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Poule-pas-de-tête

Soyons honnêtes : bien que Poule-pas-de-tête agisse bien plus que Passivité loquace, sa passivité n'en est pas moins avérée. Action, déplacements, interactions, tentatives de projets, etc., Poule-pas-de-tête pourrait de prime abord paraître un élément actif. Toutefois, toutes ces actions ne voilent que très pauvrement le manque d'une volonté qui les doterait d'un motif. Sa passivité se situe plutôt dans une intentionnalité apparemment incohérente, faible, voire inexistante dans certains cas. Des pulsions spontanées, d’autres gens ou encore des instances prennent toutes les décisions qui dirigent son existence. Poule-pas-de-tête plonge souvent tête première dans des projets qui paraissent insensés au lecteur et souvent incompatible avec ses compétences et ses objectifs, puis se laisse porter par la vie et ses aléas.

Des exemples notables :

Tess et Jude dans Document 1 de François Blais ; Les deux jeunes gens ont un objectif clair, obtiennent les moyens de le faire, puis font tout sauf l'atteindre. « Jude et moi on veut aller à Bird-in-Hand – sans aucune raison valable, mais on y tient – et, comme je disais, on est pauvres : je fais des sous-marins et lui ne fait rien du tout. On s'est creusé la tête pour essayer de trouver un moyen de faire apparaitre quinze mille dollars, mais on est trop lâches pour économiser, on est trop pleutres pour dévaliser une banque et on est trop cons pour monter une arnaque, ça fait qu'on a décidé de se tourner vers l'État… » (p. 75). Ces quelques démarches semblent faire preuve d'une intentionnalité claire qui guide leurs actions. C'est à ce moment que tout se gâte. L'argent que Tess et Jude reçoivent finalement du gouvernement pour écrire le récit de leur voyage, ils le dépenseront pour une tonne de choses, mais jamais pour le voyage. Ils célèbrent en grand l'obtention de la subvention, s'achètent une voiture dispendieuse et en mauvais état (menant à des réparations coûteuses), dépensent de l'essence pour des voyages incessants aux villages des alentours, soignent à grand frais le chien qu'ils adoptent en cours de route et jettent le reste par inadvertance. Après une telle énumération, il semble superflu de dire que Tess et Jude posent des actions incohérentes avec leur projet, guidés par les pulsions du moment.

François Blais, Document 1, Québec, L’instant même, 2012, 182 p.
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L'homme dans Anima motrix d'Arno Betina ; L'homme est en fuite depuis environ trois mois. Il roule en voiture de luxe en Italie sans trop savoir où il compte aller, avec un Pakistanais retenu contre son gré dans sa valise d'auto, sans savoir s'il s'agit réellement d'un homme à sa recherche. Il affirme qu'on le pourchasse, car on l'accuse d'être lié au terrorisme. Il sait que ses poursuivants savent où il se trouve. Perdu, il découvre une demeure où il rencontre une femme et son homme à tout faire, un Chinois. Quelques jours plus tard, il fuit encore, accompagné par le Chinois et le Pakistanais, toujours retenu prisonnier dans la valise. Ensemble, ils roulent jusqu'à ce que la voiture rende l'âme. La voiture est échangée dans un garage contre deux motos, laissant derrière le Pakistanais. Le Chinois et l'homme se rendent dans une maison perdue dans la nature. Là-bas, ils vivent plutôt bien, mais l'homme se blesse et la fatigue et la fièvre le font délirer. Il finit par partir et se mêle aux sans-abris d'une ville italienne. Il y fait la connaissance de Xénia, une prostituée avec qui il se lie d'amitié et qui lui fait oublier sa femme. Avec elle et une duchesse qu'il connaissait déjà, il voyage jusqu'à Bari. Il passe quelques jours aux côtés d'un homme inconnu, avec qui il n'échange presque rien, vivant dans une cabane près de la mer. Poule-pas-de-tête, l'homme enchaîne des actions complètements farfelues et délirantes, acceptant toujours passivement de se laisser guider par les gens qu'il rencontre et par le cours des événements, dans une perpétuelle fuite en avant. Si cette suite de péripéties décousues a un sens, l'homme ne le transmet jamais au lecteur.

