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ranx:mon_coeur_a_l_etroit

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Notice bibliographique : NDIAYE, Marie, Mon cœur à l’étroit, Paris, Gallimard, 2007, 378 p.

Résumé de l’œuvre : Nadia et son deuxième mari, Ange, passionnés et dévoués pour leur travail, étaient deux enseignants très estimés de leur petite école primaire. Jusqu’au jour où le comportement de leur entourage s’est drastiquement modifié : maintenant, on les insulte et les rejette. Ils inspirent horreur et aversion à quiconque croise leur chemin. Alors qu’Ange a été attaqué et se trouve gravement blessé au ventre, il devient difficile de nier la situation. Mais Nadia elle-même ne connaît pas les causes de ce rejet. On semble lui reprocher son orgueil et son infidélité, la faire payer à titre de bouc-émissaire pour tous les gens « comme elle ». Le seul qui lui propose son aide est un voisin, Richard Victor Noget, un homme que le couple a toujours ignoré et méprisé. Alors qu’il cherche à prendre soin d’Ange, celui-ci enfermé dans sa chambre et refusant de se soigner, Nadia tente de le repousser, mais il s’accroche et s’infiltre dans leur intimité. Finalement, sous les conseils de Noget, Nadia quitte la ville et se rend chez son fils avec qui elle entretient une relation des plus conflictuelles. Là-bas, elle renoue enfin avec ses parents qu’elle considérait comme mort depuis longtemps, par mépris de ses origines. Elle accouche alors d’une bête sombre et velue, comme si elle accouchait de toute sa honte, tandis qu’Ange, complètement guéri, se retrouve en couple avec une autre femme qui elle, n’a honte de rien.

Narration : autodiégétique (Nadia) Explication : Nadia raconte elle-même ce qu’elle vit, à la première personne du singulier. Les phrases interrogatives sont fréquentes. De plus, certains passages sont en italique : il s’agit de pensées non verbalisées qui semblent plus sincères et qui, généralement, accentuent l’impression que Nadia se met des œillères pour ne pas voir ou ne pas comprendre sa faute.

Personnage(s) en rupture : Nadia

A) Nature de la rupture : Interprétative

Explication : Nadia demeure dans l’ignorance de sa faute. Elle ne comprend rien. (Le brouillage que cela induit dans la narration rappelle le brouillard qui couvre la ville de Bordeaux où elle demeure). Incapable de trouver une logique dans tout ce qui se passe, anéantie et ne sachant que faire, elle a des moments d’absence, d’«incompréhensible absence » (p. 47). Autour d’elle, tout le monde semble comprendre ou savoir des choses qui lui échappe, des choses qu’elle est la seule à ne pas savoir. Le rapport au savoir est donc extrêmement important tout au long du récit.

«Je ne sais pas. Je suis celle qui en sait le moins » (p. 104).

« …il s’agit de signes qui me sont adressés. Mais je ne les déchiffre pas. » (p. 193).

B) Origine de la rupture : Mondaine (monde social)

Explication : C’est le monde social qui rejette Nadia : ses élèves et leurs parents, ses collègues de travail ainsi que la directrice de l’école, ses voisins, son propre fils. Tous sont contre elle, même son médecin, apparemment, qu’on lui déconseille d’aller consulter. Même les inconnus susceptibles d’être croisés dans la rue, comme l’un d’entre eux qui lui crache au visage. Ange modifie lui aussi son comportement envers elle, au point que leur relation auparavant si parfaite se voit bouleversée. La ville de Bordeaux elle-même, ainsi que ses transports publics, rejette Nadia.

C) Manifestations : Interprétative, actorielle, sensorielle

Explication :

Interprétatives : Le comportement insaisissable du corps social mène Nadia à une sorte de paranoïa. Par exemple, lors de sa rencontre avec la pharmacienne : « je songe que cette boîte-là a été préparée dans l’éventualité de ma visite. Mais pourquoi cette visite, cette supplication, les a-t-elle anticipées? » (p.26). L’interprétation des faits par Nadia est donc flouée. Ses repères habituels ne fonctionnent plus. Elle perd la notion du temps, comme si elle se trouvait en plein cauchemar : « Combien de temps s’est écoulé depuis mon départ de l’appartement, je suis incapable de l’évaluer » (p.36). Ses raisonnements sont jugés négativement par tout le monde. Par exemple, elle est la seule à vouloir qu’Ange se fasse soigner à l’hôpital; les autres pensent que c’est une très mauvaise idée. À travers la perception de Nadia, tous les personnages semblent détenir une part d’ombre menaçante. Par exemple, Natalie, une femme qui lui rend service, devient effrayante par une soudaine transformation : pendant un moment, Nadia la voit tel un véritable squelette vivant. Ou encore, Wilma, la nouvelle conjointe du fils de Nadia, une femme imposante et excessivement carnivore, demeure inquiétante, car Nadia ne sait pas d’où elle vient, depuis quand elle vit avec son fils, quelles sont ses intentions envers eux et surtout, où se trouve celle qui jusque-là était la femme de son fils, mère de son enfant, mystérieusement disparue. Noget lui aussi est mystérieux : tout le monde sans exception le connaît et l’admire, sauf Nadia, qui ignore à qui elle a affaire.

