Table des matières
FICHE DE LECTURE
I- MÉTADONNÉES ET PARATEXTE
Auteur : Barbe, Jean
Titre : Comment devenir un monstre
Éditeur : Leméac
Collection : -
Année : 2004
Éditions ultérieures : -
Désignation générique : roman
Quatrième de couverture :
Rien n'avait changé, sauf le soleil, un peu plus bas sur l'horizon. Sur les montagnes de gravats, les enfants jouaient toujours en poussant de petits cris. Ils étaient une dizaine, aux vêtements déchirés, inconscients des luttes de leurs parents, de leurs sanglots refoulés. Sur les ruines de leur ville, ils jouaient. Ils n'étaient que des enfants, crottés, hirsutes, rêveurs. Des petits monstres.
Un homme, surnommé le Monstre, refuse de parler et attend, en prison, la tenue de son procès. Venu de l'étranger pour l'assister, un avocat cherche à découvrir les raisons de son mutisme et les circonstances entourant ses crimes. Et s'il n'y avait rien à comprendre? Si la folie des hommes ordinaires avait pavé la voie à la naissance du Monstre? Sur les traces de son client, dans un pays qui se relève à peine d'une guerre fratricide, l'avocat est plongé bien malgré lui au coeur d'une grande tragédie.
Récit d'aventure, histoire d'amour, quête philosophique, Comment devenir un monstre se lit comme un roman policier où tout le monde serait à la fois coupable et innocent. Ce texte d'un souffle vif et soutenu porte un regard lucide sur la condition humaine, ses parts d'ombre mais aussi ses grands moments de rédemption.
II- CONTENU GÉNÉRAL
Résumé de l’œuvre :
François Chevalier, avocat alcoolique sur le point de perdre sa femme et cherchant un sens à sa vie, s'inscrit à Avocats sans frontières pour tenter de se sentir vivant. Quittant presque avec soulagement sa famille, il va s'installer dans un pays innommé pour y assurer la défense du Monstre, ancien révolutionnaire accusé de crimes de guerre immondes. Devant le mutisme de son client, l'avocat va enquêter. Alors qu'on le suit sur les traces du Monstre, accompagné d'un guide mi-lutin, mi-ganster, certains chapitres sont narrés par le Monstre lui-même, donnant accès directement à sa voix et à son expérience, infirmant ou justifiant parfois les intuitions de l'avocat. On découvre les parents du Monstre, pauvres vieux vivant dans les ruines de leur maison, sa jeunesse d'enfant sensible, son frère pacifiste maintenant en exil, sa passion pour la cuisine, les hommes qu'il a nourri à la scierie alors qu'on l'appelait le Chef, Maria, son seul amour, Manu, son fils adoptif. On sent naître avec lui la révolte qui bientôt les emportera tous. La guerre, la guérilla dans son cas, le révèlera à lui-même. Parallèlement, François comprend de plus en plus comment peut naître la violence chez chaque homme, cesse de boire et apprend à manier une arme. Découvrant finalement que le gouvernement le mène en bateau et que le Monstre n'est qu'un bouc émissaire; ce n'est pas en raison de ses crimes qu'on le juge mais parce qu'il s'est battu du côté des perdants. Il acceptera de parler à l'avocat à la fin, quand ce dernier aura parcouru assez de chemin dans sa compréhension et lui subtilisera sa plume pour s'ouvrir les veines dans sa cellule, restant maître de lui jusqu'à la fin. Survivant à un attentat terroriste en rentrant chez lui, on sent que François n'est plus le même homme (il sauvera probablement son mariage).
Thème(s) : Guerre, violence, justice
III – JUSTIFICATION DE LA SÉLECTION
Explication (intuitive mais argumentée) du choix : François ne peut comprendre Viktor Rosh, dit le Monstre, c'est assez clair. D'une certaine façon, les deux histoires parallèles illustrent bien comment on ne peut reconstituer le sens d'une action passée qu'à l'aide de fragments, de regards contradictoires sur un même geste. Mais c'est à peu près tout pour la rupture.
Appréciation globale : L'histoire est bien construite et empreinte d'une réelle sensibilité. Cependant, le flou concernant le pays où le récit se déroule, plutôt que l'ancrer dans l'universel, tend à lui enlever son réalisme. Pourquoi l'avocat étranger n'a-t-il aucun problème de communication avec ceux qui l'entourent? Pourquoi les vieux parents isolés du Monstre répondent-ils aux questions de l'avocat en longs paragraphes poétiques? La révolte de François vers la fin, même si on la voit venir depuis le début, semble un peu maladroite. C'est finalement l'histoire du monstre par lui-même qui est la plus intéressante à suivre.
IV – TYPE DE RUPTURE
Validation du cas au point de vue de la rupture
Du point de vue de l'action, tout va bien ici. Les personnages ont des intentions, parfois cachées, mais présentes, expliquées de long en large par des facteurs économiques, psychologiques, voire inconscients. Ils agissent sans cesse. Il n'y a que lorsque le Monstre tue que ses pensées nous sont refusées. Au tout début lorsqu'il tire sur un homme avec un drapeau blanc et à la fin lorsqu'il ouvre froidement la gorge à un nourrisson qui pleurait. On peut lire ses épisodes comme l'illustration du meurtre comme plus grande rupture possible avec le genre humain, mais c'est peut-être fort. Enfin, la rupture interprétative n'est que temporaire dans ce récit policier où tous les éléments se mettent en place pour que justement on en vienne à comprendre, expliquer, analyser, justifier ce qui s'est passé.
V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES
Narration autodiégétique qui alterne entre François et le Monstre. Le chapitre 6 rompt avec l'unité du roman en proposant un dialogue identifié comme tel comme au théâtre, la reproduction d'un bulletin de télévision, des courriels et même un monologue intérieur lui aussi annoncé. Sinon, c'est assez conventionnel.