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Notice bibliographique : DELISLE, Michael, // Dée//, Montréal, Léméac, 2002, 125 p. | **I- MÉTADONNÉES ET PARATEXTE** |
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| Auteur : Michael Delisle |
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== Résumé de l’œuvre : == | Titre : Dée |
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Dans les années 50, les campagnes de la rive sud de Montréal sont peu à peu transformées en banlieues. Audrey Provost, que tout le monde appelle Dée, voit son environnement changer : les gens déplacent leurs maisons pour qu'elles suivent le tracé des nouvelles rues, son père doit se débarrasser de ses cochons, les gens abattent les chiens errants dans les dépotoirs. Sarto Richer, qui a une dette de jeu envers le père de Dée et visiblement un faible pour sa mère, vient souvent à la maison parce qu'il dit pouvoir aider monsieur Provost à conserver ses animaux. Or, un soir, les porcs des Provost se font égorger, le voisinage ne supportant pas une soue dans leur belle banlieue neuve. | |
Quelques années plus tard, à seize ans à peine, Dée tombe enceinte de Sarto. Les parents s'entendent immédiatement pour que Sarto épouse Dée, malgré leurs quelques dix ans d'écart. Mieux nantis, les Richer achètent au jeune couple une maison toute neuve dans une banlieue en construction. En attendant que leur demeure soit prête, Dée passe ses journées à regarder passer les voitures vers les États-Unis au Misty Motel pendant que Sarto se cherche un emploi de camionneur. Coquette, grande amateure des magazines américains, Dée pense plus à imiter Marilyn Monroe et Grace Kelly qu'à la nouvelle vie qui l'attend. | |
La maison fin prête, le couple s'installe, mais Dée se retrouve de nouveau seule avec un ménage à entretenir et un bébé à élever. L'enfant la contrarie : il pleure pour rien, reste maigre même si elle lui donne une poche de purée une fois de temps en temps. Sa solitude l'écrase : elle épie les voisins sans oser les aborder et trompe l'ennui en ayant une brève aventure avec le livreur de journaux. Quand Sarto l'apprend, il entre dans une colère noire et informe la mère de Dée du comportement de sa fille. Tous la poussent à consulter un docteur - qui la gave de pilules - mais Dée et son fils restent tout de même englués dans leur profonde solitude. | |
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== Narration : extradiégétique, hétérodiégétique, focalisation interne sur Dée, mais pas de façon constante == | Éditeur : Léméac |
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Explication : La narration est étrangement détachée de l'univers du récit. Les évènements sont rapportés de façon purement factuelle, de manière saccadée. Le lecteur a accès aux pensées de Dée, mais de façon très superficielle : il connaît ses idées sur telle robe neuve ou sur l'agencement de sa maison, mais ignore presque totalement ses sentiments. La narration traduit le rapport au monde de Dée : toujours dirigée par les autres - sa mère, son mari, la nature - elle est dépassée par les évènements et ne comprend pas vraiment leur importance ou son rôle dans ces situations. L'absence totale d'interprétation des gestes des personnages rend chaque scène pleine de sous-entendus. | |
Une seconde lecture laisse par exemple croire que Dée aurait peut-être servi de prétexte à sa mère pour pouvoir fréquenter Sarto. Dée est constamment utilisée par les autres personnages. Un exemple explicite de sa vulnérabilité ouvre le roman : la petite fille part tous les vendredis avec un vieux vétérinaire qui l'amène jouer sur une ferme à quelques heures de chez elle. Une fois l'enfant endormie par un médicament sensé soigner ses dents cariées, le docteur se livre à des attouchements dont la fillette n'est pas consciente. Dès la puberté de Dée, sa mère fait en sorte que le docteur ne la voit plus. La conversation entre eux est racontée du point de vue de Dée qui n'entend pas les propos de sa mère. | |
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| Collection : -- |
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== Personnage(s) en rupture : Dée == | |
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| Année : 2002 |
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== A) Nature de la rupture : interprétative et actionnelle == | Éditions ultérieures : Réédité en 2007 à la Bibliothèque québécoise |
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Explication : Dée semble incapable d'interpréter le monde qui l'entoure. On lui demande toujours de ne pas déranger, ne pas chanter, ne pas parler ni faire de bruit. Elle agit selon la volonté des autres, d'abord sa mère, son père, puis son mari. Sa soumission fait d'elle un personnage généralement passif; les initiatives qu'elle prend, aussi minimes soient-elles - aller parler au voisin, accrocher un miroir - sont toujours désapprouvées ou punies, même par les personnages bienveillants (comme son voisin qui la réprimande parce qu'elle lui a demandé de lui montrer son dentier). | |
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| Désignation générique : aucune sur l’édition de 2002 |
