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ranx:je_vole_-_ancienne_fiche

Notice bibliographique : Mathieu Belezi, Je vole, Monaco, Éditions du Rocher, 2002, 202 p.

Résumé de l’œuvre :

Dans une ville au bord de la Méditerranée, un ancien comptable dans la quarantaine, asthmatique, divorcé qui peine à payer la pension alimentaire, chômeur qui n'aura bientôt plus droit à l'assurance-chômage et dépressif à temps presque plein, n'a droit qu'à quelques rares instants de bonheur lorsque, le dimanche, il peut passer quelques heures avec sa fille. Lors de ces rencontres, ils se rendent souvent à la plage où ils s'amusent à jouer à l'oiseau, déployant leurs bras et dévalant les dunes, seul moment où le père retrouve un semblant de liberté.

Si l'ancien comptable réussit plus tard à remonter à la surface, dénichant un emploi de “technicien de surface” et fréquentant une nouvelle femme, Martine, c'est malheureusement pour retomber encore plus bas qu'il n'était auparavant. Quand il perd son emploi et est rejeté par Martine, il retrouve son appartement misérable du dixième étage d'une tour de la Cité des Oliviers. Vient ensuite le moment où il arrive à nouveau au terme de son assurance-chômage et que même sa mère ne peut ou ne veut plus lui prêter d'argent. Résigné à ne jamais retrouver sa place dans la société, l'homme se promène avec sa fille, un dimanche, et tous deux décident de s'envoler du haut d'un immeuble pour “fuir les gens” et ne plus “être de ce monde”.

Narration : Autodiégétique

Explication : Narration à la première personne par le personnage principal, dont on ne connaît pas le nom. D'ailleurs, les deux seuls noms que nous connaissons sont ceux de Martine, l'éphémère partenaire du héros, et de Doumé, un serveur qui lui apporte une ou plusieurs bières presque à tous les jours.

De plus, les dialogues sont typographiquement intégrés à la narration, soit de cette façon :

J'“empoigne le combiné et di[s]: : Allô ? C'est idiot, je le reconnais, mais je ne vois pas ce que je pourrais bien dire d'autre que allô. Papa, c'est toi ? dit-elle. J'avais oublié le rendez-vous avec ma fille. Eh oui, c'est moi, qui crois-tu avoir au bout du fil ?…” (p. 159) ;

soit comme ça:

“J'entre et commande une bière au vieux type qui se tient comme un manche derrière le comptoir, raide à faire fuir un ivrogne,

Une pression,

Le bar est fermé, monsieur,

il parle sans ouvrir la bouche, je ne sais pas comment il s'y prend, ses lèvres bougent à peine,

J'ai oublié de donner un tour de clé,

Vous fermez tôt,

Oui, c'est à cause de mon âge,

quant à ses yeux, ils me fixent sans ciller, pupilles étonnamment rondes dans leurs orbites…”

Dans les deux cas, il me semble que cela accentue l'impression de monotonie, du déroulement uniforme d'un quotidien sans aspérité.

Personnage(s) en rupture : L'ancien comptable
A) Nature de la rupture : actionnelle

Explication : L'ancien comptable ne parvient pas à retrouver sa place dans la société et nous lisons le récit de sa déchéance uniquement freinée, une fois par semaine, par la visite de sa fille. Toutefois, même s'il est profondément aliéné ou mis à l'écart de la société, l'homme ne fait preuve d'aucune volonté de révolte ; il est docile et impuissant, en quelque sorte victime consentante de sa déchéance et en partie responsable de son enlisement.

