TODOROV, Tzvetan, « Personnage », Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Ducrot, Oswald et Todorov, Tzevtan (dir.), Paris, Seuil, 1979, coll. « Points », p. 286-292
Résumé
L'article se divise en deux catégories. D'une part, critique et définition du personnage, d'autre part, les typologies.
Dans la première partie Todorov souligne que la catégorie du personnage est restée l'une des plus obscures de la poétique, et l'explique par le fait que les auteurs et critiques manifestent peu d'intérêt pour celle-ci, en réaction, dit-il, contre la soumission au personnage qui fut la règle au XIXe s. « La base de la bonne prose est la peinture des caractères », A. Bennett. L'autre raison serait liée aux multiples catégories auxquelles participent la seule notion de personnage. Sont relevées:
Personnage/personne (lecture naïve, les deux sont confondus, biographie d'êtres de fiction); Personnage et vision/point de vue (la critique du XXe s. aurait réduit la question du personnage à cet aspect. La vision ou point de vue, pour le DESL*, se réfère au rapport entre le narrateur et l'univers représenté); Personnages et attributs; Personnage et psychologie (réduire le personnage à la psychologie, ce qui a donné lieu au « refus » du personnage chez les écrivains du XXe s. La psychologie serait l'effet produit par un certain type de relations entre propositions).
Pour Todorov, une définition opératoire du personnage passe par son inscription dans un cadre, celui de l'analyse propositionnelle des récits. Description à trois niveaux successifs. Premièrement, le personnage est le sujet de la proposition narrative, se réduit à une fonction syntaxique - un sujet - sans contenu sémantique. Attributs, actions sont provisoirement liées à un sujet. Deuxièmement, le personnage constitue l'ensemble des attributs prédiqués au sujet au cours d'un récit. Troisièmement, le personnage est une personne parce que le lecteur le croit; cette interprétation se fait selon des règles inscrites dans le texte.
Dans la seconde partie Todorov s'attarde aux différentes typologies du personnage.
Les typologies formelles : a) personnages dynamiques/statiques (cas du statique, le type) b) importance de son rôle dans le récit c) degré de complexité (plats/épais) d) selon le rapport entretenu par les propositions avec l'intrigue (soumis ou servis par elle)
Les typologies substantielles : rôles et caractères des personnages fixées une fois pour toutes, seules changent les actions (commedia dell'arte, comédie latine, classicisme, boulevard) Typologie « spontanée » théorisée par Propp : 7 sphères d'action qui réunissent un nombre précis de prédicats, correspondent à des rôles. Souriau, au théâtre, a déterminé de son côté des fonctions dramatiques (le représentant du bien souhaité, l'opposant, l'arbitre, la ressource). Greimas a synthétisé les deux typologies et a introduit la notion d'actant (Sujet, objet, destinateur, destinataire, opposant, adjuvant). Leur relation forme le modèle actantiel. Personnage conçu en dehors de tout prédicat (au contraire de Propp).Todorov termine l'article sur la question de la caractérisation (nom, directe/indirecte)
*Selon le DESL, les rapports entre auteur implicite, narrateur, personnage et lecteur implicite (celui dont on parle, celui qui parle et celui à qui l'on parle) définissent dans leur variété la problématique de la vision. Plusieurs variables susceptibles de combinaisons : le contexte d'énonciation; l'identité du narrateur; la présence du narrateur; les distances du narrateur; la « science » du narrateur; les moyens linguistiques qui assurent l'expression de ces catégories de la vision.