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I- MÉTADONNÉES ET PARATEXTE

Auteur : Laurent Graff

Titre : Selon toute vraisemblance

Éditeur : le dilettante

Année : 2010

Désignation générique : Recueil de nouvelles

Quatrième de couverture : «Laurent Graff décline la vie sur le thème de l’effacement, de l’éviction, de la disparition. Dix textes pour creuser, gratter, fouiller et, peut-être, trouver, par-delà nos épaisseurs, un sens, une raison.

Pour ma part, je considère que j’exerce un vrai métier. Ça peut prêter à sourire, client-mystère, mais c’est tout un art, toute une philosophie. Ce n’est pas donné à tout le monde d’être n’importe qui. »

II- CONTENU GÉNÉRAL

Rapport de visite

Résumé de l’œuvre : Un client mystère résume sa visite. Cet anonyme raconte aussi à quel point ça lui plaît d’être aussi effacé. Il décrit sa vie ordinaire, tellement ordinaire qu’il est réduit à néant, mais cela lui plaît profondément. Moyen en tout, il aime toutes les femmes, sans qu’aucune ne soit spéciale. Après une visite dans un grand magasin, le client mystère s’apprête à sortir du magasin : la porte automatique ne le détecte pas, contrairement à tous les autres humains qui entrent et sortent. Ça ne le dérange pas : il s’assoit et attend. Il réessaie : la porte ne le détecte pas. Insouciant, il retourne dans le magasin, s’assoit au restaurant où, comme au dîner, on ne le remarque pas. Les miroirs renvoient son reflet, comme d’habitude. Il va à la salle de bain, un agent de sécurité lui dit qu’il l’a vu, tout à l’heure, ne pas se faire remarquer par la porte. Le client mystère est toujours aussi serein. Il erre dans le magasin, s’assoit sur un divan. Le gardien de sécurité lui dit qu’il peut rester là. Ainsi, le client mystère reste là, même quand les lumières du magasin se ferment. Il reste là et ça ne le dérange pas.

Thème(s) : Grands magasins, insipidité, effacement.

La vie d’un mort-né

Résumé de l’œuvre : Alpha, un enfant mort-né, raconte comment sa mère lui a choisi un prénom, promesse d’une existence. Une douleur survient, elle se dirige à l’hôpital : son enfant est mort, on l’avorte et le bébé se retrouve dans un sac en plastique fermé.

Thème(s) : l’existence versus non-existence, grossesse, mort.

L’amour

Résumé de l’œuvre : Les humains renient la mort et l’amour. Il s’agit d’un monde parfait, régit par l’individualisme. Parfois, des gens meurent, mais on n’y croit pas.

Thème(s) : mort, amour, individualisme.

L’homme en question

Résumé de l’œuvre : Le cadran sonne, l’homme se lève de son lit, regarde par la fenêtre. Il fait les choses pour la première fois. L’homme en question cherche dans la pièce, remarque la porte, l’ouvre, sort de son immeuble. Cela lui prend une semaine.

Thème(s) : liberté de l’homme.

Un bonnet

Résumé de l’œuvre : Un homme perd progressivement les choses qui lui appartiennent : téléphone portable, clefs d’auto, foulard, clefs d’appartement, jusqu’à ses cheveux. Au lieu de tenter d’arranger la situation, il s’accommode de chaque perte et s’installe à l’hôtel, prend les transports en commun, met un bonnet (car il fait froid et il n’a plus de cheveux).

Thème(s) : Perte d’objets.

III – JUSTIFICATION DE LA SÉLECTION

Explication (intuitive mais argumentée) du choix : Le résumé de ce que fait Graff, sur la quatrième de couverture, est très lié avec le projet. De plus, dès la première nouvelle, j’ai rencontré le personnage vraiment effacé et qui n’agit pas du tout. Son heureuse indifférence est le point central de la nouvelle.

Appréciation globale : Une écriture simple, des histoires qui fascinent par la non-adéquation au monde des protagonistes. L’absurdité fait parfois rire.

Note : « La maladie de Delphine », « Le couteau », « Plume», « Le mausolée » et « Rapport de visite » (la suite de la première nouvelle) sont des nouvelles jugées peu pertinentes pour le projet.

IV – TYPE DE RUPTURE

Rapport de visite

A) Rupture actionnelle : Le personnage n’a aucun but, aucun motif et rien ne le perturbe. Il est si effacé que la porte automatique ne le remarque même plus. Loin de s’en découragé, il se complait dans son insipidité. Il est profondément anonyme et ne s’intéresse à rien. Rien ne retient son attention. L’élément déclencheur ne rencontre tellement aucune résistance de la part du protagoniste qu’on ne peut pas vraiment dire que c’en est un. Il est inchangeable, imperturbable dans son existence ordinaire et sans intérêt.