« Les gens font autre chose que ce qu’ils ont l’habitude de faire. Les gens, mais pas moi. Du haut de mon dixième étage il y a belle lurette que je suis sorti du rang. Pour être honnête il faut dire que je n’aspire qu’à y rentrer dans le rang, qu’à me plier à ses lois internes, à son allure martiale, à son irrésistible marche en avant. » (p. 12)

B) Origine de la rupture : mondaine, familiale, éducation

Explication : L'homme ne cesse de mettre la faute de sa mise à l'écart de la société sur son passé. Plus particulièrement, il s'en prend à l'éducation très dure et répressive que sa mère et son grand-père (qu'il nomme sans arrêt “cet homme qui n'était pas mon père mais qui se prenait pour tel”) lui ont donnée. Toutefois, il élabore très peu sur les détails de cette éducation, se contentant de répéter que c'est à cause d'elle qu'il est devenu aussi docile, soumis, alors que sa situation peu enviable devrait normalement l'inciter à la révolte. Voici d'ailleurs un florilège d'extraits dans lesquels l'homme insiste sur ce rapport problématique avec son éducation:

« Je payerais cher pour une ablation de ma mémoire, un curetage complet du cerveau et de ses pédoncules, afin qu’un jour comme aujourd’hui je puisse marcher la tête haute et dégagée, sans arborer ce front soucieux, barré de plis, sans traîner les pieds comme je me le vois faire dans les vitrines » (p. 27)

« Il faudrait en finir une bonne fois pour toutes avec les souvenirs, vivre le seul présent déjà suffisamment semé d’embûches. Tuer les analystes, tuer la mémoire. Mais les hommes ici-bas n’ont pas plus de courage que je n’en ai, moi qui n’aspire qu’à retrouver un travail de comptable, et ma fille tous les jours, et l’ex-femme redevenue ma femme dans un lit. » (p. 63-64)

« Moi, qu’une éducation de fer a rendu plus docile qu’un domestique, comment donner libre cours à cette fureur qui, comme en beaucoup de mes semblables, me ronge les sangs ? » (p. 91)

« Je me souviens. Je me souviens. Il faudrait que j’en finisse avec les souvenirs ! C’est par pans entiers que mon passé se découvre et me tyrannise. Comme si cela ne suffisait pas. J’en ai la mémoire farcie de ces souvenirs. Tout ce que je désirais, je l’ai dit mais il n’est pas inutile de le redire, c’était d’aligner des chiffres jusqu’au jour de ma retraite, de pouvoir exercer en paix mon métier de comptable, avec à mes côtés la femme que j’avais épousée et la fille que j’avais faite, dans l’hébétement salutaire de l’habitude, ceci afin que ma mémoire s’en tienne à un rôle strictement informatif » (p. 158)

C) Manifestations : volitives, posture passive

Explication : Comme je l'ai dit (voir A, B et D), l'éducation que l'homme a reçue a fait de lui un être mou (ou en tout cas c'est avec cela qu'il se justifie) et, même s'il aspire à retrouver sa place dans la société, il n'a parfois même pas la force ou la volonté de répondre au téléphone quand il est en recherche d'emploi, de se faire à manger avec la nourriture qu'il a pourtant déjà achetée, etc. Bref, il sabote ses propres initiatives.

D) Objets : projets qui ne se forment pas

Explication : Les projets avortés sont principalement de deux types: amour et travail. Du côté sentimental, nous ne possédons pas beaucoup d'information, mais l'homme se désole continuellement de ne pas parvenir à trouver une femme pour satisfaire ses besoins autant amoureux que sexuels. Par exemple, il a abordé une fois une prostituée, mais il n'avait pas suffisamment d'argent et elle l'a ridiculisée sans qu'il tente de se défendre. Depuis, il se contente de regarder les filles de la rue. Du côté du travail, il s'entête à vouloir retrouver son emploi d'expert-comptable, c'est pourquoi, pour un temps, il refuse toutes les autres offres jusqu'à ce qu'il n'ait plus le choix et accepte un poste de technicien de surface. Après un an, cependant, il cesse de se présenter au travail et retombe dans son apathie quotidienne.

E) Manifestations spatiales : Contraste des appartements

Pendant sa brève liaison avec Martine, l'homme insiste pour être le plus souvent possible dans l'appartement de celle-ci. Après leur rupture, c'est pour lui un véritable supplice de revenir dans son appartement à lui, beaucoup plus petit, pas mal moins cossu et situé au sommet d'un immeuble de logements. Ce retour chez lui, penaud, s'apparente à un douloureux aveu d'échec menant à une rechute dans la misère sentimentale.

ranx/je_vole_-_ancienne_fiche.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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