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Notice bibliographique : LAVERDURE, Bertrand, Bureau universel des copyrights, St-Fulgence, La Peuplade, 2011, 219 p.
Résumé de l’œuvre :
Le personnage de ce récit ne cesse de chuter et de se démembrer. Il est constamment victime des événements. Tantôt en Belgique, tantôt à Montréal, il rencontre toutes sortes de gens qui prennent parfois l’allure d’automates. Les Schtroumpfs farceurs armés de leurs cadeaux explosifs semblent le pourchasser, de même que les touristes littéraires qui ont payé pour être les témoins de ses aventures et qui, un moustachu à leur tête, prendront tôt ou tard le rôle de malfaiteurs narratifs. Le personnage principal perd d’abord sa jambe (tranchée par un écureuil agressif), qu’il remplace par une prothèse chantante nommée Bis, puis ses deux auriculaires et enfin, son bras droit, remplacé par un bras de chocolat. Après divers incidents totalement inattendus, il finit par atterrir au Bureau universel des copyrights où on lui explique que chaque chose du monde matériel est possédée par quelqu’un et même par plusieurs personnes à la fois. En fait, lui-même ne s’appartient pas…
Narration : autodiégétique et hétérodiégétique
Explication : La plupart du temps, le récit se raconte au « JE ». Cependant, lors de certains passages, ce « JE » laisse sa place à un autre narrateur, extérieur au récit. Soit cet autre narrateur représente la scène à la façon d’un texte dramatique (avec didascalie, dialogue et monologue), soit il raconte les actes des touristes littéraires plus tard appelés malfaiteurs narratifs. Il intervient également à la toute fin du récit (le dernier chapitre, d’une seule page, est écrit en mandarin; on retrouve la traduction de cette page dans les notes de l’auteur).
Ce récit se présente en fait comme diverses scénettes qui se juxtaposent, sans lien entre elles. Les seuls éléments qui les lient sont : la présence du personnage principal, de personnages secondaires récurrents ou d’événements similaires qui se répètent.
Personnage(s) en rupture : Le personnage principal
A) Nature de la rupture : Actionnelle
Explication : Le personnage est toujours désorienté face aux faits, aux événements et aux autres personnages qu’il rencontre (tout comme le lecteur, d’ailleurs). Il a du mal à saisir le sens des choses auxquelles il se confronte et donc, doute toujours de la bonne manière d’agir. De toute façon, il n’a aucun contrôle sur le monde ni sur le surgissement des événements. Il est une simple victime, manipulée par son univers fictionnel.
B) Origine de la rupture : Mondaine (le monde)
Explication : Dans ce récit, le monde est complètement insaisissable. Surviennent toutes sortes de bizarreries auxquelles se confronte le personnage. En fait, le personnage a conscience d’être un personnage, ou plutôt, il a appris à l’être : « La police ne vient pas, parce que la police ne se déplace jamais pour emprisonner un personnage. Les personnages ont la belle vie […]. J’ai tranquillement appris à devenir un personnage. C’est un apprentissage de chaque instant. Je ne l’étais pas au début de ce livre et je le suis devenu. » (p.52-53). En effet, lorsqu’on commence la lecture du récit, tout semble normal et le personnage semble être un homme très lucide. Cela, jusqu’à ce que bascule le récit dans un univers invraisemblable, par l’apparition du Schtroumpf farceur que le personnage ne peut nier. Ainsi, il a beau se poser des questions et chercher des réponses, le personnage ne se surprend pas des bizarreries du monde puisqu’il se sait personnage au sein d’un monde fictionnel. Dépossédé de lui-même, il n’a d’autre choix que de se laisser manipuler dans un univers contrôlé par des gens se trouvant plus haut placés. Il ira même jusqu’à dire : « l’anomalie, c’est moi. » (p. 71) et « Bruxelles me supporte » (p. 81), démontrant ainsi l’écart entre la force du monde et la sienne (le monde semble avoir des volontés alors que lui ne peut pas en avoir).
C) Manifestations : Interprétative et actionnelle
Explication : Interprétative : Le personnage se questionne sans cesse, fait face à des choses qu’il peine à interpréter. Il ne peut comprendre le fonctionnement du monde dans lequel il se trouve.