Actorielles : Le rejet que subit Nadia de la part de la société implique nécessairement des obstacles qui réduisent sa capacité d’agir. Par exemple, la ville lui joue des tours, transformant la longueur ou l’apparence de ses rues, égarant Nadia qui cherche à rentrer chez elle rapidement. Aussi, lorsqu’elle part pour aller chez son fils, les transports publics ne s’arrêtent plus pour elle, puis son train ne redémarre plus, rendant son trajet difficile. De plus, Nadia n’ose plus regarder les gens de front, craignant toujours qu’un geste de trop lui cause des problèmes, même un aussi petit geste que de sourire à quelqu’un. Personne ne l’écoute, tout le monde la rabroue. En fait, elle n’a plus aucun contrôle sur la situation, quoi qu’elle tente de dire ou de faire. Enfin, le travail de Nadia, qui jusque-là représentait toute sa vie, se voit bouleversé au point qu’elle doit cesser d’y retourner, se trouvant privée de sa zone d’action privilégiée : « Je ne travaille pas, je suis seule. Rien ne peut plus me sauver du sentiment de ma propre nullité. » (p. 288).

Sensorielles : Puisque Nadia est en proie à un grave processus de défamiliarisation, ses sens détectent toutes sortes de modifications autour d’elle (créant une impression d’inquiétante étrangeté). Si elle ne reconnaît plus sa ville ni son mari, elle a également du mal à reconnaître son fils : « C’est Ralph et ce n’est pas lui dans même temps, c’est un fils à qui on aurait donné les yeux d’un autre. » (p. 282). Même son propre corps se transforme : elle se sent grossir sans connaître la véritable cause de ce surplus de poids. Son alimentation, le goût même de ce qu’elle avale, devient problématique, car elle ne peut s’empêcher de manger la nourriture préparée par Noget et en même temps, la condamne sévèrement. Aussi, ses règles ont cessé : Nadia prétend être en ménopause, mais les gens la croient plutôt enceinte (elle est effectivement enceinte d’une créature anormale).

D) Objets : Ignorance et incompréhension face à la rupture et aux événements qui en résultent, voire même, refus volontaire de reconnaître la rupture comme étant réelle.

Explication : Nadia préfère penser qu’elle a imaginé cette rupture par surplus d’orgueil, et conséquemment, qu’en faisant comme si de rien n’était, tout redeviendra normal. Elle voudrait savoir ce qu’on lui reproche, mais cela l’effraie au point qu’elle nie et fuit les possibilités de réponse. Elle n’est tout simplement pas capable d’admettre qu’elle a commis une faute quelconque. À propos de ce qu’on lui reproche, elle dit : « Je ne peux pas le nommer. Je ne sais pas comment appeler ni décrire cela. Quand bien même je le pourrais, dis-je, que je ne le dirais pas car ce serait céder de manière ignoble. […] Je ferme mes oreilles, dis-je. Tenez, je ne vous écoute plus, plus du tout, plus jamais! » (p. 60).

E) Manifestations spatiales : Lieux connus qui se transforment (source d’inquiétante étrangeté) , puis lieu non accueillant où habite le fils de Nadia.

Lieux représentés : Le salon de Nadia, la ville de Bordeaux où elle vit depuis longtemps, puis la maison du fils de Nadia et ses environs.

Explication : Au sujet de son propre salon, lieu normalement familier, Nadia explique : « cette impression, qui ne me quitte pas, que la pièce est pleine de quelque chose qui n’y était pas auparavant et que ce quelque chose est essentiellement inamical. » (p. 80)

Au sujet de la ville elle dit : « C’est donc que la ville elle-même cherche à me fourvoyer, ma chère ville dont je croyais la fidélité irréductible. »(p. 154). « À Bordeaux, je suis chez moi, et, cette rue Fondaudège, ne l’ai-je pas suivie des centaines de fois depuis mon enfance? […] la rue Fondaudège n’est plus celle que j’ai toujours connue, ce qui ne se peut pas, ce qui ne se peut tout simplement pas. » (p. 186-187). « Fondaudège à son tour se venge de je ne sais quoi! » (p.190).

Sur le lieu où habite son fils elle dit : « Mon fils vit donc dans la montagne, me dis-je avec un peu d’anxiété. À mesure que la voiture, de plus en plus difficilement, grimpe entre les secs et noirs bouquets d’arbousiers et les sapins bas aux troncs noirs, aux branches noires et nues, la mer, réduite à une tache opaque, finit par disparaître à la vue. Et nous passons alors de l’autre côté du massif, sur le versant enténébré, et mon cœur se recroqueville dans ma poitrine. » (p. 293-294). Le caractère sombre des lieux est maintes fois évoqué. La maison est décrite comme « si haute et si austère » (p. 297). Le grand hall est « sombre et froid. Des masques de bois et de peaux sont accrochés aux murs de pierre, ainsi que des fourrures tendues sur des cadres et de nombreuses têtes de sangliers empaillées. » (p. 307). Au sujet de la chambre où on l’installe, Nadia ajoute spécifiquement : « Une courtepointe en chenille rose couvre le lit et ma gêne a été si forte à la vue de ce tissus dont je n’oserais même pas, me suis-je dit, agrémenter la couche du chien, que je n’ai pu m’empêcher de rougie. » (p. 309).

ranx/mon_coeur_a_l_etroit.1352573344.txt.gz · Dernière modification : 2018/02/15 13:56 (modification externe)

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