Table des matières
FICHE DE LECTURE
I- MÉTADONNÉES ET PARATEXTE
Auteur : Bouissoux, Julien
Titre : Voyager léger
Éditeur : Éditions de l'Olivier
Collection : -
Année : 2008
Éditions ultérieures : -
Désignation générique : aucune
Quatrième de couverture :
Tristan Poque - alias Samuel T. Elliot, Achille McOnzo, Jorge Bachmann - est une auteur de polars en mal d'inspiration. L'intrigue de son roman n'avance guère, les personnages se dérobent, parasités par ses lectures et ses rencontres. San nature le poussant à s'en remettre au hasard, il décide de suivre toutes les routes qui s'offrent à lui, quitte à s'inventer d'autres vies. Pour sortir de l'impasse, Tristan Poque n'est pas à un pseudonyme près.
Adepte, comme son héros, d'une subversion douce de la vie quotidienne, Julien Bouissoux cultive résolument la désinvolture et la légèreté: il a “une manière bien à lui de côtoyer le vide avec la grâce du papillon” (Michel Abescat, Télérama).
Né en Auvergne en 1975, Julien Bouissoux a vécu en France et à l'étranger. Il habite actuellement en Suisse. Il a publié plusieurs romans dont Juste avant la frontière (prix Grand-Chosier 2004), Une odyssée (2006) et La chute du sac en plastique (2003) où Tristan Poque fait sa première apparition.
II- CONTENU GÉNÉRAL
Résumé de l’œuvre :
Tristan Poque (personne principal de La chute du sac en plastique du même auteur) est lecteur dans une maison d'édition et écrivain de romans de gare. Sous divers pseudonymes, il enchaîne les polars avec une facilité déconcertante et considère son travail comme étant à l'opposé de la “vraie” littérature. Tristan vit au jour le jour, n'a pas beaucoup d'argent, ne semble avoir ni rêve ni projet à long terme. Un jour cependant, il bloque. Panne d'inspiration. En fait, il prend conscience que sa vie tourne à vide ou, du moins, au ralenti: “ Quelque chose dans ma vie ressemblait de plus en plus à un pneu crevé qu'il fallait regonfler sans cesse sous peine de ne plus pouvoir avancer, mais sans espoir de le réparer”. Sa panne d'inspiration est-elle la cause ou un symptôme de cette prise de conscience ? Difficile à dire. La mélancolie de Tristan n'est pas pesante, elle demeure légère, comme l'indique le titre, tout comme ses sentiments qui sont très peu développés. Après s'être amouraché de Léontine (un échec retentissant), Tristan finira par se sortir de son marasme grâce à son ami Poupou, écrivain lui aussi mais de littérature, bloqué comme Tristan. Les deux personnages décident d'échanger leur tâche d'écriture: Tristan, transporté par une inspiration nouvelle, écrira le livre “profond” qu'il a toujours voulu écrire, tandis que Poupou se chargera du roman d'espionnage, dont la mécanique lui plaît. Avec ce projet d'écriture, on sent ce qui pourrait être pour Tristan l'amorce d'une renaissance.
Thème(s) : Écriture, édition
III – JUSTIFICATION DE LA SÉLECTION
Explication (intuitive mais argumentée) du choix : Le personnage de Tristan Poque est parfois passif, mais il est surtout, je dirais, détaché. D'une part, ses sentiments demeurent le plus souvent inconnus ou à peine esquissés et, d'autre part, il vit au jour le jour, sans paraître avoir quelque objectif que ce soit, du moins jusqu'à ce qu'il se lance dans l'écriture de son roman de “littérature”.
Appréciation globale : Ça va. J'imagine qu'on pourrait le situer dans la veine que Jean-Philippe Toussaint, même si la passivité et l'inaptitude globale des personnages demeure malgré tout moins marquée que dans La télévision, par exemple.
