Outils pour utilisateurs

Outils du site


ranx:penseurs_inactifs

Ceci est une ancienne révision du document !


Demeurant relativement passif face à son destin, ce personnage privilégie sa propre réflexion quant à sa situation plutôt que le passage à l’acte qui pourrait mettre fin à une situation problématique. Cela se traduit généralement par un vaste monologue intérieur où les différents scénarios possibles sont examinés (de façon paranoïaque ou méthodique), les frustrations quotidiennes sont ressassées et toutes les actions des gens qui entourent le personnage-narrateur sont questionnées. Cela crée souvent des relations problématiques avec son entourage et avec les autres en général qui n’ont pas accès à ce flux perpétuel de préoccupations. Cette supplantation de la vie active par la pensée personnelle amène le personnage à se replier sur lui-même, voire à se complaire dans la solitude. Cette situation n’est pas nécessairement intrinsèque à la personnalité du personnage (bien qu’elle le soit en de nombreux cas), mais peut découler d’un événement de coupure – rupture, tentative de suicide, rencontre inopportune, par exemple – qui l’a poussé à cette période de remise en question.

Des exemples notables :

Mon cœur à l'étroit – Marie NDiaye ;

-Nom du personnage : Nadia

-Inactivité réflexive : Le personnage choisit de se poser des questions, ses raisonnements ne trouvent ni écho, ni réponse positive dans son entourage. Elle est en proie à un désarroi et un déséquilibre mental. Le monde lui devient complètement illisible, ce qui l’empêche de poser des actions concrètes et cohérentes.

Faire l'amour – Jean-Philippe Toussaint ;

-Nom du personnage : Narrateur

-Inactivité réflexive : Le personnage fait part de ses idées, sans les mettre en pratique. Une certaine confusion intérieure est aussi à noter dans le fait qu’il est inactif.

« J’aurais pu boire cette larme à même sa joue, me laisser tomber sur son visage et ses tempes, arracher ses lunettes de tissu […] Mais je n’ai rien fait, je ne l’ai pas embrassée, je ne l’ai pas embrassée une fois cette nuit-là, je n’ai jamais su exprimer mes sentiments. J’ai regardé la larme se dissiper sur sa joue, et j’ai fermé les yeux – en pensant que peut-être, en effet, je ne l’aimais plus. » (p. 31-32)

« Marie […) approchait ses lèvres très près de ma bouche et me demandait en tremblant pourquoi je ne voulais pas l’embrasser, et, la gardant dans mes bras, je répondais à voix basse en lui caressant les épaules et les cheveux pour l’apaiser que je n’avais jamais dit que je ne voulais pas l’embrasser, que je n’avais jamais dit ça […] Mais je ne l’embrassais pas, je ne me penchais pas vers elle pour l’embrasser, pour la caresser, la calmer et l’empêcher de pleurer […] Mais pourquoi tu ne m’embrasses pas alors? Et je ne répondis pas, je ne savais que répondre, je me souvenais très bien de la réponse que je lui avais faite alors, mais je ne pouvais pas lui dire maintenant que je ne voulais ni l’embrasser ni ne pas l’embrasser après les instants dramatiques que nous venions de vivre […] Et pourtant Dieu sait combien j’avais envie de l’embrasser maintenant… » (p. 88-89)

Univers, univers – Régis Jauffret ;

-Nom du personnage : Elle

-Inactivité réflexive : Tout le fil narratif ne repose que sur des souvenirs et des extrapolations intérieures du personnages. À part regarder son gigot dans le four, rien qui ne découlerait pas de son imagination ne se produit réellement. Le roman est en quelque sorte, une immense réflexion, une exploration intérieure.

Les murs – Olivia Tapiero ;

Nom du personnage : Narratrice

Inactivité réflexive : Son absence d’instinct de survie reste incompréhensible et est liée à sa grande passivité. Elle ne peut pas faire grand chose, et elle ne veut pas faire grand chose, son seul désir est de mourir, mais elle ne passera pas à l’action, attendant patiemment de se laisser dépérir.

Rita tout court – Maxime Olivier Moutier ;

-Nom du personnage : Rita

-Inactivité réflexive : Sa volonté d’agir est présente. Un certain blocage vaguement expliqué l’empêche de passer à l’action, même dans les plus simples des gestes.

