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VIART, Dominique et Bruno VERCIER, La littérature française au présent, Paris, Bordas, 2005.
Le chapitre 2 de la troisième partie de l'ouvrage s'intitule « Fiction et faits divers » (p. 228 à 244)
Dominique Viart y écrit que :
* « Un tel intérêt [pour le fait divers] n'est certes pas très neuf : la littérature du XIXe siècle en faisait déjà son inspiration, sinon ses choux gras […] Mais l'intérêt qui s'y porte aujourd'hui procède différemment et manifeste en cela une spécificité contemporaine, révélatrice de la posture singulière de la littérature de notre temps. Car il ne s'agit pas seulement d'écrire des faits, ni d'en explorer la matière romanesque : notre époque produit un discours critique à leur endroit comme à l'endroit de ses propres productions littéraires. Aussi y va-t-il d'une double posture critique : envers le fond comme envers la forme. » (p. 228)
Elle/il y voit un refus du romanesque :
* « Loin d'exacerber la fiction narrative, ces textes [exemples de romans en liens avec des faits divers: Viol, Prison, l'Adversaire, C'était toute une vie…] maintiennent la dimension factuelle de façon aussi explicite que possible […] De plus, aucuns d'entre eux n'est principalement narratif. Tous procèdent plutôt par fragments de narration enchâssés dans d'autres modalités textuelles, et par approches diffractées, non linéaires, de la matière du récit. » (p. 230)
Elle/il traite ensuite des discours du sujet :
* « C'est qu'en fait les discours que l'on tient à son endroit comptent plus que l'événement. Ce qui importe, c'est ce qu'on en dit, l'espace de parole qui exprime comment les faits se disposent dans l'espace de parole qui exprime comment les faits se disposent dans une conscience, expose leur résonance subjective […] Ces choix d'écriture tendent à souligner que le réel n'existe pas en dehors de la perception, de la pensée, des affects, etc., qui le constituent pour chacun. Aussi faut-il y voir une prise de distance avec les esthétiques réalistes qui postulent une possible « objectivité » : pour la littérature contemporaine, il n'y a pas d'en soi de l'événement. » (p. 231)
Elle/il observe la réception et l'appropriation du fait divers :
* « la réflexion sur la fiction accompagne une tentative de restitution et le discours de réception du fait divers. En même temps qu'ils offrent une représentation du réel, les écrivains contemporains interrogent ainsi leur propre pratique et les formes qu'elle les pousse à inventer. » (p. 236)
Il souligne la présence de narrateurs déstabilisés dans ce type de récit:
* « Les fictionnalisations “traditionnelles” des faits divers tendent généralement soit à effacer le narrateur dans l'omniscience narrative (Flaubert) soit à s'en faire que le support de l'énonciation (comme dans les “nouvelles cadres” de Maupassant)[…] Les romans ici considérés affichent au contraire une certaine perturbation de la fonction narrative. Il ne s'agit pas d'une déstabilisation formelle - comme celles pratiquées dans les décennies précédentes au titre de l'expérimentation littéraire - mais d'une perturbation induite par le vacillement de la fonction idéologique. En effet, non seulement le narrateur-auteur intervient fréquemment dans le texte, mais il le fait pour manifester ses doutes, son malaise, ses perplexités. » (p. 237)
Il utilise l'exemple de Viol de Weitzmann où « le narrateur s'interroge ainsi sur l'exercice de la narration, il suspecte la légitimité de celle-ci, sa véracité improbable et avoue la «honte» qui lui vient d'un intérêt pour de tels faits ; mais il s'interroge aussi en tant que sujet sur les troubles que ces faits installent en lui, et sur les noeuds psychiques qu'ils démasquent. Car le narrateur est incarné dans ces textes. Il prend parfois la figure d'un personnage (Sallenave, Bon), mais le plus souvent la figure de l'auteur lui-même (Bon, Carrère), fût-ce avec ambiguité comme chez Weitzmann […] » (p. 238)