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FICHE DE LECTURE

I- MÉTADONNÉES ET PARATEXTE

Auteur : Camille de Toledo

Titre : Vies potentielles

Lieu d’édition : Paris

Édition : Éditions du Seuil

Collection : La librairie du XXIe siècle

(Année [copyright]) : 2011

Désignation générique : Roman

Nombre de pages : 314 p.

Varia : Une précision de l’auteur précède le texte : « Ce livre est composé de trois strates de textes. Les histoires. Les exégèses. Un chant. » (p.9)

II- CONTENU GÉNÉRAL

Résumé de l’œuvre : Il est plutôt difficile de résumer ce roman, puisqu’il n’y a pas vraiment de trame narrative principale. Comme l’indique l’auteur dès le début du livre, ce « roman » est composé de différents types de texte. 47 histoires sont entrecoupées de 9 genèses. Vies potentielles est un peu l’histoire de sa propre écriture. L’auteur donne vie à de courtes scènes, à des moments presque figés dans le temps. À l’intérieur de ces scènes, le lecteur est amené à voir de la désolation, de la solitude, du pathétique, de la détresse et du vide. D’une histoire à l’autre, plusieurs personnages s’entrecroisent et réapparaissent. Ainsi, le lecteur rencontre des personnages comme un boucher avec une hache dans le crâne, Oswald Pinkler, qui n’est pas descendu du train en voyant sa mère l’attendre sur le quai, une femme qui met la table tous les soirs pour un mari et un fils décédés depuis des années ou la petite Mathilde dont le cerveau la distrait tant que tout contact avec le monde extérieur lui est impossible. Chaque petite histoire est suivie d’une exégèse écrite par un certain Abraham, qui serait le double de Toledo : « Je compose aujourd’hui mes livres comme si l’invention était la Loi et qu’il fallait, pour mettre en ordre les nouveautés de ce monde, la commenter. L’exégète, permettez que je le présente : il s’appelle Abraham, c’est mon double et il se sent coupable (p. 153). » Ces exégèses reviennent sur chaque histoire et les expliquent ou les remettent en question, déconstruisant la fiction au fil de sa production : « Ici commence l’exégèse des Vies potentielles. À celui qui préfère passer son chemin. Je dirais qu’il a parfaitement droit et raison de se méfier des commentaires. J’aimerais moi aussi m’en passer pour m’en tenir au texte principal, mais il faut toujours que je rame à rebours, c’est un mauvais travers. Je contre-écris. Et ce type avec sa hache, par exemple, pourquoi ? Je voudrais savoir pourquoi il apparaît, non, pas au coin d’une rue, mais dans ma tête […] Et pourquoi ne suis-je pas capable d’accepter le flot seul d’une histoire ? Pourquoi faut-il toujours que je creuse dans le mur que j’ai maçonné ? » (Exégèse 1, p. 17-18) De plus, les exégèses forment, fragment par fragment, une histoire, celle de l’auteur des scènes. L’histoire de la perte de ses parents et de son frère, de son rôle de père et de mari, ainsi que de sa culpabilité d’auteur. Les genèses, elles, s’apparentent à des poèmes éclatés ou à des chants, comme les qualifie l’auteur.

Thème(s) : désolation, solitude, détresse, vide, mort, vie, création, écriture, famille, fragmentation

III – JUSTIFICATION DE LA SÉLECTION

Explication (intuitive mais argumentée) du choix : Bien que le roman soit un collage de plusieurs courtes histoires, mettant en scènes une multitude de personnages, certains personnages présentent des caractéristiques et des agir pertinents pour le projet. Bien sûre, ces personnages ne sont pas très développés, puisque leurs histoires ne durent que quelques pages. Toutefois, il m'apparaît pertinent de les identifiés et de les décrire de manière à voir quelques cas de figures. Dans la section type de rupture, je présenterai ceux qui m'ont parru les plus éloquents.

Appréciation globale : J'ai apprécié ce roman, principalement à cause de la grande variété des personnages déconnectés. Toutefois, il est dommage que ceux-ci ne soit pas plus développés, car leurs ruptures représentent des cas intéressants.

IV – TYPE DE RUPTURE

Validation du cas au point de vue de la rupture

a) actionnelle : Remise en question de l’intention (et éventuellement de la motivation); logiques cognitives/rationnelles ou sensibles; présence ou absence d’un nœud d’intrigue et d’une résolution; difficulté/incapacité à s’imaginer transformer le monde (à s’imaginer le monde transformable), etc.

