qui le rend universel et qui ne le fait jamais finir» (8). Elle aborde la forme (ontologie du roman) et non le contenu : l'excès du roman et non l'excès dans le roman. La forme romanesque, dans son excès, «accueille sans contrôle, son autorité est celle, instable, de sa liberté» (7) ; au-delà des règles, sa forme est apte à tout dire, sans toutefois pouvoir dire un tout.
Elle propose une typologie des «qualités» du roman moderne français (XXe siècle) en décrivant chacun des envers de cette forme (il ne s'agit pas d'une perspective historique) (13): l'envers de sa nature (le monstre), l'envers de son lit (le fleuve), l'envers de sa vérité (le secret), l'envers de son monde (le monde).
I - Le roman est un monstre :
Le roman est un monstre, «le lieu même de l'excès lorsque la pluralité déborde l'unité» (15), lorsque la quantité («la quantité est une qualité du roman, au sens où elle peut donner l'idée d'une forme de sa démesure», 15) déborde de l'unité présupposée (unité qui est narrative, celle de l'histoire unitaire avec début-milieu-fin ; exigence totalitaire du roman/sa nature organique unitaire).
II - Le roman est un fleuve (début avec Proust, Mann, Joyce, dans les années 20):
La longueur est une autre forme d'excès, «une autre voie par où la forme se dérègle» (51). Le roman en excès est souvent un roman long (temps concret qu'il faut pour le lire) ; il présente de multiples volumes (étalés dans le temps de la publication), des pages nombreuses. La longueur «fait du livre, dans sa matérialité, une représentation, de la durée (littéralement, la “longueur de temps”)» (53). Le roman long est celui de l'existence du lecteur dans le temps (grande liberté du lecteur, d'instaurer son rythme, de fragmenter sa lecture dans le temps, vue la longueur de l'œuvre), plus que celui de la durée contingente des personnages dans la temporalité du récit (56).
La longueur est continue («continu» au sens de Blanchot, «une totalité en mouvement» à ne pas confondre avec la linéarité : il s'agit de la poursuite de l'œuvre) et divisible (89-91). «La continuité, dans les grandes œuvres de la modernité, admet […] un inachèvement essentiel du texte, qui fait sa longueur et sa durée.» (93)
III - Le roman est un secret :
IV - Le roman-monde :
Il s'agit d'une approche positive quant à l'avenir du roman dans la mesure où Samoyault ne fait pas le constat d'une fin de la littérature française ou du roman. Que le roman puisse intégrer dans sa forme une chose et son contraire, qu'il soit prêt à accueillir jusqu'à sa négation en son sein, à admettre sa propre négation est une dimension de son excès, «de son inévitable désordre. Ce désordre ne doit pas être compris comme une tentative d'autodestruction, mais plutôt comme la possibilité d'offrir aussi cela, d'être à proprement parler un monde, incluant la perte de repères comme condition de traversée.» (10).
3. Cause(s) du pluriel
- Les «œuvres “excessives”» (7) rappelle le sens de la recherche d'une totalité
«Or, quand l'analyse par Blanchot de la parole plurielle enregistre la dispersion et l'éclatement du tout dans l'éparpillement fragmentaire, je veux montrer au contraire que dans le même horizon problématique de la modernité, l'excès, sans offrir un modèle rédempteur et surtout pas un absolu formel, peut chercher à rappeler sans relâche ce qui pourrait faire le sens aujourd'hui de l'inclusion du monde dans le texte, le sens de la recherche d'une totalité.» (14)
- L'hybridité du roman fait image pour notre temps (hybride, pluriel, décentré, lacunaire, déréglé)
«La modernité admet que le roman soit à la fois continu et discontinu, historique et critique, totalisant et fragmentaire. Il dit la lacune dans le plein et le décentrement en son sein. Son hybridité fait image pour notre temps.» (27)
«L'augmentation quantitative des virtualités et du volume romanesque semble être le résultat d'une croissance hors-norme liée à un problème posé par la représentation: comment un monde que n'unifie plus aucun système pourrait-il obéir à une économie réglée - c'est-à-dire unitaire et totale - de la représentation ?» (27)
«Les formes romanesques de la modernité, reflets d'un temps où l'évidence du lien entre les mots et les mondes s'est dissoute, tirent leur complexité de leurs multiples variations et de leurs dispersions. Elles mêlent ainsi à leur plénitude esthétique une évidence ontologique puisqu'elles correspondent de fait à un état du monde.» (50)