diffraction:glissements_du_roman_francais_au_xxe_siecle

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 [[Glissements du roman français - table des matières]] [[Glissements du roman français - table des matières]]
  
-===== 1. Terminologie pour désigner le pluriel =====+===== 1. Terminologie pour désigner le pluriel et/ou l'effacement des frontières =====
  
-  * « On assiste moins, me semble-t-il, à un éclatement des genres qu'à un **glissement** des formes à l'intérieur d'un genre » (13), et ce, tout au long du XXe siècle. Ce choix du terme « glissement » fait référence au livre de Robbe-Grillet, //Glissements progressifs du plaisir// (1973). Si cela suggère une certaine influence des années 1970 lorsque vient le temps de définir une pratique littéraire qui traverserait tout le siècle, on soulignera pourtant au passage que, selon Barthes, « le glissement s'oppose à un mot d'ordre avant-gardiste dont il faut lucidement revenir (car l'avant-garde peut se tromper) : la déconstruction (Barthes, //La préparation du roman I et II//, Paris, Seuil, 2003, p. 381 - cité dans Elin Beate Tobiassen, //La relation écriture - lecture//, Paris, L'Harmattan, 2009, p. 143, que je lisais au même moment, et l'écho m'a paru intéressant).  +« On assiste moins, me semble-t-il, à un éclatement des genres qu'à un **glissement** des formes à l'intérieur d'un genre » (13), et ce, tout au long du XXe siècle. Ce choix du terme « glissement » fait référence au livre de Robbe-Grillet, //Glissements progressifs du plaisir// (1973). Si cela suggère une certaine influence des années 1970 lorsque vient le temps de définir une pratique littéraire qui traverserait tout le siècle, on soulignera pourtant au passage que, selon Barthes, « le glissement s'oppose à un mot d'ordre avant-gardiste dont il faut lucidement revenir (car l'avant-garde peut se tromper) : la déconstruction (Barthes, //La préparation du roman I et II//, Paris, Seuil, 2003, p. 381 - cité dans Elin Beate Tobiassen, //La relation écriture - lecture//, Paris, L'Harmattan, 2009, p. 143, que je lisais au même moment, et l'écho m'a paru intéressant).  
-  Par « glissement », donc, Brunel entend « [g]lissement des mots, glissement aussi des mots sous les mots [...]. Glissements serpentins des phrases, longues chez Proust ou Simon, brèves chez Duras ou Échenoz. Glissements des récits qui, amples ou resserrés, tendent à constituer un cycle [...]. Glissements des genres, mais finalement à l'intérieur d'un genre, qui reste le roman. Glissement à la recherche d'un genre perdu [...] » (322).+ 
 +Par « glissement », donc, Brunel entend « [g]lissement des mots, glissement aussi des mots sous les mots [...]. Glissements serpentins des phrases, longues chez Proust ou Simon, brèves chez Duras ou Échenoz. Glissements des récits qui, amples ou resserrés, tendent à constituer un cycle [...]. Glissements des genres, mais finalement à l'intérieur d'un genre, qui reste le roman. Glissement à la recherche d'un genre perdu [...] » (322). De façon simplifiée, on pourra dire que le glissement fait référence à la marche linéaire de l'histoire littéraire : la nouvelle période est marquée par un certain héritage dont elle tente de se distinguer au moins en partie.
  
   * « système de variation » (32)   * « système de variation » (32)
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   * « bric-à-brac esthétique » (302)   * « bric-à-brac esthétique » (302)
  
-  * À voir la multiplication des glissements au cours du XXe siècle, Brunel en vient à s'interroger : « Sommes-nous entrés dans l'âge de **l'anti-roman**? » (317). Or, en dépit des renouvellements et des excès avant-gardistes, « [l']éclatement ne s'est pas produit pour autant » (321). De sorte qu'il en viendra plutôt à proposer l'étiquette de **roman alternatif** : « Glissera-t-on du roman alterné comme l'antique chant amébée à un tel roman alternatif, qui nous propose une autre possibilité ? » (323).+À voir la multiplication des glissements au cours du XXe siècle, Brunel en vient à s'interroger : « Sommes-nous entrés dans l'âge de **l'anti-roman**? » (317). Or, en dépit des renouvellements et des excès avant-gardistes, « [l']éclatement ne s'est pas produit pour autant » (321). De sorte qu'il en viendra plutôt à proposer l'étiquette de **roman alternatif** : « Glissera-t-on du roman alterné comme l'antique chant amébée à un tel roman alternatif, qui nous propose une autre possibilité ? » (323).
  