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== B) Origine de la rupture : actorielle et mondaine == | |
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Explication : Le personnage de Dée est plongé dans un attente constante qui la confine à la passivité. Toutefois, son isolement est en grande partie causé par les gens qui l'entourent. | Quatrième de couverture : ND |
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| **II- CONTENU GÉNÉRAL** |
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== C) Manifestations : affectives, postures passives == | Résumé de l’œuvre : |
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Explication : Dée entretient peu de rapports affectifs avec les autres : sa relation avec Sarto semble reposer plus sur un désir d'avoir de l'attention que sur l'amour. Sa relation avec son bébé est marquée par l'irritation, même une sorte de haine (p. 107 : « Meurs...Meurs...Meurs donc...»). Plus préoccupée par ses robes, ses mimiques de stars, les hommes et son chien, Dée n'a pas de lien affectif suffisant avec son fils pour remplir son rôle de mère. Elle apparaît comme une enfant plongée trop vite dans une vie d'adulte. | Dans les années 50, les campagnes de la rive sud de Montréal sont peu à peu transformées en banlieues. Audrey Provost, que tout le monde appelle Dée, voit son environnement changer : les gens déplacent leurs maisons pour qu'elles suivent le tracé des nouvelles rues, son père doit se débarrasser de ses cochons, les gens abattent les chiens errants dans les dépotoirs. Sarto Richer, qui a une dette de jeu envers le père de Dée et visiblement un faible pour sa mère, vient souvent à la maison parce qu'il dit pouvoir aider monsieur Provost à conserver ses animaux. Or, un soir, les porcs des Provost se font égorger, le voisinage ne supportant pas une soue dans leur belle banlieue neuve. Quelques années plus tard, à seize ans à peine, Dée tombe enceinte de Sarto. Les parents s'entendent immédiatement pour que Sarto épouse Dée, malgré leurs quelques dix ans d'écart. Mieux nantis, les Richer achètent au jeune couple une maison toute neuve dans une banlieue en construction. En attendant que leur demeure soit prête, Dée passe ses journées à regarder passer les voitures vers les États-Unis au Misty Motel pendant que Sarto se cherche un emploi de camionneur. Coquette, grande amateure des magazines américains, Dée pense plus à imiter Marilyn Monroe et Grace Kelly qu'à la nouvelle vie qui l'attend. La maison fin prête, le couple s'installe, mais Dée se retrouve de nouveau seule avec un ménage à entretenir et un bébé à élever. L'enfant la contrarie : il pleure pour rien, reste maigre même si elle lui donne une poche de purée une fois de temps en temps. Sa solitude l'écrase : elle épie les voisins sans oser les aborder et trompe l'ennui en ayant une brève aventure avec le livreur de journaux. Quand Sarto l'apprend, il entre dans une colère noire et informe la mère de Dée du comportement de sa fille. Tous la poussent à consulter un docteur - qui la gave de pilules - mais Dée et son fils restent tout de même englués dans leur profonde solitude. |
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Seule, sans emploi ni réels projets, Dée attend que les autres - le laitier, les voisins, son mari- viennent interagir avec elle. Elle dort souvent, longtemps, à tout moment : son habitude de tuer le temps en dormant est une constante du personnage. Enfant, elle dort d'épuisement, puis d'ennui, puis, à la fin du roman, à cause des médicaments. Le sommeil n'est pas une façon de s'évader (le terme sous-entend un désir de changement qui ne sembla pas animer le personnage)mais plutôt un moyen pour que le temps passe sans elle. | Thème(s) : urbanisation des campagnes, solitude, enfance, maternité, mariage, pauvreté, dépression |
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| **III – JUSTIFICATION DE LA SÉLECTION** |
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== D) Objets : == | Explication (intuitive mais argumentée) du choix : Le titre figurait dans la bibliographie du projet ! |
| Appréciation globale : Le roman rend compte avec beaucoup de finesse de la solitude de Dée et de la pauvreté (affective, matérielle, intellectuelle) dans laquelle elle évolue. On sent que le regard est sociologique : la situation du personnage semble emblématique de la situation vécue par de nombreuses personnes à la même époque. L’œuvre est à mon avis intéressante pour le projet car elle présente un personnage déphasé malgré lui, mais sans le caractère ludique de beaucoup d’autres romans des mêmes années. |
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Explication : | **IV – TYPE DE RUPTURE** |
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| **Validation du cas au point de vue de la rupture** |
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== E) Manifestations spatiales : ... == | **a) actionnelle : remise en question de l’intention (et éventuellement de la motivation); présence ou absence d’un nœud d’intrigue et d’une résolution; difficulté/incapacité à s’imaginer transformer le monde (à s’imaginer le monde transformable), etc. : |
