Outils pour utilisateurs

Outils du site


ranx:la_chambre

FICHE DE LECTURE

I- MÉTADONNÉES ET PARATEXTE

Auteur : Lambert, Simon

Titre : La chambre

Éditeur : VLB Éditeur

Collection : Fictions

Année : 2010

Éditions ultérieures : -

Désignation générique : roman

Quatrième de couverture :

Cette possible confusion, mes tortionnaires l'avaient bien sûr prévue. Ils croient que j'écris pour être lu et que, dès lors, je serais peiné qu'on me confonde avec un autre. Voilà ce que leur sadisme a imaginé de plus ignoble, de plus raffiné. J'ai eu tort, après tout, de croire qu'on brûlerait mes pages. Non, ce n'est pas ce qui adviendra. Forcé d'écrire comme tous les détenus, je produis un manuscrit qui, à ma mort peut-être, sera distribué dans la rue. Par le petit vendeur, évidemment. On espère que j'y confesserai mes fautes pour ensuite les exposer à la vue de tous.

Oui, voilà, cet immeuble est un alambic. On y distille les condamnés afin d'en extraire l'essence, l'aveu. Ils ne m'auront toutefois pas, ces feuilles ne leur apprendront rien. Et si elles devaient un jour devenir révélatrices, c'est moi qui les brûlerais de mon propre chef. Une seulle allumette et c'en serait terminé.

II- CONTENU GÉNÉRAL

Résumé de l’œuvre :

Un homme se réveille dans une chambre miteuse qui n'est pas la sienne. On l'a enfermé, mais il ignore pour quelle raison. Tout ce qu'il sait, c'est qu'il a été condamné à écrire, jour après jour. Pour tout contact, il reçoit les visites d'une femme, Martha, qui entre à l'heure des repas pour lui délivrer sa pitance et lui procure à l'occasion divers objets: du papier supplémentaire pour écrire, une lampe à pétrole, etc. Les discussions qu'il aura avec elle ainsi que de fréquentes introspections seront l'occasion d'en apprendre un peu plus sur son passé et sur les événements qui ont précédé ou conduit à son incarcération. On y apprendra notamment qu'il se rendait tous les dimanches dans un café pour jouer aux cartes avec deux hommes et une femme et qu'il trichait régulièrement pour éviter de perdre, de se ridiculiser. Il racontera également sa manie de laisser des traces de lui (cheveux dans un livre, papier derrière un meuble) un peu partout et ses déboires amoureux causés par une absence chronique d'initiative, un mal dont il souffre depuis son enfance et qui explique en grande partie son emprisonnement particulier.

Thème(s) :

III – JUSTIFICATION DE LA SÉLECTION

Explication (intuitive mais argumentée) du choix :

Appréciation globale :

IV – TYPE DE RUPTURE

Validation du cas au point de vue de la rupture

a) actionnelle : Difficulté/incapacité à s’imaginer transformer le monde (à s’imaginer le monde transformable).

« Je mesurais à peine plus d'un mètre, mais déjà la vie avait décidé de me châtier » (p. 71), affirme le narrateur. C'est que, d'après lui, sa difficulté à comprendre et intégrer le monde provient de son enfance, et plus précisément d'un épisode qu'il raconte plusieurs fois: à l'école, il s'est fait voler son ballon sous les yeux d'Élisabeth - une fille dont il était amoureux - sans se défendre. Un traumatisme est donc à l'origine de sa rupture, comme s'il n'avait jamais plus se remettre de cette incapacité à agir.

Depuis l'épisode du ballon volé, il laisse aller les choses plutôt que de les influencer ou carrément d'agir. Lorsqu'il croise une femme qu'il croit être Élisabeth, il ne va pas lui parler; sur le seuil de l'appartement d'une femme qui l'attire, il se laisse rembarrer sans tenter quoi que ce soit ; aux cartes, il n'essaie même pas de gagner… Même dans la chambre, qu'il pourrait sans doute aisément quitter (la geôlière ne semble pas du tout menaçante et ne se méfie absolument pas de lui), il opte pour pour la résignation.