IV – TYPE DE RUPTURE
Validation du cas au point de vue de la rupture
Actionnelle: Comme indiqué dans le résumé, Tristan manque un peu de vision et d'objectifs lorsqu'il est question de sa propre vie: “Je vis au jour le jour. […] je n'ai pas vraiment besoin d'argent. Je n'ai pas d'envie particulière. Je n'achète que ce dont j'ai besoin. Je n'ai pas de voiture. Je ne sors presque jamais. Je cuisine pour quatre et je mets ce qui reste dans le congélateur. […] Ce n'est pas de ma faute si j'ai des besoins limités.” (p. 129) En gros, le personnage de Tristan n'a pas vraiment d'intention ou d'ambition. Il avoue explicitement ne pas ressentir le besoin de croissance, de changement ou d'évolution qui est le lot du personnage traditionnel (même si c'est finalement un changement qui mettra un peu fin à son apathie).
De plus, l'occupation qu'il déniche vers la fin du roman correspond parfaitement à la façon dont il mène sa vie:
Lors d'une discussion avec une amie, celle-ci lui propose un petit boulot d'appoint:
“ - Vous avez déjà fait de la figuration ?
Surpris, je me suis retenu de répondre que je n'avais fait que ça toute ma vie. […]
- Mais je ne sais pas jouer vous savez.
- Ce la n'a pas d'importance. La plupart du temps, on ne vous verra même pas.” (p. 134)
Interprétative : J'ai parlé dans la section précédente du détachement de Tristan. J'ai malheureusement de la difficulté à cerner ce qui dans le texte, provoque cette impression de détachement. Il y a certes un certain hermétisme sur le plan émotionnel, mais ce n'est pas le coeur du problème, il me semble. Peut-être est-ce plutôt que le personnage de Tristan ne fait tout simplement pas d'effort interprétatif dans ses relations avec les autres, comme les exemples suivants tendent à le suggérer:
Quand le personnage se retrouve dans l'appartement d'une femme âgée qui lui fait des avances assez explicites:“ Quelques années auparavant, j'aurais été paralysé à l'idée de partager le canapé de cette femme qui avait ainsi côtoyé les mythes, mas à présent cela ne me faisait ni chaud ni froid et j'ai à peine réagi lorsqu'elle a posé sa main contre la mienne.
Elle m'a observé sans rien dire, un infime sourire sur les lèvres. Elle s'est approchée. Ses doigts ont défait des boutons, écarté le tissu de mon pantalon, elle a regardé longtemps l'objet de son désir puis est arrivé un moment où j'ai compris que la séance était terminée. Elle n'a fait aucun commentaire et m'a invité à revenir un vendredi où elle organisait une soirée avec des amis. Ne sachant de quel genre de soirée il s'agissait, je l'ai remerciée chaleureusement pour le verre de porto et j'ai pris sa carte de visite que j'ai jetée, pliée en deux, dans la première poubelle venue.” (p. 38)
Ou bien plus loin, lorsqu'il va voir une fois de plus Léontine à son travail et l'invite à prendre un café avec lui, ce qui n'a pas l'air d'enchanter celle-ci.
“Léontine: Mais où tu m'emmènes ?
Tristan: Bah: au café.
- J'avais compris que tu voulais qu'on aille à la machine à café.
J'ai examiné les options sur son visage.
- C'est bien meilleur quand c'est une vraie personne qui le fait. C'est dommage.
- Mais je bosse, moi. Qu'est-ce que tu crois ?
- Je ne crois rien. Je découvre les choses au fur et à mesure.” (p. 121-122)
Tristan donne l’impression d’éviter, peut-être par crainte d’éventuelles déceptions, de faire la moindre prévision, la moindre inférence. Le plus souvent, dans Voyager léger, il se laisse bercer par les événements sans se soucier de leurs conséquences sur lui ou sur les autres.
V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES
La fin du roman n'est pas à proprement parler une résolution. D'un côté, Tristan réalise que l'inspiration pour de LA littérature de veut l'abandonner, ce qui semble être une bonne chose. Toutefois, il semble être aussi détaché et en manque d'objectifs qu'auparavant. La dernière phrase du roman montre bien cette dualité: “J'ai rangé mon carnet [après avoir noté une phrase inspirante], attrapé mon mon sac, puis j'ai pris une route et rien ne dit qu'elle fût la bonne.” (p. 177)
À part ça, le roman est assez traditionnel.