  
-===== 2. Explications et concepts utilisés =====+===== 2. Explications ou concepts utilisés pour aborder le phénomène du pluriel et/ou de l'effacement des frontières =====
  
-Sous le couvert du « glissement », Brunel rassemble une variété de pratiques qu'il ne définit guère. Sa lecture des oeuvres apparaît plutôt libre, sans véritable fil conducteur ; tout au plus notera-t-on qu'il tente chaque fois au passage de rattacher l'oeuvre à quelques écrits antérieurs (à titre d'intertextualité présente ou d'écho de lecture), en marquant parfois au passage les ressemblances et les différences. Bref, Brunel ne convoque aucun concept théorique ni n'explique les enjeux liés au « glissement ». Il est toutefois possible de retenir deux idées, d'ordre plus terminologique que théorique, qui tendent à décrire la présence du pluriel dans certaines oeuvres.+Sous le couvert du « glissement », Brunel rassemble une variété de pratiques qu'il ne définit guère. Sa lecture des oeuvres apparaît plutôt libre, sans véritable fil conducteur ; tout au plus notera-t-on qu'il tente chaque fois au passage de rattacher l'oeuvre à quelques écrits antérieurs (à titre d'intertextualité présente ou d'écho de lecture), en marquant parfois les ressemblances et les différences. Bref, Brunel ne convoque aucun concept théorique ni n'explique les enjeux liés au « glissement ». Il est toutefois possible de retenir deux idées, d'ordre plus terminologique que théorique, qui tendent à décrire la présence du pluriel dans certaines oeuvres contemporaines (je n'ai pas tenu compte des idées développées dans les oeuvres antérieures).
  
 **Le concept de bricolage** **Le concept de bricolage**
  
-- Brunel a recours à l'art du bricolage pour décrire la poétique à l'oeuvre dans //Je m'en vais// d'Echenoz. Il décrit ainsi la composition du roman qui, contre la continuité, oppose un principe d'alternance entre chapitres pairs et impairs, à la manière de //W ou le souvenir d'enfance//. L'alternance repose d'abord sur la temporalité du récit (vie antérieure de Ferrer pour les chapitres impairs, vie nouvelle pour les pairs) ; plus loin, elle s'effectue plutôt sur le changement de personnages (Ferrer, impairs, Baumgartner, pairs).+- Brunel a recours à l'art du bricolage pour décrire la poétique à l'oeuvre dans //Je m'en vais// d'Echenoz. Il décrit ainsi la composition du roman qui, contre la continuité, oppose un principe d'alternance entre chapitres pairs et impairs, à la manière de //W ou le souvenir d'enfance//. L'alternance repose d'abord sur la temporalité de l'histoire (vie antérieure de Ferrer pour les chapitres impairs, vie nouvelle pour les pairs) ; plus loin, elle s'effectue plutôt sur le changement de personnages (Ferrer, impairs, Baumgartner, pairs).
  
 - Cet art du bricolage repose également sur un savant mélange entre fiction et réalité : « [L]a fiction qui s'entrelace à ce qui fait ou a fait la une des journaux ; la chronique se fraie un chemin à travers ce qui a défrayé la chronique » (289).  - Cet art du bricolage repose également sur un savant mélange entre fiction et réalité : « [L]a fiction qui s'entrelace à ce qui fait ou a fait la une des journaux ; la chronique se fraie un chemin à travers ce qui a défrayé la chronique » (289). 
  
-- Le bricolage concerne enfin l'intertextualité à l'oeuvre dans le roman d'Echenoz : « [I]l y a toujours derrière le roman d'Échenoz, et dans son système de bricolage romanesque, le //Moby Dick// de Melville » (288), sans compter les références internes aux autres romans de l'écrivain.+- Le bricolage concerne enfin l'intertextualité à l'oeuvre dans le roman d'Echenoz : « [I]l y a toujours derrière le roman d'Échenoz, et dans son système de bricolage romanesque, le //Moby Dick// de Melville » (288), sans compter les références aux autres romans de l'écrivain.
  
