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ranx:le_solitaire_instable

Ce personnage se trouve le plus souvent seul. Abandonné des autres ou les ayant lui-même abandonnés, il crée un vide autour de lui afin de laisser plus d’espace pour ses problèmes qui sont nombreux. Embrumé par l’alcool, les drogues et les médicaments ou simplement troublé par des pensées noires ou des obsessions qui l’accaparent, son esprit entretient un rapport brouillé avec le monde. Il se voit donc poussé à errer à la recherche d’un sens à donner à sa vie. Seul et sans attaches, les idées suicidaires l’obsèdent dans de nombreux cas : c’est l’unique solution trouvée pour mettre fin à son mal-être. Ce personnage se retrouve donc la plupart du temps à mettre sa vie ou celle des autres en péril. Les relations avec son entourage et sa famille sont conflictuelles; il se voit souvent marginalisé. Sa triste destinée le pousse à fabuler ou à admirer de façon obsessionnelle les gens qui lui montrent un peu de compassion. Ses relations amoureuses sont vouées à l’échec. À l’occasion, le personnage est accablé par la maladie ce qui l’emmure dans un corps affaibli et dans des institutions hospitalières. La fatalité de son existence est en partie due à sa généalogie familiale, souvent doublée d’un problème psychologique présumé. Aucun signe ne laisse présager une amélioration de sa situation.

Des exemples notables :

Paradis, clef en main– Nelly Arcan ;

Antoinette devient paraplégique, à la suite d’un échec lamentable de la compagnie en laquelle cette dernière avait fondé ses espoirs suicidaires. Clouée au lit, le personnage est d’abord confiné à une solitude physique, le rendant dépendant des autres. Elle en vient à se complaire dans sa solitude, refusant, par exemple, que sa mère lui achète une chaise roulante. Le personnage dira avoir trouvé le bonheur dans une bouteille de vodka :“Mon Triangle des Bermudes où je m'enfonce joyeusement en me perdant de vue. C'est ça, être saoule. C'est ça, la drogue en général : échapper à soi-même en essorant son propre corps, faire voler en éclats sa barque alors même que l'on reste couché sur le dos, immobile, au fond du néant.” (p.36)

Univers, univers – Régis Jauffret ;

L’imagination de la femme dont il est question la mène vers un enfermement mental. Tout ce qui arrive entre la situation initiale et la situation finale est le fruit de son imagination. En effet, le personnage ne passe jamais à l’acte, il regarde simplement cuire son gigot, dans le four, et se laisse aller à la rêverie. Il s’agit d’une solitude mentale, tous les éléments actionnels sont intradiégétiques. La solitude réside dans cette panoplie de possibles, qui, en fin de compte ne relèveront jamais du réel du récit. L’instabilité du personnage réside dans le fait qu’elle saute mentalement d’un univers à l’autre où fait également fit des normes sociales et morales.

Le Vent dans la bouche – Violaine Schwartz ;

La solitude de Madame Pervenche découle d’une espèce d’obsession de sa part pour la sépulture d’une chanteuse française de l’entre-deux-guerres, Fréhel. En effet, Pervenche est présidente d’une association qui milite pour que la tombe de la chanteuse soit déplacée du cimetière de Pantin à celui de Montmartre. Le personnage connait une perte de la notion du quotidien, et elle s’isole, entrainée par son fanatisme. Elle est parfois dangereuse pour elle-même et pour les autres, quand les péripéties interfèrent avec son obsession. C’est cette imprévisibilité qui la rend instable.

Fleurs de crachat – Cathrine Mavrikakis ;

Le personnage de Flore Forget, chirurgienne de 45 ans, souffre d’une névrose reliée à son passé familial. Ce passé est décrit comme rempli de déboires. Le personnage accorde une très grande importance aux cicatrices de l’Histoire. Elle a des amours et des relations chaotiques. Elle présente une angoisse et une colère chroniques. Le personnage déborde d’une rage qu’il essaie de dissimuler à sa fille, ce qui l’isole de sa progéniture. C’est cette même rage qui sera à l’origine de son instabilité. Flore passe par la révolte, l’indifférence et l’euphorie, mais son instabilité se décèle surtout pendant sa phase de révolte : « Je n’avais plus rien dans la tête, sauf ce tchoutchoutchou sans fin, un long sifflement, un acouphène persistant qui fait que j’ai gueulé toute ma vie pour le couvrir. Il fallait que je hurle pour ne pas l’entendre, crier contre tout le monde, m’époumoner, bramer. […] J’ai craché sur tout le monde et sur moi-même avec. » (p. 164-165)