Arno Bertina, Anima motrix, Paris, Verticales, 2006, 416 p.

Fugue Malrot dans Sparadrap de Marie-Chantale Gariépy ; Fugue Malrot, née en secret dans un hôpital, survit à sa mère, décédée en accouchant. Elle passe d'une famille d'accueil à l'autre, ne s'attache à rien ni à personne. En fait, le décès de sa mère a fait germer en Fugue un désir obsédant de mort : dès son enfance, Fugue tente de s'enlever la vie, mais est sauvée in extremis à chaque fois, maintenue en vie malgré ses désirs. La jeune fille justifie ces multiples tentatives de suicides par sa naissance sous le signe de la mort qui surdétermine sa vie : « Quelqu'un, quelque chose, quelque part, tirait les ficelles de mon existence sans que j'aie à y redire » (p. 23). Lorsque lui est révélé le mensonge qu'était en fait l'histoire de son origine, ce cycle n'est pas brisé, mais plutôt renforcé. Incapable de vivre avec cette nouvelle, elle se suicidera. Tout cela traduit son incapacité à s'inscrire dans le monde sans la prédétermination qui régit ses actions.

Marie-Chantale Gariépy, Sparadrap, Montréal, Marchand de Feuilles, 2005, 143 p.
Fiche Orion

Wax dans Ormuz de Jean Rolin ; Wax a décidé de traverser à la nage le détroit d’Ormuz, décision qui semble assez arbitraire, et s'est lancé dans le projet sans avoir les outils nécessaires pour le mener à bien. Il est constamment distrait, ne peut se concentrer sur une activité très longtemps. Il se complait dans le ludisme et le jeu, étant constamment détourné de ses buts par des éléments banals. Même son grand projet, celui de traverser le détroit d’Ormuz, relève du rêve, du fantasme irréalisable : « Depuis son échouage sur le rocher d’al-Makhruq, il n’a pas repris son entraînement, si tant est qu’il l’ait jamais commencé » (p. 208). Loin de travailler à réaliser son but, Wax évite, assiste à des réceptions, raconte des souvenirs d'enfance, s'occupe de mille façons.

Jean Rolin, Ormuz, Paris, P.O.L., 2013, 224 p.

Aïcha dans Et au pire on se mariera de Sophie Bienvenu ; Il est très difficile de saisir les motivations de Aïcha, 13 ans. L'adolescente se croit déjà femme. Elle est assez active et entretient de nombreuses relations conflictuelles. Elle vit avec sa mère qu’elle déteste, elle passe ses journées à traîner dans le parc avec ses deux seules amies, deux prostituées transsexuelles, elle tombe amoureuse d’un homme beaucoup plus âgé qu’elle (Baz) et pose des actions irrationnelles pour tenter de le séduire, essayant même de se convaincre de la normalité de celles-ci. Ses réactions sont disproportionnées : elle tue la femme que fréquente Baz par pure jalousie (ou tente de se prendre le blâme pour protéger le jeune homme).

Sophie Bienvenu, Et au pire on se mariera, Montréal, La mèche, 2011, 151 p.

Antoine dans Le sermon aux poissons de Patrice Lessard ; L'histoire d'Antoine n'est qu'une suite de décisions qui paraissent absolument arbitraires. En voyage à Lisbonne avec sa copine, il décide de s'y établir et de ne pas retourner à Montréal. Il y demeure seul après le refus de sa conjointe de l'accompagner. Il décide de se chercher un emploi dans le bâtiment bien qu'il n'y ait aucune expérience. Antoine prend ses décisions dans l'instant présent : soit il n'a aucun projet en tête, soit il a un rendez-vous mais s'en fiche complètement et préfère ne pas s'y rendre. Il agit donc la plupart du temps sans préméditation, pour se rendre compte en cours de route qu'il n'a pas fait le bon choix. Il ne tient jamais compte des conséquences que ses actes pourront entraîner. Il est généralement confus et souvent sous l'effet de l'alcool.

