Table des matières
FICHE DE LECTURE
I- MÉTADONNÉES ET PARATEXTE
Auteur : Chabin, Laurent
Titre : Corps perdu
Éditeur : Triptyque
Collection : -
Année : 2008
Éditions ultérieures : -
Désignation générique : roman (couverture)
Quatrième de couverture :
C’est une vieillarde décharnée, édentée, encroûtée dans une crasse répugnante; elle croupit dans une chambre close et obscure depuis elle ne sait plus combien d’années, dans un état de délabrement effroyable, nue, vautrée parmi la vermine et les déjections accumulées.
Pourtant, son désir est intact. Un désir brûlant, dévorant…
Et de ce squelette ignoble naissent des fantasmes de lumière, de jouissance éruptive et d’orgasmes déferlants qui éclatent en images et font exploser le lieu sordide de sa longue réclusion – en attendant l’arrivée d’un invraisemblable prince charmant.
La prochaine fois que j'irai chez ma grand-mère, je passerai par le bois, j'aurai mis un béret rouge sur ma tête pour que tu me voies arriver de loin et dans un panier un petit pot de beurre pour que ça glisse mieux. Je sentirai ta présence dans le bois derrière chaque tronc, derrière chaque buisson, derrière chaque feuille, tu seras là, partout, et ton odeur forte de fauve affamé, mais je ne verrai que ton ombre dans l'ombre plus profonde du bois et ça me rendra folle.
Laurent Chabin est né en France et a essayé plusieurs pays avant de s'installer en Alberta, où l'homme est rare et l'ours mal léché. Il est mort à un âge très avancé, comme il le raconte dans deux de ses romans, L’âge d’or (2001) et L’âge de plomb (2003), parus aux Éditions Point de fuite. En 2006, chez Triptyque, il faisait paraître Écran total.
II- CONTENU GÉNÉRAL
Résumé de l’œuvre :
Une femme dont l'âge est incertain (“vieillarde décharnée, édentée, encroûtée”, dit la 4e de couverture, mais elle semble plus maganée que vieille) vit cloîtrée dans la chambre de la maison de ses parents âgés. Ceux-ci l'y ont enfermée à l'adolescence dans l'espoir de dissimuler sa grossesse au voisinage et, subséquemment, de réfréner ses pulsions sexuelles malsaines (c'est au-delà de la simple anormalité). C'est que, dans son enfance et son adolescence, un amant dont ne sait à peu près rien lui a fait connaître les joies du sexe à travers divers scénarios dépravants: trio avec un porcelet dans la cabane à outils, jouissance avec une branche de chêne habilement sculptée, etc. Bien sûr, à force de collectionner sans tabou les anormalités/perversions sexuelles, la jeune fille tombe enceinte. Elle accouche seule dans sa chambre de son foetus qu'elle conservera et défendra comme un trésor inestimable. En fait, elle accumule tout ce qui sort de son corps (oui: tout) dans un tas qu'elle nomme poétiquement “le tas”. Pendant des années et des années, dans sa chambre qu'elle ne quitte pas, son coeur et surtout son corps se languissent de son amant disparu. Pour oublier son absence, elle se “remplit” frénétiquement avec les pieds de son lit, elle se vautre dans le tas, hume fiévreusement celui-ci parce qu'il lui rappelle, malgré les asticots, les coquerelles et les diverses immondices, le plaisir qu'elle a ressenti dans les bras de son amant.
Heureusement, cette histoire prend fin lorsque, suite à une dénonciation, elle est découverte par les autorités et, je le souhaite de tout coeur, placée dans un hôpital psychiatrique. On apprend seulement à ce moment - ce n'est plus elle la narratrice - qu'elle s'appelle Blanche.
Thème(s) : Enfance, sexualité, enfermement, déchéance.
III – JUSTIFICATION DE LA SÉLECTION
Explication (intuitive mais argumentée) du choix :
Blanche est enfermée dans sa chambre pendant une bonne partie du roman (i.e. toutes les scènes qui ne sont pas des souvenirs de son enfance) et ses actions visent uniquement à satisfaire des besoins sensibles: nourriture, sexe, caresses, odeurs (le tas). Quant à son interprétation, si vous avez lu le résumé, vous devez vous douter qu'elle est pour le moins problématique.
Appréciation globale :
Heureusement, le roman est bien écrit. Sinon, il serait impossible de traverser ce délire sordide de pulsions extravagantes. Heureusement, aussi, que ce n'est pas trop long…
IV – TYPE DE RUPTURE
Validation du cas au point de vue de la rupture
a) actionnelle :
Motivation: retrouver son ancien amant (ou n'importe quoi qui s'y rapproche)
Intention: tout faire pour ressentir du plaisir
Logique sensible
Bien qu'il ne s'agisse pas d'un roman érotique ou pornographique, le personnage de Blanche est complètement dominé par ses instincts, disons, primaires. Quand elle est vieille et encroûtée à des endroits stratégiques, dans sa chambre, elle mange pour se sustenter, elle s'assoit sur ses pieds de lit aux formes suggestives pour satisfaire ses pulsions sexuelles et joue avec son tas qui agit un peu comme un objet de transfert amoureux en la comblant d'odeurs familières et de caresses. Je sais, c'est dégueux.
Même dans sa tendre enfance (elle était plutôt précoce…), Blanche est soumise aux plaisirs de la chair, c'est pourquoi, entre autres, elle se livre allègrement aux copulations les plus débridées, est attiré par tout ce qui a une forme vaguement phallique (couleuvres dans le champ, légumes au marché) et refuse de porter autre chose qu'une simple robe : c'est très rapide à enlever ou à remonte. Par ailleurs, mentionnons qu'à son avis, les sous-vêtements ne sont que des entraves inutiles qui l'empêchent de jouir (aux sens général et particulier) du monde autour.
Enfin, jeune ou vieille, elle ne ressent aucune inhibition, ce qui explique qu'elle examine son pochon (comme elle nomme son sexe vu qu'elle y met toutes sortes de choses un peu comme un kangourou…) devant les autres, poursuive ses camarades de classe en brandissant son pouce maculé de sang menstruel, retire sa robe pendant la classe, etc.
Bref, Blanche ne prend jamais de décision. C'est la recherche du plaisir qui la rend folle (ou peut-être l'était-elle déjà) et qui guide ses actions. Je ne crois pas qu'elle pose un seul geste, dans le roman, qui ne soit pas motivé par une récompense sensuelle au sens large, c'est pourquoi, je pense, on peut parler d'une logique du sensible.
b) interprétative : Honnêtement, je crois avoir tout dit au paragraphe précédent. Blanche est une nymphomane (ou hypersexuelle) qui recherche constamment le plaisir sexuel. Le fait d'être enfermée pendant des années et des années ne fait que décupler ses envies et les rendre encore plus… dépravées.
V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES
Tout me semble assez normal. Bien sûr, la narratrice est pas mal cinglée, mais son récit n'est pas non fiable pour autant.