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Lieux représentés : la campagne qui devient banlieue, la maison neuve des jeunes mariés, le quartier résidentiel en plein développement. | |
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| Dée semble totalement dépourvue d’intention ; elle est plongée dans une attente constante qui la confine à la passivité. Elle attend que les autres - le laitier, les voisins, son mari- viennent interagir avec elle, ce qui fait qu’elle est constamment utilisée par les autres personnages et ne semble même pas s’en rendre compte. Une fois que les autres ont eu ce qu’ils voulaient d’elle, ils l’abandonnent et Dée retrouve démunie, malheureuse, mais sans volonté – ni même l’idée – d’améliorer sa situation, ce qui fait que cette situation est sans résolution possible. . Sa soumission fait d'elle un personnage généralement passif; les initiatives qu'elle prend, aussi minimes soient-elles - aller parler au voisin, accrocher un miroir - sont toujours désapprouvées ou punies, même par les personnages bienveillants (comme son voisin qui la réprimande parce qu'elle lui a demandé de lui montrer son dentier). |
Explication : Sur le quart de couverture, on fait un lien entre le destin des terres dans les années 50 et celui de Dée. Tous deux passent de « la misère à l'opulence, au prix de leur histoire ». Le passage de la terre de son enfance à la banlieue contribue à isoler la jeune femme. Le caractère à la fois cloisonné et communautaire de la banlieue influence son attitude : isolée dans sa maison, Dée est en même temps exposée aux regards de tous car la proximité fait en sorte que tous les voisins peuvent savoir ce qui se passe chez elle. | Seule, sans emploi ni réels projets, Dée dort souvent, longtemps, à tout moment : son habitude de tuer le temps en dormant est une constante du personnage. Enfant, elle dort d'épuisement, puis d'ennui, puis, à la fin du roman, à cause des médicaments. Le sommeil n'est pas une façon de s'évader (le terme sous-entend un désir de changement qui ne sembla pas animer le personnage) mais plutôt un moyen pour que le temps passe sans elle. |
| Dée entretient aussi peu de rapports affectifs avec les autres : sa relation avec Sarto semble reposer plus sur un désir d'avoir de l'attention que sur l'amour. Sa relation avec son bébé est marquée par l'irritation, même une sorte de haine (p. 107 : « Meurs…Meurs…Meurs donc…»). |
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== F) Citations pertinentes : == | **b) interprétative : difficulté/incapacité à donner sens au monde (à une partie du monde) de façon cohérente et/ou conforme à certaines normes interprétatives; énigmaticité et/ou illisibilité du monde; caducité ou excentricité interprétative; etc.** |
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p. 81 : « Monsieur Czerwinsky reste interdit une seconde, ne sachant que faire, voyant bien que la jeune fille semble honnête. Il surmonte son embarras et lui dit que ce qu'elle vient de faire, demander ça [montrer son dentier] à un étranger, ça ne se fait pas. Il voit bien qu'elle est sans malice, mais il ne faut plus qu'elle fasse ça. Ça ne se fait pas. On ne demande pas aux gens de sortir leur dentier, en plein jour par dessus le marché. Sa fille à lui n,aurait jamais fait ça. Il lui dit ça pour lui rendre service. | Dée semble incapable de bien donner sens au monde; comme elle est généralement passive, elle n’a pas de réel besoin – ni de réel désir, semble-t-il – de comprendre le monde dans lequel elle vit. |
- Je le ferai plus... | |
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Il n'a pas entendu son murmure. Dée se répète en baissant les yeux. » | |
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| **V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES** |
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| **Validation du cas au point de vue narratif/poétique (voix, fiabilité du narrateur, registres fictionnels, temporels, type de configuration narrative, etc.) |
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| Narration extradiégétique, hétérodiégétique, focalisation interne sur Dée, mais pas de façon constante. |
| La narration est étrangement détachée de l'univers du récit. Les évènements sont rapportés de façon purement factuelle, de manière saccadée. Le lecteur a accès aux pensées de Dée, mais de façon très superficielle : il connaît ses idées sur telle robe neuve ou sur l'agencement de sa maison, mais ignore presque totalement ses sentiments. La narration traduit le rapport au monde de Dée : toujours dirigée par les autres - sa mère, son mari, la nature - elle est dépassée par les évènements et ne comprend pas vraiment leur importance ou son rôle dans ces situations. |
| L'absence totale d'interprétation des gestes des personnages rend chaque scène pleine de sous-entendus. Une seconde lecture laisse par exemple croire que Dée aurait peut-être servi de prétexte à sa mère pour pouvoir fréquenter Sarto. |
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| [[Dée - Ancienne fiche]] |
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