Patrice Lessard, Le sermon aux poissons, Montréal, Héliotrope, 2011, 268 p.
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Les parents dans Villa Bunker de Sébastien Brébel ; Le père et la mère emménagent dans une villa située au sommet d'une falaise au bord de la mer. Elle est en bien mauvais état et insaisissable : il est impossible d'en faire le tour puisqu'elle semble prendre sans cesse de l'expansion tout étant labyrinthique. Les parents, face à cette espace mouvant et incompréhensible, forment plusieurs stratégies qui n'aboutissent pas et se laissent porter par la “volonté” de la maison. Le père cherche les plans, photographie compulsivement les moindres recoins de la villa et s'enferme dans une tour pour observer les clichés. La mère rassemble les meubles en une seule pièce, erre dans l'espace et prend en charge un enfant (peut-être imaginaire) qu'elle y trouve. Envoûtés par la maison, ils se coupent l'un de l'autre et du reste du monde.

Sébastien Brebel, Villa Bunker, Paris, P.O.L., 2009, 160 p.

L'homme dans Pour une dernière fois, je m'abaisserai dans tes recoins de Patrick Drolet ; L'homme est taraudé par la phobie de sa propre mémoire. Il vit dans un perpétuel délire inexplicable qui mène à un comportement impulsif. Par exemple, il enferme dans un confessionnal un vicaire à qui il venait demander de l'aide. L'homme n’est pas en contrôle de ses actions; il est impulsif et violent. Il décrit une espèce de force extérieure qui le pousserait à poser ces gestes irrationnels : « Il y a quelques nuits… Ma nausée me dirigeait… ou ma mémoire… Il y avait quelqu'un qui me dictait mes actions… Je me souviens des gestes, mais pas de la personne qui les déclenchaient… » (p. 66), « j'avais un acouphène qui dictait mes pas […]. Je ne sentais plus mes jambes, je n'avais aucun contrôle sur celles-ci. » (p. 95). Les gestes que pose l'homme hanté par sa mémoire ne sont pas régis par ses intentions et ses désirs, mais bien par cette force mystérieuse qui le contrôle.

Patrick Drolet, Pour une dernière fois, je m'abaisserai dans tes recoins, Montréal, Druide, 2013, 128 p.

La jeune femme dans Espaces d'Olivia Tapiero ; Peu de temps après avoir retrouvé sa colocataire pendue dans leur chambre, la jeune femme cesse complètement d'assister à ses cours et passe ses journées à ne rien faire, ou à vagabonder dans la ville. Elle vit au gré de ses errances, dans la recherche d'un lieu apte à lui servir de refuge. Sans domicile, elle se loge chez les gens de façon aléatoire. Ses déplacements sont intuitifs, injustifiés et non-prémédités, tout comme les actions qu'elle pose. Elle semble totalement déconnectée, dépourvue de tout programme, de toute motivation.

Olivia Tapiero, Espaces, Montréal, XYZ, 2012, 130 p.
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Antoine dans Poids léger d'Olivier Adam ; Antoine n'a aucun véritable projet de vie. En dehors de son ring de boxe, il se montre peu actif. Son travail ne lui plaît pas vraiment. Une seule chose semble lui tenir à coeur : sa petite soeur qu'il aime énormément et qui va se marier avec un homme qu'il connait à peine. Ce qui lui arrive n'est nullement programmé; chaque fois, il agit sur le coup, de façon impulsive et peu raisonnable, poussé par ses émotions. Il est donc à la fois actif et passif : peu déterminé, il se laisse entraîner par les évènements et les actes qu'il pose sont généralement imprévus, non-intentionnels ou commis à l'encontre de ses désirs.

Olivier Adam, Poids Léger, Paris, Éditions de l’Olivier, 2002, 160 p.

