La tentation du clitoris est le discours (très court) d'une femme revendiquant son droit à l'orgasme : elle décrit la chose comme le but ultime de la vie de la femme, après quoi elle peut mourir ou vivre une vie misérable sans regrets. À ses yeux, c'est l'orgasme qui définit la différence entre les sexes, et qui, par le fait même, définit la femme. La femme (anonyme) ne comprend pas pourquoi elle n'a pas accès au plus explosif elle qui, pourtant, est diplômée, rempli bien son poste et est exemplaire en tout point.
Le personnage ici n'est pas vraiment individualisé; elle n'est qu'une voix qui semble représenter un type, incarner LA femme puisqu'elle part d'une situation personnelle pour parler des droits et de la condition du genre en général.
Elle s'exprime à la première personne et s'adresse à un destinataire inconnu (un patron? Dieu?) dans un discours à mi-chemin entre la revendication et la confession.
Extrait : « Donnez-moi l’orgasme, c’est une prière. On a le devoir parfois d’emprisonner une femme, de la mutiler lors d’une opération, on pouvait même jadis la donner à un ministre pour sauver une famille de la ruine, mais la priver de la jouissance est une atteinte à ses droits fondamentaux. Du reste j’ai si honte d’exister sans elle, que je préférerais encore vivre dès demain dans une société néolithique où vu la brièveté de l’espérance de vie à cette époque je serais à mon âge morte depuis longtemps. »
« Je me suis oubliée, j’ai un instant perdu de vue que le salaire est une merveilleuse jouissance dont vous me gratifiez depuis bientôt soixante-dix-sept trimestres. Je vous supplie de considérer ma demande comme un délire d’employée, une élucubration certes inadmissible mais relevant d’un simple blâme, tout au plus d’une mise à pied de quelques semaines, ce congé sans solde me permettrait sans doute de méditer sur votre grandeur, de prendre conscience de ma misère loin de vous, de mon désarroi de femme libre, aux prises avec tous les pièges du désir et la tentation du clitoris, cet organe menu, infécond, qui n’est susceptible d’apporter que l’orgasme, ce moment d’égarement, cette ivresse injustement louée, cette parenthèse bruyante, improductive, dont ni l’absence ni l’existence n’a jamais dopé aucun bilan.
Je vous demande pardon. »