Sparadrap – Marie-Chantale Gariépy ;

Fugue, née en secret dans un hôpital, survit à sa mère, décédée en accouchant. La petite est alors placée dans un orphelinat. Elle souffre manifestement d’un trouble d’attachement relevant d’une instabilité dans le milieu familial de l’enfance. Le personnage a vécu dans plusieurs familles d’accueil. Elle présente des tendances suicidaires qui finissent par déboucher, à la fin du roman, par un accomplissement. En effet, le personnage de Fugue décède. Elle n’est pas du tout attirée par l’existence : « À partir de maintenant, c'est terminé, je ne veux plus entendre parler de moi. Je glisse, je me laisse glisser vers le fond sans fond quelque part à l'intérieur de moi, un endroit que je ne saurais nommer, un réduit plutôt minable en réalité. […] C'est le collectif qui est important, et collectivement, je ne vaux rien. Alors pourquoi insister pour faire de moi un être de société ? […] Ici, je ne comprends pas ce qu'on attend de moi. Je ne comprends pas ce que je dois faire, ni ce que je dois dire, je ne comprends pas pourquoi je dois me faire comprendre ni de qui ni au nom de quoi. » (p.51)

Espaces – Olivia Tapiero ;

La narratrice s’enferme dans une marginalité volontaire à cause du traumatisme d’avoir trouvé sa colocataire pendue. Elle se retrouve dans un état d’errance, cherchant un abri contre le monde, indifférente à l'endroit où elle se trouve. Le personnage se positionne d’elle-même en marge : “étranger, extérieur, en retrait du monde” et de soi (p. 107).

Les revolvers sont des choses qui arrivent - Véronique Marcotte ;

Arrielle est internée après avoir tué sa mère. Cela relève d’une déconnexion interprétative: elle pense avoir accomplie la volonté de sa génitrice. L’enfermement, au sens littéral, fait que le personnage n’a pas à interagir en société. Arielle accuse les circonstances pour la mort de sa mère, comme la présence d’un frère ainé imaginaire qui lui aurait dicté ces actes. Cela fait d’elle un personnage instable, dans cette volonté qu’elle a de constamment se dérober.

Rita tout court – Maxime Olivier Moutier ;

Rita, quadragénaire obèse, fait le long monologue de sa vie entourée de milliers de toutous. Elle souffre d’insécurité relavant de douloureux souvenirs (viol, coupure familiale, etc.) Elle est sédentaire et seule dans son appartement. Elle présente des difficultés communicationnelles dans ses conversations téléphoniques. Son instabilité est mentale, dans l’évaluation des possibilités alternatives de ses souvenirs.

Villa Bunker (mère, père, fils) – Sébastien Brébel ;

Le père et la mère du narrateur emménagent dans une villa située au sommet d'une falaise au bord de la mer. L'habitation est en bien mauvais état et il est impossible d'en faire le tour puisqu'elle semble prendre sans cesse de l'expansion tout étant labyrinthique. La mère tente infructueusement de communiquer avec son fils (il ne lit pas ses lettres). Le lieu physique des évènements, c’est à dire la villa, est changeant, donnant aux personnages des espaces indépendants, où ils se retrouvent seuls. On peut assister à la perte de contact complète de la mère avec les autres personnages ainsi qu’avec le monde extérieur. Elle hallucine un petit être, qui est le fruit de son imagination et qui sera sa seule source d’interaction sociale. Le père s’enferme volontairement dans une tour de la villa, à laquelle il accède par un escalier secret, perdant également tout contact avec les autres personnages. Il est possible, selon la narrativité complexe et brouillée, que ce personnage ne fasse même pas partie des évènements du récit, ayant peut-être été imaginé par la mère. Quant au narrateur, il ignore volontairement et délibérément les tentatives de sa mère de communiquer avec lui, par le biais de lettres. Il s’acharne sur « une thèse qui était devenue avec le temps une obsession monopolisant tout mon temps et toute mon intelligence, une obsession qui avait éteint toute curiosité et tout intérêt pour ce qui échappait à la sphère de mes préoccupations philosophiques, une idée fixe qui avait fini par tuer toute sympathie pour le monde et qui m'avait finalement coupé du monde, qui m'avait rendu indifférent à tout en effet, y compris et surtout à moi-même, incapable que j'étais de m'intéresser désormais à autre chose qu'à Foucault » (p. 114-115).

