ranx:week-end_familial_a_clichy-sur-mer
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- | Résumé et commentaire de l’œuvre : | + | **Résumé et commentaire de l’œuvre** : |
Bref texte mettant en scène un vieil écrivain, cloué à un fauteuil roulant depuis 2042, qui se remémore son existence passée. Le tout se passe au XXIIe siècle à Clichy-sur-mer. Le réchauffement climatique a fait en sorte que Clichy est devenue un village balnéaire bordé par la mer. Ce vieillard discute avec sa fille de 77 ans, nommée Igloo qui vient le visiter chaque vendredi avec sa progéniture beaucoup trop nombreuse pour qu’il se souvienne du nom de chacun. | Bref texte mettant en scène un vieil écrivain, cloué à un fauteuil roulant depuis 2042, qui se remémore son existence passée. Le tout se passe au XXIIe siècle à Clichy-sur-mer. Le réchauffement climatique a fait en sorte que Clichy est devenue un village balnéaire bordé par la mer. Ce vieillard discute avec sa fille de 77 ans, nommée Igloo qui vient le visiter chaque vendredi avec sa progéniture beaucoup trop nombreuse pour qu’il se souvienne du nom de chacun. | ||
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Jauffret use d’ironie pour critiquer le système existant et la sclérose de la société comme dans l’extrait suivant : | Jauffret use d’ironie pour critiquer le système existant et la sclérose de la société comme dans l’extrait suivant : | ||
- | Parfois, je me surprends encore à aimer la vie. Vous me direz qu’elle est parfois bien moche, qu’ici et là, elle a un goût de sang et de chair brûlée, mais la vie est une question d’habitude. On s’habitue à tout, il en est même qui se sont habitués à boire leur urine, et à lui trouver un goût de sancerre. | + | « Parfois, je me surprends encore à aimer la vie. Vous me direz qu’elle est parfois bien moche, qu’ici et là, elle a un goût de sang et de chair brûlée, mais la vie est une question d’habitude. On s’habitue à tout, il en est même qui se sont habitués à boire leur urine, et à lui trouver un goût de sancerre.» |
- | + | De plus, le personnage mis en scène par Jauffret est très confus et mélange les mots et ses souvenirs, car de toute manière, le résultat est le même. Au final, l’homme vieillit sans que personne ne s’y intéresse et la société continue de péricliter sans que sa descente soit freinée. | |
- | De plus, le personnage mis en scène par Jauffret est très confus et mélange les mots et ses souvenirs, car de toute manière, le résultat est le même. Au final, l’homme vieillit sans que personne ne s’y intéresse et la société continue de péricliter sans que sa descente soit freinée. | + | |
Voici un passage qui illustre bien la confusion du personnage : | Voici un passage qui illustre bien la confusion du personnage : | ||
- | – On me respectait, figure-toi. J’étais un écrivain institutionnel, | + | « – On me respectait, figure-toi. J’étais un écrivain institutionnel, |
– Le prix Femina, papa. | – Le prix Femina, papa. | ||
– On disait que j’avais du talent. | – On disait que j’avais du talent. | ||
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– Tu peux rire, je suis publié dans la Branlade. | – Tu peux rire, je suis publié dans la Branlade. | ||
– La Pléiade, papa. | – La Pléiade, papa. | ||
- | Je ne trouve plus mes mots. Je les confonds les uns avec les autres comme les noms des miens. Bientôt, je déciderai de tout appeler Kévin, même les portes et les chaises. Avec un seul mot, on doit pouvoir écrire quand même. Je finirai ma vie Oulipien, après tout Georges Perec n’était pas un maladroit. | + | Je ne trouve plus mes mots. Je les confonds les uns avec les autres comme les noms des miens. Bientôt, je déciderai de tout appeler Kévin, même les portes et les chaises. Avec un seul mot, on doit pouvoir écrire quand même. Je finirai ma vie Oulipien, après tout Georges Perec n’était pas un maladroit. |
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Cet extrait reprend avec humour une critique qui a dû être formulée à l’égard de l’œuvre de Jauffret : | Cet extrait reprend avec humour une critique qui a dû être formulée à l’égard de l’œuvre de Jauffret : | ||
- | Ma fille m’explique que la municipalité projette de faire construire un palace flottant, et qu’afin d’attirer la riche clientèle asiatique elle a fait appel à une ribambelle de brillantes plumes pour écrire un livre collectif à la gloire de Clichy-sur-mer. | + | « Ma fille m’explique que la municipalité projette de faire construire un palace flottant, et qu’afin d’attirer la riche clientèle asiatique elle a fait appel à une ribambelle de brillantes plumes pour écrire un livre collectif à la gloire de Clichy-sur-mer. |
