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REUTER, Yves (dir.), La question du personnage, Paris, Centre régional de documentation pédagogique de Clermont-Ferrand (Recherche pédagogique), 1987, 155 p.
Cette fiche est longue, très longue. Mais je crois -j'espère- qu'elle est pertinente, surtout la partie qui concerne l'historique de la notion de personnage.
Yves Reuter, “Le personnage”, p. 9-44.
Pendant longtemps a dominée une définition implicite du personnage comme reflet de la personne ou comme catégorie d'acteurs anthropomorphisés. Mais depuis l'ère du soupçon, le Nouveau Roman, Tel quel, le structuralisme, etc., les annonces de la mort du personnage ont foisonné. Or, si nombre des théories du texte confortent cette thèse, ce n'est pas ce qui est ressort de la production fictionnelle contemporaine (1987, je le rappelle). Selon l'auteur, il “convient donc de reprendre le problème et, depuis la mise en cause du personnage.” (p.11)
La critique sur le personnage
Les travaux de linguistique et de sémiotique ont depuis longtemps remis en question l'assimilation du personnage à une personne humaine en employant plutôt les concepts d'actant et d'acteur. Cela afin de minimiser les risques de confusion entre réalités verbale et extra-verbale, le personnage étant le lieu privilégié des identifications et supports de plusieurs effets de réel.
L'auteur rappelle le contribution fondamentale de François Rastier (“Un concept dans le discours des études littéraires”, Littérature, no 7 (octobre 1972)) qui a démontré “la fonction-clé du personnage dans le commentaire littéraire (de cette époque lié au discours idéaliste-humaniste: le personnage articule l'homologie entre récit textuel et récit de la “communication littéraire” depuis le manque (de l'auteur, du personnage, du lecteur) jusqu'à la glorification (attribution d'éternité et d'universalité au héros, sublimation de l'auteur et du lecteur). Le personnage, organisant les valeurs, est le médiateur essentiel entre auteur et lecteur: “Ainsi, l'histoire justement dite littéraire écrit la vie et la psychologie de l'auteur de la même façon que le commentaire et la dissertation décrivent la vie et la psychologie des personnages” (Rastier, p. 100).
Reuter note trois facteurs qui ont considérablement influencé la critique du personnage:
1. La configuration théorico-idéologique de l'époque (années 60-70, selon mon impression). Différents courants hétérogènes (structuralisme, marxisme…) se concentrent sur une critique de l'humanisme, de l'idéalisme, avec leurs termes clés de sujet, individu, etc. La notion de personne est démontée et elle entraîne dans sa chute celle de personnage.
2. Les avant-gardes (Nouveau Roman et compagnie) dont les choix esthétiques sont directement mis en rapport avec l'évolution de la société. Elles ont ainsi critiqué ce qui relevait du roman “traditionnel”: “Notre monde, aujourd'hui, est moins sûr de lui-même, plus modeste peut-être puisqu'il a renoncé à la toute-puissance de la personne, mais plus ambitieux aussi puisqu'il regarde au-delà. Le culte exclusif de l'humain a fait place à une prise de conscience plus vaste, moins anthropocentriste. Le roman paraît chanceler, ayant perdu sont meilleur soutien d'autrefois, le héros.” (Alain Robbe-Grillet, “Sur quelques notions périmées” Pour un Nouveau Roman, Paris, Minuit, 1963, p. 28)
3. “La traduction -tardive- de l'ouvrage de W. Propp, Morphologie du conte, a sans doute orienté dans un premier temps les recherches vers une modélisation des actions, reléguant les personnages à l'arrière-plan.” Reuter précise tout de même que la démarche de Propp a permis d'organiser les recherches sur le personnage vers une fonctionnalité de celui-ci.
Trois niveaux d'analyse qui pour construire la notion de personnage
1. Le personnage comme marqueur typologique
a) Le personnage comme marqueur narratif: Toutes les catégories de textes peuvent contenir des “unités-personnages”. Mais “dans le cas du récit cela paraît indispensable à la différence des autres types.” (p. 17)
b) Le personnage comme marqueur intra-narratif: “l'un des facteurs récurrents de caractérisation des genres est constitué par le type de personnages figurés. À chaque genre semble correspondre un répertoire de rôles et de personnes typiques: fable, roman policier, d'espionnage, sentimental, de science-fiction…” (p. 18)
2. Le personnage comme organisateur textuel
Caractère incontournable du personnage dans l'organisation du narratif, quelle que soit la théorie de référence.
a) Logique des actions de Claude Brémond.
”[L]a fiction ne peut exclure les personnages, si l'on admet, à la suite de Claude Brémond (Logique du récit, p. 132-133), que l'action ne prend sens que référée à un personnage“. Selon Reuter, Brémond “fait de l'articulation personnage/temporalité le moteur de la narrativité: c'est le devenir des personnages qui constitue le fil directeur des actions et supporte la transformation des contenus.” (p. 20)
b) La dyade actant/acteur de Greimas.
Malgré ses lacunes, cette théorie précise la forme de l'unité-personnage et “souligne son importance, voie de passage obligée entre les différents niveaux, organisateur des énoncés de faire et d'être, élément de cohérence et de prévisibilité”. (p.22)
c) Restrictions sélectives de Philippe Hamon. Les personnages s'organisent entre eux.
Qualification différentielle - Distribution différentielle - Autonomie différentielle - Pré-désignation conventionnelle - Désignation par un commentaire explicatif et évaluatif.
d) Personnage entre fiction et narration
Honnêtement, je n'ai pas trop compris cette partie… Mais, après avoir présenté les différentes fonctions intra-fictionnelles du personnage, Reuter conclut en affirmant: “Les personnages existent, agissent, voient et disent dans la fiction et dans la narration.” (p. 24)
Ça continue pendant encore quelques pages, mais j'avoue que je m'y perds. Retenons seulement (puisque l'auteur insiste sur ce point) que le personnage peut être considéré soit comme un macro-opérateur de compréhension, soit comme un lieu d'articulation des stratégies de lecture.
3. Le personnage comme lieu d'investissement