Charlotte before Christ – Alexandre Soublière ;

Les deux personnages, Charlotte (jeune danseuse contemporaine qui vient d’une famille modeste) et Sacha (jeune adulte universitaire souffrant d'arthrite douloureux et venant d’un milieu aisé), sont habités par une rage et un mal-être. Ils ont aussi une lucidité extrême par rapport au monde qui les entoure, dont ils ne souhaitent pas faire partie. L’amour dévorant qu’ils se vouent l’un à l’autre les empêche d’interagir avec d’autres entités. On assiste, de la part des personnages, à une isolation volontaire, une marginalisation délibérée par la prise de drogue et des expériences extrêmes. Par exemple, Charlotte finit par tuer un sans-abris en lui offrant un café rempli d’insecticide.

Les murs – Olivia Tapiero ;

La narratrice est en proie à des pulsions suicidaires qui la mènent à un isolement physique relevant de l’hospitalisation. Le personnage, dans sa volonté de se couper du monde, tente de ne rien ressentir. Sa seule recherche, dénuée de relations interpersonnelles, est la mort. Elle refuse volontairement de s’attacher à quiconque, elle vouvoie les autres et les appelle par leur rôle plutôt que par leur prénom : « ils sont tous là à un autre niveau. C'est ça, la vraie solitude : non pas être seul sur une île, mais parler une langue étrangère dans une foule. Les personnages, c'est comme ça que je fonctionne, c'est plus facile, on n'affecte pas un personnage, on ne s'y attache pas non plus. Je ne sens rien, tout ce que je fais est insignifiant, inconséquent […]. Tout est calculé, ils ne sont pas des gens et moi non plus, nous sommes tous des rôles, des mots, des notions; je suis la notion de malade, et eux, celles des infirmiers, des médecins, des psychiatres, des professeurs, des amis, des parents. Ils n'ont pas de noms. Je leur dit tous “vous” » […] (p. 30).

Certainement pas– Chloé Delaume ;

Le docteur Lenoir, dans une enquête inspirée du jeu de Clue, tente de démontrer qu'il a été assassiné par six personnes avec six armes différentes. Les personnages sont alors tour à tour présentés. Il n'y a pas vraiment d'intrigue, puisque la narration est complètement décalée. Le livre se contente, en quelque sorte, de présenter six êtres. Deux personnages sont plus intéressants que les autres du point de vue de l’instabilité et de la solitude. D'abord, Mademoiselle Rose, amnésique, a une vision utilitariste des autres, elle présente un refus de retrouver la mémoire. Elle se complait dans l’état de solitude mentale amené par la maladie. Son instabilité réside dans ses souvenirs troublés, voire inexistants d’elle-même. Vient ensuite le Docteur Olive, qui s’ennuie profondément. Il fait l’achat de jouets pour fuir cet ennui, développant ainsi un comportement relevant presque de la psychopathie. Le personnage coupe tout contact hors de la salle de jeux. Il présente un isolement volontaire.

Tarmac– Nicolas Dickner ;

Alors qu'il se balade aux alentours du stade de baseball, Michel Bauermann, seize ans, fait la rencontre de Hope Randall, nouvellement arrivée à Rivière-du-Loup, un après-midi de canicule de 1989. Hope est un personnage excentrique et est en proie à des visions de la fin du monde, pour laquelle elle développe une obsession. Elle est un personnage errant, elle se marginalise par son comportement de fuite. Elle partira en voyage en Asie, se coupant du personnage de Michel. Ce départ impulsif traduit l’instabilité du personnage. Quant à Ann, la mère de Hope, elle souffre d’un déséquilibre mental et d’une dépendance à l’alcool. Elle est en coupure avec le reste du monde, notamment de sa propre fille, se déployant sous une forme d’indifférence flagrante. D'ailleurs, elle ne remarquera même pas le départ de Hope pour l’Asie.

Et au pire, on se mariera – Sophie Bienvenu ;

Aïcha, 13 ans, a été la proie d’un traumatisme sexuel avec son beau-père. Cela et le fait de détester sa mère sont toutes des causes de la solitude et de l’instabilité d’Aïcha. Elle développe une obsession pour son ami Baz, un homme plus âgé. Son comportement personnel et sa compréhension très ardue des relations et du monde en général la font mentir, ce qui l’isole encore davantage. Elle ne comprend pas que Baz ne l’aime pas. Tous ces comportements sont d’un flagrant et presque dérangeant déséquilibre.

