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ranx:en_ville

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 === Validation du cas au point de vue de la rupture === === Validation du cas au point de vue de la rupture ===
  
-** a) actionnelle :** Remise en question de l’intention (et éventuellement de la motivation); logiques cognitives/rationnelles ou sensibles; présence ou absence d’un nœud d’intrigue et d’une résolution; difficulté/incapacité à s’imaginer transformer le monde (à s’imaginer le monde transformable), etc.+** a) actionnelle :**  
 __Problèmes d'intention et de motivation__ __Problèmes d'intention et de motivation__
  
 Comme je l'ai déjà mentionné, aucun des cinq amis ne semble connaître la ou les raisons qui les poussent à partir en vacances ensemble.  Comme je l'ai déjà mentionné, aucun des cinq amis ne semble connaître la ou les raisons qui les poussent à partir en vacances ensemble. 
  
- * "On s'appelle quoi? Cinq fois par an? Un peu plus quand même, a dit Georges. Ce qui est plus étrange, c'est qu'on ne se voit pas. On s'est vus au réveillon, a dit William. Avec pas mal d'autres, ai-je dit. Georges a raison. On se voit peu et on part en vacances ensemble. Du moment que ça se passe bien, a dit Paul. C'est juste, ai-je dit. On peut peut-être aller dîner, a lancé Louise. Vous gardez vos verres?" (12) +   * "On s'appelle quoi? Cinq fois par an? Un peu plus quand même, a dit Georges. Ce qui est plus étrange, c'est qu'on ne se voit pas. On s'est vus au réveillon, a dit William. Avec pas mal d'autres, ai-je dit. Georges a raison. On se voit peu et on part en vacances ensemble. Du moment que ça se passe bien, a dit Paul. C'est juste, ai-je dit. On peut peut-être aller dîner, a lancé Louise. Vous gardez vos verres?" (12) 
-En fait, ils ne parlent de leurs vacances que pour annoncer que la destination à été modifiée. Le reste du temps, ils échangent des propos assez peu personnels.+En fait, ils ne parlent de leurs vacances que pour annoncer que la destination à été modifiée. Le reste du temps, ils échangent des propos assez peu personnels, discutent de broutilles.
  
 +Plus précisément, Jean explique à plusieurs occasions **comment** ces cinq personnes en sont arrivées à partir en vacances ensemble. Il raconte qu'un tel est l'ami d'un autre, que lui-même a pris la place de son ami qui est mort, etc. Toutefois, au-delà des circonstances, on ignore tout au long du roman **pourquoi** ces cinq personnes partent ensemble et surtout, **pourquoi** ils s'acharnent à partir malgré tout: "Je me suis demandé pourquoi nous nous acharnions à nourrir ce projet de partir ensemble, lequel semblait se présenter 
 +à nous, maintenant, comme une obligation dont nous eussions oublié les causes." (91)
  
