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**Dominique Rabaté, //Le chaudron fêlé. Écarts de la littérature//, Paris, José Corti (Les essais / Rien de commun), 2006. [Viviane Asselin]** | **Dominique Rabaté, //Le chaudron fêlé. Écarts de la littérature//, Paris, José Corti (Les essais / Rien de commun), 2006. [Viviane Asselin]** |
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[[Le chaudron fêlé - table des matières commentée]] | [[Le chaudron fêlé - table des matières]] |
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=====1. Terminologie pour désigner le pluriel===== | =====1. Terminologie pour désigner le pluriel===== |
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Dans la première partie de son ouvrage, Rabaté explore ainsi les pouvoirs et les limites de la **métonymie**, celle-ci permettant de saisir l'une des poétiques originales à l'oeuvre dans le roman moderne (i.e. depuis Flaubert, mais Rabaté oriente ses réflexions sur quelques stratégies d'écriture contemporaine, celles de la génération d'après Proust et Joyce). Depuis le Romantisme, il en va « d'une idée nouvelle des fonctions et des missions de la littérature, qui lui assignent une ambition essentielle : rendre compte de la totalité, donner //une// forme au multiple dans toute sa diversité » (44). C'est cette tâche de totalité « qui doit continuer d'animer l'entreprise romanesque, vouée à dire la complexité du multiple en une forme, certes plurielle et mouvante, mais encore unifiante. Mais, dans le même temps, cette ambition appelle comme son nécessaire revers la conscience que le tout qui structurerait l'unité du monde est peut-être perdu, qu'il se donne en morceaux » (44-45). C'est dire la **tension** sur laquelle se construisent les textes, lesquels témoignent, sur un mode à la fois joueur et mélancolique (54), de l'impossibilité de reconstituer l'intégralité du réel. Il donne l'exemple de Quignard et de Perec (voir section corpus sur le wiki]. | Dans la première partie de son ouvrage, Rabaté explore ainsi les pouvoirs et les limites de la **métonymie**, celle-ci permettant de saisir l'une des poétiques originales à l'oeuvre dans le roman moderne (i.e. depuis Flaubert, mais Rabaté oriente ses réflexions sur quelques stratégies d'écriture contemporaine, celles de la génération d'après Proust et Joyce). Depuis le Romantisme, il en va « d'une idée nouvelle des fonctions et des missions de la littérature, qui lui assignent une ambition essentielle : rendre compte de la totalité, donner //une// forme au multiple dans toute sa diversité » (44). C'est cette tâche de totalité « qui doit continuer d'animer l'entreprise romanesque, vouée à dire la complexité du multiple en une forme, certes plurielle et mouvante, mais encore unifiante. Mais, dans le même temps, cette ambition appelle comme son nécessaire revers la conscience que le tout qui structurerait l'unité du monde est peut-être perdu, qu'il se donne en morceaux » (44-45). C'est dire la **tension** sur laquelle se construisent les textes, lesquels témoignent, sur un mode à la fois joueur et mélancolique (54), de l'impossibilité de reconstituer l'intégralité du réel. Il donne l'exemple de Quignard et de Perec (voir section corpus sur le wiki]. |
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[Corpus] À cet effet, Rabaté convoque l'oeuvre de Quignard, laquelle situe le fragment au coeur de ses enjeux. Il décrit Quignard comme étant « **post-moderne** », en ce que l'écrivain critique le primat de « l'interruption » dont les Modernes ont fait leur mot d'ordre esthétique. Cela dit, s'il privilégie, pour sa part, le lien et le liant, son oeuvre trahit l'impossibilité d'y échapper vraiment (//Petits traités//, //Une gêne technique//, //Les tablettes de buis d'Apronenia Avitia//, //Le salon du Wurtemberg//...). | |
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**Les concepts de voix et de sujet** | **Les concepts de voix et de sujet** |
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La dernière partie observe la dynamique de l'écart dans les textes qui relèvent du « genre » de la **« vie imaginaire »** ou de la **« fiction critique »**. À la différence des stratégies d'entre-deux, qui soumettent les oeuvres à une ambivalence générique en maintenant la tension entre fiction et diction, la vie imaginaire se tient résolument à distance du roman, mais elle « voudrait pourtant en exprimer, autrement, toute la force romanesque » (180). | La dernière partie observe la dynamique de l'écart dans les textes qui relèvent du « genre » de la **« vie imaginaire »** ou de la **« fiction critique »**. À la différence des stratégies d'entre-deux, qui soumettent les oeuvres à une ambivalence générique en maintenant la tension entre fiction et diction, la vie imaginaire se tient résolument à distance du roman, mais elle « voudrait pourtant en exprimer, autrement, toute la force romanesque » (180). |