– Ils auraient pu me demander. | – Ils auraient pu me demander. | ||
– Tu aurais écrit des horreurs. | – Tu aurais écrit des horreurs. | ||
– Je me suis toujours appliqué dans mes livres à essayer d’embellir la vie. (…) | – Je me suis toujours appliqué dans mes livres à essayer d’embellir la vie. (…) | ||
– (Jauffret) :J’ai essayé d’écrire honnêtement. | – (Jauffret) :J’ai essayé d’écrire honnêtement. | ||
- | – (fille) : J’en ai plus qu’assez de tes fanfaronnades. (…) | + | – (fille) : J’en ai plus qu’assez de tes fanfaronnades. (…)» |
La fin du roman est empreinte de nostalgie et éclaire le lecteur sur les difficultés que l’écrivain a rencontrées pour arriver à vivre de sa plume, dont celle de l’appât du gain où l’auteur écrivait n’importe quoi pourvu que cela soit bien payé. | La fin du roman est empreinte de nostalgie et éclaire le lecteur sur les difficultés que l’écrivain a rencontrées pour arriver à vivre de sa plume, dont celle de l’appât du gain où l’auteur écrivait n’importe quoi pourvu que cela soit bien payé. | ||
- | Ville muette par ailleurs. On ne donnait la parole qu’à ses habitants les plus cabots (…) On faisait parler les pitres. Ils suscitaient des rires et de l’indignation, | + | « Ville muette par ailleurs. On ne donnait la parole qu’à ses habitants les plus cabots (…) On faisait parler les pitres. Ils suscitaient des rires et de l’indignation, |
Nous étions tous complices. (…) | Nous étions tous complices. (…) | ||
- | Je ne me souviens plus. Ma mémoire s’écroule comme un mur aux joints détrempés par cent années de pluie. Peut-être que l’explosion avait eu lieu. Un effet de souffle qui avait même embrasé Paris. Ceux à qui on n’avait rien donné avaient fini par prendre. Lasses de voir leurs effectifs décimés, lasses de faire de leurs épouses des veuves, de leurs enfants des orphelins, de leurs chiens de pauvres ères qui de désespoir se jetaient dans le brasier du Jeu de Paume incendié, les forces de police ont abandonné la ville à l’armée. L’ordre a régné de nouveau, et pendant vingt ans les artistes ont fait leurs choux gras de ce massacre. J’ai peut-être d’ailleurs écrit à ce propos une farce humaniste dont le retentissement m’a permis d’entrer à l’Académie. Hélas, la Coupole a été transformée depuis en centre commercial où l’on vend des culottes et des cancers qu’achètent les obèses pour devenir maigres comme des coucous. | + | Je ne me souviens plus. Ma mémoire s’écroule comme un mur aux joints détrempés par cent années de pluie. Peut-être que l’explosion avait eu lieu. Un effet de souffle qui avait même embrasé Paris. Ceux à qui on n’avait rien donné avaient fini par prendre. Lasses de voir leurs effectifs décimés, lasses de faire de leurs épouses des veuves, de leurs enfants des orphelins, de leurs chiens de pauvres ères qui de désespoir se jetaient dans le brasier du Jeu de Paume incendié, les forces de police ont abandonné la ville à l’armée. L’ordre a régné de nouveau, et pendant vingt ans les artistes ont fait leurs choux gras de ce massacre. J’ai peut-être d’ailleurs écrit à ce propos une farce humaniste dont le retentissement m’a permis d’entrer à l’Académie. Hélas, la Coupole a été transformée depuis en centre commercial où l’on vend des culottes et des cancers qu’achètent les obèses pour devenir maigres comme des coucous.» |
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Mon extrait préféré du roman : | Mon extrait préféré du roman : | ||
- | Je me souviens. Je ne me souviens plus. Je faisais partie de la mafia des lettres. Ma mémoire est une émeute. J’ai commencé prolétaire dans un atelier d’aphorismes. L’affaire a périclité, | + | « Je me souviens. Je ne me souviens plus. Je faisais partie de la mafia des lettres. Ma mémoire est une émeute. J’ai commencé prolétaire dans un atelier d’aphorismes. L’affaire a périclité, |
- | (…) Pourtant, je n’étais pas des mots, je n’étais pas des phrases. Mon cœur n’était pas une pompe qui pulsait l’alphabet. Ne vous souvenez pas de moi comme d’un paragraphe. Oubliez-moi comme on oublie un type à qui on donne une tape dans le dos pour le remercier de vous avoir indiqué le chemin de la gare. | + | (…) Pourtant, je n’étais pas des mots, je n’étais pas des phrases. Mon cœur n’était pas une pompe qui pulsait l’alphabet. Ne vous souvenez pas de moi comme d’un paragraphe. Oubliez-moi comme on oublie un type à qui on donne une tape dans le dos pour le remercier de vous avoir indiqué le chemin de la gare.» |
Notice bibliographique : | Notice bibliographique : |
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