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ranx:le_cas_sneijder_-_ancienne_fiche

Notice bibliographique : Dubois, Jean-Paul, Le cas du Sneijder, Paris, Éditions de l'Olivier, 2011, 217 p.

Résumé de l’œuvre :

Paul Sneijder est l'unique survivant d'un dramatique accident d'ascenseur dans lequel sa fille (issue d'un précédent mariage) a perdu la vie. Il se retire alors du monde (professionnel, social et conjugal), passant ses soirées enfermé dans son bureau, en compagnie de l'urne funéraire de sa fille, à lire des magazines sur les ascenseurs pour tenter de comprendre ceux-ci. Malgré tout ce qu'il apprend sur leur fonctionnement, il n'arrive toutefois pas à comprendre “pourquoi” sa fille est morte, ne trouvant aucun réconfort dans les statistiques et les probabilités. Excepté ses rencontres amicales avec l'agent d'assurance de la compagnie d'ascenseur qu'il devrait poursuivre, Paul ne voit pratiquement personne. Les seuls rapports avec Anna, sa femme ultra-compétitive qui le trompe allègrement sont des confrontations ou des engueulades. À l'injonction de celle-ci qui ne supporte plus de voir Paul déconnecté et apathique, il trouvera tout de même un boulot, promeneur de chiens, et sera exceptionnellement aimé des bêtes malgré l'allergie cutanée qu'il développe à leur endroit. Évidemment, cet emploi “de minable” déplaît fortement à son épouse ambitieuse qui n'y voit là qu'un caprice de plus de la part d'un homme “en chute libre”, comme elle le répète à quelques reprises (p. 85-86). Grâce à leurs deux fils, des jumeaux sans coeur, Anna finit par obtenir l'internement de Paul, arguant que son détachement et sa lassitude sont des symptômes d'un mal psychique profond.

Narration : autodiégétique

Explication : Paul raconte sa propre histoire à la première personne.

Personnage(s) en rupture : Paul Sneijder
A) Nature de la rupture : interprétative

Consciemment ou non, Paul viole continuellement les codes de sociabilité (p. 206), surtout dans ses rapports avec sa femme. Anna avait toujours refusé d'avoir quelque contact que ce soit avec Marie, la fille du premier mariage de Paul, et celui-ci s'était plié de mauvaise grâce à cette demande, multipliant les contorsions familiales pour rencontrer sa fille en cachette et ainsi satisfaire Anna: « J’ai souvent songé à partir pour me bricoler une autre vie, une existence au cours de laquelle ma fille et moi n’aurions pas à nous cacher pour nous rencontrer. Mais quelques mauvaises raisons et surtout la lâcheté, ce mal misérable et insidieux, me firent renoncer et je pris alors conscience de notre incroyable capacité à composer avec l’inacceptable. » (p. 26). Suite à son accident, les sacrifices que Paul est prêt à faire pour “composer avec l'inacceptable” (sur ce sujet, voir également la future fiche qui sera rédigée concernant le précédent roman de Dubois, Les accommodements raisonnables) ont considérablement diminué. Paul n'hésite pas à confronter Anna et, surtout, il se fiche de son opinion et des pressions sociales qu'elle invoque pour le convaincre de retrouver une vie normale de travailleur professionnel rangé.

B) Origine de la rupture : actorielle selon lui, psychique au lieu des autres

La rupture que vit Paul est en effet un enjeu problématique pour les différents personnages. Paul croit que sa survie miraculeuse lui permet maintenant de mieux comprendre le monde, d'en voir les travers et l'absurdité: « En vérité, je crois que ce sont les gens bien plus que les immeubles qui me posent problème. […] Depuis l’accident, depuis que je suis sorti du coma, j’ai le sentiment d’avoir une perception plus affinée de la réalité. Comme si durant mon sommeil quelqu’un avait monté le son du vacarme du monde. Il me semble qu’il y a dans l’air quelque chose d’enfiévré, d’hystérique. » (p. 61) D'autres personnages, cependant, particulièrement sa femme et les jumeaux, s'efforcent de convaincre les autres et de persuader Paul lui-même que son état asocial, apathique et déconnecté provient du traumatisme qu'il a subi, que sa rupture est d'origine psychique. D'ailleurs, c'est eux qui remporteront la joute puisque Paul sera finalement interné dans un asile psychiatrique, signe qu'il vaut peut-être mieux n'être pas trop lucide pour survivre à la vie en société.

C) Manifestations : perte de repères

Les repères de Paul étaient autrefois son travail, sa femme, ses fils jumeaux, mais avec l'accident toutes ces choses lui sont apparues insipides et lui-même est devenu peu à peu indifférent à tout sauf aux ascenseurs et surtout aux chiens. Désormais, seuls ces derniers qu'il promène au grand air parviennent à le rendre heureux. De plus, le monde extérieur vaste et sans humain, les risques qu'il fasse une nouvelle crise de panique (genre agoraphobie: lieu confiné + plus de quatre personnes = angoisse mortelle) sont minimes.

D) Objets : Absence de projet

Paul refuse de chercher un travail à hauteur de ses aptitudes et qualifications, refuse de poursuivre en justice la compagnie d'ascenseurs, refuse de vivre heureux avec sa femme, refuse de participer à un concours canin (mais, sous promesse d'être drogué, il finira par se soumettre à l'exercice)… C'est précisément cette absence de projet qui apparaît inacceptable aux yeux de sa femme et des jumeaux et qui les pousseront à requérir l'internement de Paul.

E) Manifestations spatiales : Agoraphobie

Paul ne peut demeurer dans un pièce contenant plusieurs personnes, comme un bureau où se trouvent plus de quatre personnes, la salle comble d'un concours canin (d'où l'importance du produit anesthésiant), etc. Lorsqu'une telle situation se produit, il angoisse à mort et se précipite à toute vitesse vers la porte la plus proche pour courir une centaine de mètres plus loin et reprendre son calme. Il est fort probable qu'il s'agisse, cette fois, d'une séquelle psychique de l'accident d'ascenseur…

F) Autres extraits:

« Déterrer un monde enfoui. Retrouver Gladys [son ancienne femme alcoolique] buvant un verre avec mes parents, rebrancher mes claviers Korg, le vieux Revox, et recommencer une vie qui ressemblerait enfin à quelque chose, avec juste ce qu’il faudrait de courage, de bonheur et de dignité. » (p. 39)

« On ne devrait plus se rappeler d’où l’on vient ni où l’on va. J’aimerais appartenir à une espèce amnésique, conçue pour vivre au jour le jour, débarrassée de l’histoire, filant sa vie au gré des rythmes nycthéméraux. Sans aucun patrimoine. Ni passif. Ni génétique. Pas de lien, pas de caryotype. Une aube, un jour et voilà tout. […] Je ne sais pas à quoi pourrai bien ressembler une pareille vie, mais elle ne pourrait être pire que celle que nous essayons de mener sous l’envahissant protectorat de la mémoire. » (p. 62)

ranx/le_cas_sneijder_-_ancienne_fiche.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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