Rabaté désigne cette pratique comme étant **« du romanesque sans roman »** (180). Formule « choc », elle demeure floue - pour moi néanmoins, mais peut-être avec raison, en ce que la vie imaginaire travaille plusieurs frontières, « entre //je// et //il//, entre archive et imaginaire, entre invention et mémoire, entre oubli et gloire, entre proximité et distance » (224) ; le résultat ne peut qu'être indéterminé. Chose certaine, la biographie imaginaire cherche le **discontinu**, qu'elle « trouve par la juxtaposition de petites scènes emblématiques » (229) (Michon, Schneider - corpus). | Rabaté désigne cette pratique comme étant **« du romanesque sans roman »** (180). Formule « choc », elle demeure floue - pour moi néanmoins, mais peut-être avec raison, en ce que la vie imaginaire travaille plusieurs frontières, « entre //je// et //il//, entre archive et imaginaire, entre invention et mémoire, entre oubli et gloire, entre proximité et distance » (224) ; le résultat ne peut qu'être indéterminé. Chose certaine, la biographie imaginaire cherche le **discontinu**, qu'elle « trouve par la juxtaposition de petites scènes emblématiques » (229) (Michon - corpus). |
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=====3. Cause(s) du pluriel===== | =====3. Cause(s) du pluriel===== |
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Si la littérature se caractérise de tout temps par une dynamique des écarts, il semble néanmoins que le « pluriel actuel » s'explique par une époque marquée par la conscience critique « que le tout qui structurerait l'unité du monde est peut-être perdu, qu'il se donne en morceaux » (45) (voir spécificités culturelles en France). Sur le plan littéraire, cela s'exprime, on l'a vu, par une esthétique de rupture que Rabaté attribue « au motif de la perte ou du manque [...], d'un deuil ou d'une privation » (13). Tout se passe comme si, privé d'une unité totalisante qui demeure un idéal hérité du passé, l'écrivain n'avait d'autre choix que d'écrire, sur un ton tantôt mélancolique, tantôt joueur, à partir de ce manque initial, en l'interrogeant sinon en le comblant. | Si la littérature se caractérise de tout temps par une dynamique des écarts, il semble néanmoins que le « pluriel actuel » s'explique par une époque marquée par la conscience critique « que le tout qui structurerait l'unité du monde est peut-être perdu, qu'il se donne en morceaux » (45) (voir [[Spécificités - France|Spécificités historiques culturelles — France]]). Sur le plan littéraire, cela s'exprime, on l'a vu, par une esthétique de rupture que Rabaté attribue « au motif de la perte ou du manque [...], d'un deuil ou d'une privation » (13). Tout se passe comme si, privé d'une unité totalisante qui demeure un idéal hérité du passé, l'écrivain n'avait d'autre choix que d'écrire, sur un ton tantôt mélancolique, tantôt joueur, à partir de ce manque initial, en l'interrogeant sinon en le comblant. |
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L'indétermination générique, causée notamment par la présence simultanée de la fiction et de la diction, serait le symptôme « d'un âge récent de la littérature où se manifeste une incomplétude de la forme littéraire qui ne suffirait plus à dire par elle-même ce qui est à dire » (114). | L'indétermination générique, causée notamment par la présence simultanée de la fiction et de la diction, serait le symptôme « d'un âge récent de la littérature où se manifeste une incomplétude de la forme littéraire qui ne suffirait plus à dire par elle-même ce qui est à dire » (114). |
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Enfin, « [e]ntre l'un et l'autre, de l'un à l'autre, le livre remet en circulation un désir d'écrire et de créer. Mais ce désir est propre à une époque critique, la nôtre, suspicieuse de ses légendes - au sens étymologique de "ce qu'il faut lire". Construisant et déconstruisant le Modèle, le magnifiant et le mettant à mal, l'auteur d'une biographie imaginaire [autre forme du pluriel] cherche la limite de la littérature » (237-238) | Enfin, « [e]ntre l'un et l'autre, de l'un à l'autre, le livre remet en circulation un désir d'écrire et de créer. Mais ce désir est propre à une époque critique, la nôtre, suspicieuse de ses légendes - au sens étymologique de "ce qu'il faut lire". Construisant et déconstruisant le Modèle, le magnifiant et le mettant à mal, l'auteur d'une biographie imaginaire [autre forme du pluriel] cherche la limite de la littérature » (237-238) |