Mon cœur à l’étroit – Marie NDiaye ;

Nadia et son mari, Ange, sont professeurs dans une école primaire d’une petite communauté. Très soudainement, le regard que leur entourage porte sur eux change drastiquement. Tout à coup, on les insulte et les rejette. L’orgueil et l’infidélité de Nadia leur amèneront, à elle et son mari, les persécutions de l’entourage. Leur isolement vient du rejet qu’ils subissent. Ils inspirent horreur et aversion pour tout le monde. Ils sont insultés et traités comme des parias. Dans cet état de solitude, ils refuseront l’aide de la seule personne prête à leur tendre la main, ce qui est caractéristique d’une certaine instabilité de leur part. Le monde devient, pour la narratrice, complètement illisible.

Faire l’amour – Jean-Philippe Toussaint ;

La rupture relationnelle entre le narrateur et Marie, son amoureuse, est clairement l’évènement de rupture dans le roman. Le narrateur a des poussées d’agressivité. Il erre à Tokyo dans le souvenir de Marie. L’errance et le comportement violent dénotent tous les deux cette instabilité du personnage.

Les restes de Muriel – Patrick Boulanger ;

Après le suicide de Muriel, son ex-compagne, Marc s’isole dans son appartement dans le souvenir de celle-ci, ses rapport avec les femmes étant toujours extrêmement ardus et il se laisse déchoir. On peut noter une instabilité dans la violence et la colère qu’il ne parvient pas à réprimer. Il est aussi en proie à une instabilité mémorielle. Il se demande si un chose et bel et bien arrivée ou non.

Le sermon aux poissons – Patrice Lessard ;

Le couple mis en scène vit une séparation transatlantique, non désirée par Antoine, bien qu’il en soit la cause. Il est laissé seul à Lisbonne, alors que sa compagne est rentrée à Montréal. On assiste à une instabilité actionnelle et une errance de sa part. Le personnage démontre une volonté de rester seul à Lisbonne, sans raison apparente et bien qu'il s'ennuie de sa copine : « Ça me rassure d'être en périphérie, d'être loin […].»(p. 121)

Pour une dernière fois je m’abaisserai dans tes recoins – Patrick Drolet ;

Un homme est habité d’une phobie de sa propre mémoire qui n’est pas justifiée par un quelconque évènement. Son comportement violent et impulsif n’est alors pas explicable. Une violence se manifeste en rapport avec cette phobie. Agissant de façon impulsive et irrationnelle, l’isolement semble parfois être la conséquence des actes du protagoniste. Par exemple, il enferme le vicaire dans le confessionnal de l'église.

L’excavatrice – Boris Schreber ;

Le récit est en réalité un non-texte qui s'écrit quand même et dans lequel des bribes de l'univers du récit nous parviennent. On comprend qu'à la suite d’une rupture avec sa femme, le personnage narrateur s’isole dans l’écriture, avec laquelle il entretient un rapport de non communication (ne rien dire par l’écriture). Nous comprenons que ce dernier vit un sentiment de solitude à cause de l’hermétisme de ses textes. Même par rapport au lecteur, avec qui il tente de ne pas communiquer tout en écrivant quand même, il s'isole. L’instabilité du protagoniste réside quant à elle dans la forme qu'il donne à ses écrits et l'absence d'information sur l'intrigue (s'il y en a une). Finalement, c’est dans sa relation au lecteur que s’articule le flagrant déséquilibre du personnage.

La mort de Blaise – Luc Mercure

La narrateur vit l’échec de sa carrière de musicien, ce qui le mène vers un sentiment d’inutilité. Son détachement par rapport au monde est illustré par une vie oisive, voire contemplative, en compagnie de nombreux chats. Il n’a que très peu de contact humain et sa volonté d’agir n’est jamais suffisante, comme quand il n’arrivera pas à traverser le seuil de la porte de son ami Thierry. Il aura des actes autodestructeurs pour des raisons quasi-inexplicables. Il est aussi important de noter la présence d’un ami imaginaire qui meuble sa solitude. Il parlera de sa propre inutilité qu’il décrit comme étant insurmontable.