Charlotte et Sacha et Charlotte before Christ d'Alexandre Soublière ; Charlotte et Sacha sont habités par la rage, le mal-être et un amour dévorant l'un pour l'autre. Ils cherchent à fuir leur désespoir par les excès : drogues, violences, vandalisme. Toutes ces actions irréfléchies sont guidées par un « black book » de leur invention où ils font la liste des choses à essayer ensemble. Y figure par exemple l'idée de tuer quelqu'un. Ils se laissent porter par leur rage. Ils sont près à n’importe quoi l’un pour l’autre, leur passion amoureuse guidant aléatoirement leur vie.

Alexandre Soublière, Charlotte before Christ, Montréal, Boréal, 2012, 224 p.
Fiche Orion

Simon Nardis dans Un soir au club de Christian Gailly ; Simon Nardis est un ancien pianiste de jazz qui avait renoncé à cette musique parce qu’elle le détruisait à petits feux. Parti en voyage d'affaires, il entre dans un club de jazz où, enivré de musique et d'alcool, il se laisse reprendre par ses anciennes habitudes. Il trompe sa femme, il laisse les trains partir, l'un après l'autre, sans lui. Il est envouté par le jazz, ce qui explique partiellement son comportement et lui fait perdre toute intentionnalité hors de la musique, se laissant porter par cette instance qui le traîne, qui décide pour lui, qui l’enfonce dans l'incohérence; il échappe au rationnel.

Christian Gailly, Un soir au club, Paris, Éditions de Minuit, 2002, 176 p.
Documentation critique

Sam dans Sam de François Blais ; Sam dresse, dans son journal, des tonnes de listes et fait des descriptions de son environnement. Se laissant guider spontanément par ce qui l'entoure, elle fera, par exemple, la liste des catégories de vidéos porno en streaming sur keandra.com (p. 73-82), des descriptions exhaustives de l'édition des PUM d’Angéline de Montbrun (p. 63-64), du papier à lettres moche de l’hôpital (p. 97), etc. Ses motivations restent floues, voire inexistantes. Parfois, elle abandonne un projet en cours (elle fait la description d'une seule Église au lieu de deux, comme elle l'avait prévu, par exemple). L'ennui pourrait être la cause de ces entreprises, mais il semble surtout que Sam soit guidée par ses impressions du moment, sans autre but plus précis.

François Blais, Sam, Québec, L'instant même, 2014, 192 p.

Le personnage dans Bureau universel des copyrights de Bertrand Laverdure ; Le personnage de ce récit ne cesse de chuter et de se démembrer. Il est constamment victime des évènements. Il rencontre toutes sortes de gens qui prennent parfois l’allure d’automates. Les Schtroumpfs farceurs armés de leurs cadeaux explosifs semblent le pourchasser, de même que les touristes littéraires qui ont payé pour être les témoins de ses aventures et qui prendront tôt ou tard le rôle de malfaiteurs narratifs. Le personnage principal perd d’abord sa jambe (remplacée par prothèse chantante), puis ses deux auriculaires et enfin, son bras droit (remplacé par un bras de chocolat). Après divers incidents totalement inattendus, il finit par atterrir au Bureau universel des copyrights où on lui explique que chaque chose du monde matériel est possédée par quelqu’un et même par plusieurs personnes à la fois. En fait, lui-même ne s’appartient pas… Les péripéties farfelues que vit le personnage sont absolument hors de son contrôle. Il est transporté d’un endroit à l’autre, soumis au monde, il est très actif du point de vue actionnel, mais complètement passif du point de vue décisionnel : « Mon propre entendement a abdiqué. J’ai jeté la serviette. Ma vie n’est plus qu’une suite d’interruptions ridicules du flux espace-temps qui ne méritent pas que je m’en soucie. » (p. 111).