« J'ai des idées… comme aller prendre une marche, me faire un chocolat chaud. Mais j'pas capable de passer à l'action. » (21)

Certainement pas (Séraphine) – Chloé Delaume ;

-Nom du personnage : Séraphine

Inactivité réflexive : La vie de Séraphine est une constante répétition de son quotidien. Elle est en fait passive dans sa routine. Elle agit, en quelque sorte, mais comme un robot, ce qu’elle fait, elle le fait mécaniquement. Elle trouve le monde extérieur hostile, ce qui l’empêche de sortir de son environnement et d’opérer un changement. Elle s’y complait.

Le corps de Séraphine pilotait en automatique le long de ce trajet depuis six ans trois semaines et cinq jours. Deux fois par semaine, cinquante-sept pas […].” (250)

“ [Séraphine] sortait peu. Elle restait alanguie au creux du canapé […], elle s'adonnait au câble, passant d'une chaîne à l'autre avec l'avidité d'une femme à l'abandon qui erre de bras en bras sans jamais du plaisir découvrir le repos.” (250-251).

Tarmac (mère) – Nicolas Dickner ;

Nom du personnage : Ann

Inactivité réflexive : Ses problèmes de santé mentale et sa superstition occupent une telle place dans sa vie qu’ils occasionnent un total manque d’agissement ou de communication verbal avec l’entourage. L’inactivité du personnage réside dans sa solitude et son isolement.

Vu d'ici – Mathieu Arsenault ;

-Nom du personnage : Mathieu

Inactivité réflexive : Le plus souvent affalé devant sa télé, le personnage et ses réflexions sont basées sur les images auxquelles il assiste à longueur de journée. Son aliénation semble venir de cette fascination qu’il a pour l’analyse du monde qu’il fait devant son téléviseur. Perdant tranquillement espoir pour le monde, la volonté d’agir, déjà très peu présente, s’estompe de plus en plus.

« Il ne se passe rien il n'y a pas d'intrigue pas de salut et ce qui est horrible c'est qu'on apprend plus rapidement à fréquenter les atrocités en changeant de chaîne ou en fixant le vide qu’a douter de tout devant le spectacle de l'effondrement du monde j'aime les sushis le beau temps l'odeur de l'herbe fraîchement coupée l'odeur de l'essence lâcher au bon moment la gâchette de la pompe à essence pour que ça fasse un chiffre exact et pourtant qu'est-ce que cette sourde et minuscule angoisse […] » (Quatrième de couverture)

Juste avant la frontière – Julien Bouissoux ;

-Nom du personnage : Sam Elliot

Inactivité réflexive : Le fil narratif réside la plupart du temps dans le souvenir du personnage. Son manque d’enthousiasme est flagrant. Son seul but étant de prendre l’avion, le roman prendra fin sur cette seule activité concrète.

« La proximité ne m'a pas toujours dérangé. Peut-être est-ce le départ. L'anesthésie du dernier jour. Je suis comme un corps mort descendant le fleuve. Comme une éponge, encore, décrochée du fond de l'eau. » (14)

L'excavatrice – Boris Schreber ;

-Nom du personnage : Narrateur

-Inactivité réflexive : L’écriture étant la seule action concrète que pose le personnage, son attitude face à cette activité nous mène à penser que même cet effort lui est insupportable. Il souhaite « ne rien dire par l’écriture ». Non seulement son inactivité est flagrante, mais son refus de communiquer de l’information met en lumière ce défaitisme face aux actions et aux pensées qui les régissent.

Adam Haberberg – Yasmina Reza ;

-Nom du personnage : Adam Haberberg

Inactivité réflexive : Apitoiement constant de la part du personnage. Quand une tierce personne s’approchera de lui, il lui en voudra d’essayer de le sortir de sa résignation et de sa torpeur. Il fait une longue introspection, ignorant les tentatives des autres d’entrer en communication avec lui.

La mort de Blaise – Luc Mercure ;

-Nom du personnage : Narrateur

Inactivité réflexive : le personnage considère son existence futile. Il n’a aucun contact durable avec son entourage. Son inactivité est pratiquement maladive, ayant presque une phobie de l’agissement (comme quand il tentera de passer la porte de Thierry).

Villa Bunker (fils) – Sébastien Brébel.

Nom du personnage : Fils

Inactivité réflexive : L’inactivité est attribuable d’une part à l’isolement, mais aussi à une réflexion profonde sur une éventuelle thèse sur Foucault qui ne verra jamais le jour. Répondre aux lettres de sa mère est aussi inconcevable. Son introspection est de toute évidence symptomatique d’une angoisse insurmontable.

ranx/penseurs_inactifs.1446751022.txt.gz · Dernière modification : 2018/02/15 13:56 (modification externe)

Donate Powered by PHP Valid HTML5 Valid CSS Driven by DokuWiki