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Notice bibliographique : BOUYSSI, Nicolas, Le Gris, Paris, POL, 2009, 218 pages.

Résumé de l’œuvre :

Le personnage principal cherche une Idée. Une Idée qui guidera sa vie er changera la société. Voilà son projet, son objectif : la trouver. Pour cela, il a quitté sa vie, son travail, sa maison, sa conjointe, Anne, avec qui il prévoyait faire des enfants. Pour voir s’il trouverait mieux en changeant de contexte. Il demeure maintenant dans une ancienne tour de logements sociaux que la ville refuse de réhabiliter et vit dans une tension permanente de peur d’être découvert et expulsé. Il dort dans un sac de couchage avec des chats errants, se débarbouille dans les toilettes publiques et se nourrit de nourriture volée. Car depuis trois mois, il s’est mis à voler : avec d’autres gars, il dévalise les camions de livraison mis au service des grandes surfaces. Il n’aime pas ça, participe aux vols sans conviction, presque contre son gré. Ses complices, eux, prétextent agir contre le capitalisme, contre la façon dont fonctionne la société; un discours politique monté de toute pièce motive et soutient leur démarche (voir p. 127). De plus en plus de gens s’adonnent à ce genre d’action et les vols sont de plus en plus nombreux, à un point tel que la police doit prendre des mesures spéciales pour protéger les livreurs. Au fil du récit, s’apercevant que sa subjectivité lui échappe de plus en plus et croyant que le vol et la violence ne constituent pas la bonne méthode, le personnage tentera d’échapper à cette vie dans laquelle il s’est empêtré. Anouck, une fille que son ami Vincent lui a présentée et qui l’intéresse beaucoup, est pour lui comme un appel d’air. Même si Anouck trempe aussi dans le monde du vol et que leur premier rendez-vous se passe très mal, il décide finalement d’être sincère avec elle; pendant quatre heures, il lui raconte sa vie et ses réflexions. Si le fait d’être incompris d’Anne l’avait conduit au fatalisme, il a maintenant en face de lui une femme qui peut le comprendre. À la fin du récit, il tentera d’aider ses complices voleurs à se sauver de la police tout en tentant de se sauver lui-même de sa situation, mais l’histoire s’achève sans qu’on sache s’il réussit réellement.

Narration : autodiégétique

Explication : Le personnage principal parle au « je ».

Personnage(s) en rupture : Le personnage-narrateur
A) Nature de la rupture : Actionnelle / Identitaire / sociale ?

Explication : Le personnage-narrateur se coupe de sa vie et transforme drastiquement sa manière d’agir. Menant une vie confidentielle et itinérante, il n’a plus de repère identitaire. D’ailleurs, le lecteur ne connaîtra jamais son prénom. À Anouk, il dit s’appeler Joseph, alors que pour Vincent, il est Pierre, et pour ses complices voleurs, il s’appelle Jérôme. En fait, il déteste le prénom que lui ont donné ses parents. Aussi, la coupure qu’il a instaurée entre lui et le monde social est manifeste : le personnage n’est pas capable de rester seul, mais demeure extrêmement tendu lorsqu’il est accompagné, car il ne veut rien dévoiler de lui. Ces quelques citations en témoignent :

« mes rares amis […] me servent à rester secret. » (p. 18).

« Tant mieux si on ne peut pas me faire confiance et que mon caractère leur échappe. Tant mieux si j’apparais souvent variable […]. » (p. 54).

Dans la perspective du premier souper avec Anouck : « si je reste fidèle à mon programme, au lieu de me révéler, loin de l’accueillir et de me prêter au rituel de l’interview, je vais devoir passer une soirée d’hypocrite et pleine de poses, à noyer l’essentiel dans l’accessoire, à prendre les mots avec des pincettes, à me faire passer pour ce que je ne suis pas. » (p. 39).

Enfin, toutes les références aux œuvres connues, aux noms propres, de personnes célèbres ou de villes, sont remplacées pas des petites étoiles, ce qui contribue à ne pas ancrer le personnage dans la réalité et à le laisser en marge du social.

