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ranx:en_ville [2013/10/10 20:29] – sebastien | ranx:en_ville [2018/02/15 13:57] (Version actuelle) – modification externe 127.0.0.1 |
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En fait, ils ne parlent de leurs vacances que pour annoncer que la destination à été modifiée. Le reste du temps, ils échangent des propos assez peu personnels, discutent de broutilles. | En fait, ils ne parlent de leurs vacances que pour annoncer que la destination à été modifiée. Le reste du temps, ils échangent des propos assez peu personnels, discutent de broutilles. |
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Plus précisément, Jean explique à plusieurs occasions **comment** ces cinq personnes en sont arrivées à partir en vacances ensemble. Il raconte qu'un tel est l'ami d'un autre, que lui-même a pris la place de son ami qui est mort, etc. Toutefois, au-delà des circonstances, on ignore tout au long du roman **pourquoi** ces cinq personnes partent ensemble et si elles en ont véritablement envie. | Plus précisément, Jean explique à plusieurs occasions **comment** ces cinq personnes en sont arrivées à partir en vacances ensemble. Il raconte qu'un tel est l'ami d'un autre, que lui-même a pris la place de son ami qui est mort, etc. Toutefois, au-delà des circonstances, on ignore tout au long du roman **pourquoi** ces cinq personnes partent ensemble et surtout, **pourquoi** ils s'acharnent à partir malgré tout: "Je me suis demandé pourquoi nous nous acharnions à nourrir ce projet de partir ensemble, lequel semblait se présenter |
| à nous, maintenant, comme une obligation dont nous eussions oublié les causes." (91) |
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De même, lorsque Georges emménage avec Jean dans un nouvel appartement, ce dernier s'interroge sur ce qui les pousse à prendre un appartement ensemble. Encore une fois, le "comment" a été expliqué de fond en comble (séparations des chambres, repas, visites de l'appartement, etc.), mais le "pourquoi" demeure inconnu: | De même, lorsque Georges emménage avec Jean dans un nouvel appartement, ce dernier s'interroge sur ce qui les pousse à prendre un appartement ensemble. Encore une fois, le "comment" a été expliqué de fond en comble (séparations des chambres, repas, visites de l'appartement, etc.), mais le "pourquoi" demeure inconnu: |
** b) interprétative :** Difficulté/incapacité à donner sens au monde (à une partie du monde) de façon cohérente et/ou conforme à certaines normes interprétatives; énigmaticité et/ou illisibilité du monde; caducité ou excentricité interprétative; etc. | ** b) interprétative :** Difficulté/incapacité à donner sens au monde (à une partie du monde) de façon cohérente et/ou conforme à certaines normes interprétatives; énigmaticité et/ou illisibilité du monde; caducité ou excentricité interprétative; etc. |
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Personnage contemplatif | De la même manière qu'il s'intéressait au "comment" des actions davantage qu'au "pourquoi", Jean aime observer les gens et le monde qui l'entoure, mais observer leurs manifestations, sans nécessairement chercher à comprendre leurs motivations ou leurs raisons. Par exemple, lorsqu'il revient de visiter William, avec Georges: |
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À l’expérience, il se rend compte qu’à condition de ne pas trop regarder à la fenêtre le défilé constant de la circulation, en s’évitant même de s’en approcher, la vie est supportable. Que William meure ou que Georges, qui a souhaité partager avec lui l’appartement, aille cohabiter avec la trop belle Sam, il n’en a cure. | * "Et, tout en marchant avec Georges en direction du boulevard de Port-Royal, où passaient des taxis, je me demandais si Georges n'était pas tout simplement un brave garçon, s'il n'avait pas tout simplement un bon fond. Mais je m'apercevais aussi que cette question ne m'intéressait pas, que je ne m'intéressais pas au fond des gens, que ce qui m'intéressait, chez eux, dans la mesure où je m'y intéressais, c'était ce qu'ils manifestaient, et je me posais plutôt la question de savoir si Georges, après avoir manifesté naturellement de la commisération pour William, ne me témoignait pas tout bonnement une forme d'amitié." (36) |