Un homme effacé – Alexandre Postel ;

Damien North est veuf. À la suite d’une accusation de pédophilie, il sera emprisonné. L’enjeu réel de l’intrigue, la solitude, se déploie par le fait-même d’être emprisonné. Il est aussi démontré que le personnage se résigne à cette même solitude, ne souhaitant pas que les autres le comprennent ou le sorte de cette situation. De retour chez lui, il entretient sa solitude et la décrit comme un besoin. Son instabilité réside dans le fait qu’il ne comprend pas les conventions sociales. Il est pour lui-même un mystère. La perception qu’il a de lui-même est en constant changement, ce qui amène son caractère instable : « Lui-même était à ses propres yeux un mystère, une énigme. Mais s’il était incapable de connaître, pourquoi attendait-il des autres qu’ils le comprennent ? Ils ne pouvaient rien pour lui. Ce n’était pas leur faute; simplement ils ne pouvaient rien. Entre eux et lui, il n’y aurait jamais rien d’évident. Monstre hier, aujourd'hui victime : tout ce qui avait changé, c’était la nature du malentendu. Mais le malentendu lui-même, le malentendu persisterait jusqu'à la fin des temps. » (p.207)

La volière – Annie Chrétien ;

Un homme, le traducteur, qui ne se souvient plus de rien, se demande ce qui est arrivé à sa femme. Celle-ci s'est volatilisée avec la voiture. Son imagination est liée à son instabilité psychologique. Ne se souvenant pas de ce qui est arrivé à sa femme, le personnage se terre dans l’isolement complet, ayant pour seule compagnie son imagination et ses fruits : « Le traducteur s'était-il vengé? […] Était-il ce genre d'homme? Était-il le plus cruel des deux? […] Il ne se souvenait plus de rien, ne se rappelait pas. Vide, vide, vide. Une coquille vide, une tête emmurée. […] Quel genre de famille avaient-ils formée? Par quel genre d'absence étaient-ils habités? » (p. 58)

Du mercure sous la langue – Sylvain Trudel ;

Frédéric Langlois est un adolescent hospitalisé, dont la mort est imminente. Ces circonstances occasionnent une introspection sérieuse. Cet isolement est presque un recueillement, malgré ses quelques liens avec les autres personnages de l’hôpital. Sa lucidité le mène vers une solitude et une instabilité intellectuelle. Il a l’impression que personne ne peut comprendre le monde comme lui le comprend. C’est ainsi que s’inscrit un déséquilibre social dans la vie du personnage. Il perçoit la sympathie de son entourage comme de la pitié. Il présente une certaine prétention de tout connaitre et un certain défaitisme : « Ça paraît peut-être pas aux yeux crevés qui m'entourent, mais je suis plus humble, plus généreux et plus humain que jamais, mais ma façon d'être humain leur est si étrangère qu'ils n'y voient que de l'inhumanité. » (p. 92)

Le jour des corneilles – Jean-François Beauchemin.

Le personnage, narrateur, est orphelin de mère. Il est traumatisé de sa vie d’ermite, seul avec son père violent. Il a grandi dans un isolement de la société, dans une cabane dans les bois. Il a une capacité langagière et relationnelle très limitée, expliquant son instabilité communicationnelle et sociale. Le personnage finit par tuer son père (violence). L’isolement se fait sentir à travers son langage propre et hermétique et à travers son caractère dysfonctionnel. Il ne sait pas agir en société.

Nue - Jean-Philippe Toussaint

Le narrateur revient de l’île d’Elbe où il vient de passer des vacances en compagnie de son ancienne copine, Marie, avec qui il a espoir que les choses s’arrangent (qu’ils recommencent bientôt à vivre ensemble). Deux mois s’écoulent pendant lesquels le narrateur attend qu’elle l’appelle, et seul dans son nouvel appartement, désœuvré, il se remémore les quelques jours au Japon qui ont suivi leur rupture. Sans Marie, il est désœuvré. Il erre, se perd et il est angoissé par l'absence de celle qu'il aimait. Jamais il ne prend d'initiative pour un quelconque rapprochement. Il est dénué de notion du temps. Il ne voit et ne ressent que des fragments de moments, de conversations et de bruits. Bref, c'est lorsqu'il est seul qu'il est instable. Lorsque Marie reprend contact avec lui, ses points de repère se redéfinissent.