B) Origine de la rupture : La société

Explication : La révolte que le personnage ressent contre la société est à la source de sa rupture avec le monde. Selon lui, ses problèmes découlent du fait qu’il réside dans son époque :

« La société l’a voulu, car après tout je reste enfant de mon siècle. » (p.94).

« Je refuse d’être cynique et désenchanté. Comment m’abstraire de cette époque. » (p.96)

De plus, le personnage a l’impression de perdre sa subjectivité et il jette encore tout le blâme sur la société : « ma recherche d’idée avancerait peut-être plus vite si je lavais mon expression de tout ce qui est construit dans la société pour la rendre merdique, contestataire et réactive; de ce qui la contamine sans que je le veuille. […] La subjectivité a été remplacée par la spontanéité. Du coup, c’est tout le discours à la première personne qui est désormais suspect, contaminé qu’il est par la pornographie, l’angoisse, la mauvaise conscience politique, la peur d’être ridicule, la technique, le journalisme, les médias et les ″télé″. […] L’individu est en train de disparaître […]. » (p. 83).

Le personnage voudrait plutôt être fidèle à lui-même, à ses changements et ses contradictions, en privilégiant l’incohérence et l’avenir (p. 83). Au fil du récit, il tentera d’« aller de l’avant, ne rejoindre personne, ne m’identifier à personne. Risquer le ridicule et s’y noyer peut-être. En tout cas, ne dévier à partir d’aucun discours constitué préexistant, abandonner tout principe qui semble dans l’air du temps. » (p.128).

C) Manifestations : Actionnelles

Explication : la rupture du personnage-narrateur se manifeste par ses actions. Il a quitté sa vie, s’est marginalisé, mais ne sait pas davantage quoi faire : « je ne sais plus où j’en suis et peu importe. Ce n’est pas la première fois que ça m’arrive. Je dirais même que ça fait partie de mon rythme. » (p. 85).

Il se rend compte que ses actes ne répondent pas à ses déterminations et par conséquent, les remet en question : « en quoi ai-je avancé? Je me suis allié avec des fripouilles, j’ai volé dans des supermarchés, j’ai mis au point une organisation dont je ne profite pas, toujours parti ailleurs que là où je le souhaiterais, à remplir mes journées de choses que je ne veux pas faire, à mettre ma volonté et dépenser mon énergie au service de causes que je ne soutiens pas, de situations non désirées, où je ne me reconnais pas, où je ne m’incarne pas, où je me vide et m’étiole au contraire. » (p. 58).

En effet, comme il le dit lui-même, l’organisation de Blacas, le chef de la bande de voleurs, « commence à l’emporter sur la mienne. C’est d’autant plus incroyable que je les ai rejoints pour ne plus être commandé. » C’est-à-dire, ne plus être commandé par les obligations sociales qu’impose le fait d’avoir une maison, un travail, etc. À sa grande déception, sa vie actuelle s’avère aussi contraignante que l’ancienne…

De plus, dans cette vie-ci, il ne vit pas vraiment : « depuis plusieurs mois, j’habite dans des sortes de limbes; le réel que je côtoie se déplie sans être enthousiasmant […]. » (p.90). Il prend conscience d’avoir accumulé les deuils et de vivre maintenant loin de tout. Il trouve que sa vie est pauvre, questionne son utilité à exister.