 +De même, lorsque Georges emménage avec Jean dans un nouvel appartement, ce dernier s'interroge sur ce qui les pousse à prendre un appartement ensemble. Encore une fois, le "comment" a été expliqué de fond en comble (séparations des chambres, repas, visites de l'appartement, etc.), mais le "pourquoi" demeure inconnu:
 +
 +  * "[Georges] cherchait à positionner ses deux meubles dans sa chambre. Non qu'il eut voulu définir scrupuleusement son territoire, m'a-t-il semblé. Il paraissait plutôt désireux d'en finir, de passer à autre chose. De poursuivre sa vie, peut-être. Il agissait mécaniquement. Je me suis demandé s'il était satisfait d'emménager avec moi, en fin de compte. Je me le suis demandé pour moi aussi. C'était comme si, lui et moi, on agissait sous l'effet d'une pression." (134)
 +
 +Très souvent, Jean, le personnage principal, semble être sur le pilote automatique (très scientifique comme terme, je sais). Il ne dévoile alors aucun de ses désirs, aucune des motivations qui le poussent à agir. Le tout est transmis par une écriture très blanche, froide, ce qui renforce la banalité des actions du personnage et surtout son manque d’intentionnalité :
 +
 +  * "Je pouvais déjeuner n'importe où. Je me suis arrêté dans un café où j'ai pris un croque-madame puis commandé un café. J'ai regardé les gens autour de moi et sur le trottoir, qui passaient avec des airs affairés un peu déconcertants pour un dimanche. D'autres avaient l'air libres, en quelque sorte, mais je les ai trouvés tout aussi déconcertants. J'ai repensé à Morsang-sur-Orge et par association à la maison de ma grand-mère et je me suis senti désarmé, poreux. J'ai envisagé difficilement la fin de l'après-midi. J'ai appelé Agnès, qui était sur répondeur et dont il m'est revenu qu'elle était partie en Corse. J'ai appelé Roberta, mais j'ai interrompu mon appel. Je suis allé au cinéma voir une comédie française qui s'est révélée plutôt bonne et même par endroits subtile, et, quand je suis sorti, j'ai cherché une boutique de DVD ouverte. J'ai trouvé une, j'ai acheté trois DVD et je suis rentré chez moi, où j'en ai regardé deux. Ils n'étaient pas très bons, sans être mauvais, et j'ai hésité à regarder le troisième. Finalement, j'ai regardé le troisième, qui était mauvais. Je me suis levé pour aller voir la voie rapide [depuis sa fenêtre] et je suis allé me coucher sans dîner." (165) 
 +
 +On ignore pour quelle raison il a tenté d'appeler Agnès et Roberta, il mentionne mais ne précise pas son souvenir d'enfance, comme si au fond tout cela importait bien peu. Il dit qu'il est allé se coucher sans dîner, mais ne mentionne nulle part qu'il était fatigué ou avait faim et, surtout, il dit être allé "voir" la voie rapide, alors que normalement, on dirait, aller "regarder", "contempler", etc. "Voir" est un verbe beaucoup plus passif que les deux autres, qui engage beaucoup moins le personnage dans une action. 
 +
 +Noeud d'intrigue: oui. On se demande vaguement si les amis vont vraiment partir en vacances ou si le projet avortera.
 +Péripéties: Chaque nouvelle embûche (séparation de Georges et Christine puis de Paul et Louise, mort de William, etc.) peut être considérée comme une péripétie qui devrait normalement remettre en question l'ensemble du projet, mais qui entraîne simplement un nouvel ajustement de ce projet, comme s'il fallait à tout prix qu'il y ait une résolution, qu'il n'était tout simplement pas envisageable qu'il n'y en ait pas.
 +Résolution: oui. Ils finissent bel et bien par partir. 
  
 ** b) interprétative :** Difficulté/incapacité à donner sens au monde (à une partie du monde) de façon cohérente et/ou conforme à certaines normes interprétatives; énigmaticité et/ou illisibilité du monde; caducité ou excentricité interprétative; etc. ** b) interprétative :** Difficulté/incapacité à donner sens au monde (à une partie du monde) de façon cohérente et/ou conforme à certaines normes interprétatives; énigmaticité et/ou illisibilité du monde; caducité ou excentricité interprétative; etc.
  
-Personnage contemplatif+De la même manière qu'il s'intéressait au "comment" des actions davantage qu'au "pourquoi", Jean aime observer les gens et le monde qui l'entoure, mais observer leurs manifestations, sans nécessairement chercher à comprendre leurs motivations ou leurs raisons. Par exemple, lorsqu'il revient de visiter William, avec Georges:     
  
-À l’expérienceil se rend compte qu’à condition de ne pas trop regarder à la fenêtre le défilé constant de la circulationen s’évitant même de s’en approcher, la vie est supportableQue William meure ou que Georges, qui a souhaité partager avec lui l’appartementaille cohabiter avec la trop belle Samil n’en a cure.+  * "Ettout en marchant avec Georges en direction du boulevard de Port-Royal, où passaient des taxis, je me demandais si Georges n'était pas tout simplement un brave garçon, s'il n'avait pas tout simplement un bon fondMais je m'apercevais aussi que cette question ne m'intéressait pasque je ne m'intéressais pas au fond des gens, que ce qui m'intéressaitchez eux, dans la mesure où je m'y intéressaisc'était ce qu'ils manifestaient, et je me posais plutôt la question de savoir si Georges, après avoir manifesté naturellement de la commisération pour William, ne me témoignait pas tout bonnement une forme d'amitié." (36)
  
-Lorsqu'il revient de visiter William, avec Georges: "Et, tout en marchant avec Georges en direction du boulevard de Port-Royaloù passaient des taxis, je me demandais si Georges n'était pas tout simplement un brave garçons'il n'avait pas tout simplement un bon fondMais je m'apercevais aussi que cette question ne m'intéressait pas, que je ne m'intéressais pas au fond des gensque ce qui m'intéressaitchez eux, dans la mesure où je m'intéressais, c'était ce qu'ils manifestaient, et je me posais plutôt la question de savoir si Georges, après avoir manifesté naturellement de la commisération pour William, ne me témoignait pas tout bonnement une forme d'amitié." (36)+Tous les personnages du roman et particulièrement Jeanil me semble - ne cherchent pas à en apprendre davantage les uns sur les autres. "Dès les premières pages, il apparaît que sous le vernis de leur amitié, les personnages ne se connaissent pratiquement pas. Ils ne savent pas grand-chose de leurs vies personnelles et professionnellesne s’informent que du minimum exigible, ne savent pas où habitent les uns et les autres etquand ils le saventn’sont jamais allés ; ils ne se rencontrent que dans des lieux publics" (Yann Solle, "La multitude solitaire")
  