« J’aime l’anonymat de mon statut, cette existence discrète, supposée, cette identité imprécise confinant au néant. J’ai toujours souhaité vivre dans une espèce de clandestinité, comme un passager furtif de l’humanité, quidam dans la fosse commune de la vie. » (p.15)

« Parfois, je peine à dire « je ». Il m’arrive de passer toute une journée sans dire « je ». […] Ou bien je m’exprime de manière encore plus impersonnelle, à l’infinitif, sans sujet. » (p.16)

« Cerise ou Serena, je ne sais pas, je n’ai pas d’avis sur la question, je n’ai pas de préférence, je n’ai rien à dire. Je suis épaté quand je vois des gens qui ont des idées sur tout, qui ont toujours quelque chose à dire. De même, je suis incapable de répondre au questionnaire de Proust ou à un simple sondage. Je coche invariablement la case « sans opinion ».» (p.25)

« J’attends. Je crois que j’ai toujours attendu. C’est une attente sans objet précis, sans désir identifié, plus proche d’un état fondamental qu’une action consciente. J’attends un signal de départ; je me tiens prêt, disponible. J’attends sur le banc de touche en attendant d’entrer sur le terrain. Mais le terrain n’est pas à la dimension de mon attente. C’est un peu comme si j’avais envie, mais rien ne me fait envie. » (p.36)

La vie d’un mort-né

A) Rupture actionnelle : Le bébé ne peut remplir les attentes de l’existence et tout le monde s’accorde pour dire qu’il n’a pas vécu. Il meurt avant d’agir et ne participe pas au monde. Il s’y inscrit en tant que vide, et vient au monde en tant que mort.

« Les humains ont une conception de la vie très pragmatique et anthropomorphique qui passe nécessairement par l’existence. L’être est associé à un processus biologique, de préférence normalisé, et est incarné par un individu, un sujet. Le petit Alpha resterait à jamais une créature imaginaire, un désir, un songe, une chimère. » (p.50)

L’amour

B) Rupture interprétative : Les humains ne comprennent pas comment ils ont pu aimer dans le passé et croient que la mort (leur propre mort) n’existe pas même si les autres meurent. Malgré l’assurance du narrateur, qui dit que le monde est ainsi parfait, des gens sont souvent retrouvés pendus dans leur cuisine.

« On préféra taire notre funeste destinée et vivre dans un sentiment d’éternité aveugle. » (p.55)

L’homme en question

A) Rupture actionnelle : L’homme en question agit, il sort de chez lui, mais cela lui prend 6 jours. Ses buts? Ses motifs? Nous ne connaissons rien de tout cela, il semble surpris, même, de se retrouver là. Et niais.

« Franchir une simple porte était pour lui une véritable épreuve, qui demandait une longue préparation. Il pouvait rester plusieurs heures sur le seuil d’une pièce. » (p.82)

B) Rupture interprétative : Il semble que l’homme en question ne comprenne pas son environnement. Les choses autour de lui, dans la pièce qui aurait dû être sa chambre, lui sont étrangères. De plus, il ne se rappelle pas s’être déjà levé de son lit… Ses souvenirs sont donc soit confus et oubliés, soit inexistants.

« Il tenait là un objet précieux, même s’il en ignorait totalement la fonction. À force de s’y agripper, il appuya dessus et actionna la poignée. La porte s’ouvrit. » (p.81)

Un bonnet

A) Rupture actionnelle : Les objets du narrateur disparaissent, et il dit qu’il s’en accommode, mais c’est faux. Il est incapable de s’acheter un nouveau foulard, d’appeler un serrurier (ça existe, un bottin téléphonique!) pour débarrer son auto et son appartement. Il est incapable d’imaginer le monde transformable, il ne fait que se résigner tristement, quoi qui lui arrive.

« Après mes clés de voiture, quelques jours plus tard, j’ai perdu les clés de mon appartement. […] Je me rends à l’évidence rapidement, n’insiste pas : je ne peux plus rentrer chez moi. […] Je ne savais pas où aller. Je n’ai pas appelé de serrurier, je n’en connais pas, […]. J’ai pris le premier hôtel venu. » (p.89)

V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES

Rapport de visite : Le narrateur autodiégétique parle de lui et de son rapport au grand magasin sans que la transition ne soit très perceptible. Il parle de son absence de personnalité. Il est comme les items insipides qu’il décrit, comme le service courtois et sans profondeur du personnel, comme l’allure général du magasin (semblable à tous les autres). Il dit lui-même que lorsqu’il rédige ses rapports, « [c]’est comme si [il] écrivai[t] son journal intime » (p.22).

La vie d’un mort-né : Narrateur autodiégétique, mais aussi omniscient. Un contraste étrange est créé entre l’écriture, bien réelle, mature, et le type de narrateur : un bébé qui n’a pas vu le monde. Il parle parfois de lui à la troisième personne.

L’amour : Le narrateur parle au nom d’un « nous » collectif. Il est paradoxal qu’il se fonde ainsi avec ses semblables, disparaissant sous le poids du nombre, et qu’il affirme que l’individualisme, le moi absolu, règne sur l’univers du récit.

L’homme en question : Le narrateur est extradiégétique. Un dessin de Fis Roza se faufile dans la narration : il s’agit d’un de ces symboles que l’on retrouve sur la porte des toilettes masculines, placé au milieu d’un carré. « Et cette consigne enfantine : colorie la liberté de cet homme. » (p.77)

Un bonnet : Narrateur autodiégétique. Rien de particulier à signaler.

ranx/selon_toute_vraisemblance.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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