Bertrand Laverdure, Bureau universel des copyrights, Saguenay, La Peuplade, 2011, 150 p.
Orion

Jean, Georges, Paul et Louise dans En ville de Christian Oster ; Jean, Georges, William, Paul et sa femme Louise, tous dans la cinquantaine ou la soixantaine, sont cinq amis qui partent en vacances ensemble depuis trois ans. Personne dans ce petit groupe ne connaît la ou les raisons qui les poussent à partir en vacances ensemble. De grands bouleversements frappent les amis - Jean apprend qu'il va être père, Georges se fait laisser, William meurt, Paul et Louise se séparent - mais ils maintiennent leur projet de vacances. Jean, le narrateur, est en proie à un je-m’en-foutisme quasi maladif. Tous ces événements ne semblent pas le déranger. Il traverse sa vie sans y penser. Menant une vie active, il ne se questionne jamais à son sujet et fait preuve d'une passivité à toute épreuve : « J'ai regardé les gens autour de moi et sur le trottoir, qui passaient avec des airs affairés un peu déconcertants pour un dimanche. D'autres avaient l'air libres, en quelque sorte, mais je les ai trouvés tout aussi déconcertants. J'ai repensé à Morsang-sur-Orge et par association à la maison de ma grand-mère et je me suis senti désarmé, poreux. J'ai envisagé difficilement la fin de l'après-midi. J'ai appelé Agnès, qui était sur répondeur et dont il m'est revenu qu'elle était partie en Corse. J'ai appelé Roberta, mais j'ai interrompu mon appel. Je suis allé au cinéma voir une comédie française qui s'est révélée plutôt bonne et même par endroits subtile, et, quand je suis sorti, j'ai cherché une boutique de DVD ouverte. J'ai trouvé une, j'ai acheté trois DVD et je suis rentré chez moi, où j'en ai regardé deux. Ils n'étaient pas très bons, sans être mauvais, et j'ai hésité à regarder le troisième. Finalement, j'ai regardé le troisième, qui était mauvais. Je me suis levé pour aller voir la voie rapide [depuis sa fenêtre] et je suis allé me coucher sans dîner » (p. 165).

Christian Oster, En ville, Paris, Éditions de l'Olivier, 2013, 180 p.

Elias dans On s'habitue aux fins du monde de Martin Page ; Elias vit d'abord pour son rôle d'aidant avec Clarisse, son ex-copine. N'ayant aucune attente envers la vie, ne recherchant absolument rien, il se laisse porter par les évènements et les opportunités de son métier de producteur. C'est l'absence de but qui fait d'Elias une Poule-pas-de-tête. Une panoplie d'évènements extérieurs le poussent dans plusieurs directions. Il engage un détective privé pour le suivre lui-même, dans le but de se connaître et d'avoir un regard extérieur sur son comportement. Le détective, mal à l’aise, lui dit que «[c]’est difficile à dire. Il s’agite dans tous les sens. Il fait n’importe quoi » (p. 210).

Martin Page, On s'habitue aux fins du monde, Paris, La Dilettante, 2005, 288 p.

Tanguy Rouvet / Hadrien Hadray / Michael dans Le culte de la collision de Christophe Carpentier ; Adolescent à tendance psychopathique, le jeune homme s'embarque dans un périple qui durera plusieurs mois et le conduira à Dijon, Chamonix, Toulon et El Elijo en Espagne. Ces déplacements (et changements de nom) sont attribuables aux nombreuses pulsions violentes du personnage, qui le poussent souvent à commettre le pire : il étrangle sa mère, égorge un homme et met le feu à un camp en Espagne, par exemple. Ses pulsions le placent dans une perpétuelle fuite. Cette vie lui convient toutefois, il ne recherche pas du sens, mais bien de l'intensité (p. 66). Rouvet ne cherche pas la cohérence, mais les chocs perpétuels : « Il sait qu'il mène la seule existence qu'il mérite de vivre, parce que nulle autre existence ne lui conviendrait mieux que celle-ci, précaire et affligeante, horrifiante et cynique, qui ressemble à une collision permanente, une collision à laquelle il voue un culte sans bornes, ce culte de la collision qui seul est capable de mobiliser de façon optimale son énergie physique et psychique afin de se nourrir en continu de cette formidable cruauté qui fait battre le coeur du monde » (p. 279).

Christophe Carpentier, Le culte de la collision, Paris, P.O.L., 2013, 288 p.