« Mon propre entendement a abdiqué. J’ai jeté la serviette. Ma vie n’est plus qu’une suite d’interruptions ridicules du flux espace-temps qui ne méritent pas que je m’en soucie. Je reste philosophe. Si je respire et que tous mes membres fonctionnent, j’ai encore deux ou trois trucs à entreprendre en ce monde. » (p. 111).
Actionnelle : Puisque le personnage n’a aucun contrôle sur le monde et qu’il ne cesse d’être transporté d’un endroit à l’autre, surpris par le surgissement instantané des différents événements auxquels il doit faire face, il ne peut pas être un agent au sens fort du terme. Le plus souvent, il fait ce qu’on lui demande, tente de suivre les indications qu’on lui donne, ou ne fait que subir les conséquences des événements. Victime et manipulé, il est complètement soumis au monde.
« Mes pieds font des microcercles sur le tapis de la salle. Tête, cou, épaules en état de grande passivité laissent les événements prendre le dessus. » (p. 68)
« - Pour vous donner l’heure juste, vous faites vous-même l’objet de plusieurs copyrights. Vous n’êtes pas en possession de ce qui vous constitue […] Les actionnaires, dans notre jargon les Po.Te., sont à l’origine de nos gestes, de nos comportements et de nos actions. -Je me suis toujours senti dépossédé, certes, surtout dernièrement. -Se posséder est impossible parce que plusieurs personnes achètent des options sur notre destinés dès notre conception. -Et ma chère trompée ne saura jamais qui la trompe, si je comprends bien. -Vous êtes un tableau d’Arcimboldo, un vaste chantier d’amusement. C’est un honneur. » (p. 104-105).
D) Objets :
Explication :…
E) Manifestations spatiales :
Lieux représentés :
F) Autres citations pertinentes et hypothèses de lecture :
« Vous pourriez commenter en ajoutant que “c’est ça, la vraie vie”, qu’il “n’y a que ça”, que tout ce qu’on souhaite, c’est de trouver un moment dans la journée où l’on s’accorde cette détente légitime, ce vague sentiment de paix tolérée. Notre corps ayant trouvé refuge dans l’avachissement délétère, hors de la circulation effrénée des marchandises et des biens, de la robotisation et de la numérisation de nos modes de vie… » (p. 68).
À la lumière de cette citation, on pourrait proposer l’hypothèse de lecture suivante : Tout le non sens et l’absence de contrôle que les personnages ont sur leur vie, le fait qu’il sont dépossédés d’eux-mêmes, pourrait être une critique de notre mode de vie organisé et axé sur le travail. D’ailleurs, la plupart des personnages secondaires semblent être des automates ou des être programmés dans un but précis. D’abord, le schtroumpf farceur qui n’est là que pour offrir ces cadeaux explosifs à tous les passants, ensuite, le collectionneur de béquilles ou prothèses qui répète plusieurs fois la même phrase et dont la bouche s’empâte juste avant qu’il explose. De plus, celui qui confectionne le bras de chocolat semble mécanisé plus que tout autre, puisqu’il répète le même geste ou la même phrase jusqu’à ce que le personnage principal dise « OK », après quoi il peut passer à la prochaine action en l’attente du prochain « OK », et ainsi de suite.
Bien sûr, cela n’est qu’une proposition de lecture. Le récit n’est peut-être que pure folie où l’auteur s’amuse à déconstruire le genre narratif à la manière d’un anti-romancier. On n’a qu’à penser aux incessantes ruptures au sein de la narration, à la présence de différents genres à l’intérieur du récit, à l’usage de deux langues (avec le mandarin à la fin), à l’intertextualité (plusieurs œuvres littéraires ou artistiques sont citées, de même que sont présents des personnages issus d’autres univers fictionnels : schtroumpf farceur et personnages de Manga japonais), à la conscience qu’a le personnage de n’être qu’un personnage et enfin, aux nombreux commentaires méta-narratifs qui théâtralisent le texte et mettent de l’avant les rouages de la fiction.
Enfin, selon Sophie qui a déjà eu l’occasion de parler avec l’auteur, il s’agirait d’un univers de jeu vidéo… Tous ceux qui possèdent des copyrights sur le personnage principal seraient donc les joueurs qui le contrôlent? Et toutes les scènes interrompues qui constituent le récit seraient les différents tableaux de ce jeu.