Polaire - Marc Pautrel

Le personnage aimé du narrateur, une femme dans la trentaine, est bipolaire. Leur relation est conflictuelle dans le sens ou l'amour du narrateur n'est pas rendu, ou seulement en partie. Cette femme comprend le monde que de façon erronée. L'instabilité qu'occasionne sa maladie mentale lui empêche d'entretenir une relation de façon constante, et d'agir de façon cohérente dans l'univers du récit. Au chalet de ses parents, elle consent à faire l'amour avec le narrateur: «Je la caresse encore, elle réagit à peine. Pourtant, je vois que le corps lui-même est excité, physiquement les réactions sont là. Mais son cerveau semble ne pas pouvoir suivre son corps, sa tête pendant une demi-seconde me paraît une tête rapportée sur un autre corps.» (p.123)

Les lisières - Olivier Adam

Paul Steiner est un écrivain qui a quitté la banlieue parisienne où il avait grandit pour aller s'établir en Bretagne avec sa femme, Sarah, et leurs deux enfants. Sauf que Sarah vient de le quitter et que ses parents décident de vendre leur maison pour aller habiter une résidence pour personnes âgées. Expulsé de chez soi, de sa vie, Paul retombe alors dans ce qu'il appelle la Maladie. Cette maladie est marquée par des symptômes d'anorexie et de dépression, qui reviennent sporadiquement lorsque les choses tournent mal. Son existence est marquée par une certaine fatalité. Il ne se sent nulle part à sa place, ni parmi les bourgeois, ni parmi le peuple. Ses efforts pour reconquérir sa femme seront toujours vains, sauf quand il réussira à la convaincre de repartir avec lui en voyage au Japon.

Je vole - Mathieu Belezi

Dans une ville au bord de la Méditerranée, un ancien comptable dans la quarantaine, asthmatique, divorcé qui peine à payer la pension alimentaire, chômeur qui n'aura bientôt plus droit à l'assurance-chômage et dépressif à temps presque plein, n'a droit qu'à quelques rares instants de bonheur lorsque, le dimanche, il peut passer quelques heures avec sa fille. Abandonné des autres (son ex femme, plus précisément), il est incapable de retrouver l'amour. Il se fait une nouvelle copine pour la perdre aussitôt. Seul et sans espoir, il profite finalement de sa rencontre du dimanche avec sa fille pour se suicider, l'emportant avec lui.

Le culte de la collision- Christophe Carpentier

Adolescent à tendance psychopathique de dix-huit ans, Tanguy Rouvet s'embarque dans un périple qui durera plusieurs mois et le conduira à Dijon, Chamonix, Toulon et El Elijo en Espagne. Ce dernier tue sa mère, est recueilli par une famille dijonnaise chez laquelle il change d'identité. Après un dur périple en montagne, il est hébergé par un couple chez qui il change encore une fois d'identité. Il devient ensuite un errant en compagnie de sans-papier marocains avant de faire partie d'une bande de gangsters russes. Toute l'aventure de Tanguy/Hadrien/Michael est teintée d'une agressivité flagrante et incontrôlable: il a tué sa mère, a tranché la gorge d'un homme (son ancien agresseur), et met le feu au camp des marocains, ainsi sa bande de russes est épatée par son potentiel de gangster brutal. L'errance fait aussi partie du quotidien du personnage, lui qui, avant d'arriver à Dijon a vécu un long moment seul en forêt, puis en montagne, dans les Alpes. Il recherche partout une sorte d'intensité qui le pousse à commettre l'indicible: “Il sait qu'il mène la seule existence qu'il mérite de vivre, parce que nulle autre existence ne lui conviendrait mieux que celle-ci, précaire et affligeante, horrifiante et cynique, qui ressemble à une collision permanente, une collision à laquelle il voue un culte sans bornes, ce culte de la collision qui seul est capable de mobiliser de façon optimale son énergie physique et psychique afin de se nourrir en continu de cette formidable cruauté qui fait battre le cœur du monde.” (p.279)

Speranza - Laurent Chabin

Robinson, un naufragé, est seul sur son île. Il est sujet à plusieurs hallucinations. Par exemple, il imagine la présence des deux indigènes, Vendredi (de qui il tente de faire son esclave) et Vendredie (qu'il désire). Sa relation avec ces personnages imaginaires le poussera dans ses retranchements, le menant vers la solitude, l'agressivité, la peur, etc. Il tue, par exemple, un étranger armé, arrivé par bateau. Le lecteur ne peut être sûr que cet étranger soit réel ou imaginé par le protagoniste.

Chambres noires - Nicolas Charette

Victor est alcoolique et se drogue régulièrement. Il s'ennuie de Nina, à qui il s'adresse en écrivant. Sa rechute dans l'alcool le pousse à délaisser son travail de photographe et lui fait perdre le contrôle de ses actes. Quand il sort pour acheter de l'alcool, il erre dans la rue et rencontre d'autres alcooliques. L'alcool et la drogue occasionnent une rupture entre le protagoniste et le monde. Pour le lecteur, il donne l'impression d'être une bombe à retardement, toujours susceptible de faire quelque chose de dangereux ou de condamnable, seulement parce qu'il ne se sent pas bien ou n'a pas toute sa tête.