« L'affreuse vérité ne manqua pas de me débusquer et de m'imposer ce constat vertigineux : trop lâche pour combattre, j'avais préféré me retirer. Déserteur, je n'étais plus au service de mes propres rêves. C'est à ce moment que j'entendis tomber le marteau. J'avais abdiqué, et celui que j'aurais pu être me traînait en cour pour trahison. Mais comment aurais-je admis ma culpabilité? J'aurais alors dû reconnaître que ma vie n'était pas tout ce qu'elle aurait pu être. Plus insoutenable encore, il m'aurait fallu accepter que mon avenir n'était pas, comme tout le reste, sans importance. Qu'il y avait encore moyen de le changer. Comprenez-vous ce que cela avait d'intolérable, pour moi qui depuis tout petit n'avais cherché qu'à me soustraire au combat et à la douleur? Devant un ballon perdu, je préférais abandonner mon désir de le revoir plutôt que de livrer bataille pour le reprendre. Aux cartes, je me retenais de convoiter la victoire uniquement pour m'éviter ce que la défaite représentait de déception. Je rejetais la souffrance et, du même coup, la vie qui ne se fait pas sans elle. » (p. 171)

b) interprétative : Difficulté/incapacité à donner sens au monde:

La rupture interprétative du personnage consiste en une incapacité à comprendre les actions et les sentiments des autres, ce qui se manifeste forcément par une incapacité à s'adapter aux circonstances qu'il rencontre. Cette rupture est notamment visible dans ce leitmotiv du personnage: « Rien cependant ne se passe jamais comme il se doit. » (p. 71), « Une seule phrase inlassablement répétée cadençait désormais chacun de mes pas : non, rien ne se passe jamais comme il se doit. » (p. 86) et dans cet extrait: « Perdu dans mes pensées, je continuais d'interroger l'attitude incompréhensible de l'ensorceleuse. Qu'elle ne m'ait pas invité à entrer avec elle, contre toute attente, constituait une aberration. Je me retrouvais sans repères, tel un homme de science déboussolé par un tour de magie. La structure même du monde souffrait d'incohérence […]. “Non, les choses ne se passent jamais comme elles se doivent”, continuais-je de me répéter, sans trop savoir ce qui provoquait en moi cette réflexion. » (p. 114, je souligne) Bref, parce que le personnage est incapable de comprendre le monde, il est aussi incapable de s'y intégrer.

J'ai indiqué qu'il s'agissait aussi d'une rupture spatiale/physique (nouvelle catégorie !) pour insister sur le fait que la mise à l'écart du monde que “subit” le personnage ne constitue pas l'origine de sa rupture, mais bien une sorte de concrétisation: la séparation physique d'avec le reste du monde est une représentation extrême de la solitude que ressent le personnage à cause de son sentiment d'inadaptabilité: « qu'il y ait quelque chose ou non derrière cette fenêtre, que le monde existe toujours ou pas n'a aucune importance. » (p. 70)

Dès lors, pour lui, son seul moyen d'existence, devient l'écriture, qui est aussi sa condamnation. En parlant des feuilles de papier qui commencent à manquer, le narrateur écrit: « Qu'est-ce qui m'attendait, maintenant que je me soustrayais à mon châtiment? Sans être notés, mes gestes perdaient toute signification, toute direction. Devant moi, il n'y avait plus que des heures toute semblables, chacune me rapprochant de ma fin inévitable. Le silence devenait agressant. Il me ramenait à mon corps engourdi par le froid. Tout cela, il aurait fallu l'écrire. Je continuais d'exister, certes, mais plus une phrase, plus un mot n'en témoignait. » (p. 44-45)
L'écriture est donc le dernier fil qui le relie au monde, son dernier moyen de donner un sens à sa vie, le dernier stade avant la rupture complète et définitive. On pourrait dire, alors, que sa condamnation est de ne pouvoir ni faire partie du monde ni en être totalement exclu.

Mais, à un moment, il se fait la réflexion que même le pouvoir soi-disant salvateur des mots ne peut plus rien pour lui. Alors il ne restera rien de lui, le faible espace qu'il occupe ne sera plus : « Bientôt, je le sens, j'aurai épuisé toute l'étroitesse de mon vocabulaire. J'aurai tant répété le mot chambre qu'il ne sera plus qu'une idée morte, une abstraction. […] Je n'aurai alors d'autre choix que d'inventer, pour me permettre de croire que tout n'a pas été dit. Tourner en rond, j'y suis cependant condamné depuis mes premières heures dans cette pièce. […] Dans le découragement me vient cette idée qu'il vaudrait peut-être mieux ne pas chercher à faire de phrases. Car, enfin, je ne suis pas condamné à produire du sens, mais à écrire. […] Si on devait jamais me lire, on devinerait tout au lus l'air humide et glacial qui me traverse les poumons, mais on ne le sentirait pas. Les syllabes du mot douleur ne sont pas douloureuses, et le mot poussière n'étouffe personne. À travers les yeux d'un autre, je demeurerais pareil à ces personnages de bouquins lointains et irréels, vidés de leur chair. » (p. 69)

V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES

Validation du cas au point de vue narratif/poétique (voix, fiabilité du narrateur, registres fictionnels, temporels, type de configuration narrative, etc.)

La chambre - Ancienne fiche

ranx/la_chambre.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

Donate Powered by PHP Valid HTML5 Valid CSS Driven by DokuWiki