Certains personnages présentent des ruptures actionnelles importantes.Un bon exemple est le garçon qui répond sans cesse je pourrais, dans le texte « Ses doigts, surtout le pouce » (p. 175 à 177). Ce personnage n'agit pas, il ne répond ni oui, ni non, ni peut-être, il répond je pourrais : « C'est la réplique qu'il oppose au monde. Il se tient, le lâche, comme une larve dans sa coquille, content de sentir en lui toute la puissance des vies qu'il se refuse à suivre. Il ne fait rien ou si peu, mais il se sent capable de tant de choses miraculeuses! » (p. 175) Ce garçon a trouvé en cette réplique le moyen de faire en sorte que sa vie ne cause ni de bien ni de mal au monde. « Je ne serai jamais rien, mon père, je ne serai jamais rien, car je veux pouvoir être, dit le garçon. N'être rien que ce pouvoir être infiniment repoussé. » (p. 177)

Un autre personnage en rupture actionnelle est Oswald Pinkler, dans les textes « Il s'appelait Oswald, Oswald Pinkler » (p. 56 à 58) et « Dans les campagnes aussi, un train » (p. 119 à 121), qui regarde sa mère l'attendre sur le quai de la gare de train, mais qui, sans raison, est incapable de descendre : « Sur le quai, dehors, elle était là, sa mère, elle l'attendait, mais Oswald n'était pas descendu. Il avait regardé sa mère courir, mais il était demeuré à sa place. Oswald se rappelait s'être senti inutile et froid ; un pylône électrique témoignant d'un monde insensé de parentés et d'amour. » (p. 57) Il se soulage ensuite en tentant de se faire croire qu'il n'était pas là, que ce n'était pas lui, dans le train, que ce n'était pas sa mère sur le quai. Cette difficulté à agir découle toutefois d'une rupture interprétative, puisqu'il conçoit le monde comme une chorégraphie : « L'exil d'Oswald Pinkler n'avait pas attendu la violence, l'injustice, la dépossession ; c'était un exil intérieur qui l'emportait loin, de plus en plus loin. Il désignait ça par un mot : chorégraphie. Oswald ne pouvait s'empêcher de suspecter le monde de d'être organisé pour l'émouvoir […] Ce n'était pas une terre, un pays ou l'enfance qui lui avaient été volés, mais la foi la plus élémentaire qu'il pût subsister quelque chose qui ne fût pas, déjà, mis en scène. » (p. 57-58)

b) interprétative : Difficulté/incapacité à donner sens au monde (à une partie du monde) de façon cohérente et/ou conforme à certaines normes interprétatives; énigmaticité et/ou illisibilité du monde; caducité ou excentricité interprétative; etc.

Le personnage de Mathilde, que l'on retrouve dans les textes « Des voix lointaines, étrangères » (p.154 à 156 et « À la clinique Saint-Sébastien, une tête » (P. 243 à 245), représente un exemple intéressant de rupture interprétative : « Son imagination ne cessait de se ramifier, de s'épanouir. Comme de la vigne ou du chiendent, elle recouvrait chaque chose, y prenait appui et se lançait plus loin, sans qu'on parvienne jamais à en identifier la source, sans qu'on pût jamais en couper la racine. Certains jours, il arrivait qu'elle n'entre plus en contact avec ce que les autres enfants de son âge, habituellement, perçoivent comme le MONDE. » (p. 154) L'imagination de la jeune fille la coupe complètement des autres. Elle perçoit tout ce qui l'entoure différemment, la table est une créature, l'ascenseur de l'appartement est un escalier menant à un donjon. Son cerveau veut sans cesse la divertir en modifiant son interprétation de monde de manière à en créer un nouveau. Plus rien du monde extérieur n'atteint l'esprit de Mathilde : « Ils [ses parents] cherchaient à l'arracher à son rêve, mais chaque fois, elle les regardait avec un même air d'étrangeté, comme si leurs voix n'avaient produit en elle que des interférences. Où es-tu, Mathilde? C'est la question qu'ils lui posaient sans cesse, mais leur fille ne leur répondait pas. » (p. 156)

V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES

Validation du cas au point de vue narratif/poétique (voix, fiabilité du narrateur, registres fictionnels, temporels, type de configuration narrative, etc.)

Comme je l’ai déjà expliqué, le roman se divise en trois types de texte bien marqués. Chaque histoire est suivie d’une exégèse, par contre les genèses apparaissent après quatre à cinq histoires. Les histoires sont, en général, narrées à la troisième personne par un narrateur hétérodiégétique. Il arrive toutefois, comme dans « Triomphe de la science » (p. 180-182), que la narration soit faite à la troisième personne, mais par un auteur homodiégétique. Les exégèses, elles, mettent en scène un je autodiégétique qui commente les fictions et les lie à sa propre vie, à ses propres expériences. Les genèses sont narrées à la troisième personne par un narrateur hétérodiégétique.

ranx/vies_potentielles.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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