Sous pression - Jean-François Chassay

Un homme dont la réussite professionnelle est inversement proportionnelle à la réussite de la vie personnelle décide de se suicider. Néanmoins, avant de passer à l’acte, il annonce son choix à plusieurs de ses amis, qu’il rencontre et qui, à leur tour, tenteront de le démotiver en abordant l'importance de vivre et ce, sous plusieurs angles. Le personnage est démotivé. Sans être complètement désorienté, il peine à imprégner le monde: il est d'ailleurs ignoré de plusieurs. Son état s'explique par le fait qu'il est un mort en sursis: il se voit plus comme une pierre tombale que comme un humain. Au final, le protagoniste prend toutefois la décision de se tuer, comme l'indique la dernière phrase : “ […] et maintenant ? En effet : maintenant. Il y a des limites à tergiverser.”

Une enfance à perpétuité - Pierre Drachline

L'« enfant » est un homme, anonyme, qui a décidé de « vivre une enfance à perpétuité ». Sec, laid, peu attiré par les autres - sauf peut-être par les vieillards qui lui rappellent sans doute sa grand-mère - et somme toute assez peu attirant, il ne se fait pas remarquer et vise l'anonymat. Il s'exclut volontairement de toutes réjouissances, préfère les bains de sang des révoltes populaires. L'enfant agit assez correctement dans le monde (il a un travail, éventuellement une petite amie) mais s'y regarde évoluer sans sentir qu'il en fait partie. « Ses gestes ont une lenteur accablante. Il connaît son rôle d'automate jusqu'à la moindre réplique. Il s'est juré que nul ne s'apercevrait jamais des tempêtes qui l'habitent. Sa banalité rassure. Il est la caricature d'une après-guerre qui n'a jamais déposé les armes. Mais sous sa placidité, la violence et le désordre attendent l'hallali. » (p.37)

L'homme qui plus pesait plus lourd nu qu'habillé - Jérome Élie

Un homme, dont le nom restera inconnu, est l’inventeur d’une machine appelée Verity, qui peut détecter l’honnêteté des propos en évaluant les fréquences de la voix d’une personne. Alors qu’il atteint le sommet de la gloire, l’homme se sent de plus en plus seul. Il comprend que, bien que sa machine puisse indiquer si les propos de quelqu'un sont vrais, elle ne peut pas l’aider à connaître la vérité sur lui-même. Rapidement, Verity se voit remplacée par une nouvelle invention, Luv, et l’homme tombe dans l’oubli. Lors d’un rendez-vous de routine chez le médecin, l’homme découvre qu’il pèse plus lourd nu qu’habillé. Cette énigme médicale le rend à nouveau célèbre, mais, cette fois-ci, le monde jette un regard plus froid sur lui. L’homme se sent rejeté, non seulement par ses amis, mais également par la science elle-même. Bien qu’il ait réussi à inventer la machine Verity, il n’est pas à l’aise avec son succès et il se retire dans un chalet. Il devient ensuite populaire à cause de l'énigme médicale, mais ceci éloigne encore davantage l'homme de son entourage. Après ce retrait, il devient passif et subit ce qui lui arrive plus qu’il ne le provoque. Il ne semble plus trouver de motivation à vivre sa vie, car il n’en comprend plus le sens. Il ne va pas au bout de ses intentions. Finalement, lorsqu'il se décide enfin à aller retrouver la femme qu'il aime, il meurt dans un accident, étant encore victime de son monde. Son instabilité réside dans cette attitude d'abandon qu'il adopte en même temps que les autres par rapport à lui-même.