-Comme s'il y avait des choses qu'il valait mieux ne pas savoir parce qu'elles ne feraient que tout compliquer+L'une de ses interrogations les plus récurrentes dans le roman, c'est si le bruit provenant de la rue en bas de son appartement et la vue qu'il a de cette rue sont des avantages ou des inconvénients de son nouvel appartement. Est-ce qu'ils sont bénéfiques ou nuisibles ? Dans quelle mesure ? Il finit par décider que, d'un certain angle, la vue est acceptable. Doit-on voit là une explication de son comportement, ainsi que le suggère Gilles Archambault dans Le Devoir: pour Jean, "à condition de ne pas trop regarder à la fenêtre le défilé constant de la circulation, en s’évitant même de s’en approcher, la vie est supportable" ? C'est possible. C'est tentant, en tout cas. Comme s'il y avait des choses qu'il valait mieux ne pas savoir parce qu'elles ne feraient que tout compliquer. Le fait d'en savoir peu et donc de s'investir peu dans la vie des autres serait alors une sorte de stratégie de protection. Se déconnecter pour se protéger de la complexité de la vie, pour éviter la surtension. L'image est jolie.
  
-"Dès les premières pagesil apparaît que sous le vernis de leur amitiéles personnages ne se connaissent pratiquement pas. Ils ne savent pas grand-chose de leurs vies personnelles et professionnelles, ne s’informent que du minimum exigible, ne savent pas où habitent les uns et les autres et, quand ils le savent, n’y sont jamais allés ; ils ne se rencontrent que dans des lieux publics"+__Faculté de détachement__ 
 + 
 +Ça n'est pas à proprement parler un problème interprétatif, mais ça vaut la peine d'être mentionné: 
 +  * "Au totalsi mes calculs étaient justes, je n'aurais dans le pire des cas qu'un enfant, et ce avec Roberta Giraudqui ne m'en demanderait sans doute pas d'autreÇa restait énormeévidemment. J'ai tenté de ne plus y penser et j'y suis parvenu assez bien parce que je manquais d'outils pour adopter une position viable. L'implication me demandait un travail d'imagination que je n'étais pas en mesure de fournir et la désinvolture me semblait inappropriée. J'ai donc opté provisoirement pour l'oubli. Ou plus précisément pour le classement. J'ai mis ça dans un coin de ma tête où j'ai immédiatement cessé d'avoir accès.(79)
  
 ==== V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES ==== ==== V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES ====
  
-Validation du cas au point de vue narratif/poétique (voixfiabilité du narrateurregistres fictionnelstemporelstype de configuration narrativeetc.)+Les dialogues sont intégrés dans la narration (voir premier extrait du IVa), ce qui renforce l'impression de banalité des conversations qu'entretiennent les personnages. 
 + 
 +De plusles paragraphes sont très longs et ne s'accordent pas nécessairement avec les changements temporels. Ce rythme inégal ou étrange accentue l'impression de détachement que produit Jean, comme s'il n'était pas non plus normalement sensible au déroulement du temps. Par exempleaux pages 21 à 24: 
 +  - Paragraphe dans lequel Jean est dans le métro avec Georges. 
 +  - Même choseJean et Georges dans le métro. 
 +  - Jean arrive chez lui et se couche. Le lendemain, il arrive au bureau, parle du système solaire avec un collègue dans l'avant-midi, examine différents ouvrages dans l'après-midi, discute avec un collègueétudie la décoration de son bureau. 
 +Ce n'est pas franchement spectaculaire, mais ça titilledisons. 
 + 
 +** Voir aussi** 
 + 
 +Gilles Archambault, "Puisqu'il faut bien vivre":http://www.ledevoir.com/culture/livres/371514/puisqu-il-faut-bien-vivre\\ 
 +Yann Solle, "La multitude solitaire" : http://zone-critique.com/2013/03/14/la-multitude-solitaire/
ranx/en_ville.1381442368.txt.gz · Dernière modification : 2018/02/15 13:56 (modification externe)

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