En fait, lorsque commence le récit, le personnage est à la recherche d’un tableau (l’autoportrait d’un peintre) aperçu dans un château alors qu’il avait 12 ans. Aux dires de sa mère, à l’époque, ce tableau semblait le représenter dans le futur, alors qu’il aurait 30 ans (l’âge qu’il a approximativement alors qu’il raconte ce récit). Ainsi. Puisqu’il ne sait pas quoi faire pour trouver son idée géniale, il entend se laisser influencer par ce qu’il apprendra de la vie du peintre de l’autoportrait, Jacques Dorelet. Or, il découvre par la suite que la vie du peintre était banale, aussi banale que la sienne et donc, non seulement il ne peut s’en inspirer, mais a l’impression d’être le Jacques Dorelet, c’est-à-dire l’homme commun, de son époque. Cela lui est très pénible : « dix ans de réflexion réduits à néant. Est-ce possible que je n’aie rien pensé de plus […] : démoraliser la société comme tout le monde; vouloir la changer comme tout le monde? Je me sens si mal […]. Je m’observe dans un des miroirs : tu t’appelles Jacques Dorelet et te voilà bien. Mais c’est impossible, je ne peux pas être à ce point rien, ma pensée ne peut pas être aussi proche de celle des autres. J’ai quand même bien dû, depuis dix ans, penser quelque chose de personnel. » (p. 118).

Peu à peu, le personnage se dit que « [l]’action n’est peut-être plus la bonne solution » (p.97), et « [l]’inaction est en train de [l]e tenter » (p.97). Lors d’un vol il ne fait rien, et lorsque son compère vient le visiter pour l’accuser de n’avoir rien fait et de ne plus être des leurs, il ne fait rien pendant un long moment avant de finalement trouver un moyen de se débarrasser de cette visite indésirable. Aussi, dès qu’il a une idée d’action, il questionne l’intérêt de la commettre et en fin de compte, ne la fait pas. Il semble plutôt attendre qu’il se passe quelque chose sans qu’il ait à agir. Il pense que son corps et son esprit seront influencés par les lieux qu’il fréquente : « si dans trois mois rien n’arrive, si mon corps n’a rien produit qui me satisfasse, je recule, j’abandonne, je recherche un métier, j’arrête de me prendre pour ce que je ne suis pas […]. Je passe un concours puis j’achète une maison et je fais des enfants. » (p. 103) La dernière phrase de ce passage est en italique dans le texte, comme s’il s’agissait d’une autre voix que la sienne, comme si c’est ce que la société lui prescrivait plutôt que ce qu’il se prescrivait lui-même.

Bref, le personnage est plutôt indéterminé à agir : « J’étais toujours dans l’incohérence, je ne prévoyais toujours rien. » (p.208). Vers la fin du récit, il se trouve à la croisée des chemins, doit en quelque sorte choisir son camp, ou disons, l’orientation que prendra sa vie. Serge, l’un des voleurs qui s’est fait arrêter, rencontre le personnage pour lui offrir de se ranger du bord de la police en leur livrant les autres de la bande, ou bien, c’est lui qu’il livrera. Ne voulant ni finir en prison par respect pour son ancienne vie, ni trahir la bande qu’il veut pourtant quitter, le personnage s’enfuit : Je me suis éloigné et je n’ai rien ressenti de précis; la sensation vague, peut-être, que je n’avais pas aidé Serge à s’en sortir. Mais je n’avais rien fait non plus pour que Blacas soit pris. J’étais resté extérieur au terrain sur lequel de plus en plus de monde voulait me faire entrer. » (p. 191).

D) Objets :La volonté de changer la société ?

Explication : …

E) Manifestations spatiales : ...

Lieux représentés : …

Explication : …

F) Autres citations pertinentes

« les gens n’arrivent pas à vivre par eux-mêmes, ils sont passionnés par les drames, l’action et l’apparence. » (p. 51).

« il y a les tenants de l’action, ceux qui croient en la volonté et qui considèrent comme nihilistes ou défaitistes ceux qui n’agissent pas. IL y a également les tenants de la contemplation, ceux qui croient au primat de l’imagination et qui disent que l’action conduit à l’outrance ou à la catastrophe. Les déprimés et les stressés, me suis-je redit. Il n’est pas étonnant que notre époque pense qu’il n’y a plus d’histoire, puisqu’en étant déprimé on n’agit plus et qu’en étant stressé on ne contemple plus; on vit dans un monde qui n’a plus de volonté et plus de regard […] « (p. 204).

ranx/le_gris.1356800490.txt.gz · Dernière modification : 2018/02/15 13:56 (modification externe)

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