Dée - Michaël Delisle

Dans les années 50, dans les campagnes de la rive sud de Montréal, une jeune femme, Dée, tombe enceinte d'un homme, Sarto, et ses parents s'entendent pour qu'elle l'épouse. La maison fin prête, le couple s'installe, et Dée se retrouve seule avec un ménage à entretenir et un bébé à élever. La solitude l'écrase : elle épie les voisins sans oser les aborder et trompe l'ennui en ayant une brève aventure avec le livreur de journaux. Quand Sarto l'apprend, il entre dans une colère noire et informe la mère de Dée du comportement de sa fille. Tous la poussent à consulter un docteur, qui la gave de pilules. Cette consommation de médicaments l'engluera dans le sommeil. Les problèmes avec sa famille découlent du fait qu'elle entretient peu de rapports affectifs avec les autres, malgré leur proximité géographique. Sa relation avec Sarto semble reposer plus sur un désir d'avoir de l'attention que sur de l'amour. Sa relation avec son bébé est marquée par l'irritation, même une sorte de haine. Par exemple, elle pensera « Meurs… Meurs… Meurs donc…» (p.107)

Madame Diogène - Aurélien Delsaux

Madame Diogène vit seule, à l'abri dans son appartement crasseux. Elle s'est entièrement coupée du monde extérieur et son seul souci est d'en demeurer absente. Malheureusement pour elle, la puanteur et les insectes indésirables qui s'échappent de son appartement attisent la colère des voisins qui voudraient bien la voir expulsée. Finalement, alors que son immeuble est en feu, elle demeurera couchée dans sa crasse et se laissera brûler. Ainsi, l'action de Madame Diogène n'est pas menée par la logique, mais bien par ses affects. Or, les choses qui lui apportent confort et réconfort sont plutôt inusitées. Pour elle, l'odeur de son abri n'est pas dérangeante : c'est l'air du dehors qui l'est. Personne ne la comprend, tous la trouvent folle. De son côté, elle ne se soucie pas des convenances. Ce que les autres pensent d'elle ne l'affecte pas. Ses peurs et ses angoisses la font parfois halluciner ou simplement croire des choses peu probables. Par exemple, alors qu'elle voit une foule de manifestants dans la rue, elle pense qu'ils sont venus pour elle. Il faut dire que les menaces constantes de ses voisins alimentent son comportement paranoïaque. Toutes ses réactions sont marquées par la peur et le sentiment d'avoir à se défendre. Pour cela, elle va même jusqu'à mordre une femme au visage.

Flou - Marie Lefebvre

Nous suivons Francesca, dont l'histoire est narrée par sa soeur. Lorsqu'elle était très jeune, Francesca était à l’écart des autres. La narratrice tente de comprendre ce qui lui est arrivé, car Francesca s'est défenestrée. Puis, on nous raconte sa vie: son anorexie débutée à l’adolescence, ses expériences traumatiques avec des hommes plus âgés qu’elle, son isolement et son temps passé dans son lit à ne rien faire. Elle décide de devenir photographe. Entre quelques voyages à Rome, elle rencontre David, qu’elle désire posséder. Ce dernier s’intéresse à sa colocataire, mais Francesca vit tout de même une histoire d’amour avec lui. Incapable d’atteindre ce qu’elle veut atteindre, Francesca se suicide. Elle tend à s’égarer dans le monde, à ne plus trop savoir où elle en est, à interpréter les choses de façon confuse. Le monde est flou autour d’elle, et par rapport à elle: « Avec Francesca, il n’est pas question de liberté ni d’affranchissement. Ce serait l’ère de l’ambivalence. » (p.77)

Ceux d'à côté - Laurent Mauvignier

Un homme, dont on ignore le nom, passe ses journées à marcher dans la ville et à fréquenter les mêmes lieux. Au début, c'était par espoir de revoir celle qu'il dit avoir tuée. Le personnage erre sans but, sans intention, sans réels motifs. Il ne se sent pas concerné par le monde. Rien ne l'a jamais intéressé. Par le passé, auprès de ses proches, il faisait semblant de vouloir les mêmes choses que tout le monde pour avoir l'air normal. En fait, il se sent en marge de la société, invisible aux yeux de tous (il a du mal à regarder son propre reflet dans le miroir), incapable d'agir pour transformer son existence. Il est tourmenté par son passé, dont on connaît très peu de chose, et surtout par l'acte meurtrier qu'il a commis. Il n'arrive pas à accepter le geste irréparable qu'il a perpétré dans une perte contrôle.

Deuils cannibales et mélancoliques - Catherine Mavrikakis

Le personnage de Catherine semble vivre dans l'attente de la mort. C'est une personne silencieuse et souffrante ayant tenté à plusieurs reprises de se suicider. Toutefois, elle échoue sans cesse. Elle affirme aussi que la pensée suicidaire est héréditaire. Elle semble vivre pour la mort. Il n'y a pas d'intrigue, bien que la narratrice décrive les deuils consécutifs de ses amis, à peu près tous nommés Hervé.

ranx/le_solitaire_instable.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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