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Table des matières
FICHE DE LECTURE
I- MÉTADONNÉES ET PARATEXTE
Auteur : Delaume, Chloé
Titre : J'habite dans la télévision
Éditeur : Verticales
Collection : -
Année : 2006
Éditions ultérieures : Édition poche en 2009 chez Flammarion (J'ai lu Nouvelle génération)
Désignation générique :
Quatrième de couverture :
«Ce que nous vendons à Coca-Cola c'est du temps de cerveau humain disponible.» (Patrick Lelay).
Chloé Delaume a voulu comprendre en quoi consistait la mise en disponibilité mentale des téléspectateurs. Durant 22 mois, du lever au coucher, elle s'est faite «sentinelle» de la télévision, devenant son propre sujet d'étude, se soumettant aux flux de messages médiatiques et publicitaires, ingurgitant le maximum de programmes de divertissement, téléréalité surtout, pour en ramener « des informations du réel ». À travers cette expérience limite, la narratrice décrypte sa mutation en cours : cerveau et corps se modifient inéluctablement. Quand l'humain n'est plus qu'un outil au service de « la fiction collective ».
J'habite dans la télévision est un puzzle où chaque pièce pullule de références, de propos télé-rapportés, appliquant au discours du neuromarketing une grille de lecture singulière, dont la lucidité a parfois des accents paranoïaques. L'humour de Chloé Delaume sédimente ce texte et invite chacun à s'interroger sur la marge de manœuvre de son libre arbitre.
II- CONTENU GÉNÉRAL
Résumé de l’œuvre :
Au départ, le plan de Chloé Delaume est de passer 22 mois à regarder la télévision, dans l'optique d'étudier ses effets sur le corps et l'esprit, façon Morgan Spurlock dans Supersize me. Le compte-rendu de cette expérience autofictionnelle (autofictive?) se présente sous la forme de 27 “pièces” constituant une sorte de document d'étude pour le ministère de la Culture et du Divertissement culturelles. En “réalité”, Delaume arrêtera l'expérimentation au bout de 16 mois, au bord de la crise de nerfs, selon ses dires, après avoir pris du poids, effectué des achats compulsifs, modifié ses opinions personnelles “contre son gré” et senti une folie addictive la gagner chaque jour un peu plus. Dans le roman, la narratrice finit par disparaître, mystérieusement avalée par la télévision, manière figurée d'illustrer le dernier paragraphe : « Je ne suis plus qu’une parcelle. La fiction collective sait imposer des cartes en guise de territoire, c’est même à l’Ogre qu’on doit l’idée. Je n’ai pas su protéger mon cerveau, son temps est aboli, il n’est que disponible. Mais au moins, voyez-vous, j’ai ma narration propre. Sachez sauver la vôtre avant qu’il ne soit trop tard. » (p. 168)
Thème(s) : Médias, télévision, conformisme, individualité, autofiction, documentaire
III – JUSTIFICATION DE LA SÉLECTION
Explication (intuitive mais argumentée) du choix : À mi-chemin entre l'auto-fiction, la performance, le documentaire et l'essai, J'habite dans la télévision
Appréciation globale :
IV – TYPE DE RUPTURE
Validation du cas au point de vue de la rupture
b) interprétative : Explication : La narratrice répète à plusieurs reprises les propos de Patrick Le Lay, ancien président de TF1: “Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible”. Justement, à force de s'imprégner, de s'imbiber de matériel audio-visuel, le cerveau de la narratrice en vient à être entièrement disponible, comme une éponge qui ne pourrait absorber que ce que crache la télé, mais pas ce que la réalité autour lui envoie.
Sa dépendance à la télévision va en augmentant, ainsi que le montrent les extraits suivants, dans lesquels la narratrice décrit sa progressive fusion avec l'appareil:
« C’est la troisième semaine, j’ai de nouveaux repères. La télévision me structure. J’adapte mon biorythme au sien, imperceptiblement. […] Tout ce que je dois effectuer dans la journée se passe sur mon ordinateur en compagnie de la télévision. Je ne rate rien de ce qu’elle me dit du monde et de ses actualités. » (p. 58)
« En ce début de deuxième mois je me suis vue parler à la télévision, oui, lui parler et lui répondre. À la fin de l’intro de chaque documentaire ou programme approchant, je lui demande pourquoi. Elle me répond tout de suite, par le biais de la voix off ou d’un témoin quelconque. Parfois l’animateur sait même anticiper. Je partage désormais le rythme de pensée de la télévision. Agencement et orchestration, j’adhère à sa syntaxe, son flux m’est familier à un point inconnu et toujours pénétrant. » (p. 77)
Lors d'une pause de deux jours, sa première après presque trois mois d'expérience, elle réalise bien vite que la télé lui manque : « Je sais que j’irais mieux, beaucoup mieux et tout de suite, si je passais ne serait-ce qu’une demi-heure avec elle [la télévision]. » (p. 93)
Finalement, la narratrice finit par disparaître dans la télévision.
V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES
Validation du cas au point de vue narratif/poétique (voix, fiabilité du narrateur, registres fictionnels, temporels, type de configuration narrative, etc.)