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Lorsqu'il revient de visiter William, avec Georges: "Et, tout en marchant avec Georges en direction du boulevard de Port-Royal, où passaient des taxis, je me demandais si Georges n'était pas tout simplement un brave garçon, s'il n'avait pas tout simplement un bon fond. Mais je m'apercevais aussi que cette question ne m'intéressait pas, que je ne m'intéressais pas au fond des gens, que ce qui m'intéressait, chez eux, dans la mesure où je m'y intéressais, c'était ce qu'ils manifestaient, et je me posais plutôt la question de savoir si Georges, après avoir manifesté naturellement de la commisération pour William, ne me témoignait pas tout bonnement une forme d'amitié." (36) | Tous les personnages du roman - et particulièrement Jean, il me semble - ne cherchent pas à en apprendre davantage les uns sur les autres. "Dès les premières pages, il apparaît que sous le vernis de leur amitié, les personnages ne se connaissent pratiquement pas. Ils ne savent pas grand-chose de leurs vies personnelles et professionnelles, ne s’informent que du minimum exigible, ne savent pas où habitent les uns et les autres et, quand ils le savent, n’y sont jamais allés ; ils ne se rencontrent que dans des lieux publics" (Yann Solle, "La multitude solitaire") |
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Comme s'il y avait des choses qu'il valait mieux ne pas savoir parce qu'elles ne feraient que tout compliquer: | L'une de ses interrogations les plus récurrentes dans le roman, c'est si le bruit provenant de la rue en bas de son appartement et la vue qu'il a de cette rue sont des avantages ou des inconvénients de son nouvel appartement. Est-ce qu'ils sont bénéfiques ou nuisibles ? Dans quelle mesure ? Il finit par décider que, d'un certain angle, la vue est acceptable. Doit-on voit là une explication de son comportement, ainsi que le suggère Gilles Archambault dans Le Devoir: pour Jean, "à condition de ne pas trop regarder à la fenêtre le défilé constant de la circulation, en s’évitant même de s’en approcher, la vie est supportable" ? C'est possible. C'est tentant, en tout cas. Comme s'il y avait des choses qu'il valait mieux ne pas savoir parce qu'elles ne feraient que tout compliquer. Le fait d'en savoir peu et donc de s'investir peu dans la vie des autres serait alors une sorte de stratégie de protection. Se déconnecter pour se protéger de la complexité de la vie, pour éviter la surtension. L'image est jolie. |
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"Dès les premières pages, il apparaît que sous le vernis de leur amitié, les personnages ne se connaissent pratiquement pas. Ils ne savent pas grand-chose de leurs vies personnelles et professionnelles, ne s’informent que du minimum exigible, ne savent pas où habitent les uns et les autres et, quand ils le savent, n’y sont jamais allés ; ils ne se rencontrent que dans des lieux publics" | __Faculté de détachement__ |
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| Ça n'est pas à proprement parler un problème interprétatif, mais ça vaut la peine d'être mentionné: |
| * "Au total, si mes calculs étaient justes, je n'aurais dans le pire des cas qu'un enfant, et ce avec Roberta Giraud, qui ne m'en demanderait sans doute pas d'autre. Ça restait énorme, évidemment. J'ai tenté de ne plus y penser et j'y suis parvenu assez bien parce que je manquais d'outils pour adopter une position viable. L'implication me demandait un travail d'imagination que je n'étais pas en mesure de fournir et la désinvolture me semblait inappropriée. J'ai donc opté provisoirement pour l'oubli. Ou plus précisément pour le classement. J'ai mis ça dans un coin de ma tête où j'ai immédiatement cessé d'avoir accès." (79) |
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==== V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES ==== | ==== V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES ==== |
- Jean arrive chez lui et se couche. Le lendemain, il arrive au bureau, parle du système solaire avec un collègue dans l'avant-midi, examine différents ouvrages dans l'après-midi, discute avec un collègue, étudie la décoration de son bureau. | - Jean arrive chez lui et se couche. Le lendemain, il arrive au bureau, parle du système solaire avec un collègue dans l'avant-midi, examine différents ouvrages dans l'après-midi, discute avec un collègue, étudie la décoration de son bureau. |
Ce n'est pas franchement spectaculaire, mais ça titille, disons. | Ce n'est pas franchement spectaculaire, mais ça titille, disons. |
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| ** Voir aussi** |
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| Gilles Archambault, "Puisqu'il faut bien vivre":http://www.ledevoir.com/culture/livres/371514/puisqu-il-faut-bien-vivre\\ |
| Yann Solle, "La multitude solitaire" : http://zone-critique.com/2013/03/14/la-multitude-solitaire/ |