 **Le concept de récupération** **Le concept de récupération**
  
 +- Par « récupération », Brunel entend la diversité des matériaux, des médias, des intertextes convoqués dans //Ingrid Craven// de Jean-Jacques Schuhl. Le livre est ainsi composé d'«[a]utant de chansons, de rengaines même, que d'éléments narratifs susceptibles de constituer un récit. Tous les cas de figure sont représentés dans le texte de ce **"roman"**, de l'énumération pure (p.20) à la citation intégrale (p.142-143) en passant par la pluralité des citations partielles (p.149). L'apparente marqueterie correspond en réalité au répertoire d'une chanteuse, Ingrid Craven » (296). 
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 +- On sent que la linéarité de l'ensemble souffre un peu de cette technique de la récupération, qui peut aller « jusqu'au **collage** » (306) et qui « s'accompagne de multiplication, d'enchaînements : on passe d'Ulysse au capitaine Haddock dans //Tintin//, des Sirènes à la Castafiore » (306). D'où que « la technique romanesque de Schuhl [apparaît] **perpétuellement ambulatoire** d'un temps à un autre, d'un point de l'espace à un autre » (301). Au risque d'égarer le lecteur : « Mais peut-être y a-t-il trop [...] d'éléments pour le lecteur perdu ici dans une autre manière de "bric-à-brac esthétique" » (302).
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 +- En raison de la dominante musicale du roman, Brunel avoue que celui-ci « présente un //récital// là où l'on attendait un //récit// » (296). Puis, comme si on pouvait en douter, il précise : « L'histoire **(car il y en a une)** [...] » (297). Or, si on a pu en douter, c'est, selon toute apparence, moins en raison d'un fil narratif qui se perdrait dans un texte touffu que de la façon dont Brunel a choisi de présenter le roman, en insistant d'abord sur la diversité des sources convoquées et, par le fait même, en reproduisant cette diversité dans sa manière de compulser les informations. Autrement dit, c'est lui-même qui, dans un premier temps, étouffe le sentiment d'histoire.
  
-===== 3. Cause(s) du pluriel =====+===== 3. Cause(s) du pluriel et/ou de l'effacement des frontières =====
  
 C'est en raison d'un équilibre à trouver qu'il y aurait glissement des formes romanesques tout au long du XXe siècle ; après 1980, ce glissement s'opérerait sur une base ludique : C'est en raison d'un équilibre à trouver qu'il y aurait glissement des formes romanesques tout au long du XXe siècle ; après 1980, ce glissement s'opérerait sur une base ludique :
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 ===== 4. Traces du discours critique des années 1960-1970 ===== ===== 4. Traces du discours critique des années 1960-1970 =====
  
-Brunel identifie Echenoz comme un « continuateur du Nouveau Roman » (31). D'un livre à l'autre se devine « un système de variation plus ornementale que transformatrice, comme chez Butor » (32). Cela dit, l'oeuvre d'Echenoz laisse voir un double glissement, « d'un héritage romanesque à l'oeuvre d'un romancier nouveau qui n'est plus tout à fait un nouveau romancier » (32). Bref, c'est sur la base du glissement à partir du Nouveau Roman que s'évalue la pratique contemporaine, entre filiation et innovation.+Brunel identifie Echenoz comme un « continuateur du Nouveau Roman » (31). D'un livre à l'autre se devine « un système de variation plus ornementale que transformatrice, comme chez Butor » (32). Cela dit, l'oeuvre d'Echenoz laisse voir un double glissement, « d'un héritage romanesque à l'oeuvre d'un romancier nouveau qui n'est plus tout à fait un nouveau romancier » (32). Bref, c'est sur la base du glissement à partir du Nouveau Roman, moins radical que la destruction que celui-ci tendait à imposer, que s'évalue la pratique contemporaine, entre filiation et innovation.
  
diffraction/glissements_du_roman_francais_au_xxe_siecle.1287548392.txt.gz · Dernière modification : 2018/02/15 13:56 (modification externe)

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