LOTMAN, Iouri, « Le concept de personnage », dans La structure du texte artistique, Paris, Gallimard, 1973, p. 334-341.
Orientation et objectifs
La perspective critique de Lotman est essentiellement formaliste et structuraliste, cependant, son ouverture aux « liaisons extra-textuelles » témoigne d'une approche moins immanente. Le but de son ouvrage est de définir le texte littéraire, par l'entremise de ses différentes structures, mais aussi l'essence du fait artistique, ce qui le fonde. L'art est un système modélisant, un langage secondaire dans lequel se découpe l'oeuvre.
« Le texte est un signe achevé et tout les signes isolés du texte linguistique général y sont ramenés au niveau d'éléments du signe. »
Fil argumentatif
Pour comprendre la conception du personnage de Lotman, il faut préciser quelques termes : un texte devient un texte « à sujet » lorsqu'une action (entendue au sens très large) est introduite. Le point de départ du mouvement du sujet est l'établissement d'un rapport de différence et de liberté réciproque entre le héros actant et le champ sémantique qui l'entoure. Si le héros, par le fond de sa nature coïncide avec son environnement, ou n'est pas doué de la faculté de s'en détacher, le développement du sujet est impossible. (Au fond, pas d'action sans personnage agissant)
Par rapport à la frontière du champ du sujet (champ sémantique), l'actant intervient comme la dépassant, tandis que la frontière par rapport à lui apparaît comme un obstacle. Différents actants ou autres (méchants, éléments de la nature, faux indices) ont pour fonction de rendre le passage d'un champ à un autre compliqué voire impossible pour tous, sauf pour l'actant disons principal.
Sur l'anthropomorphisme
L'identification de l'actant et des autres fonctions du sujet (environnement, obstacles, aides…) en personnages anthropomorphes semble si naturelle que, généralisant notre expérience culturelle au point d'en faire une loi, nous supposons que tout sujet est le développement du rapport entre les hommes.
L'actant n'est pas forcément anthropomorphe alors que la frontière et l'environnement peuvent l'être.
Les personnages pourvus d'un nom et d'une apparence humaine se divisent en deux groupes : les actants (mobiles, ont des solutions d'action) et la condition/circonstance de l'action.
La loi de transformation du sujet en personnage (en figure humaine) résulte aussi du fait que les mêmes éléments du texte remplissent à tour de rôle différentes fonctions du sujet; cela permet la personnification, l'identification de la fonction du personnage.