Christophe Hostier dans One man show de Nicolas Fargues ; Christophe Hostier est un auteur qui entretient son narcissisme d'auteur. Il est de plus en plus distant avec sa femme Estelle, fait semblant d'avoir tout son temps à consacrer à sa famille alors qu'en fait, il ne voudrait que le silence revendiqué du créateur. Poule-pas-de-tête, Hostier l'est surtout par son caractère indécis et impulsif, principalement dans sa vie amoureuse. Il tombe sous le charme de la frêle et un tantinet maniaque Sidonie. Une fois à Montréal, il lui envoie un billet d'avion pour New York. Or, leurs retrouvailles sont plutôt froides et Hostier, face à son fantasme, se met à regretter sa femme.

Nicolas Fargues, One man show, Paris, P.O.L., 2002, 240 p.

Simon dans Les écureuils sont des sans-abri de Simon Girard ; Simon est une Poule-pas-de-tête dans la plus pure signification de l'expression. Son histoire est une suite d'évènements sans lien qui puisse les unir. Il est impossible d'expliquer ses motivations ou ses intentions. Son désoeuvrement l'emporte sur ses motivations et il se laisse porter par le flot des évènements et des circonstances. Écrivain, il s’est mis en tête qu’il allait vivre de son art. Adepte du tout ou rien, il remplit son sac à dos de son premier livre et part sans argent à Hull, dort sur un banc à la gare et revient bredouille à Montréal. Il part dans le Sud avec une femme qu'il vient de rencontrer. Il part en Gaspésie, rencontrer un homme de qui il veut écrire la biographie. Pour obtenir un peu d'argent il devient cobaye pour une compagnie pharmaceutique et vend des sandwichs dans les bars. Il atterrit finalement dans un refuge de sans-abri, convaincu que c’est un endroit pour les écrivains. Aucune ligne directrice ne semble guider ses pas.

Simon Girard, Les écureuils sont des sans-abri, Montréal, Coups de tête, 2011, 200 p.
Orion

Jean dans Rouler de Christian Oster ; Partant de Paris en voiture, Jean choisit de se rendre à Marseille, attiré davantage le nom de la ville que par la ville elle-même, qu'il ne connaît d'ailleurs pas. Le prétexte de voyage, en fait, c'est le chemin à parcourir entre le départ et l'arrivée. Jean n'a pas d'itinéraire déterminé ; il décide de son chemin au fur et à mesure que la route se déploie devant lui, au gré des endroits qu'il traverse et des gens qu'il rencontre. Rouler et se détacher du monde sont donc ses seules motivations. Sans repères et sans sens, seulement mû par un besoin de déplacement, grande est la possibilité de se perdre ou de tourner à rond, ce qui arrive précisément à Jean lorsqu'il s'égare dans la forêt: « j'ai pensé fugitivement que je n'avais pas envie de retourner à la voiture, en fait, et que j'allais rester ici et me laisser pousser la barbe. Ça m'a passé. Je n'avais rien à faire ici plus qu'ailleurs » (p. 41). Jean n'est motivé que par ses impulsions spontanées.

Christian Oster, Rouler, Paris, Éditions de l'Olivier, 2011, 180 p.

Le jeune homme dans Un garçon maladroit de Marc-Alain Wolf ; La nuit, derrière son écran d’ordinateur, un jeune homme autistique souhaite réparer le monde. Il veut combattre la famine, faire la paix dans le monde et même, enrayer la mort en allongeant l’espérance de vie, mais un seul grand but les englobe tous : remplacer Dieu. La mission quasi-christique du personnage se montre colossale et ses projets se court-circuitent les uns les autres : comment peut-on à la fois réduire le nombre de naissances pour contrer la famine, tout en combattant la mort de l’homme en allongeant son espérance de vie? Chaque fois qu’un projet semble bien entamé, le personnage le délaisse pour s’occuper d’autre chose. L'ampleur de ses projets le pousse à aller simultanément dans toutes les directions et à ne jamais les mener à terme.

Marc-Alain Wolf, Un garçon maladroit, Montréal Triptyque, 2012, 201 p.

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